Mot de l'auteur : Bonjour tout le monde ! J'espère que vous êtes prêt pour la suite. Découverte, révélation et réalisation sont au menu aujourd'hui ! J'espère que vous passerez un bon moment !

RAR Farwey : Merci pour ton commentaire ! C'est bien d'être romantique – et moi aussi je le suis – beaucoup- mais je suis aussi un peu sadique. J'adore torturer mes personnages avant de les laisser obtenir ce qu'ils veulent !

RAR Ariane : Je ne veux pas me spoiler, mais je ne veux même pas imaginer Harry avec Desclare. Crois-moi, c'est pas une question de « berk » ou de « quel connard », parce que je ne vois pas ce personnage comme ça. Ce serait juste gênant et malaisant parce que ce type a autant de passion qu'un bloc de pierre et est juste tellement pas doué avec les relations sociales...


Gérant: Ivan Desclare (dragon bronze Norlith)
Intendante des Cavernes Inférieures : Gwendolyn Steenwich

Chef des Candidats : Adrian Montemps (dragon brun Goleth)
Maitresse des Aspirants : Amber Stevens (dragon vert Legith) –compagne de Rebecca -

Aspirants : Valentine Lassauge (dragon vert Dinth - lézard de feu or Delilah)
Harry Potter (reine dragon or Talath- lézard de feu brun Moineau)

Chevaliers: Charlie Weasley (dragon bronze Derianth- lézard de feu vert Jade)
O'Connel (dragon bronze)
Edmund Deiricht (dragon bronze Arenth)
Ronan Watteau (dragon bronze Kyreth)
Damian (dragon brun Emlith)
Reyn (dragon brun)
Rebecca (dragon bleu Farlith) –compagne de Amber Stevens- - Maitresse des Armes-
Mortimer (dragon vert) – Apprenti Guerrisseur -

Candidats : Dennis Crivey


Chapitre 28 : Le Miroir d'Obsidienne

On le regardait.

Harry se retourna brusquement vers l'endroit d'où provenait le reflet… Mais il n'y avait personne.

Rien que de la roche, l'immensité de cette vaste caverne et lui avec son mollet en lambeaux.

-Tiens, tiens… Voilà qui est surprenant.

Le jeune homme revint aussitôt sur le miroir, là d'où semblait venir le son. Provenant apparemment de l'apparition presque fantomatique qui émit un semblant de sourire.

C'était une femme, mais il ne pensait pas qu'elle était humaine, ou même sorcière. Ses traits étaient juste trop parfaits, symétriques, ses longs cheveux blancs qui tombaient jusqu'au sol semblaient avoir la texture de l'eau, sa peau si pale, si fine, ne laissait apparaitre aucun tracé bleuté de veines, comme si elle avait été sculptée dans du calcaire. Et ses yeux étaient d'un bleu si clair que l'on percevait à peine la séparation de l'iris.

Et en cet instant, elle ne portait qu'une très légère robe dorée qui dévoilait plus ses formes qu'elles ne les cachaient.

Peut-être injustement, il pensa avoir à faire à une vélane.

Mais elle n'évoquait pas vraiment la beauté – trop belle pour être belle comme on pourrait le dire – et il émanait d'elle une impression de choses dures, coupantes et glaciales. Un prédateur, sans aucun doute.

Et pendant ce temps, elle tournait autour de son reflet, lui faisant subir la même observation.

-Tu n'as pas l'air de savoir un instant ce qu'il se passe, continua-t-elle.

-Non. Je ne comprends pas du tout ce qu'il se passe avec ce… Ce pan de mur ? Répondit-il en essayant discrètement de voir s'il pouvait toucher l'apparition dans le reflet et dans la réalité.

Elle fit un écart opportun et un geste englobant la surface qui la reflétait.

-Ceci n'est pas un « pan de mur ». Ceci est un miroir d'obsidienne. Un très très rare miroir d'obsidienne.

Cela ne lui apprenait pas grand-chose et soulevait encore plus de questions. Qu'est-ce qu'un artefact de toute évidence magique faisait dans une salle abandonnée ? Ce n'était pas dans les habitudes de la Réserve de négliger une quelconque ressource.

-Oh… Peu peuvent s'en servir, émit la femme comme si elle lisait dans ses pensées. Pour la majorité des personne, ce n'est qu'un bloc taillé dans le l'obsidienne arc-en-ciel, celle qui porte le nom bien plus évocateur de « œil céleste ». Mais pour d'autre…

Harry repensa aux espèces de visions qu'il avait subies en touchant le miroir. Il aurait bien aimé en parler, mais il ne savait rien de l'étrange personne face à lui. Sa prudence le taraudait suffisamment pour le tenir sur le qui-vive.

-Excusez-moi… Mais qui êtes-vous ? Et que faites-vous dans mon reflet ?

La femme dans le miroir eut un mouvement de menton hautain, et recommença ses divagations autour du Harry du miroir. C'était perturbant la façon dont elle s'intéressait tantôt à lui, et tantôt vrillait le vrai Harry de ses yeux irréels.

-Je pourrais vous demander de vous présenter d'abord… Fit-elle. Mais je sais déjà qui vous êtes. Harry Potter, compagnon de la dorée Talath, reine longwing… (elle laissa un silence passer). Quant à moi, on me connait sous le nom de la Dame Blanche…

-La Dame Blanche ?

Cela ne lui disait absolument rien.

-Et je possède moi-même un miroir d'obsidienne. C'est grâce à cela que nous communiquons. C'est un de leur pouvoir.

-Donc c'est une sorte de téléphone avec image… Comprit Harry.

En réalité, cette femme se trouvait comme lui devant son miroir et pour elle, c'était le reflet d'Harry qui devait jouer les intrus… Quoique ça n'expliquait pas tout à fait sa façon d'agir.

-Il y en a plus de deux ? Et on peut communiquer avec tous les autres miroirs ? Demanda-t-il en voyant l'intérêt bien pratique d'un tel objet.

