Hello !

Et voilà le chapitre du mercredi à peine en retard ! ;)
On a bien senti que vous l'attendiez celui-ci ! On espère donc qu'il répondra à vos attentes !

Stella : Mais oui t'inquiète ils se parlent :) et c'est ça qui est beau avec eux ;) C'est qu'ils surmontent une à une leurs peurs et leurs angoisses en discutant ! Merci pour ta review !


AOMINE

Le lendemain matin, il se réveille avant l'alarme avec un sentiment d'anxiété, comme s'il avait oublié quelque chose d'important. Il se tourne dans le lit et est un peu soulagé de trouver son homme étendu près de lui. Il se colle contre lui et referme les yeux sans avoir regardé l'heure. Tout ce qui compte, c'est que l'alarme n'a pas sonné... Alors il a encore un peu de temps devant lui pour profiter du calme.

KAGAMI

Il a mis du temps à s'endormir. Il a beaucoup bougé et craint à plusieurs reprises de réveiller son homme, mais Aomine a le sommeil plutôt lourd heureusement. Il le sent vaguement venir à son contact. Il passe son bras autour de lui, il ne se réveille pas vraiment et continue sa nuit jusqu'à ce que l'alarme retentisse.

Fuck.

Il grogne et tend le bras pour l'éteindre. Aussitôt, il se rappelle de la raison de son agitation de la veille. Il a envie que cette journée soit déjà terminée. Il caresse doucement les cheveux de Daiki qui est à présent dans ses bras, sans qu'il n'ait conscience du moment où il est venu se réfugier ici, mais il ne s'en plaint pas.

AOMINE

Il ne s'est pas rendormi, dérivant dans ses pensées un peu angoissées, jusqu'à ce que l'alarme sonne. Il pose un baiser sur l'épaule de son homme et marmonne contre son torse :

« Hm... vivement le week-end, hein...

— Ouais... »

KAGAMI

Vivement l'entraînement déjà pour ne pas avoir à réfléchir. Il a comme un poids qui pèse sur son coeur et son estomac. Sa voix n'est pas très stable, il murmure néanmoins.

« J'vais aller préparer le petit déj... Café ?

— J'te suis... J'm'en occupe... »

AOMINE

Il se détache de son homme après avoir posé un autre baiser sur son épaule, puis il s'assoit au bord du lit et se frotte le visage. Oui, cette journée risque d'être longue... Il attrape les fringues qu'il a balancées la veille sur la chaise et les enfile, encore mal réveillé, mais déjà stressé.

KAGAMI

Il l'observe du coin de l'oeil, il a l'air de nouveau nerveux. Mais rien d'étonnant vu l'entrevue qu'il a prévu pour sa soirée. Il ne peut pas imaginer ce qu'il peut ressentir à l'idée de la revoir et l'affronter après tous ces événements. Il se lève aussi et commence à s'habiller.

« Tu as bien dormi ?

— Hm... J'me suis réveillé tôt mais sinon ça a été ouais... J't'ai pas entendu venir te coucher hier... »

Il hoche la tête doucement.

« Je voulais pas te réveiller. J'ai essayé de faire le plus discret possible... »

Il glisse ses bras autour des hanches d'Aomine et embrasse sa nuque.

« T'étais stressé hier... Je suis rassuré que tu aies pu dormir correctement. »

Daiki pose ses mains sur les siennes et les caresse doucement.

« Ouais merci... j'avais besoin de me reposer. Toi ça va ?

— Well... J'aimerai que cette journée soit déjà terminée... »

Son coeur est un peu lourd quand il souffle.

« Je sais que c'est idiot... Mais je suis pas serein à l'idée que tu passes la soirée avec elle... Mais y'a rien à y faire... Parce que j'suis qu'un idiot et que c'est injustifié que je m'inquiète... »

Le brun se retourne pour pouvoir regarder Taiga. Il pose une main sur sa nuque et demande doucement :

« Dis-moi ce qui t'inquiète au juste...

— Je sais pas... C'est compliqué... J'crois que j'ai peur que tu changes d'avis... J'crois que... J'me mets à sa place et j'ai mal pour elle... J'crois que... J'me sens coupable aussi... C'est une fille bien et ça me met d'autant plus mal à l'aise...

— Taiga... T'y es absolument pour rien... J'ai fait mes propres choix... Et je suis responsable de ces choix. Et je vais pas changer d'avis... Même dans l'éventualité où j'en aurais envie... Je te l'ai dit, je peux plus revenir en arrière. Et de toute façon tout ce que je veux, c'est être avec toi. T'as aucune raison de t'inquiéter... Mais je dois lui parler, tu comprends ? On s'est séparés brusquement... C'est juste... On a probablement besoin tous les deux de tourner la page et pour ça il faut qu'on s'explique...

— Je sais... Et je veux pas t'empêcher d'y aller... Il faut que tu le fasses. J'en ai conscience... Je sais que ce que je ressens n'est pas logique, ni rationnel... Mais c'est le genre de truc que t'arrives pas raisonner tu vois ? T'en fais pas... Ça va aller... Je veux pas que tu sois plus nerveux que tu l'es à cause de moi...

— Ok. Je comprends. »

Daiki lui sourit et masse doucement sa nuque.

« Viens, on va manger, d'accord ? »

Il pose un baiser léger sur ses lèvres à la fin de sa question, comme un point d'interrogation.

« Oui... »

Taiga glisse sa main dans la sienne et l'emmène jusqu'à la cuisine.

« Il reste du riz et du poulet d'hier soir. Ça te va ?

— Yes, parfait. »

AOMINE

Il passe une main caressante dans le dos de Taiga, il n'aime pas le voir préoccupé comme ça, mais il le comprend. Il met de l'eau à chauffer pour son thé puis s'occupe de se préparer un café. C'est un moment difficile à passer et aucun d'eux n'a vraiment envie d'affronter cette journée, mais... Il veut croire que les choses s'arrangeront après. En fait, elles ont toutes les chances de s'arranger. Il sait que parler à Lola est la bonne décision.

Il regarde son homme faire réchauffer le petit-déjeuner et il sait aussi qu'il l'aime, et que c'est peut-être le plus important. Du moins, c'est... un excellent début.

Il s'approche et caresse ses fesses avant de les pincer légèrement pour le faire sourire.

KAGAMI

« Hey ! Qu'est-ce que tu crois qu'tu fais là ? »

Il sourit à Daiki et fait mine de vouloir se dégager.

En réalité, il a plus que tout envie de contact. Il se sent fatigué de la nuit trop courte. D'avance, il n'aime pas cette journée. Il sait que cette conversation entre Daiki et Lola est importante, mais il se sent angoissé à cette perspective sans même comprendre lui-même exactement ce qui l'angoisse autant.

Il ne sait pas de quoi il a le plus peur. Il repense encore aux remords de Daiki, à sa volonté de s'isoler… Si elle le fait culpabiliser est-ce qu'il pourrait vouloir mettre de la distance en eux et s'enfuir de nouveau ? La probabilité que Daiki lui annonce qu'il est finalement toujours amoureux d'elle et hétéro est peu probable. Enfin amoureux d'elle peut-être… L'amour n'est pas quelque chose de simple et linéaire. Qu'est ce qui différencie l'amour de l'amitié après tout ? Est-ce que son seul atout vis à vis de Lola est le fait d'être un homme et que Daiki ait une vraie attirance sexuelle pour lui ? Il a au moins aucun doute sur cette partie, il ne craint plus que Daiki couche avec lui par « obligation », il sait et est convaincu d'être désiré par son petit ami. Mais à présent, c'est presque l'inverse qui pourrait l'inquiéter, que son homme confonde attirance physique et amour.

À quelle moment est née cette passion entre Daiki et lui ? Est-ce que ce qui ajoute la passion à leur relation n'est que la sexualité et le désir ? Mais de son côté il se sent bien plus connecté à lui que par un simple désir physique, ça tient dans son cœur, dans ses tripes.

Il n'a jamais ressenti quelque chose d'aussi intense. Des sentiments si forts qui font littéralement battre son cœur plus vite, comprimer sa poitrine ou même nouer son estomac parfois. Il n'a jamais ressenti cette envie de hurler désespérément quand il sent l'angoisse, la peur lui serrer la poitrine, l'envie de s'accrocher à lui, le supplier de ne jamais l'abandonner… Le besoin qu'il lui appartienne entièrement. La solitude lui fait encore plus peur qu'avant. Il ressent une possessivité étouffante envers lui qu'il muselle chaque jour pour laisser son petit ami respirer, mais des fois ça déborde. Aujourd'hui, ça déborde. Et il a terriblement besoin de le toucher. Il a envie de l'embrasser, de le serrer contre lui, de se rassurer.

La matinée va être courte, beaucoup trop courte.

Il l'aime de manière inconditionnelle, qu'il ne comprend pas lui-même. Il essaie de ne pas y penser parce que ça lui semble vertigineux et que l'intensité de ses sentiments ne fait qu'alimenter ses insécurités irrationnelles. Et il a horreur de ça, de se laisser submerger par toutes ses pensées angoissantes et ses sentiments beaucoup trop forts.

