— Quelles nouvelles de la réunion dans les Ered Luin ? Sont-ils tous venus ? questionna Balin.

— Oui, il y avait des envoyés des sept royaumes.

Les nains furent heureux d'entendre cette bonne nouvelle.

— Et les nains des Monts de fers, qu'ont-ils dit ? reprit Gloín.

— Dain est avec nous ? demanda Dwalin.

Thorin cessa de manger et regarda chaque personne autour de la table avant de prendre une courte inspiration pour annoncer ce qui semblait de suite être une mauvaise nouvelle.

— Ils ne viendront pas. Ils disent que cette quête est la nôtre, reprit-il. Et seulement la nôtre.

Eawyn resta silencieuse, jugeant, à juste titre, qu'il était plus prudent de ne plus provoquer Thorin pour ce soir du moins. Il tolérait sa présence sous la menace de Gandalf, rien de plus. Inutile donc de lui donner des raisons de la haïr plus encore.

— Vous vous lancez dans une quête ? demanda Bilbo qui s'était fait oublier depuis un moment.

— Bilbo, mon cher ami : il nous faudrait un peu de clarté.

Le bien aimable Hobbit s'exécuta aussitôt et rapporta une bougie.

— Loin à l'Est, débuta le magicien en sortant une carte qui attira de suite le regard d'Eawyn. Au-delà des monts et des rivières, les terres boisées et les terres désolées se dressent un pic solitaire.

« Toujours à en faire des tonnes celui-là. ». Elle prit tout de même soin d'observer la carte et d'en retenir le moindre détail, sait-on jamais. La carte traçait les grands axes de la Terre du Milieu de la Comté à Erebor. La jeune femme eut un sourire en voyant cela : c'était à croire qu'il avait été prévu qu'ils partent de la terre des Hobbits.

— La montagne solitaire, lu Bilbo.

— Oín a interprété les présages, se lança Gloín. Et les présages disent que l'heure est venue !

— C'est exact, j'ai entendu dire que les corbeaux s'en retournaient vers la Montagne comme cela a été prédit, acquiesça Oín. « Quand on verra les oiseaux d'antan à Erebor s'en retourner, le règne de la bête prendra fin ».

Eawyn fronça les sourcils, elle n'avait jamais entendu parler de ce présage. Elle but une nouvelle gorgée d'ale. Peut-être était-elle restée trop longtemps coupée du monde et ne s'était-elle pas assez intéressée à cette partie de son héritage. Elle avait l'habitude de vivre parmi les hommes ou seule… Elle n'y avait jamais songé avant et sûrement aurait-elle dû le faire.

— Quelle bête ? s'aventura le Hobbit.

— Oh, c'est sans doute une allusion à Smaug le Terrible ! répondit Bofur la tête enfoncée dans son chapeau fourré. Première et principale calamité de notre âge. Un cracheur de feu ailé avec des dents comme des rasoirs et des griffes comme des crocs de boucher. Grand amateur de métal précieux.

— Oui, je sais ce qu'est un dragon, bougonna le semi-homme.

L'échange tira un rire amusé à la rohirrim, Bofur aimait en rajouter des tonnes pour rendre plus terrible les situations, un excellent conteur en somme. Elle se détourna d'eux en voyant Ori se lever avec fracas de sa chaise.

— Je n'ai pas peur de lui ! cria-t-il. Je suis prêt ! Il va savoir ce que c'est que le fer de nains quand il l'aura dans le troufignon.

Une lueur rieuse passa dans le regard émeraude d'Eawyn, il serait étonnant que le fer des nains tout aussi résistant soit-il puisse percer l'épaisse armure d'écailles du dragon. Elle avait appris par son grand-père que très peu de matière le pouvait d'ailleurs.

— Ori assieds-toi ! le rabroua Dori en le forçant à se rasseoir. Laisse-nous gérer cela.

— La tâche aurait déjà été difficile avec une armée pour nous soutenir, dit tristement Balin. Or, nous ne sommes que treize. Et pas les treize meilleurs… ni les plus intelligents.

Cela déclencha les mécontentements des uns et des autres. Si Bilbo, qui ne voulait pas de cette aventure, et Gandalf, qui faisait bien ce qu'il voulait, ne s'offusquèrent pas de ne pas être cités par le vieux nain, Eawyn comprit que sa place au sein de la compagnie était loin d'être acquise. Elle plissa les yeux, mais ne dit rien. Elle allait devoir gagner cette place.

— Hey ! s'écria un des nains au milieu de la cohue. Qui est-ce que tu traites d'idiot ?

— Nous ne sommes peut-être pas nombreux, mais nous sommes des guerriers, contra Fili. Chacun d'entre nous ! Tous autant que nous sommes !