-J'ai bien peur que nous ne soyons les derniers à pouvoir nous en servir. Quand bien même il y en aurait d'autre.

-Qu'est-ce qu'ils peuvent faire en plus ? S'enquit Harry. Tout à l'heure vous avez dit qu'il ne s'agissait que d'un de leurs pouvoirs…

Le sourire en coin qui ourla ses lèvres refroidit Harry de son enthousiasme même s'il ne sut dire pourquoi.

-Oh… Harry. Vous et moi savons très bien ce qu'ils peuvent faire d'autres… Ce que VOUS pouvez faire…

Elle s'éloigna un peu, comme songeuse, avant de reprendre :

-« Le garçon qui marqua la dorée ». Celui qui entend tous les dragons… Un don qui est transmis de mère en fille depuis Sorka, la toute première à marquer un dragon. Son sang coule dans vos veines, transmis par votre mère.

Les yeux écarquillés, Harry essayait de comprendre ce qu'elle lui disait, mais cela ne faisait guère sens dans son esprit.

-Je crois que vous vous trompez… La famille de ma mère est moldue. Ma mère était la toute première sorcière de sa lignée…

-Huum… Fit-elle avec amusement. Non. Je ne me trompe pas. Il y a de cela 70 ans éclatait la guerre contre ce sorcier appelé Grindelwald. Les descendantes de Sorka furent traquées et éliminées à cause de leurs pouvoirs. Une seule y échappa, même si ce ne fut pas le cas de son dragon, et son seul moyen de survivre fut de se fondre au milieu des moldus. Elle ne fut jamais retrouvée. Mais je suis formelle, je sens son sang dans vos veines. Et même sans cela, c'est à la commande de Sorka, et pour ses descendantes, que 13 miroirs d'obsidienne furent forgés par les Nains de la Forêt Noire. 3 furent détruits. 4 sont perdus. Il n'en reste que six et une seule personne capable d'activer leur pouvoir caché. Vous.

Harry déglutit nerveusement en se demandant si tout cela était vrai. Cela signifierait que sa grand-mère ou son arrière-grand-mère avait été non seulement sorcière, mais aussi Dame de la Réserve. Maitresse d'un dragon.

-Eh oui, fit la femme d'une voix moqueuse. Le sang de Sorka est revenu à la Montagne Blanche, là où tant d'autres de ses descendantes ont œuvrées. Tout cela ressemble beaucoup au destin.

-D'accord. Peut-être ! S'exclama Harry avec nervosité. Je n'ai pas connu mes grands-parents donc je ne peux pas le dire. Mais je suis un garçon ! Pas une fille ! Alors ce truc de descendantes, de mère en fille…

Il écarta les bras, comme pour montrer qu'il était bien de l'autre genre, mais ça n'a pas eu l'air d'impressionner son interlocutrice.

- Tous les peuples magiques ont leurs prophéties qui annoncent votre venue. Certains font part de catastrophes et de destruction. D'autres de grands changements. Il fut écrit il y a bien longtemps que le dernier descendant de Sorka serait un garçon et que sa lignée se terminerait avec lui. Vous êtes ce garçon. Vous êtes le dernier.

Ces mots tombèrent dans l'estomac d'Harry comme une pierre. Il ne voulait pas être le dernier de quoique ce soit, et il ne voulait pas être annonciateur de malheur ! Il se souvenait brusquement de ce que lui avait dit Fleur Delacour au sujet d'une prophétie de sa grand-mère vélane parlant d'un chevalier or. Tout d'un coup il regrettait de ne pas avoir posé de questions à ce sujet.

Il aurait aimé s'asseoir, se sentant brusquement tout faible. Mais les mouvements qu'il pouvait faire avec sa jambe blessée étaient limités.

A la place de cela il se prit la tête dans les mains, bouleversé.

Sa vie était en train de prendre un chemin incontrôlable !

Il sentit des mains contre les siennes et sursauta. La Dame Blanche était devant lui, exactement comme leur reflet le montrait. Elle lui caressa doucement le front et la joue avec une de ses mains lisse, comme le ferait certainement une mère, ses étranges yeux limpides plongés dans les siens.

Il se crispa légèrement, une part de lui vraiment pas rassurée.

-Pauvre… Pauvre petit. Tant de poids… Tant de tristesse… Tant de déception… Tout ça, juste à cause d'une petite dragonne égoïste.

C'était comme si elle lui enfonçait un couteau dans une plaie déjà ouverte et le remuait bien doucement. Harry était incapable de dire si elle se montrait bienveillante ou bien son contraire en cet instant.

Mais sa rancune envers Talath renaissait de plus belle, et la colère remontait du plus profond de son être. Parce qu'il ne pouvait pas croire que la dorée ignorait qu'en choisissant un garçon, quelqu'un qui n'était pas fait pour elle, elle lui ferait subir tout un tas de déconvenues. Juste parce qu'elle, reine dorée, voulait le meilleur.

-Un vrai gâchis de potentiel, approuva la Dame Blanche. Votre place est de toute évidence sur les champs de bataille. Je paris que vous l'avez vu… Dans le miroir. La Guerre inévitable qui se rapproche… Finit-elle en un murmure au creux de son oreille.

Harry resta silencieux, même s'il était encore hanté par sa vision d'un ciel rempli de dragons s'affrontant avec violence. De flammes, de griffes acérées, de boulets de canon claquant dans l'air et de magies de toutes formes s'entrechoquant comme des orages magnétiques.

Les corps des dragons terrassés tombant du ciel en une pluie macabre.

Une part de lui fantasmait le combat, le désirait même avec ardeur, mais en cet instant, il donnerait tout pour que ce qu'il avait vu ne se produise jamais.

Et il espérait fortement que ce n'était pas à cause de lui que tout cela arriverait.

Mais si être chevalier doré causait tout cela… Eh bien… Il avait juste qu'à cesser de l'être.

-Je peux faire cela.

Il sursauta légèrement, ayant durant un bref instant oublié tout ce qui l'entourait. Avait-il parlé à voix haute ?