Daiki l'aime. Il doit juste se focaliser là-dessus, repousser toutes ses folles pensées, lui faire confiance, il l'a choisi lui… Il l'a choisi face à tout ce que ça implique : accepter sa sexualité, abandonner toute sa carapace de mensonges, changer sa vie et ses certitudes, sauter dans le vide… Il a fait l'effort d'avancer, de se battre et de ne pas fuir. C'est ça qu'il doit regarder et pas ses insécurités. C'est ça qui est important et il doit être avec lui, le soutenir, l'accompagner… Il doit se montrer fort. Daiki l'aime et ne va pas l'abandonner.

Mais il a tellement envie de se blottir dans ses bras, de presser son corps contre le sien, de sentir qu'il lui appartient. Demain… Il doit juste tenir jusqu'à demain.

« Au fait… À quelle heure tu veux aller faire les boutiques demain ? »

AOMINE

La question l'arrache à une rêverie morne et teintée d'angoisse, alors qu'il regarde le café couler dans la machine. Il se secoue. C'est idiot. La dernière fois qu'il a stressé comme ça, c'était probablement lors de son premier jour aux États-Unis. Il s'était senti perdu, désorienté, totalement seul au monde.

Il repense à la dernière fois qu'il a vu Lola, quand il l'a aperçue dans le public pour le match des Lakers contres les Suns. Il ne sait toujours pas comment interpréter la façon dont elle lui a souri, mais ça devrait être plutôt bon signe, non ?

Et puis, Lola n'est pas du genre rancunière, même s'il lui a fait ce qu'on pourrait appeler un sacré coup de pute. Cette sérénité apparente est-elle dû à son caractère ? Ou peut-être à la nature de leur relation ? C'est vrai, ils ne s'engueulaient pas. Ils se chamaillaient. Mais les choses entre eux étaient... fluides. Sans doute aussi parce qu'ils n'avaient pas eu le temps d'affronter de véritables épreuves. Ils n'en ont vécu qu'une, et elle a mis fin à leur relation. Mais même à cette occasion, le ton n'est pas monté.

Sa gorge se noue douloureusement à ce souvenir encore frais. Ce soir-là, il a connu un sentiment de perte très vif. Comme si son vide intérieur pouvait devenir plus vide encore avec le départ de Lola. Et cette nuit-là, même s'ils avaient dormi ensemble, elle n'était déjà plus là, et l'avoir à ses côtés tout en éprouvant cette solitude a été l'une des choses les plus difficiles qu'il a jamais vécues.

Il ne regrette pas leur rupture. Mais le fait de ne pas la regretter ne la rend pas moins douloureuse, et cela il doit simplement l'accepter. Et affronter ses émotions, ce soir-même.

Il se secoue pour chasser ces pensées et attrape une tasse pour y verser son café tout en répondant à Taiga :

« Si ça pouvait ne pas être aux aurores ça m'arrangerait... Mais sinon, comme tu veux. »

KAGAMI

Il sourit et secoue la tête. Il sent bien que son homme est lui aussi préoccupé et déjà plus vraiment avec lui.

« Ok. On verra demain. »

Il sort une tasse pour lui-même et remercie Daiki pour le thé avant de se servir. En passant, il effleure la nuque de son homme de ses lèvres, puis il emporte le petit déjeuner au salon. Un copieux repas, parce que lorsqu'un truc le perturbe il a besoin de manger, c'est ça façon à lui de compenser. Daiki lui ne va probablement pas manger grand-chose, il s'empiffrera pour deux.

AOMINE

Il suit son homme dans le salon et s'installe devant son repas qu'il entame sans guère d'appétit. Il mange parce qu'il le faut bien pour tenir la journée, mais il a l'estomac noué. Il se tourne vers Taiga et demande :

« Tu vas dîner avec ton père ce soir ?

— Oui. Il m'a pas encore dit ce qu'il veut manger… Mais dans tous les cas faudra que je fasse deux trois courses. À tous les coups ses placards sont vides.

— Ha ! Ça me fait déjà un point commun avec ton père ! »

Il sourit et délaisse son bol pour boire un peu de café.

« Nan nan… ça vous fait deux trucs en commun. »

Taiga lui fait un clin d'œil et se marre.

« Le premier étant votre amour inconditionnel pour moi ! »

Ça fait sourire Daiki :

« Ouais. J'imagine que c'est déjà un bon début. »

Il boit une gorgée de café et ajoute avec une pointe de malice :

« Mais je sais pas si on peut dire inconditionnel... parce que si t'arrêtes de me faire à manger...

— Tu m'aimeras plus ?!

— Hm... Ça mérite réflexion, disons ! »

Il se marre un peu et pose un baiser rapide sur sa joue. Taiga le retient par la nuque pour l'embrasser et mordiller sa lèvre pour se venger.

« Tss… T'es dur en affaire… Mais ok… Si je continue à te faire à manger, tu m'aimes inconditionnellement ? »

Il rigole encore à ces mots.

« Du coup c'est plus inconditionnellement, love... Mais ok, ok. Deal.

— C'est inconditionnel parce que l'hypothèse que j'arrête de te faire à manger est totalement improbable.

— Je vois. Tant mieux pour moi alors ! »

Il termine son café et disparaît dans la salle de bain pour achever de se préparer pour la journée.

KAGAMI

Il engloutit son petit déjeuner et le bol que son petit ami n'a pas terminé. Il débarrasse après avoir bu son thé pour faire un peu de vaisselle. Il n'avait pas envie que cette matinée s'achève et à la fois, l'impression que Daiki est un peu distant, perdu dans ses pensées l'angoisse une peu plus. Il veut juste que cette journée se termine. Il regrette de ne pas avoir mis un peu de musique. Il finit la vaisselle et fait lui aussi un passage par la salle de bain.

AOMINE

Il croise son homme en sortant de la salle de bain et lui adresse un petit sourire, puis il remet quelques affaires dans son sac, leur commande un taxi et attend sur la terrasse que Taiga soit prêt à partir. Il observe la ville se déployer partout autour de lui et il se sent soudain cerné. Il a envie de voir la mer et l'horizon, de se poser au bord de l'eau et écouter les vagues rouler inlassablement.

Il se réconforte en peu en se disant qu'il ira ce soir, après avoir vu Lola. Et après... C'est le week-end. Il aura tout le temps de se poser. Il inspire profondément, laissant le soleil réchauffer sa peau agréablement, les yeux clos.

KAGAMI

Il retrouve son homme sur la terrasse. Il a un peu le cœur lourd. Il sait que ça va être compliqué pour son petit ami. Il regarde l'heure. Il reste un tout petit peu de temps, alors il le rejoint, l'enlace doucement et presse ses lèvres sur sa nuque. Il a envie de trouver les mots pour le rassurer, pour se rassurer. Mais il ne sait pas quoi dire et puis il n'a jamais été doué pour ça. Il a l'impression que Daiki s'éloigne de lui et ça lui fait mal. Mais il lui reste juste ces quelques petites minutes alors, il veut quand même le serrer contre lui. Et puis, les mots coulent tout seuls sans qu'il ne les contrôle.

« Tout va bien se passer love… Tu l'aimes parce qu'elle le mérite et que c'est une fille bien… Alors ça va bien se passer… Et toi aussi tu es quelqu'un de bien. Tu l'oublies trop souvent… Alors je te le dis. On t'aime parce que tu le mérites Dai… ça va aller. »

Il pose encore ses lèvres contre son cou et il souffle.

« Et si t'as besoin de moi… J'suis là… Tu peux m'appeler quand tu veux. J'attendrai ton appel… »

Il resserre un peu plus son étreinte. Vivement demain.

« Je t'aime. »

Il ne reste plus de temps, le taxi doit les attendre, mais il n'arrive pas à se résoudre à relâcher Daiki.

AOMINE

Il essaie de faire le vide dans sa tête, simplement d'accepter ces mots. Mais il faut dire qu'il y a des jours où c'est plus difficile que d'autres, et aujourd'hui en fait partie. Il pose ses mains sur les siennes et hoche la tête en silence. Sa tête bourdonne de pensées parasites. Il ne peut pas dire un 'je t'aime' du bout des lèvres et là il a juste envie d'aller faire du basket parce que ses pensées et ses émotions sont trop embrouillées et que ça le paralyse.

Il se retourne et pose un baiser sur les lèvres de Taiga.

« On devrait y aller... Et t'inquiète je te donnerai des nouvelles ce soir. »

KAGAMI

Il desserre ses bras. Il sent son homme loin. Et il ne peut rien y faire. Il reste silencieux et il le suit dans l'entrée sans oublier de fermer la baie vitrée derrière lui. Il enfile ses baskets rapidement. Il a envie de fuir. Il a plus envie d'aller affronter des vagues que de basket aujourd'hui. Il a envie de se vider la tête.

Ils descendent et le taxi les attend. Ils montent. Il communique l'adresse au chauffeur. Il sort son téléphone pour redemander à son père ce qu'il doit préparer pour le soir, puis il laisse son regard dériver par la fenêtre. Il est fatigué et tendu.

AOMINE

Avant de sortir du taxi, il profite que le chauffeur regarde ailleurs pour poser un baiser furtif sur les lèvres de son homme. Il lui adresse un léger sourire et lui parle en japonais.