Son regard glissa sur tous les nains présents et Eawyn eut un sourire satisfait en voyant que cette fois elle était concernée, le regard du blond glissa sur elle comme pour les autres. Sa remarque balaya les plaintes des nains et les remplacèrent par des commentaires satisfaits.

— Et vous oubliez que nous avons un magicien dans cette compagnie ! ajouta Kili. Gandalf a dû tuer des centaines de dragons dans sa vie !

Les nains semblèrent approuver cette idée et se tournèrent vers le Gris.

— Oh euh… Je ne dirais pas cela, se défendit Gandalf embarrassé.

Il commença à s'étouffer avec la fumée de sa pipe. La rohirrim n'y tint plus et éclata de rire, elle, elle était sûre et certaine que jamais le Gris n'eût tué le moindre lézard volant et cracheur de feu alors des centaines… Bien que cela aurait été un réel avantage pour reprendre Erebor.

— Allez ! Donnez-nous un nombre ? quémandèrent les nains tout à leur joie face à cette nouvelle. Combien ?

L'assemblée naine s'emporta face à la perspective de duels épiques entre Gandalf et d'imposants dragons dont nul ne pouvait rivaliser en taille et en puissance. Ils le voyaient son bâton magique d'une main et une épée majestueuse de l'autre occire un dragon en haut d'une immense montagne.

La discussion s'éternisa jusqu'à tard cette nuit-là et Bilbon se réveilla quand elle fut conclue. Balin remit un contrat au Hobbit qui après l'avoir lu dans son entièreté et avoir eu beaucoup trop de détail de la part de Bofur avait fini par s'évanouir. Eawyn se contenta de lire le sien brièvement et le trouvant juste le signa sans un mot avant de la remettre au nain. Elle croisa son regard, il aurait sans doute préféré qu'elle ne s'évanouisse comme leur hôte ou du moins qu'elle ne renonce. La rohirrim n'était pas comme cela. Elle s'était engagée auprès du magicien, se savait une excellente combattante et il n'y avait pas plus de risque que lors d'une escorte de marchands. Si on ne prenait pas en compte le dragon bien entendu. Il s'agissait d'un détail qu'elle verrait le moment venu. Encore fallait-il qu'ils arrivent jusque là.

— Ne vous inquiétez pas pour moi, Maître Balin, je sais ce que je fais, le rassura-t-elle, en vain, en se levant.

Le nain n'en était pas si sûr. Il n'avait malheureusement pas son mot à dire sur cette affaire.

Eawyn gagna le salon et s'installa dans un des fauteuils près de la fenêtre, appréciant le silence. Elle haussa un sourcil en voyant les nains venir et s'installer près du feu de cheminée. En les observant, elle remarqua qu'ils la surveillaient du coin de l'œil. Elle se doutait bien qu'ils ne lui fassent pas confiance, mais à ce point… Bien que la mettant mal à l'aise elle fit de son mieux pour faire abstraction des regards pesant sur elle. Elle écouta avec attention les paroles quand le descendant de Durin commença à chanter.

« Au-delà des montagnes embrumées

Non loin des sombres cavernes du passé

Dans l'aube bleutée

Il faut aller

En quête de l'or

Pâle et enchanté

Les pins rugissaient

Hauts et fiers

Les vents gémissaient

Dans la nuit d'hiver

Rouge le feu

Sur mille lieues

Flambaient les arbres

Torches de lumière »

Le silence se fit à nouveau laissant les paroles de la chanson imprégner les lieux. Les nains s'éparpillèrent pour dormir. Elle tiqua quand après plusieurs minutes d'un silence reposant des ronflements s'élevèrent. Cela promettait pour la suite…

— Ils sont charmants, n'est-ce pas ?

— Charmant n'est pas le mot que j'aurai employé pour les qualifiés, répliqua-t-elle.

— Je suis heureux que vous vous soyez jointe à nous, ma dame.

— Cette quête promet d'être semée d'embûches…

Le mage hocha sombrement la tête et la rohirrim fixa le ciel à travers la fenêtre, pensive. Certes, elle savait ce qu'elle faisait comme elle l'avait affirmé à Balin, mais elle ne pouvait s'empêcher de penser aux épreuves à venir. Le chemin était tout tracé et semblait simple, mais on n'allait pas le laisser faire. Thorin avait sans doute des ennemis sur ces terres. Était-il surveillé ? Et puis comme l'avait souligné le nain aux cheveux blancs, ils étaient peu. Ce qui pouvait être un avantage comme un désavantage. Ils pouvaient passer inaperçus, mais en cas d'attaque en force, ils seraient vite débordés.

Maintenant qu'elle s'était engagée auprès d'eux, elle tenait vraiment à ce que cette quête aboutisse. Que les nains retrouvent leur terre ancestrale et que par la même occasion les forces du mal soient repoussées.