-Faire quoi ? Demanda-t-il prudemment.

La Dame Blanche plissa les yeux – c'était un sourire – probablement – elle ne semblait pas être très douée pour ça. Et ses mains étaient toujours sur lui. Harry se demanda un bref instant comment il pouvait oublier la présence de quelqu'un qui le touchait. Et pourquoi d'abord, ce contact continuait.

-Je vois à quel point être chevalier d'une reine doré vous rend malheureux, répondit la femme. Alors… Je pourrais réaliser votre souhait.

-Mon souhait ? Vous… Je ne crois pas que…

-Considérez que notre rencontre n'est probablement pas le fruit du hasard. Ici encore, il s'agit du destin. Vous aviez besoin de moi, même sans le savoir, et vous m'avez trouvé.

Harry resta un instant perplexe. Ce qu'elle disait n'était pas si faux. Quelles étaient les chances pour qu'il se trouve dans cette galerie, qu'un tremblement de terre la fasse s'effondrer à ce moment-là et qu'il atterrisse à deux pas du miroir ? Ça ne pouvait pas être une simple coïncidence. Et peut-être que sa « bonne étoile » s'était finalement réveillée et avait décidé que ça en était trop pour lui et qu'il mériterait une nouvelle voie, un nouveau chemin.

Il lui fallait juste un peu d'audace… Et un brin de folie… Non, beaucoup de folie.

Il releva les yeux vers ceux de la Dame Blanche.

Rien. Harry ne pouvait rien lire dans ce regard trop clair, avec juste ces deux pupilles noires qui ressortaient et semblaient être capable de voir à travers lui.

-Et qu'est-ce que vous pouvez faire ?

Un nouveau rictus souleva ses lèvres.

-Ca.

Elle le prit au dépourvu en posant ses lèvres sur les siennes.

Tout ce que sentit et retint Harry, c'était leur touché glacial… Avant que tout devienne noir.

-D-

La lumière vint le gêner dans son sommeil, puis ce fut son réveil qui se déclencha.

Harry se redressa aussitôt dans son lit.

Légèrement hagard, il se gratta le cuir chevelu en détaillant tout ce qui l'entourait. On aurait dit qu'il était dans une des cavernes supérieures, un peu dans le genre où avait été logé Damian avec une seule pièce qui servait de chambre et de salon.

Pourtant, ici et là il trouvait ses affaires et ses vêtements. Le perchoir d'Hedwige était vide, mais Moineau dormait, enroulé en boule dans un creux de la couette.

-Mais… Où est-ce que je suis ?

Avait-il été retrouvé et secouru ? Mais dans ce cas-là que faisait-il ici ? Ce serait plus logique de l'avoir placé à l'Infirmerie. Et toute cette discussion avec la Dame Blanche ? Est-ce que ça avait été une sorte de… Délire ? Montemps les avait déjà prévenus contre les effets de certains gaz qui pouvaient s'accumuler dans des grottes fermées.

Avec précaution, il dégagea sa jambe blessée, mais la trouva indemne. Et en la faisant travailler, il se rendit compte qu'il ne ressentait aucune douleur.

Il sauta sur ses deux pieds, heureux, et constata avec plaisir qu'il n'avait aucune séquelle de l'accident.

Si accident il y avait eu. Finalement, il était en train de se dire qu'il l'avait complétement imaginé.

Avec tout ça, il lui fallait encore découvrir le propriétaire de ces appartements. Il attrapa son pantalon et sa veste qui étaient posés sur son coffre et les enfila rapidement avant de se diriger vers la caverne du dragon.

Harry sentit une drôle d'impression en entrant, mais la laissa de côté pour admirer le grand bronze qui dormait profondément. Il était magnifique… Mais Harry ne voyait pas du tout qui c'était. Il connaissait pourtant tous les dragons de la Réserve.

-Alors, encore en contemplation ?

Se retournant, le brun aperçut Damian qui était appuyé au passage qui reliait les appartements à la caverne. Il souriait largement en faisant tourner ses lunettes de vol autour de son poing.

-Damian !? S'exclama Harry en le rejoignant.

-Euh… Oui ? C'est moi. Qui t'attends pour qu'on aille petit déjeuner… Comme tous les matins !

-Mais… Qu'est-ce que tu racontes ? On ne mange plus ensemble depuis un moment, et… Je suis dans les appartements de qui et ce dragon, qui c'est ?

Damian haussa fortement des sourcils, le regardant comme s'il était fou avant d'éclater de rire.

-Oh, par l'œuf, tu es pas bien réveillé toi ! Eh l'endormi, faut émerger ! C'est TES appartements, et TON dragon et on a une mission dans trois heures ! Charlie sera pas content si on traine ou si tu baragouine des idioties !

-Quoi ?! Souffla Harry, hébété.

Mais Damian ne lui laissa pas le temps d'éclaircir tout cela et l'attrapa par les épaules pour le trainer derrière lui.

Harry jeta un dernier regard au dragon, avant de porter une de ses mains à son front, n'arrivant pas à y croire.

-Elle l'a fait. Elle l'a VRAIMENT fait ! Je suis un chevalier dragon bronze !

-Qu'est-ce que tu as bu ou pris hier ? Le questionna Damian qui semblait s'inquiéter beaucoup pour lui.

Ce que disait Harry ne devait en effet pas avoir de sens pour lui. Mais c'était comme si la Dame Blanche avait changé le cours des évènements et que lui, Harry, avait marqué un dragon bronze durant l'Eclosion.

-Et je suis dans la Quatrième Escadrille ? Avec toi et Charlie ?

-Hum ouais… Je savais que c'était pas une bonne idée de te laisser avec cette fille hier soir, mais je ne pensais pas que tu me ferais ce coup-là au matin. Charlie va me tuer, parce que, bien sûr, ça retombera sur moi, toi t'es son petit protégé !

Harry éclata de rire, se sentent plus léger que jamais comme si un poids énorme venait de s'évaporer de ses épaules.