« J'espère que tu passeras un bon moment avec ton père ce soir. Je te donnerai des nouvelles dès que je serai rentré. Et je penserai à toi. »

Sans attendre la réponse, il paie le taxi et quitte le véhicule, courant presque vers le gymnase. Il a beaucoup de mal à gérer la dualité couple/boulot, surtout dans ce genre de circonstances. Il préfère écourter. Aller de l'avant. Il y a certaines choses qu'il ne peut pas régler aujourd'hui. Aussi fort qu'il le voudrait, il ne peut pas réconforter et rassurer Taiga. Pas maintenant, en tout cas.

Alors il se rend dans les vestiaires et se prépare à la journée avec de nouveau un sentiment de décalage, mais différent de celui qu'il a ressenti hier. Il évite de s'y attarder ou d'interpréter. Il a besoin de se concentrer sur l'immédiat. Une chose à la fois. Et pour le moment, il faut qu'il se mette en tenue, qu'il entre sur ce terrain, et qu'il joue. Tout le reste peut - ou plutôt doit attendre.

KAGAMI

Et je penserai à toi.

Comment ça ? A quel moment ? Ça veut dire quoi ? Il n'est pas sûr de réussir à interpréter les mots de Daiki. Il déglutit. La boule dans son ventre se serre un peu plus. Il met un moment à réaliser que le chauffeur l'interpelle.

« Pardon… »

Il récupère son portefeuille et paie. Il sort de la voiture et il inspire profondément. Il regarde la porte du gymnase et il hésite. S'il attend suffisamment, il n'aura pas à croiser Daiki dans le vestiaire. Et puis, il n'a pas envie de s'enfermer. Il a envie d'espace, de l'océan. Il s'allonge sur un banc pour regarder le ciel, musique sur les oreilles. Ils sont partis tôt, il n'est pas encore en retard. Il prend le temps de faire le vide dans sa tête et il se plonge dans la contemplation du ciel bleu. Ce week-end il faut qu'il aille surfer. Il a envie de sentir le vent, la puissance de l'océan. Il a besoin qu'on le ramène à ce qu'il est c'est à dire un grain de poussière dans l'univers immense. Il n'est rien et sa présence sur terre, sa vie ne représente rien. Des fois, il a besoin de ça… De se remettre dans le contexte pour relativiser. La journée va passer vite. Une journée de basket, idéal pour s'occuper l'esprit. Et ce soir, il va passer un moment avec son père et il essaiera de ne pas trop s'inquiéter pour Daiki. Tout ce passera bien pour son homme de toute façon. Et il doit passer par cette discussion pour avancer et ça ne le concerne en rien. C'est le passé, la vie de Daiki. Ça ne le concerne pas. Il n'est rien. Le monde n'est rien. Il inspire profondément, ferme les yeux. Il n'est rien et Daiki ne lui appartient pas.

Il ouvre les yeux brutalement quand il sent une main se poser sur son épaule.

« Qu'est ce que tu fous ?

— Ah… J'profitais un peu avant de m'enfermer pour la journée.

— Bah ouais… Mais faut y aller là mec.

— Ouais t'as raison. Merci. »

Il se relève et suit son coéquipier dans le gymnase. L'esprit plus calme. Il retire son casque et éteint la musique. Il entre dans le vestiaire, il ne scanne pas la pièce du regard, il salue à la cantonade et se dirige vers son banc pour se mettre en tenue.

AOMINE

Toute la journée, il pense à Lola. Pas seulement à ce qu'ils doivent se dire ou à la façon dont la conversation va se passer. Dès qu'il a une minute, dès qu'il n'a pas besoin de se concentrer entièrement sur ce qu'il fait, il repense au moment où il l'a rencontrée, et à partir de là, il déroule toute l'histoire à nouveau. Il se repasse mentalement tous les moments marquants. Cette fille avec qui il a passé une nuit alcoolisée le premier soir. Cette fille qui s'en foutait qu'il raconte n'importe quoi. Cette fille qui lui souriait sans lui demander de sourire en retour.

Cette fille qui a prononcé quelques mots en japonais alors qu'il était perdu. Elle se fichait bien de qui il était, de ce qui l'amenait. Elle s'intéressait réellement à lui. Et il lui avait rendu ce sentiment. Il avait aimé la façon dont elle s'était approchée en riant, posant une main sur son épaule familièrement, mais avec assez de retenue pour ne pas qu'il ait la sensation qu'elle envahissait son espace personnel.

Après, il faut bien l'admettre... la soirée était devenue un peu floue. Mais le reste des mois qu'ils ont passés ensemble ne l'étaient pas. Ils se voyaient souvent dans la semaine. Ils se posaient, buvaient des bières et refaisaient le monde. Ils écoutaient beaucoup de musique. Ils discutaient, riaient beaucoup. Il n'avait pas l'habitude de se marrer comme ça.

C'est ironique, quand il y pense... Quelque part, Lola avait raison d'être jalouse de Satsu. Juste... pas pour les raisons qu'elle croyait. Lola avait été sa Satsu américaine. Il n'aurait jamais supporté de perdre Satsu comme il a perdu Lola. Il a tout gâché et il le regrette profondément.

Il ne sait même pas s'il est prêt à lui dire au revoir. Il n'avait pas prévu de le faire quelques jours à peine avant leur rupture, et même 24h avant. Évidemment il y avait des tas de choses qui clochaient entre eux, à commencer par le fait qu'ils n'attendaient pas la même chose de leur relation. Il le sait bien. Et pourtant cette impression d'inachevé demeure comme un goût amer, sans parler de la culpabilité...

Et toute la journée, il chasse ces pensées à mesure qu'elles reviennent.

Toute la journée, il pense à Lola.

Enfin vient le moment de regagner les vestiaires. Et soudain il a très froid. Il regarde Taiga mais ne trouve rien à lui dire. Il s'en va, prend un taxi, et envoie un message sur le chemin :

[Aomne - 18h47]

À tout à l'heure, love.

Il ne trouve rien de mieux à dire. Il serre les mâchoires et regarde la ville défiler derrière les fenêtres, une succession de silhouettes qui se fondent les unes aux autres dans un jeu d'ombre inquiétant. Et son taxi se fraie un chemin en pleine lumière, entre ses bâtiments pleins de fenêtres qui lui donnent l'impression de l'observer. Il essuie ses mains moites sur son jean, et met son portable sur silencieux avant de le ranger dans sa poche.

KAGAMI

Il s'est acharné à l'entraînement toute la journée. Il a essayé de garder son esprit occupé. Tant qu'il jouait Daiki était dans le jeu, mais dès qu'ils avaient cinq minutes, il n'était pas là. Il n'était pas là, ni avec l'équipe, ni avec lui.

Et je penserai à toi.

Il sort de la douche après avoir traîné un peu en soupirant. Dans le vestiaire, la plupart des gars sont partis. Il se sèche et se rhabille. Son père s'est finalement décidé pour des tempura. Il prépare sa liste de courses mentalement en finissant de se préparer. Il salue ses coéquipiers puis monte dans un taxi et indique l'adresse de son père.

Il lit le message de son homme. Il le fixe un moment. Mais il ne sait pas quoi répondre. Alors il ne répond rien et range son téléphone dans sa poche.

Il fait quelques courses à la supérette du coin et finalement rejoint l'appartement de son père. Il entre, rien n'a changé. Tout est toujours pareil depuis qu'il est gamin, seul le mur des photos s'est étoffé avec le temps. Il range ses courses et avant de cuisiner il va faire un tour dans sa chambre. Ça fait longtemps qu'il n'y a pas mis les pieds. Elle non plus n'a pas changé. Toujours ses vieux posters de basket et de groupes de metal. Sur une étagère trois vieux ballons de basket. Sa vieille chaîne hifi et ses disques, il n'en achète plus depuis longtemps privilégiant le téléphone et le cloud où il peut avoir toute la musique qu'il veut même la plus improbable. Il fouille un peu et trouve quelques disques qui devraient plaire à Daiki. Il les range dans un sac, puis il ouvre le placard. Son premier ballon de basket est toujours là. Il est un peu dégonflé et tout usé, il l'a épuisée cette balle orange mais il la garde parce qu'il en a vécu des trucs avec elle. Il sort son vieux skateboard. Il est encore en bon état et les roues sont correctes. Il sourit avec nostalgie. Il prend la planche et la pose dans l'entrée à côté de son sac dans lequel il range les CD.

Puis, il s'attelle à la confection du repas. Son père ne devrait pas trop tarder et il espère qu'il arrivera bientôt pour ne pas rester trop longtemps seul avec ses pensées.

LOLA

Elle est arrivée en avance et patiente à une table au fond du bar en triturant nerveusement sa pinte de bière. Elle a tourné en rond tout l'après-midi en attendant l'heure du rendez-vous, incapable de se concentrer sur quoi que ce soit. Pourtant, elle n'appréhende pas la rencontre autant qu'elle l'aurait cru. Dans une certaine mesure, elle a fait la paix avec ce qui s'est passé entre Daiki et elle.

En arrivant à L.A., elle n'était pas entièrement sereine. Elle voulait croire en leur couple, et son optimisme naturel l'y avait aidée, mais elle ne pouvait pas dire non plus qu'elle avait été complètement surprise par leur rupture. Pendant les six mois qu'ils avaient passé ensemble, elle s'était toujours demandé ce qui retenait Daiki alors qu'ils s'entendaient si bien, et ici, elle a malheureusement trouvé sa réponse.

