Chapitre 7 : Les petites attentions.
Bakugo n'allait pas bien. Pas bien du tout. Il se plongea à cœur perdu dans ses études pour tenter de ne pas penser à tout ce qui le brisait. Il était déjà majeur de sa promo avant, et maintenant qu'il ne faisait plus que travailler, la fac allait devoir inventer un nouveau titre. Il parlait peu, ne sortait presque pas. Comme Kirishima partageait sa chambre, il avait encore des contacts avec lui, mais il se sentait absent. Absent de tout. Du groupe, du monde. Deku lui manquait comme personne ne lui avait jamais manqué. Pourtant il le croisait, il le voyait sur le campus ou à la cafétéria. Mais même marchant quasiment côte à côte, ils étaient tous les deux dans une galaxie différente, séparés par des milliards d'années-lumière.
Bakugo, ça le tuait. Plus personne n'osait lui dire « tu rencontreras quelqu'un d'autre », parce qu'ils avaient tous enfin compris que ce qui se passait était pire que se recevoir un banal râteau. Là c'était plutôt comme perdre un membre et avoir la sensation qu'il était toujours là. Kirishima essayait de décoller Bakugo de la bibliothèque universitaire, en vain, sauf pour aller manger.
C'était à la cafétéria où ils étaient d'ailleurs quand Bakugo aperçut Deku. C'était plus fort que lui, il avait comme un radar à Deku, il le repérait dès qu'il était dans le coin. Bakugo le fixa sans que son ami d'enfance ne le remarque, trop occupé à être avec ce salopard de Shigaraki.
— Tu trouves pas qu'il a maigri ? demanda Bakugo à Kirishima.
L'ami de Bakugo ne répondit pas, parce qu'il ne remarquait pas la différence avec avant. Deku avait-il vraiment perdu du poids ?
— Et il a des cernes sous les yeux, continua Bakugo plus pour lui-même.
Kirishima tenta de faire un signe de la main à Deku, en vain, celui-ci ne le remarqua même pas. Il discutait avec Shigaraki.
— Il sourit moins qu'avant, renchérit Bakugo.
Pourtant il souriait, constata Kirishima.
— Et regarde-le, il prend juste une salade pour manger. Une salade ! Je ne dis pas que Deku était un goinfre, mais il mangeait plus que ça avant.
— Peut-être qu'il n'a pas faim aujourd'hui, tenta Kirishima.
— Cette semaine, c'est la troisième fois qu'il ne mange quasiment rien.
Kirishima ne lui demanda pas comment il le savait. Bakugo avait juste dû le croiser à la cafétéria et constater ce qui restait invisible aux yeux de ceux qui n'étaient pas Bakugo lui-même.
— Il a eu une mauvaise semaine, alors, tempéra Kirishima.
— Quand Deku est de mauvaise humeur, il aime prendre un dessert sucré pour lui remonter le moral. C'est pire qu'une mauvaise semaine là.
Bakugo fixait son ami d'enfance tout en mangeant. Kirishima essaya plusieurs fois de changer de sujets ou de calmer Bakugo, mais chaque argument était contré et le blond restait focalisé sur Deku. Lorsqu'il vit son ami d'enfance se relever avec Shigaraki, après avoir mangé, il bondit sur ses pieds et prit son plateau pour se diriger dans la même direction. Plantant là Kirishima qui poussa un soupir.
Bakugo se retint de toutes ses forces de faire un croche-pied à ce salopard qui servait de petit ami à Deku et ralentit quand il arriva aux côtés de l'étudiant aux cheveux verts. Deku fit comme s'il ne l'avait pas vu, regardant obstinément droit devant. Bakugo d'un geste discret glissa quelque chose dans la poche de Deku, puis il accéléra, les doubla et posa son plateau. Avant de s'en aller de la cafétéria, il se tint devant les casiers où les gens se débarrassaient de leur plateau. Deku fut bien obligé de le regarder, néanmoins il détourna les yeux.
— Pousse-toi ! ordonna Shigaraki.
Bakugo l'ignora totalement. Il finit par accrocher le regard de Deku. Il avait envie de lui demander si tout allait bien, et pourquoi est-ce qu'il avait l'air si maigre et si fatigué ? Mais il se tut, se contenta de communiquer avec ses yeux. Son regard se fit doux : « je suis encore là » disait-il.