Plus de Desclare sur le dos ! Plus de cours ennuyeux ! Plus d'inventaires ! Plus de Vol ! Plus d'homosexualité ! Plus de catastrophes imminentes ! Et…

…Plus de bruit ?

-Les dragons sont drôlement silencieux ce matin, réalisa Harry.

-Tu déconne ? Emlith n'arrête pas de me saouler depuis ce matin. Là encore c'est « blablabla » sur la soirée d'hier et comment je n'aurais pas dû te laisser. Je sais. Je sais. Mais ces jumelles étaient juste trop sexy…

-Emlith te parle, là, en ce moment ? Le coupa-t-il parce qu'il n'en avait rien à faire des jumelles sexy.

-Bein oui, puisque je te le dis ! Ne fait pas cette tête comme si tu pouvais entendre tous les dragons !

-Je peux… Emit Harry d'un air perdu.

Ou du moins il le pouvait, avant.

-Mais oui, c'est ça. Je crois qu'une bonne potion anti gueule de bois te remettra les idées en place.

-Euh… Ouais…

Au fond, Harry avait juste à se laisser faire et apprendre à vivre avec cette nouvelle réalité. Cela ne devrait pas être difficile.

C'était ce qu'il avait toujours voulu, pas vrai ?

Alors qu'il descendait dans les méandres des couloirs, il pouvait déjà sentir la différence dans le regard des gens qui l'entouraient.

Admiration. Désintérêt. Visages polis ou amicaux.

Plus personne ne le déshabillait du regard. Les yeux ne trainaient plus sur sa chute de rein et ses fesses et on n'essayait plus de le séduire à coups de clins d'œil ou de sourires charmeurs.

C'était le paradis !

Une nouvelle surprise se présenta puisque Edmund se tenait à l'entrée du Hall des Repas, les attendant apparemment. Il leur adressa un grand sourire, comme si jamais ils n'avaient été séparés par la couleur de leurs dragons respectifs.

Ah, bein non, était-il bête ! Il avait un bronze. Lui aussi.

Edmund lui serra fraternellement l'épaule et ils entrèrent tous les trois, le pas assuré et fier, comme trois jeunes nouveaux chevaliers prêt à faire leurs preuves et leur place dans la Réserve.

Harry en était si heureux qu'il ne pouvait plus décrocher le sourire niais de ses lèvres. C'était comme s'il était en vol et qu'il s'apprêtait à plonger en piquet, le vent contre son visage et le cœur battant violemment en lui.

-Qu'est-ce qu'il lui arrive ? Finit par s'enquérir Edmund en attaquant son petit déjeuner.

-Je ne sais pas, répondit Damian qui commençait déjà à mélanger toute sorte de produits dans un gobelet en acier.

-Je ne boirais pas ça, prévint simplement Harry sans cesser de sourire. Et je vais très bien.

-Arrêtes, c'est mon mélange, le « Damian spécial lendemain de cuite ». Et tu es clairement pas dans ton état normal. J'espère que t'es pas tombé amoureux quand même ? T'as la tête d'un amoureux complétement crétin ! Y'a pas plus con comme idée !

Harry répondit simplement en levant les yeux au ciel.

-S'il te dit qu'il va bien, temporisa Edmund. De toute façon Laranth le saura s'il est sous l'effet de quelque chose… Du moins quand il se réveillera.

*Laranth ?*

Oh, ça devait être son dragon. C'était bizarre. Harry se sentait plutôt… Déconnecté de ce grand bronze. Peut-être était-ce parce qu'il dormait encore…

Haussant les épaules, il fit honneur à son petit déjeuner comme il ne l'avait pas fait depuis longtemps. Tout semblait avoir plus de gout tout d'un coup. Le pain glissait tout seul dans sa gorge là où il avait auparavant l'impression d'étouffer à la moindre bouchée.

Ne plus avoir de regards pesants sur son dos, de personnes venant lui dire ce qu'il devait faire… Ou ne pas faire. C'était vraiment la liberté.

Il cherchait quand même Valentine du regard. Il avait besoin de la voir pour confirmer cette réalité.

A la place, ce fut Ronan qui vint s'asseoir à leur table. Il lui jeta à peine un regard et un « salut » rapide, mais Harry resta muet de stupeur devant son manque de… Ça se disait connartitude ?

Edmund l'accueillit chaleureusement, mais Damian fit une légère moue et se tu pour se concentrer sur sa nourriture.

-Il parait que vous avez tous les deux une grosse mission aujourd'hui, fit Ronan en jouant avec une fourchette. Vous avez de la chance, moi je suis encore cloué à terre pour deux jours.

-Et moi je ne suis pas là… Marmonna Damian avec autodérision, juste assez fort pour que Harry seul puisse l'entendre.

-Oui, mais je pense que mon escadrille sera rentrée bien assez vite, annonça Edmund. C'est du genre mission éclair, si tu vois ce que je veux dire.

Ronan hocha de la tête avant de fixer Harry. Ce dernier se sentait vraiment mal à l'aise de croiser son regard brun sans l'habituelle étincelle de fureur à laquelle il était habitué.

-Bonne chance à toi aussi Potter. Essaie de rentrer en un seul morceau, ok ?

-Euh… Oui.

-Tu crois que si je faisais un strip-tease, là, maintenant, il me remarquerait ? Continua à marmonner Damian, attirant cette fois-ci l'attention de Ronan qui le fixa avec mépris.

-Eh, t'as quelque chose à me dire le troisième couteau ?!

-Nope, rien, assura le blond en lui adressa un grand sourire hypocrite.

Harry sentit la moutarde lui monter au nez, mais alors qu'il allait répliquer quelque chose, Ronan lui pressa l'épaule comme s'ils étaient pote et lui parla amicalement :

-Quand tu rentreras, on fera la fête !

-Chouette ! Fit Damian, mais Ronan le foudroya du regard.

-Qui t'as dit que tu étais invité ? C'est un truc entre bronze, compris ?!