Elle aurait pu se sentir humiliée, trahie. Mais elle en a été incapable, même aux moments où elle aurait vraiment voulu être en colère. Elle ne peut pas, pas contre Daiki. Elle n'a jamais connu un type aussi gentil. On lui en a fait des crasses dans sa vie amoureuse, une vie qu'elle a eue malgré sa jeunesse plutôt riche en rebondissements... Mais Daiki et elle, ça ne fonctionnait simplement pas. Elle le savait en le suivant à L.A., elle avait juste choisi de se voiler la face. Un peu comme lui l'avait fait en refusant de s'avouer qu'il ne lui donnerait jamais ce qu'elle voulait.

Et quelque part... Elle est soulagée que ce soit terminé. Ils auraient pu s'accrocher encore longtemps l'un à l'autre, et même si elle a toujours du mal à l'admettre, elle sait qu'ils auraient fini par se rendre malheureux.

Une silhouette familière franchit le seuil, la tirant soudain de ses pensées. Par réflexe, elle réarrange sa coiffure, et adresse un signe de la main à son ex. Daiki s'approche, le regard fuyant comme s'il craignait de se faire engueuler. Il se sent toujours coupable, comprend-elle. Il s'assoit face à elle, elle le regarde avec un petit sourire encourageant.

« Salut, Lola... »

Sa voix est un peu rauque, et la sienne, basse et nouée quand elle lui répond.

« Hello, Daiki. »

AOMINE

Il cherche à lire dans les yeux noisette de Lola. C'est comme s'il ne la connaissait plus. Avant, il était sensible à ses humeurs, il savait interpréter ses expressions, il savait toujours ce qu'elle ressentait. Maintenant, la distance entre eux est irrémédiable. Ça lui donne une impression glaciale de malaise. Et au fond, il ne comprend pas. Pourquoi est-ce qu'elle ne lui en veut pas ? Pourquoi est-ce qu'elle ne l'a jamais engueulé, et ne semble toujours pas déterminée à le faire maintenant ? Elle devrait être en colère, non ? Il s'est jouée d'elle. Il a préféré la faire souffrir et la laisser se fourvoyer plutôt que d'être honnête. Il regarde ses mains, déglutit. Il ne sait pas quoi dire. Par où commencer. Et elle lui épargne cette peine.

« Je t'en veux pas, Dai... »

Il relève les yeux vers elle, sans comprendre.

« Mais... pourquoi ? »

Elle hausse les épaules. Elle a l'air triste, et bon sang ce qu'il déteste ça.

« Ça marchait pas entre nous... On le savait tous les deux, pas vrai ?

— Je... je suis pas sûr que je le savais tant que ça... Mais... Pourquoi tu m'as suivi à L.A. si t'y croyais pas ?

— J'y croyais ! Je voulais y croire en tout cas, autant que toi ! Mais quand... Quand je t'ai vu avec Taiga, j'ai compris que ce qu'il y avait entre vous... c'était ça que je voulais, et ça que j'aurai jamais. Tout est arrivé très vite, mais... Quand Levi est venu nous voir ce soir-là... Ce qu'il a dit... J'étais pas entièrement surprise. Tu me l'as dit toi-même... Y a des trucs que les mots peuvent pas exprimer. Tu m'as dit que je comprendrais en le voyant. Et j'ai vu, Dai. Ça m'a brisée le cœur... Mais je suis pas en colère. Dis-moi juste une chose... Est-ce que t'es avec lui ? »

Il hoche la tête en silence, puis la regarde dans les yeux :

« J'ai même pas attendu deux semaines. »

Il la provoque. Il faut qu'elle se rende compte. Qu'il est pas un mec bien. Contrairement à ce qu'a dit Taiga ce matin.

« Et alors ? Tu crois qu'il fallait respecter une période de deuil obligatoire ? Tu l'aimes, pas vrai ? Si t'es heureux... Moi aussi j'ai mes torts, Dai, c'est ça que t'arrives pas à comprendre. On est deux à s'être plantés. On a vécu de super moments tous les deux, nan ? Mais ça aurait pas duré. C'est ça que je vois aujourd'hui. C'est mieux comme ça. Pourquoi est-ce que tu veux absolument que tout soit de ta faute ? »

Il ne répond pas, mâchoires serrées.

« T'as le droit d'être heureux, insiste-t-elle. Et moi aussi je veux l'être. Mais c'est pas ensemble qu'on le sera.

— Et t'as l'air d'être super zen sur la question. »

Elle a un petit sourire, ignorant le soupçon d'agressivité dans sa voix.

« Tu m'as pas vue après la rupture... Heureusement que y avait Cynthia... J'étais dans un état lamentable.

— Vite remise, alors.

— Je fais de mon mieux. Mais compte pas sur moi pour te donner des raisons de flinguer le bonheur que t'as maintenant. Non, je suis pas au top, comment tu veux que je le sois ? Mais j'ai lâché prise. J'ai accepté. Fais-le aussi. Si tu le fais pas pour toi, fais-le pour Taiga, bon sang ! »

Une nouvelle fois, il se dit que Lola lui rappelle énormément Satsu, et c'est plutôt déstabilisant.

« Cynthia m'a parlé de Taiga, reprend-elle d'une voix ferme. J'avais besoin de comprendre. Qui il était, pourquoi tu tenais tellement à lui. Et... Ça a confirmé l'impression que j'ai eue de lui. Je le vois pas comme un rival. Comment je peux rivaliser, de toute façon ? On joue pas dans la même cour. C'est un mec, moi une fille. C'est pas juste mais c'est comme ça et ni toi ni moi on n'y peut rien. »

Il reconnaît la vérité de ces mots-là, mais ça lui fait mal quand même.

« Ça me fait mal à moi aussi, continue-t-elle. Mais est-ce que ça vaut le coup que j'me détruise ? Non. Est-ce que ça vaut le coup que tu te détruises ? Non plus.

— On dirait que t'as bien réfléchi à la question...

— Ouais... » Elle soupire. « Cynthia et moi on a beaucoup discuté. Ça m'a permis d'y voir plus clair. Je sais pas ce que j'aurais fait sans elle. »

Il acquiesce, la gorge nouée.

« Je... Je suis content que t'aies pas été toute seule. J'avais peur de ça. Je... Je m'inquiétais, Lola.

— Moi aussi. Mais apparemment, on va bien tous les deux, pas vrai ?

— Ouais... je suppose que ouais. »

Un silence passe. Il fixe la bière qu'un serveur a déposé devant lui sans qu'il s'en aperçoive, et se décide finalement à la boire.

« Et tu sais... » Elle effleure sa main et il tressaille un peu. « Je sais que c'est vrai que t'avais des sentiments pour moi. L'amour c'est parfois un peu plus compliqué que savoir si on est amoureux ou pas, en couple ou pas. C'est toi qui me l'as appris, ça... »

Il inspire doucement.

« T'es beaucoup plus courageuse que moi, Lola. Et c'était important pour moi de te dire... que ce qu'on a vécu ça a vraiment compté pour moi. Et je... je tiens toujours beaucoup à toi. Je regrette énormément, plus que je peux te le dire... J'ai toujours eu... peur de me retrouver tout seul. Et je pensais que ça pourrait fonctionner, toi et moi. Sincèrement. J'ai... probablement toujours eu des sentiments pour Taiga, mais je les ai jamais regardés en face. Et même si je me voilais la face... Nous deux... je me suis investi pour que ça marche.

— Je sais. C'est aussi pour ça que je le vois pas comme un rival. C'était lui, depuis le début. C'est pas... juste parce que c'est un mec. C'était moi qui étais de trop dans l'histoire. J'ai pas envie d'être de trop. Je veux quelqu'un qui m'aime entièrement et complètement. Et nous... c'était encore jeune. J'étais amoureuse de toi, mais maintenant... je sais plus. C'est comme si je pouvais plus ressentir ce que je ressentais avant, peut-être parce que c'est pas réciproque. C'est pas facile à encaisser, j't'assure, Dai... Mais j'suis pas venue ici pour m'engueuler avec toi. On a tous les deux besoin de tourner la page, pas vrai ? C'est pour ça que je suis là.

— Alors... Toi et moi, c'est fini, juste comme ça ? On se reverra plus ?

— J'en sais rien... Pas avant un moment, probablement, en tout cas. Faut que je digère tout ça, et que je pense à moi. Et toi, tu dois faire pareil. On peut plus avancer ensemble. On doit... on doit se dire au revoir. Et peut-être qu'on se reverra, peut-être qu'on pourra construire autre chose, plus tard. J'en sais rien. Mais maintenant... Laisse-moi partir. Je peux pas être ton amie pour le moment. »

Il s'y attendait. Elle a raison, il sait bien qu'elle a raison. Il doit juste accepter. Ça lui fait peur. Il a toujours eu des difficultés à se confronter au changement, le fuyant autant que possible pour préserver l'acquis, même quand il n'aimait pas sa vie ou ne s'aimait pas lui-même. Mais Lola est comme Satsu, beaucoup plus mature que lui. Lui, au fond... il est toujours ce gamin qui ne supporte pas le rejet. Peut-être que c'est sa confiance en elle qui lui donne la force de dépasser ce qui lui apparaît comme une épreuve insurmontable. Il se passe la main sur le visage et soupire. Comme il l'a dit à Taiga la veille... il lui reste encore beaucoup de chemin à faire. Et il ne peut pas avoir Taiga et Lola. Elle a raison, il doit la laisser partir.