Bakugo ne savait pas si Deku était capable de le comprendre. Avant oui, ils n'avaient pas toujours besoin de mots pour communiquer. Mais maintenant ? Avec l'influence de Shigaraki ?
Au moins, Bakugo avait essayé, c'était mieux que de ne rien faire.
Il s'en alla enfin de la cafétéria et Kirishima le rejoignit en râlant :
— Tu fais vraiment que ce qui t'arrange, tu aurais pu m'attendre !
— Deku a besoin de moi, fit Bakugo, et je veux qu'il sache que je serai là quoi qu'il arrive.
— Il a besoin de nous, et on sera tous là.
Bakugo acquiesça et accepta cette remarque, sans la contredire.
— Dans ce cas, on va lui prouver qu'on est toujours là.
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Iida entra dans les dortoirs des garçons et frappa à la porte de la chambre de Deku. Puis il lui tendit une boîte avec des petites pâtisseries à l'intérieur :
— Il nous en restait, dit-il, on a pensé à toi.
— Je n'ai pas très faim en ce moment, fit Deku.
— Dans ce cas, partage-le avec tes collègues de chambre ou Shigaraki.
— Il n'aime pas les pâtisseries.
Iida posa la boite dans les mains de Deku :
— Peu importe. Si jamais tu as un petit creux, mange-les.
Puis il partit en coup de vent, empêchant Deku de lui rendre la boîte.
Un autre jour, Jiro et Ashido l'attendirent à la fin d'un de ses cours. La première lui tendit un MP3 « avec toutes tes chansons préférées », expliqua-t-elle. La deuxième, lui prêta un DVD sur un film de super héros « je me demandais si tu connaissais celui-là ». Et elles semblèrent s'envoler en repartant de l'autre côté.
Kirishima et Kaminari lui tendirent deux billets de cinéma pour le dernier film de super héros qui venaient de sortir, tandis que Deku mangeait à la cafétéria avec Shigaraki.
— Vous pourriez y aller ensemble, on s'était dit que ça vous ferait plaisir, fit Kirishima.
Kaminari tapota l'épaule de Deku :
— Je sais que tu adores ce genre de film.
Et avant que Deku ou même Shigaraki puissent réagir, ils avaient disparu de la cafétéria.
Todoroki le retrouva à la bibliothèque universitaire. Il lui tendit un livre de cours et avec rigidité, mais gentillesse, il dit :
— Nous sommes amis. Tout le monde a peur que tu l'oublies.
Deku le regarda en écarquillant les yeux, et Todoroki se dit que le message était passé, sans doute, et il repartit dans l'autre sens.
Finalement c'est Uraraka qui fut la dernière à intervenir. Elle n'avait rien prévu de spécial, mais quand elle croisa par hasard Deku dans la supérette de l'université, elle se dépêcha d'acheter tous les trucs qu'aimait le garçon et avant qu'il ne sorte du magasin, elle lui tendit le sac plein de nourriture. Il le prit sans rien dire, parce que de toute façon c'était trop tard, la jeune femme était déjà partie.
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Tout le groupe, sauf Deku, se rejoignit au parc ce dimanche-là. Chacun expliqua comment il avait essayé d'agir au mieux pour leur ami cher. Uraraka était plutôt positive :
— Je suis sûre qu'il va finir par comprendre qu'on est là et qu'on ne lui veut pas de mal.
Iida, comme elle, était assez convaincu que leurs petits gestes allaient aider Deku. Kirishima et Kaminari suivirent le camp des optimistes. Les autres étaient plus mitigés.
— On ne sait pas, fit Ashido, la voix de Shigaraki est peut-être plus forte que la nôtre.
— Il ne m'a pas envoyé de SMS pour me dire qu'il avait écouté les musiques du MP3, tempéra Jiro.
Todoroki pencha la tête sur le côté :
— Il ne m'a rien dit non plus.
Et bien sûr Bakugo était le plus pessimiste.
— Ça ne suffit pas, souffla-t-il. Si ça l'était, Deku serait là, avec nous. Tout serait comme avant.
Tous se turent, se rangeant à l'avis de Bakugo. Pourtant Uraraka reprit :
— Mais si on continue nos efforts, on peut y arriver.