-Ah. OK. C'est pas grave. De toute façon j'ai ce truc avec les jumelles, j'aurais pas pu venir, baragouina le chevalier brun même si son interlocuteur ne l'écoutait déjà plus et saluait Edmund et Harry avant de partir.

Ce dernier était complétement déconcerté. Il retourna à son petit déjeuner en silence, essayant de comprendre ce qui était arrivé pour que Ronan agisse ainsi avec lui.

Mais avant qu'il ait pu faire part de son trouble à ses amis, Desclare entra dans le Hall. Instinctivement, Harry frissonna et se prépara à affronter son regard.

Mais il ne le regarda pas. Pas une seconde.

Non, il se retourna plutôt vers une jeune fille qui le suivait, longue chevelure sombre, peau pâle et joli minois aux longs cils. Elle acquiesça à quelque chose qu'il lui dit et Harry les regarda se diriger vers la table principale, Desclare tirer galamment la chaise pour la demoiselle, avant de s'asseoir à son tour.

-C'est Serena que tu regardes avec autant d'attention ? Demanda brusquement Damian avec un sourire chafouin.

-Quoi ?! Euh… Non, répondit automatiquement Harry en continuant cependant à fixer ladite « Serena ».

-Allez, j'te comprends, c'est qu'elle est super mignonne notre Dame !

Harry revint vers Damian, se retenant de poser les questions qui se bousculaient dans son esprit.

Ainsi donc c'était cette « Serena » qui l'avait remplacé à la tête de la Réserve ? Elle qui subissait Desclare. Elle qui était la maitresse de la dorée.

Il aurait dû se sentir un peu peiné pour elle, mais tout ce qu'il ressentait était un certain agacement vis-à-vis de la façon dont elle se laissait diriger par le Gérant de la Réserve. Elle ne lui semblait clairement pas assez forte pour le poste.

Pas assez forte pour Talath.

Une sensation de malaise s'empara de lui alors qu'il se demandait si la dragonne de cette fille était bien son ancienne moitié.

-Hum, tu comptes participer au Vol de Talath ? Demanda Damian avec un sourire plein d'insinuation, lui donnant des coups de coudes.

-QUOI ?! NON ! Réagit Harry, absolument indigné et horrifié.

Bon sang, il s'agissait bien de Talath ! Et comme s'il allait participer à cette merde de Vol ?! Il était furieux que Damian lui demande ça, A LUI, avant qu'il se rappelle qu'il était désormais un chevalier bronze et que ce n'était pas censé le mettre dans tous ses états. Qu'il n'était pas celui qui se ferait baiser dans tous les sens du terme.

Mais il ne pouvait pas s'empêcher de se sentir nauséeux… et coupable alors qu'il regardait à nouveau Serena qui baissait pudiquement la tête sur son assiette alors que les regards des chevaliers revenaient pratiquement toujours sur elle.

-Eh ! C'est pas honteux, répliqua Damian. Moi j'ai un brun, c'est quasi impossible qu'il batte en puissance les bronzes, surtout qu'on parle d'Emlith là, mais franchement, ça ne me déplaira pas d'avoir une fille pareille dans mon lit. Elle a l'air toute douce et…

- Arrêtes ! Le coupa brusquement Harry en se levant. C'est un être humain ! Elle ne mérite pas qu'on parle d'elle comme si elle était juste bonne à satisfaire vos désirs !

Edmund et Damian le regardèrent avec de grands yeux ronds.

-Ce n'est pas ce qu'on pense, répliqua Edmund. Pourquoi tu montes au créneau comme ça ? C'est notre future Dame, on la respecte beaucoup. On a prêté serment devant elle, l'as-tu oublié ?

Harry se rassit en se mordant l'intérieur de la joue, le regard sombre. Si ça c'était du respect, ils pouvaient juste se le garder…

-Et puis, même si tu le voulais, ce serait franchement égoïste de ta part d'empêcher Laranth de participer. Il en a le droit au même titre que tous les autres dragons. Sans compter le prestige qui va avec la place de Chef de la Réserve et celui de Compagnon de la Reine. C'est ce à quoi devrait aspirer tous dragons et chevaliers bronze.

Edmund avait doctement répété ce qu'on semblait lui avoir appris. Pour avoir été de l'autre côté, Harry ne pouvait juste pas approuver aveuglement un tel discours. Bien sûr, il adorerait être un jour à la tête de la Réserve, mais il n'avait pas envie de gagner dans le même lot la pauvre Dame qui n'avait rien demandé.

Dame qu'il regarda à nouveau en se disant qu'elle allait se faire manger toute crue.

Desclare lui avait-il déjà parlé de son destin dans toute cette affaire ? Harry pensait que non. S'il n'avait pas insisté et hurlé, l'homme l'aurait sans doute laissé ignorant jusqu'au jour J.

-Bon, j'y vais, sinon je vais être en retard, fit Edmund en se levant. J'espère que ça se passera bien pour vous deux.

Il fit signe à une serveuse et celle-ci s'empressa de récupérer les tasses et assiettes sales d'un coup de baguette magique.

-Te prends pas la tête sur le Vol, fit alors Damian. Vos dragons sont de toute façon trop jeunes pour arriver à couvrir la Reine.

-Oh, vraiment ? Fit Harry d'un ton détaché, ce qui fit glousser son ami.

-Ouais, même si ça c'est déjà vu. De jeunes Chefs… Mais jamais en dessous de 19 ans. Ce qui nous recale directement. Perso… (Il s'arrêta en apercevant de nouvelles personnes entrer et fit un grand sourire.) Perso je parierais sur Charlie.

L'attention d'Harry se porta alors vers le jeune homme qui se dirigeait vers eux avec tout un groupe de ses amis. Quand leurs regards se croisèrent, le roux lui adressa un sourire resplendissant et vint l'attraper par l'épaule pour le saluer dans une accolade chaleureuse.

-Alors prêt pour la mission Harry ?

-Ouaip. Plus que jamais.