« Ok... Je te dois au moins ça, de toute façon. »

LOLA

Elle le regarde, le cœur serré. S'il y a une chose qu'elle éprouve encore pour lui, et qu'elle éprouvera probablement toujours, c'est de la tendresse.

« Tu me dois rien. »

Elle s'attendait à ce que ce soit difficile. Prononcer tous les mots qui vont les séparer définitivement. Elle savait qu'il aurait du mal à l'admettre. Mais elle a besoin de se protéger et de prendre du recul. Et il en a besoin aussi quoi qu'il en dise. Une part d'elle a envie de rester là indéfiniment. Prolonger ce moment, continuer à discuter comme avant, comme s'il ne s'était rien passé, et retrouver cette complicité qui les liait. C'est tentant, trop tentant. Elle se blinde et se lève.

« Je suis contente qu'on ait pu discuter. Prends soin de toi, Daiki. »

Et avant de changer d'avis, avant que ça ne devienne vraiment trop dur, elle se détourne, prend son sac et quitte ce bar, laissant derrière elle un amour et une partie de son passé, mais avec la certitude chevillée au cœur que d'autres belles aventures l'attendent encore dehors. Et en refermant la porte derrière elle, le poids qui pèse sur sa poitrine depuis deux semaines se dissipe. Elle respire profondément. Une brise iodée provenant de la mer caresse son visage.

C'est fait. Elle s'est libérée de lui. Elle ne peut qu'espérer qu'il saura lui aussi saisir sa chance et se libérer à son tour de la seule chose qui le retienne vraiment : la culpabilité... Il s'y accroche parce qu'il croit que ça donne du sens à sa vie, mais il a tort, et peut-être qu'un jour il le comprendra enfin. C'est tout ce qu'elle lui souhaite.

KAGAMI

« Bonsoir Taiga. »

Il sourit à son père, et éteint la musique qui lui tient perpétuellement compagnie.

« Salut papa. Comment va ?

— Bien. Content d'être en week-end. »

Le quarantenaire zieute les plats et hume la bonne odeur qui s'en dégage.

« Hm… ça sent bon.

— C'est presque prêt. Tu devrais aller te changer.

— J'me dépêche. »

Taiga sourit et le regarde son père. Il s'étire et retire le tablier. Il a toujours un peu la boule au ventre, mais la présence de son père a quelque chose de rassurant. Il sert les plats sur la table basse en l'attendant qu'il accompagne de deux bières. Il commence la sienne en jouant sur son téléphone. Daiki doit être avec Lola à présent. Il espère que tout va bien pour lui. Il est nerveux et sa jambe se met à bouger toute seule encore une fois.

« Hm… ça fait du bien de prendre une douche. Hey ! T'as commencé sans moi ? »

Il sourit et tend son verre pour trinquer avec son père.

« Bravo pour le match ! Je n'ai pas eu l'occasion de te le dire de vive-voix. Aomine-kun et toi vous faites un sacré duo ! »

Ils rigolent et, tout en commençant à manger, ils discutent un long moment du match, des Lakers et de sa nouvelle équipe. Parler basket le détend et lui change heureusement un peu les idées. L'ambiance est légère, mais Taiga est toujours un peu préoccupé et se demande comment aborder le sujet de Daiki. Un léger silence s'installe alors son père demande plus doucement.

« Et… Comment tu vas sinon ? Tu t'es… Remis avec ce garçon ?

— Huh ?! Avec qui ? Levi ?

— Oui.

— Mais non ! Pourquoi je ferais ça après ce qu'il m'a fait ?

— Tu aurais pu lui donner une seconde chance…

— Non… »

Il bout de colère, comme si c'était son père qui le trahissait cette fois.

« Fuck papa ! Il a dit qu'il y avait aucun avenir avoir moi ! Parce que y'a pas d'avenir pour deux mecs… Non… Je peux pas lui pardonner ça !

— Calme-toi fils… C'était juste une question. Mais j'aurai dû m'en douter… T'es pas du genre à pardonner.

— Je peux pas… J'ai trop de colère envers lui… Même si, je sais que c'est de ma faute aussi… Je lui en veux parce qu'il y a jamais cru. Je l'ai vraiment aimé papa… Ok… Pas autant que Dai mais… Je l'ai vraiment aimé et savoir que pour lui ça n'a jamais été sérieux…

— Dai ? Aomine-kun ?

— Ouais… »

Le regard de son père se pose sur lui avec tendresse.

« Il a une petite amie c'est ça ?

— Non… Plus maintenant… »

Il sent son visage le chauffer un peu. Il sourit à son père, mi-gêné, mi-heureux et il souffle.

« On est ensemble. »

Il voit la surprise dans le regard de son paternel.

« J'ai raté un truc là ? Je croyais qu'il était hétéro…

— Ouais… Bah non finalement.

— Ah bah vous traînez pas au moins ! »

Il n'y a aucune méchanceté dans cette remarque et le quarantenaire sourit doucement.

« J'aime bien ce sourire là… T'as l'air heureux.

— Je le suis… Même si, c'est pas forcément facile… C'est un peu particulier et… Y'a son ex…

— Son ex ?

— Ouais… Ils ont rompu à cause de moi, mais il l'aime toujours…

— … Et toi il t'aime ?

— Ouais… J'ai aucun doute là-dessus. L'amour qu'il éprouve pour elle et pour moi est différent. Enfin je crois. Je suis pas dans sa tête ni dans son corps… Je sais que… Je l'aime comme j'ai jamais aimé personne avant. Tellement que des fois, c'en est presque douloureux. Ça me fait peur… J'ai l'impression qu'il pourrait m'échapper à tout instant… C'est irrationnel. Mais ça m'prend aux tripes quoi…

— Mais il t'a choisi toi… »

Taiga relève les yeux sur son père et hoche la tête négativement.

« Pas exactement… »

Il passe une main sur sa nuque nerveusement et boit quelques gorgées de bière. Cette conversation lui embrouille les pensées. Il inspire profondément. Daiki l'a choisi. Il l'a choisi face à la solitude. Comme il ne répond pas son père soupire.

« Il est avec toi aujourd'hui non ?

— Oui…

— Tu ne doutes pas de ses sentiments ?

— Non.

— Tu as confiance en lui ?

— Oui…

— De quoi tu as vraiment peur ?

— … »

Il reste silencieux trop longtemps, alors son père se lève ramène deux autres bières et commence à lui raconter.

« Tu sais l'amour… ça évolue. Tu vas vivre un amour passionnel un jour et demain il deviendra tendresse… Tu croises des gens dans ta vie qui font naître des flammes en toi dont tu ignorais même l'existence, comme Aomine-kun pour toi je crois. »

Il rougit ce qui fait sourire son père.

« Ta mère était comme ça aussi pour moi. Elle était tellement vivante, tellement heureuse, tellement positive… On ne voyait jamais ta mère pleurer. Elle était là quand j'ai perdu mes parents à la fac. Elle était forte. Elle avait cette aura solaire… Elle passait rarement dans la vie de quelqu'un sans laisser de trace. Et dans la mienne elle a simplement tout chamboulé, elle a mis de la couleur, de la gaieté. Je crois que tu tiens beaucoup d'elle d'ailleurs… Elle vivait à cent à l'heure, rien ne pouvait l'arrêter, il fallait toujours qu'elle fasse quelque chose… inarrêtable. Elle rencontrait des tas de gens tout le temps. Je crois que fût un temps elle m'a vraiment aimé avec passion… Et puis… Tu es né et tu as volé son coeur. »

Il rit, un peu.

« Je crois que c'est ça quand on devient parent. Pour moi aussi… Tu as pris une place tellement importante… L'amour a changé entre nous, nous n'étions plus la personne la plus importante pour l'autre. Nous avions un enfant, et il était devenu notre principal amour. Nous nous aimions toujours. Et on t'aimait aussi. C'était différent. Mais c'était fort. Puis un peu plus tard ta mère a rencontré quelqu'un d'autre… Une femme. »

Son cœur s'affole dans sa poitrine et son estomac se resserre plus encore. Il n'a jamais entendu parler de ça.

« Elle t'a trompé ?!

— Je l'ai vécu comme ça en tout cas… Elle m'aimait toujours et ne cessait de me le répéter. Elle ne voulait pas qu'on se sépare. Elle voulait vivre avec moi, avec nous… Mais elle avait besoin de passer du temps avec cette autre personne. Un jour elle m'a expliquée, qu'elle l'aimait aussi. Qu'elle nous aimait tous les deux… Qu'on était différent et qu'elle nous voulait tous les deux. Avec elle c'était un amour platonique, elle n'était pas attirée sexuellement par cette femme, mais il y avait quelque chose de fort qui se rapprochait de la passion intellectuelle, une communion d'âme selon ses propres mots… Avec moi elle comparait ça à de la tendresse, un refuge, un foyer et le désir physique… Je n'ai jamais réellement accepté la situation avant sa mort. Et je n'arrivais pas à pardonner… Parce que je ne comprenais pas… Même si à partir du moment, où je l'ai laissée avoir cette relation… Elle était bien plus épanouie autant dans la vie que dans notre couple. Comme si, elle m'aimait encore plus… Quand elle est morte, j'ai réalisé qu'elle m'a vraiment toujours aimé… Oui on a vieilli on a changé et nos sentiments avec… Mais elle était toujours là pour moi, toujours là pour nous. Elle était heureuse et me rendait heureux. Et j'ai regretté de ne pas l'avoir accepté réellement.