— Tu croyais qu'il suffisait de lui parler tête d'œuf, rétorqua Bakugo, pour ce que ça a marché…
Uraraka faillit l'envoyer gentiment paître, mais Iida intervint :
— Pas la peine de se battre entre nous, ça ne fera qu'empirer les choses.
Son intervention calma les tensions. Bakugo se passa une main sur son visage :
— Ça ne va pas assez vite, murmura-t-il. Deku maigrit à vue d'œil, quelque chose ne va pas, je le sais, je le sens.
C'était une douleur entre ses côtes, un instinct primaire, parce qu'il connaissait Deku depuis toujours et qu'il savait voir les variations chez son ami d'enfance. Depuis l'arrivée de Shigaraki, il avait changé. Il s'était laissé bercer par les susurrements de ce satané serpent, il s'était laissé prendre au piège et désormais, plongé dans le noir, au-dessus du vide, il ne devait plus savoir se diriger sans l'aide de Shigaraki.
Si seulement Bakugo trouvait le moyen de lui faire un peu de lumière pour que Deku retrouve le chemin vers eux. Vers lui.
— Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? demanda Kirishima en se tournant vers Bakugo comme tous les autres.
Des idées Bakugo en avaient plein. Ecarteler Shigaraki, le faire bouillir dans une marmite, le guillotiner, ou l'empaler dans un pique géant. Mais cela ne ferait pas revenir Deku, au contraire. Si on lui prenait Shigaraki par la violence, Deku ne reviendrait jamais de leur côté.
— Je ne sais pas, reconnut-il avec un certain désespoir. On garde un œil sur lui et on espère très fort qu'il va prendre conscience de ce qu'il se passe.
— Et s'il ne se passait rien ? demanda Kaminari. Et si on se faisait tout un film alors que Midoriya vit sa meilleure vie avec Shigaraki et qu'il nous a juste oubliés ?
Bakugo grinça des dents.
— Alors explique-moi pourquoi il maigrit et ne mange quasiment plus rien ?
— Il n'a peut-être pas faim tout simplement, ou il a un petit rhume.
— Et ses yeux cernés ?
— Il avait mal dormi cette nuit-là.
— Et le fait que ses sourires sont de plus en plus faux ?
— Ça, il n'y a que toi pour le dire, personnellement je n'ai pas vu de différence.
Bakugo se leva prêt à en découdre avec Kaminari. Iida se plaça entre eux deux. Kaminari reprit :
— Ce que je dis c'est que Midoriya nous a peut-être tout simplement laissés de côté parce qu'il n'a plus besoin de nous depuis qu'il sort avec quelqu'un d'autre.
— Deku n'est pas comme ça, grogna Bakugo.
Uraraka acquiesça :
— Deku ne ferait jamais ça, dit-elle.
— De toute évidence, il le fait, insista Kaminari.
— Parce qu'il est sous l'influence de Shigaraki, rétorqua Bakugo.
— Il a vingt ans, c'est plus un gamin, il n'est sous l'influence de personne, il nous a juste lâchés, voilà tout.
Bakugo allait péter les plombs. Kirishima se leva pour se mettre de son côté, pour le retenir si jamais il décidait de s'en prendre à Kaminari. Uraraka se fâcha :
— Il n'y a pas d'âge pour tomber sous l'emprise de quelqu'un. Je pensais que Deku était ton ami, Kaminari.
— Je le pensais aussi.
— Tu oublies que pour t'aider à tes examens à la fin du lycée, il a fait des nuits blanches pour te faire réviser, te faire des fiches pour te faciliter la vie ? Tu crois que quelqu'un qui ferait ça pour son ami l'abandonnerait juste parce qu'il est en couple ?
Todoroki ajouta :
— Midoriya est notre ami et il le reste quoi qu'il arrive.
Kaminari souffla :
— Ouais, vous avez raison, désolé, je me suis emporté. Mais tout ça ça m'énerve, j'ai l'impression que tout part en live, alors que nos années étudiantes devaient être les meilleures de notre vie.
Un silence suivit cette déclaration.
Jusqu'à ce que Bakugo crache :
— On va récupérer Deku, je sais pas encore comment, mais on va le récupérer.
Le groupe se ressouda sur ces paroles. Ils étaient tous pour. Deku faisait partie des leurs et il reviendrait.
À suivre.
L'autatrice : un petit chapitre, les choses avancent doucement, j'en ai conscience, j'espère tout de même ne pas mettre votre patience à rude épreuve.