Après tout ce temps à attendre…

-Mais où est notre très cher Chef d'escadrille ? Demanda avec ironie Damian en faisant mine de le chercher dans le Hall.

-Tu ne le trouveras pas, s'amusa Charlie. Il ne pourra pas participer à la mission à cause de… soit disant problèmes gastriques. Je suis donc aux commandes. (Il se rapprocha d'Harry pour lui chuchoter à l'oreille : ) Et je te réserve une place en première loge sur l'action.

-C'est vrai ? Fit Harry avec excitation, trop habitué à ce qu'on le place en sécurité depuis qu'il avait marqué Talath.

Même si… Ici il avait marqué Laranth.

Il fallait vraiment qu'il se le rentre dans la tête.

Charlie éclata de rire et lui ébouriffa les cheveux :

-Bien sûr, tu sais que tu es comme mon petit frère !

Harry essaya de ne pas trop rayonner de joie, mais c'était difficile et cela lui valut les moqueries amicales des chevaliers l'entourant. Enfin ! Enfin il pouvait faire partie de la bande ! Il était considéré avec respect comme un combattant, un des leurs, et il était dans la même escadrille que deux des personnes avec qui il était le plus proche. Il appréciait notamment l'intérêt que lui portait Charlie.

*Son petit frère.* Repensa-t-il avec joie.

Il voulait le rendre fier et mériter cette marque d'affection. Il était décidé à tout donner pour la mission.

C'est alors qu'il tomba sur Valentine qui passait à côté de leur table.

Joyeusement, il la salua, mais elle ne lui adressa qu'un vague regard plein de mépris.

Il baissa la main qu'il avait soulevée, dépité.

-Bah… Val' ?

Soudain, Cyan, un des chevalier bronze qui trainait avec Charlie, coupa le chemin à la blonde et la souleva de terre.

-Hep hep ma jolie ! C'est pas une façon de saluer ça ! Harry t'as fait un beau sourire, tu pourrais lui rendre la pareille !

-Qu'est-ce que tu crois faire espère de dégénéré ?! Vociféra Valentine en essayant de lui donner des coups de pieds.

Harry, absolument gêné du comportement de l'autre bronze voulut intervenir, mais en moins de temps qu'il en faut pour s'indigner, Valentine fut parachutée sur ses cuisses au milieu des rires des garçons.

-Je comprends mieux pourquoi Serena ne te fait aucun effet ! S'exclama Damian.

-Eh bien ça alors Harry, tu préfères les vipères venimeuses ? S'étonna Charlie en haussant des sourcils, un rire au coin des lèvres.

Mais Harry, là, n'était pas beaucoup amusé, et il savait que c'était encore moins le cas pour la jeune fille assise sur lui.

Et en effet, Valentine bondit à terre, et presque dans le même mouvement, elle lui asséna une baffe magistrale qui transforma sa joue en barbecue.

-Et vous trouvez ça marrant ?! Vous êtes vraiment la lie de l'humanité !

Elle s'éloigna le menton haut sans s'intéresser aux commentaires qui fusaient derrière elle.

-Ah, les vertes… Soupira Cyan avec un ricanement, donnant un petit coup de coude à Harry comme s'il était censé approuver.

Et pendant un bref instant, l'esprit d'Harry fut balancé entre suivre le mouvement et rester dans le cocon bien chaleureux de la cohésion de groupe, et entre attraper la tête de Cyan pour l'enfoncer dans son assiette de saucisse.

Mais finalement, c'est son cœur qui gagna et il jeta un regard furieux au grand bronze :

-Elle a raison, c'est quoi ton problème ? Je t'avais rien demandé et certainement pas de l'attraper comme ça. Tu sais que tu ne peux pas faire ça ? Attraper les personnes et les balancer sur les genoux d'une autre !

-Eh, cool Harry, c'était juste pour s'amuser !

-Ca n'était amusant que pour toi.

-Mais t'as vu comment elle t'a snobbé ?! Tu lui disais juste bonjour et…

-Et c'est parfaitement son droit, cracha Harry même s'il avait vraiment envie de savoir ce qu'il avait fait pour mériter ça.

Ronan le creuvard qui lui souriait, Damian l'honnête qui avalait des couleuvres, Valentine la juste qui le méprisait. Lui qui n'entendait plus tous les dragons. Mais qu'est ce qu'il s'était passé ? Comment le seul fait d'avoir obtenu un bronze, et non Talath, avait pu changer les choses à ce point ?!

Il ne reconnaissait pas les gens qu'il aimait – et il ne se reconnaissait pas dans la façon dont les autres se comportaient avec lui. Alors, oui, il avait ce qu'il avait toujours voulu…

Mais.

Il fut coupé dans ses pensées par le tintement familier de la conscience d'un dragon touchant la sienne et éprouva la joie habituelle à l'idée du réveil de Talath… Avant de se rappeler que ce n'était pas elle qui partageait son esprit maintenant. Et son humeur fut aussitôt douchée.

Il se leva de sa chaise :

-Je vous laisse, Laranth est en train de se réveiller.

Il les quitta, trop conscient qu'il parlait de lui et de sa susceptibilité d'amoureux. Leur étroitesse d'esprit lui fit crisser les dents de rage : ils n'avaient rien compris. L'amour n'avait rien à voir avec tout ça – c'était juste une bête question de respect de l'autre.

Ce fut presque en se trainant vers son appartement qu'il chercha un moyen d'arranger tout ça – de rendre à ce monde son équilibre.

/Pourquoi êtes-vous contrarié ?/ Fit soudain une voix dans son esprit.

Une voix trop masculine. Une voix qu'il ressentit comme étrangère et n'ayant rien à faire dans sa tête.

/Le ciel est beau, la chaleur est parfaite. Nous allons partir en mission. Il n'y a rien qui puisse rendre votre journée morose./

*Oh… Génial… Un optimiste.*

Laranth l'interrogea mentalement sur cette réaction de dépit, mais le brun ne pouvait que penser à ce que lui aurait dit Talath. Elle, aurait sûrement affirmé que la pluie devrait juste tomber pour aller avec son humeur. Ou quelque chose comme ça.