— Tu as… toléré ça ?

— Je voulais juste qu'elle soit heureuse. Et je crois que comme l'autre personne était une femme… Je me suis senti moins menacé ? Je ne sais pas… Je ne dis pas que Aomine-kun va te demander ce genre de chose…

— Je pourrai pas…

— Je dis juste que… L'amour est différent pour chacun et qu'il faut l'accepter. Ta mère avait deux non pardon… Trois amours dans sa vie… Et elle en avait besoin. Elle aurait pu ne jamais me le dire… C'était sa meilleure amie, je n'aurai jamais rien soupçonné. Mais elle a voulu être honnête avec moi… Elle se sentait amoureuse d'elle autant que de moi…

— Ça me rendrait fou… Je… Je peux pas imaginer ça… »

Il boit quelques longues gorgées de bière. Partager Daiki lui serait inenvisageable, même avec une femme. Surtout avec une femme qui représente l'idéal de vie de tout homme « normal ».

« Et tu n'as pas à le faire… Je veux juste illustrer le fait que Aomine-kun a peut-être des sentiments pour son ex, il en a eu en tout cas, mais qu'il t'aime et que tu ne peux pas mesurer la portée de ses sentiments pour toi… Et que tu ne le pourras jamais. On a tous une façon d'aimer différente. Et qu'il faut que tu acceptes ça et que tu lui fasses confiance… L'important c'est qu'il veuille être avec toi et qu'il te choisisse toi aujourd'hui.

— Je sais… »

Il reste silencieux un long moment en buvant sa bière. Il pense à Daiki et à Lola. Il a envie de savoir ce qu'il se passe entre eux. Il sait que Daiki a toujours des sentiments forts pour elle. Il se lève pour débarrasser et s'occuper.

« C'était qui ?

— Qui ?

— La femme dont maman était amoureuse ?

— Hm… Une artiste assez connue dans le coin. Tu vois les photos de toi et ta mère dans le couloir.

— Oui…

— Ce sont des photos prises par cette femme. »

Son père sourit et se lève aussi pour l'aider à ranger.

« Je te donnerai ses coordonnées si tu veux…

— Ouais… »

AOMINE

Il reste un long moment assis devant sa bière à ne rien faire. Il veut partir d'ici et rentrer chez lui mais il est comme paralysé. Il a mal au ventre, il entend son cœur cogner sourdement dans sa poitrine, et bien entendu, son dos le tire méchamment. Ce n'est pas franchement comme s'il s'était attendu à autre chose, mais... Il a l'impression de s'être fait larguer une deuxième fois. Et ça fait mal. Il éprouve de nouveau ce profond sentiment de perte et même s'il est d'accord avec Lola sur le fond, son angoisse de la solitude, du rejet et de la perte lui glace la poitrine.

Il ferme les yeux et avale sa bière d'une traite.

T'es pas tout seul, abruti.

Non, c'est vrai. Lola va continuer sa vie, et lui la sienne. Et elle a raison, c'est mieux comme ça. Alors pourquoi il se sent aussi faible et triste ? Pourquoi est-ce qu'il refuse d'admettre l'évidence ? Il a l'impression d'être redevenu un gamin, ce soir. Il a bien conscience comme c'est ironique pour un mec comme lui, qui fuit et s'isole au moindre problème, d'avoir aussi peur de la solitude. Mais il sait aussi que provoquer son pire cauchemar, c'est cesser de vivre dans l'appréhension. Le plus ironique, cela dit, c'est qu'il n'a pas cherché à s'éloigner de Lola. Il n'a pas saboté leur relation. Elle s'est juste terminée parce qu'elle ne fonctionnait pas. Et c'est dur à admettre... C'est pour ça qu'il préfère que tout soit de sa faute. Parce que comme ça, il se dit que tout dépend de lui, qu'il est la seule raison pour ses échecs. Et il sait ainsi qui est son ennemi et à qui s'en prendre.

Mais c'est aussi une logique destructrice qui ne règle rien et n'apaise rien, et il ne peut plus se reposer là-dessus.

« Compte par sur moi pour te donner des raisons de flinguer le bonheur que t'as maintenant. »

Oui, car ça aurait été plus facile. Elle le connaît bien. Elle sait qu'il a peur. Peur de perdre Taiga, peur de s'être trompé, peur que tout s'effondre.

Provoquer son pire cauchemar, c'est cesser de vivre dans l'appréhension.

Non. Il refuse de faire ça avec Taiga. Il faudra vivre avec l'appréhension. Ce n'est pas comme s'il était le seul à en éprouver, ou qu'il ne pouvait pas s'en ouvrir à Taiga, alors...

Alors qu'est-ce que tu fous ici assis comme un idiot à te laisser bouffer par l'angoisse et la peine ?

Il acquiesce à ses propres pensées. Il prend son courage à deux mains et se lève, laissant un billet sur la table. Comme un zombie, il rejoint la rue, hèle un taxi. Les émotions de ce dernier rendez-vous ont fichu un beau bordel dans sa tête et il nage en pleine confusion. C'est quand le taxi le dépose qu'il s'aperçoit qu'il a donné l'adresse de Taiga. Il hésite un peu, mais se dit que ça devait être un acte manqué de sa part. Peu importe si c'est une bonne décision ou pas. Maintenant, il est là, et il n'a aucune envie de retraverser la ville.

Il regarde l'heure : il n'est pas très tard. Taiga doit sûrement être encore avec son père. Il n'a ni les clefs ni le code. Il fait les cents pas pendant un moment, et s'assoit finalement par terre près de l'entrée. Il regarde sans trop les voir les voitures et les gens passer dans la rue, espérant que Taiga ne va pas rester dormir chez son père.

KAGAMI

Ils discutent de tout et de rien en terminant de ranger la cuisine. Il regarde régulièrement l'heure et pour la troisième fois de la soirée son téléphone, même si la sonnerie est bien active et qu'il n'y a aucune raison pour qu'il ait pu rater un message. Son père se moque gentiment.

« Tu attends des nouvelles d'Aomine ?

— Hm... Mais j'suis pas vraiment sûr d'en avoir. Au fait, je me disais que... Je pourrais te le présenter semaine prochaine.

— Oh mais ce serait avec plaisir ! La première fois que tu me présentes quelqu'un !

— Te moque pas !

— Oui oui. Alors ici chez toi ? Resto ? Quand ?

— Oh... J'sais pas je vais voir avec Daiki comme il le sent... Je te tiens au courant ok ?

— Parfait. Tu veux boire un thé regarder un truc à la télé ?

— Nan merci papa... J'crois que je vais rentrer... P'tet aller courir un peu. J'ai eu envie d'aller surfer toute la journée.

— Ok. Tu vois t'es vraiment comme ta mère... Tu tiens pas en place.

— Je te prends les clés de la voiture du coup... Je viendrais la chercher demain mais ça m'évitera de remonter.

— Oui pas de soucis. »

Il enfile ses baskets, salue son père et descend dans la rue. Il regarde une dernière fois son téléphone, pas de nouvelles de Daiki. Il s'inquiète, il est presque vingt-deux heures. Ils ont dû finir de parler non ? Peut-être pas après tout... Ou alors juste Daiki a envie d'être seul et ce serait compréhensible. Demain. Demain ça ira mieux et Daiki l'appellera. Il met de la musique son casque sur les oreilles, pose son skate au sol et il file sur les trottoirs. Il ne va lui falloir qu'une dizaine de minutes pour rejoindre son appartement.

AOMINE

Il commence à avoir froid. Il ne sait pas si Taiga va rentrer, il devrait lui envoyer un texto pour être sûr, mais il se sent con. Il se dit qu'il va attendre encore un peu. Si Taiga a l'intention de revenir chez lui ce soir... alors il ne va sûrement pas tarder. Assis dans son coin, capuche sur la tête, il jette de fréquents regards à chaque extrémité de la rue, déçu à chaque fois qu'un taxi s'arrête non loin et que ce n'est pas Taiga qui en sort.

KAGAMI

Un bon gros morceau de metal dans les oreilles. Il file et slalom entre les passants, il y a du monde ce soir en ville. Il arrive bientôt devant son immeuble, il s'arrête récupère son skate au vol et se dirige vers la porte de l'immeuble sans vraiment faire attention autour de lui, absorbé par la musique.

AOMINE

Il manque de louper Taiga qui arrive à toute vitesse sur son skate, isolé de son environnement par le casque. Mince, il va lui foutre la trouille maintenant... Il se lève quand même et pose une main sur son épaule au moment où il s'approche de l'interphone pour taper son code.

KAGAMI

Il se retourne vivement, poings serrés, prêt à se défendre si...

« D-dai ? »

AOMINE

Ouf, il est passé près de se manger une mandale !

« Ouais... Hm... Désolé de pas avoir prévenu... J'avais pas non plus exactement prévu de venir mais... J'avais envie de te voir... »

KAGAMI

Daiki a l'air frigorifié, épuisé et déprimé, en grande forme en somme. Il passe un bras autour de son épaule et le serre contre lui en retirant son casque.

« T'excuses pas... Tu viens quand tu veux. J't'ai dit j'suis là pour toi... »

Il compose le code de l'immeuble, une main posée sur la nuque fraîche de Daiki. Mais depuis combien de temps il attend ? Il n'a pas une seule seconde pensé que Daiki pourrait débarquer chez lui. Il pousse la porte de l'immeuble et l'entraîne à l'intérieur.

AOMINE

Il le suit, soulagé qu'il soit rentré finalement. Il ne sait pas trop ce qu'il aurait fait autrement. Il ne se voyait vraiment pas revenir chez lui et passer la nuit tout seul.

Ils montent dans l'ascenseur et il en profite pour enlacer Taiga et le serrer contre lui.

« J'suis content que tu sois rentré... murmure-t-il contre son épaule, ses bras verrouillés autour de sa taille. J'me disais que tu dormirais peut-être chez ton père... Ça s'est bien passé le dîner au fait ? »

KAGAMI

Il le serre tendrement de son bras libre et effleure sa tempe de ses lèvres.

« Oui. Ça s'est bien passé… Mon père était surpris pour nous, mais content. Et j'ai appris quelques trucs surprenants sur mes parents. »

L'ascenseur s'arrête et il l'entraîne avec lui dans le couloir, il sort sa clé pour ouvrir rapidement sa porte et s'engouffrer dans l'appartement. Il laisse tout tomber par terre sans précaution pour le serrer contre lui de ses deux bras. Il hésite légèrement, mais il murmure doucement.

« Et toi… Ça s'est passé comment ?

— Bien... objectivement, bien... C'est juste... C'était dur. J'ai voulu rentrer et puis... sans faire exprès j'ai donné ton adresse au taxi. Et j'me suis dit que c'était pas plus mal... Alors du coup j't'ai attendu.

— Ok... »

Il est soulagé. Soulagé que Daiki soit venu à lui, soulagé de ne pas avoir à attendre le lendemain pour le voir et avoir des nouvelles. Il n'aurait pas dormi de la nuit c'est sûr.

« Fallait pas hésiter à envoyer un message... J'serais rentré plus tôt... En fait... J'attendais ton message... ça fait longtemps que tu es là ?

— Je sais pas trop... une heure peut-être... Mais j'voulais pas te déranger. Et puis... j'me suis senti un peu con à débarquer comme ça... tout ça parce que... J'me sens triste à cause de mon ex... J'étais pas sûr que ce soit une bonne idée... Mais tu vois j'suis resté quand même. J'avais pas envie d'être tout seul. J'avais... vraiment envie de te serrer dans mes bras. »

Il masse doucement sa nuque et retire ses chaussures sans le lâcher.

« T'as bien fait… Bien-sûr que c'était une bonne idée… J'suis content que tu sois là… Moi aussi j'avais envie de te serrer dans mes bras. »

Il souffle plus doucement, timidement, presque honteusement.

« Je suis soulagé que tu sois là… J'avais peur que… Tu veuilles rester tout seul… »

Il se racle un peu la gorge et sourit.

« Allez enlève tes chaussures on va pas rester dans l'entrée… T'as l'air crevé… Tu veux boire quelque chose pour te réchauffer ?

— Ouais j'veux bien, merci. »

Le brun se déchausse à son tour. Il se frotte l'arrière du crâne un peu embarrassé.

« Rester seul... bah j'croyais que c'était ce que je voudrais aussi... Pour réfléchir... digérer... Mais en fait... j'ai juste besoin de toi... »

Il sourit tendrement et lui prend la main pour l'emmener avec lui au salon.

« C'est ok love… C'est très bien comme ça… Tisane ? Thé ? Café ?

— Hm... Un p'tit café ça me réconforte toujours. Et non t'inquiète, c'est pas ça qui m'empêchera de dormir ! »

AOMINE

Il rit un peu. Ça lui fait du bien d'être ici. Dans un endroit où il se sent en sécurité. Où il est toujours le bienvenu. Il se sent vulnérable ce soir, mais Taiga est là et ne lui en veut pas de venir avec ses problèmes. Il s'assoit dans le canapé et soupire de soulagement. On est mieux là que par terre sur le bitume.

KAGAMI

Dans la cuisine, il s'affaire autour de la machine à café et la bouilloire. Il observe son petit ami du coin de l'oeil. Il est vraiment content de le voir là. Doucement, le nœud qui serrait son estomac se détend. Il craignait vraiment un nouvel isolement de son homme mais Daiki n'a pas fui. Daiki est venu à lui. Daiki a besoin de lui. Réalisé tout ça brise une partie de ses inquiétudes et ses insécurités. Il est vraiment soulagé que Daiki se sente suffisamment en confiance pour débarquer chez lui à l'improviste quand il va mal.

Il remplit les tasses et le rejoint au salon. Il récupère son sac dans l'entrée et fouille pour sortir le sac dans lequel il a rangé les CDs qu'il voulait lui faire écouter. Il revient s'installer à côté de lui et poser le sac sur la table avant de passer son bras autour de ses épaules.

« Tiens… J'ai retrouvé ça dans ma chambre chez mon père… J'ai pensé que ça pourrait t'intéresser.

— Oh... Thanks, c'est gentil... »

AOMINE

Il attrape les CDs et les examine.

« Ah ouais... Y a plein de trucs intéressants effectivement... »

Définitivement, c'était une bonne idée de venir ici. Penser à autre chose, passer du temps avec Taiga. Se rappeler et avoir la preuve qu'il n'est pas seul. Lola est partie mais Taiga ne l'a pas abandonné. Son bras autour de lui, sa proximité physique, l'apaisent et diminuent la peine qu'il éprouve.

« Ah ça je connais pas mais ça a l'air sympa... Et j'ai entendu parler de ce truc... Y a trop plein de trucs que je connais pas encore bien en musique en fait...

— Et t'as tout le temps de découvrir. »

Taiga montre un des CDs qu'il tient dans la main.

« Celui-là j'l'ai tellement écouté, c'est vraiment un truc que j'adore. Rage ce sont des gars d'ici en plus ! »

KAGAMI

Il ne sait pas si détourner son attention est la bonne chose à faire. Mais il se dit que si Daiki a envie de parler de Lola et de leur discussion il le fera. Pour l'instant, il est là avec lui plus qu'il ne l'a pas été de tout le reste de la journée… Alors il a envie d'en profiter. Et puis, il se rend compte qu'il est vraiment soulagé de ne pas dormir seul ce soir. Il se sent soudain fatigué lui aussi. Il a envie de se cacher sous la couette et de juste serrer son homme contre lui. Il repense à la conversation qu'il a eu avec son père. Daiki est visiblement très attaché encore à Lola, mais ce soir il est avec lui et c'est tout ce qui compte.

AOMINE

« Ah ok... Bah on pourra écouter ça ce week-end. »

Il repose les CDs et prend une gorgée de café, chaude, amère, réconfortante. Il pose une main sur la cuisse de Taiga et la caresse doucement.

« Et j'ai vu que t'as récupéré ton skate aussi ? Ça y est, marre du taxi ? »

Taiga sourit.

« Mon père habite vraiment pas loin… Alors ça se fait bien à pieds ou en skate. J'avais pas prévu à la base mais en le voyant j'ai eu envie de le prendre. J'ai failli récupérer ma première balle de basket aussi. Mais elle est trop vielle, impossible de jouer avec.

— Ah t'as gardé ça... T'es sentimental... »

Il dit ça comme un simple constat, mais ça lui plaît.

« Sentimental ? J'sais pas… La balle c'est ma mère qui me l'a offerte peu de temps avant qu'elle parte. Alors je suppose que ça dépend… J'suis pas très matérialiste… Mais y'a deux trois trucs auxquels je tiens… »

KAGAMI

Il se mordille la lèvre en sentant ses joues chauffées quand il complète :

« Comme j'ai toujours gardé la paire de basket que tu m'as filé… Elle est aussi chez mon père d'ailleurs… »

AOMINE

Il l'écoute, surpris et ému d'entendre qu'il a gardé ses baskets. Tout ça lui semble si lointain… Pourtant, ce n'était qu'il y a quelques années. Hier, presque. Il détourne ses pensées du passé, cependant, pour se concentrer sur le présent.

« Et donc... tu me disais que ton père était content pour nous alors ? Et qu'est-ce que t'as appris d'intéressant sur tes parents ? »

KAGAMI

Il sourit et répond pour oublier son embarras.

« Ouais mon père est content parce que… J'avais l'air heureux quand je parlais de toi. »

Mais concernant la seconde question il hésite un peu. Il n'a pas encore vraiment digéré la nouvelle et il ne sait pas encore quoi en penser.

« Et j'ai appris… Un truc qui me laisse assez choqué… Ma mère entretenait une relation amoureuse avec sa meilleure amie tout en étant avec mon père. Mon père était au courant et… Tolérait. C'est assez… Déroutant.