Arrivant à l'intérieur de la caverne, il découvrit son nouveau dragon qui l'attendait pour sortir.

Il était plus grand que Talath. Pour l'instant. Belle envergure d'aile à première vue, et ligne équilibrée. Couleur vive et peau sans imperfection, critères qui permettaient de juger et de sa bonne santé, et du soin qu'on avait mis à s'occuper de lui plus jeune. L'armure de combat trônait soigneusement à sa place, prête à être enfilée.

Bref, Laranth était une belle machine de combat.

Harry avait brusquement l'impression de marcher sur une mine qu'il aurait lui-même placé.

Il lui avait fallu juste quelques heures pour se rendre compte de sa stupidité. Mais que pouvait-il faire maintenant ? Ce qui était fait était fait, et…

Il avait eu ce qu'il « voulait ».

Le respect de la masse. Le dragon de combat. Les missions.

Et il avait perdu des choses bien plus importantes, qu'il avait soit considéré comme acquises, soit tout simplement dédaigné avec hauteur.

Le respect des gens qui étaient importants pour lui. Un amour inconditionnel. Ses propres valeurs.

Et alors qu'il marchait près de son dragon qui le considérait avec inquiétude, son regard capta un éclat doré.

ELLE était là, sur sa corniche, resplendissante dans sa robe dorée, le maintien fier et confiant de sa tête.

Talath.

Le désir qu'il ressentit s'accompagna de nombreux souvenirs. Leur rencontre, quand elle n'était encore qu'une petite chose toute gluante – et pourtant déjà si autoritaire. La fois où elle avait marché sur sa propre aile et s'était magistralement cassé la gueule. Les bains qu'ils prenaient ensemble en jouant à faire des bulles. Le contact de sa tête contre la sienne. Ses remarques hautaines et pourtant si comiques. Quand elle avait eu le hoquet et n'avait pas arrêté de cracher du feu, provoquant la panique parmi les Aspirants. Comment elle s'enroulait autour de ses trésors et posaient soigneusement sa tête dessus en ignorant ses moqueries. Leurs vols, ces moments où ils étaient si coordonnées qu'ils ne savaient plus qui pensait quoi et s'en moquaient éperdument.

A quel moment avait-il perdu de vue ce qui était important ? Que ce qu'il avait voulu – avant même la guerre, avant même les combats – c'était cette union avec un dragon.

Et même avant d'être une union destinée, il s'agissait d'une relation dans le temps, d'une histoire. Il n'avait rien de tout ça avec Laranth, parce que le dragon avec qui il avait grandi pendant deux ans était juste là, devant lui. Rien ne pouvait effacer ça. Rien ne pouvait valoir ça.

C'était une femelle – et alors ? Ce n'était pas comme si les pensées d'un dragon étaient sexuées. Elle volait, elle crachait du feu, elle valait autant, sinon plus que n'importe quel autre dragon.

Non, il avait bêtement placé le problème sur le genre de Talath, mais le vrai problème ce n'était pas elle… C'était lui et les autres. Lui parce qu'il avait envié un statut sans voir plus loin que le bout de son nez. Les autres parce qu'ils agissaient comme des cons. Parce qu'ils agissaient comme leurs ainés sans remettre en question leur comportement.

Et si, au final, personne ne leur mettait le nez dans leur merde, rien ne pourrait changer.

Il avait juste fui, refilé le problème à quelqu'un, et l'avait contourné. Quel lâche. Quel con.

Et maintenant il frissonnait à l'idée de ne plus pouvoir revenir en arrière.

En bas, sur la corniche de la Reine, Serena était sortie à son tour et câlinait le museau de SA dragonne.

Harry vit soudain rouge et cela lui donna un brusque coup de fouet.

- Laranth, amène-moi en bas !

Le dragon qui était complétement perdu par les pensées de son chevalier secoua la tête :

/Je ne peux pas. Je n'ai pas mon harnais et vous n'avez pas votre baudrier…/

S'il avait eu encore des doutes, cette seule réponse suffisait à faire comprendre à Harry qu'il s'était fourvoyé. Talath n'aurait pas hésité une seconde avant de le prendre avec elle… Parce que elle, comme lui, ne prenaient leurs ordres que d'eux-mêmes. Ils étaient l'ordre. Ils étaient les règles. Et surtout, à eux deux, ils étaient invincibles.

Les bronzes… Les bronzes étaient là pour obéir aux ordres. Ils étaient même les plus concernés par une autodiscipline stricte.

-Très bien, je me passerais de toi.

S'élançant dans le vide, le plus court chemin, même si c'était le plus fou, Harry ignora le cri d'horreur du dragon. Il ferma au contraire les yeux et laissa le vent qui le fouettait au visage le guider.

Sa magie fit le reste pour lui éviter de prendre trop de vitesse ou de s'écraser contre la paroi du volcan qui se rétrécissait vers le sol de la cuvette.

Il se rétablit et réussit à atterrir les pieds en avant sur la pente, même si forcément, la roche ne lui laissa pas de prise correcte, et il finit sa descente en rouleboulant douloureusement jusqu'au sol.

Heureusement que la corniche de Laranth se trouvait à mi falaise.

Se laissant à peine le temps de se remettre, Harry se remit sur ses pieds, grimaça ironiquement en constatant que sa jambe droite lui faisait mal. Il ignora la douleur et ses spectateurs qui se dirigeaient vers lui, affolés, et fila vers la caverne de Talath.

C'était une course effrénée contre sa bêtise. Alors qu'il s'approchait de la rampe d'accès, il ne put s'empêcher de crier son nom, espérant qu'elle vienne à lui, mais ce qu'il trouva en haut du promontoire fut Serena qui le fixait avec étonnement.

-Que fais-tu là ? Et que t'est-il arrivé ?

Harry s'arrêta, haletant, débraillée et écorché. Il lança pourtant un regard implacable sur la jeune fille :

-Je dois voir Talath.