— Oh... Ah ouais déroutant en effet... C'est drôle ça... et pourquoi il t'en parle maintenant ?

— Parce que. je lui ai parlé de nous... De ce que je ressens pour toi, de ce que tu ressens pour moi, mais aussi pour Lola... Alors il m'a parlé de ça pour me dire que chacun aime d'une façon différente et que ça évolue avec le temps... Et qu'il faut juste accepter de ne pas maîtriser les sentiments de l'autre et simplement accepter ce qu'on nous donne... Ma mère aimait deux personnes aussi fort au point de ne pas pouvoir en laisser une au profit de l'autre... Même si ça restait différent. Je t'avoue ça me dépasse un peu. Je sais pas comment ma mère pouvait avoir de la place pour deux personnes et encore moins comment mon père a pu accepter de partager. Mais c'était comme ça qu'elle était heureuse et rendait mon père plus heureux...

— Hm... ok... Mais j'pense pas qu'on puisse juste accepter ce qu'on nous donne... Faut savoir trouver ce dont on a besoin aussi... Regarde Lola justement... ça lui allait pas... alors elle est partie... J'y connais pas grand-chose, Taiga... Mais pour nous c'est différent, et... Lola et moi, c'est fini de chez fini. Je... je sais même pas si je la reverrai un jour. Alors... c'est pas comme si t'avais besoin de t'inquiéter de ça.

— Je suis désolé... Même si je sais pas justement pourquoi c'est différent entre nous... En dehors du fait que je sois un mec... Je sais que tu tiens à elle... J'ai pas souhaité que... Tu ne puisses pas la revoir du tout... »

AOMINE

Ilreste quelques instants silencieux, fixant sa tasse de café à moitié vide et cherchant à rassembler ses pensées. Lui, il sait en quoi c'est différent, au-delà de l'orientation sexuelle. Car le père de Taiga a raison, il existe différentes façons d'aimer. Il ne l'a jamais vraiment formulé avant, car il essayait de coller à un idéal de couple qui ne lui convenait pas, et se mentait sur ses propres sentiments aussi bien que sur son orientation sexuelle. Il s'humecte les lèvres et commence à parler d'une voix basse :

« C'est différent parce que... J'aurais pu vivre sans elle, entretenir une relation à distance, et continuer à vivre au jour le jour sans rien envisager d'autre. Toi... Tu fais partie de moi. Mes sentiments pour toi sont comme un arbre qui a pris racine en moi. Je ne peux pas envisager de vivre loin de toi. Et je ne vois pas ma vie sans toi. Quand je pense à ce que je ferai dans six mois, dans un an, même dans dix... Je me vois avec toi. La conversation que j'ai eu avec elle ce soir m'a aidé à comprendre ça. Tout ce que je viens de te dire... C'était ce qu'elle voulait avec moi. Et moi, c'est ce que je veux avec toi. C'est pour ça qu'elle ne veut plus me voir, au moins le temps qu'elle refasse sa vie. Et ça, c'était pas ce que moi je voulais. Je te l'ai dit je crois, j'espérais qu'on puisse rester amis. Mais je comprends et respecte sa décision. Et puis j'en ai peut-être besoin aussi. Pour me concentrer sur toi et sur nous. »

KAGAMI

Ses mots lui réchauffent le coeur et achèvent de lever des doutes qu'il gardait ancrer au fond de lui ce soir. Il sourit et souffle.

« Tu me dis dix ans… Et j'ai pas envie de fuir… J'crois que ça veut dire que je suis complètement dingue de toi… Je comprends pour Lola et j'espère que quand le temps aura passé un peu vous pourrez être amis. »

Il serre doucement la main de son homme dans la sienne, il ne sait pas comment exprimer ses pensées.

« Différentes façons d'aimer… Ouais. Je pense que j'ai compris que tu étais pas vraiment amoureux d'elle, qu'il n'aurait pas suffit qu'elle soit un mec pour que ça marche entre vous. Mais tu as quand même des sentiments très forts pour elle… Au point de te sentir vraiment coupable pour ce qui s'est passé et d'avoir voulu me sortir de ta vie. Et j'crois que c'est surtout ça qui me faisait peur que tu culpabilises encore et que tu t'éloignes de moi… Et c'est sûr cette peur pour moi est accentuée par mon vécu… Je t'ai senti tellement loin aujourd'hui, que ça m'a fait peur. J'ai toujours cette putain de peur qu'on m'abandonne… C'est pas de ta faute… ça vient de moi… Parce que moi non plus j'imagine plus ma vie sans toi. Moi aussi je découvre qu'on aime différemment… J'ai vraiment aimé Levi, vraiment été amoureux pour le coup... Et pourtant, ça a rien à voir avec ce que je ressens pour toi... Je sais même pas comment l'exprimer... C'est intense, c'est vivant, réel... J'ai l'impression d'être complet... D'être juste moi quand je suis avec toi… »

Daiki hoche la tête et lui jette un coup d'œil.

« Tu sais, moi aussi, j'ai très peur de l'abandon. Ça me poursuit depuis que je suis gamin et ça m'a fait prendre beaucoup de mauvaises décisions dans ma vie. Et t'avais pas tout à fait tort d'avoir peur que je culpabilise et que je m'éloigne à nouveau. C'est ce que j'aurais probablement fait... y a encore une semaine... Mais plus maintenant. J'suis pas en train de te dire que je culpabilise pas, mais j'vais pas te fuir. Par contre ça peut m'arriver comme aujourd'hui, quand j'suis préoccupé, de pas être réceptif et de pas pouvoir être proche de toi. Ça voudra pas dire que ça doit te faire peur. Parce que je compte pas partir, ni maintenant ni plus tard. Je l'ai pressenti... et ça s'est confirmé petit à petit, et maintenant je le sais... Ce que je ressens pour toi c'est pas quelque chose qu'on peut fuir ou simplement oublier ou mettre de côté. Alors j'suis heureux... que tu éprouves quelque chose de similaire.

— J'essaierai de pas flipper quand t'es pas réceptif... Promis... Mais ce sera pas facile. »

Il embrasse tendrement la tempe de son homme et repose sa tasse vide pour le prendre dans ses bras. Il est vraiment content que son homme soit venu.

« Merci d'être là ce soir... »

AOMINE

Il entoure Taiga de ses bras et inspire son odeur, le front posé sur son épaule. Il se raccroche à lui, à sa présence, à la stabilité qu'il lui offre. Il est son point d'ancrage, sa certitude, son avenir. Il respire doucement, s'imprégnant de sa chaleur, et fait le vide dans sa tête.

« C'est rien... J'suis venu pour des raisons très égoïstes... C'est moi qui te remercie d'être là pour moi...

— Je serais toujours là pour toi... »

La main de Taiga se pose sur sa nuque, massante.

« Tu veux aller te glisser sous la couette ?

— Ouais... Bonne idée. »

Il ne bouge pas tout de suite cependant, profitant encore un peu de l'étreinte, les yeux clos. Puis, il se défait doucement de ses bras et se frotte les yeux. La soirée a été longue et éprouvante, et il est soulagé d'y mettre un terme en retrouvant l'obscurité de la chambre et le confort du lit près de Taiga.

Il se lève en entraînant son homme dans son sillage jusqu'à la chambre. Il ne perd pas de temps et se déshabille en vitesse avant de se lover sous la couette.

Taiga l'y rejoint sans attendre. Il le prend doucement dans ses bras et embrasse tendrement son front.

« Bonne nuit Daiki. »

Le brun soupire de contentement, caressant doucement le dos de Taiga.

« Good night love... »

Il ferme les yeux et se laisser bercer par le souffle de son homme. Il reste longtemps éveillé, juste à écouter sa respiration qui habille le silence. Ses pensées dérivent mais aucune ne s'attarde, elles le traversent comme de fragiles nuages de printemps. Des inquiétudes persistent, mais ses émotions se sont apaisées, et il finit, doucement, par se laisser aller au sommeil.

KAGAMI

Daiki s'est endormi. Il continue pourtant à masser sa nuque. Il est soulagé que cette journée soit terminée. Encore un peu sous le choc de la révélation de son père, mais surtout il est rassuré que Daiki soit là avec lui. Il avait angoissé toute la journée de sentir Daiki loin de lui. Alors le voir débarquer ainsi à l'improviste est un vrai soulagement. Ce geste est très symbolique. Que Daiki soit naturellement venu vers lui le rassure énormément et est un peu la preuve qu'il est vraiment important pour lui. Pas qu'il ne croit pas ses mots, mais les mots s'intellectualisent. Daiki est arrivé devant sa porte sans réfléchir. C'est pas sa tête qu'il l'a poussé jusqu'à lui. Et il en est profondément ému.

Il embrasse ses cheveux et ferme les yeux. Le sommeil tarde à venir, alors simplement il veille sur celui de son homme. Quelque part il est content que cette page pour Daiki soit tournée, il veut construire quelque chose de pur avec lui, il ne veut pas que leur relation soit basée sur du flou. Il devrait sûrement lui aussi faire face à son passé pour faire les choses biens. Mais il a encore trop de colère et de rancoeur pour pouvoir y faire face et il n'est pas sûr de ce que ça pourrait lui apporter.

Ses pensées dérivent et se transforment bientôt en rêves alors qu'il rejoint son homme dans le sommeil.