Elle recula légèrement, pas rassurée, mais se reprit vite. Harry pouvait presque entendre les encouragements de la dorée derrière son attitude.

-Tu es Harry Potter, chevalier du bronze Laranth, pas vrai ? Je ne vois pas pourquoi tu veux voir Talath… Si tu veux lui parler, tu peux tout me dire : Elle et moi ne faisons qu'une.

Harry fronça des sourcils – et probablement devait-il avoir l'air bien menaçant.

-Non, cracha t'il. Elle est à moi. Je sais plus de choses sur elle que toi. La première étant qu'elle n'aurait jamais choisi quelqu'un comme toi.

-Je…

Harry ne voulait plus l'entendre parler –ou même la voir- et la contourna avec rapidité pour la dépasser. Elle n'avait pas subi d'autres entrainements que celui des Candidats et cela se sentait puisqu'elle échoua totalement à le contrer ou même à le rattraper. Habillée en plus comme elle l'était d'une longue robe blanche.

Terminant son ascension, il put enfin voir Talath plus proche qu'elle ne l'avait été depuis… Il lui semblait des siècles.

Elle était dans une position menaçante, des vagues rouges déferlant dans ses yeux.

Retenant son angoisse à la voir comme ça, son cœur qui se brisait face à sa défiance, il s'approcha tout doucement :

-Talath, tu ne te souviens plus de moi ?

La dragonne souffla par les narines et une odeur de soufre arriva jusqu'à lui, mais sinon ce n'était que le silence.

/Elle n'est pas votre dragon…/ Fit une voix triste dans son esprit.

-TOI ! TAIS-TOI ! Lui hurla-t-il avant de revenir vers Talath : Allez ma belle ! C'est moi ! Harry ! Tu te souviens de l'Eclosion ? Tu errais comme une âme en peine jusqu'à ce que je grimpe jusqu'à toi ! Et cette première fois où on a volé ensemble –sans harnais, sans baudrier ? On a fini en isolation mais on ne l'a jamais regretté !

Il sentit des larmes de chagrin perler au coin de ses yeux alors que le regard éternellement froid de la dragonne le plongeait dans le désespoir.

Soudain, deux hommes s'emparèrent de ses bras et le ceinturèrent pour l'éloigner.

-NON ! Hurla Harry, s'arc-boutant en jetant des coups d'œil précipités autour de lui, son regard furieux tombant sur la Dame qui se tenait piteusement à côté de Desclare, avec toute la posture du coupable de service.

Même pas capable de se débrouiller toute seule…

Harry tourna à nouveau la tête vers la dragonne, la rage venant épauler sa détermination :

-COMMENT TU PEUX JUSTE RESTER AVEC CETTE POTICHE DE SERVICE !? AS-TU MEME OUBLIE QUI TU ES ?

Il la vit se redresser, touchée dans son orgueil, mais il n'y avait toujours rien de l'éclat de reconnaissance et d'amour qu'il pouvait lire autrefois dans ses yeux. Depuis le jour où ils s'étaient trouvés sur les sables de l'Eclosion… Depuis le jour où elle lui avait dit son nom…

C'était un véritable cauchemar !

Alors qu'il commençait à se laisser trainer, en venant à se demander s'il n'avait pas tout simplement rêvé toute son histoire avec Talath, la vérité lui apparut brusquement.

Son Nom ! Bien sûr ! Son VRAI Nom ! Harry le connaissait !

Se redressant, alors qu'il commençait à être vraiment loin de la dragonne, il tenta le tout pour le tout, il gonfla ses poumons et hurla :

-« MA MERE, MA SŒUR ! MON AMIE, MA FILLE » C'EST-CE QUE TU M'AS DIT UN JOUR ! (Il inspira à nouveau et en joignant dans son cœur et son esprit tous les souvenirs qu'il avait d'elle, il l'appela) TALLLLAAATHHH !

Ce ne fut pas un mot, ni une voix ou un grognement de dragon, mais semblable à une bourrasque de vent qui balaya la corniche jusqu'à la dragonne.

Et là, tout se brisa dans un craquement sonore.

Tout devant Harry, du ciel aux montagnes se fendaient de larges fissures !

-NOOON ! PETIT IMBECILE ! Hurla une voix qu'il n'avait plus entendu depuis un moment.

Puis tout devint noir avec des ondulations de couleur d'arc en ciel, et devant lui, cassée par les fissures, se trouvait le reflet de la Dame Blanche, son visage tordu par la colère.

-Je t'ais donné une chance d'avoir ce que tu voulais. Tant pis pour toi, le mal est déjà fait !

Le miroir d'obsidienne termina de se briser en deux, s'écroulant en deux pans de chaque côté en soulevant un nuage de poussière.

Harry était à nouveau dans l'immense caverne avec son mollet broyé et une douleur violente qui lui tranchait le crane en deux.

Il appuya une main sur son front dans une vaine tentative de calmer sa souffrance, mais en faisant glisser ses doigts sur son visage, il récolta au passage un liquide chaud et le porta sous ses yeux.

C'était rouge.

Il passa la langue sur ses lèvres et sentit le gout du fer.

Du sang.

Du sang coulait abondamment de son nez.

Le paysage tourna tout autour de lui et vacilla.

Puis soudain une lumière éclaira les ténèbres. Il eut juste la possibilité d'apercevoir Charlie et leurs deux lézards de feu, avant de s'écrouler à terre et de se laisser noyer par les ténèbres.

A suivre…

La morale de l'histoire ? Faire attention à ce que l'on souhaite, particulièrement quand on s'adresse à des gens chelous dans des miroirs. Enfin, j'ai introduit la Dame Blanche – vous vous en souvenez, Barty en parlait dans l'interlude 4 ? Voilà, retenez là bien, c'est une Big Boss Méchante. Nous verrons au chapitre suivant les séquelles de cette rencontre ! A mercredi prochain ! En attendant, si vous le pouvez et si vous l'avez, profitez du beau temps !