Pour Gon, il y'a deux types de jours. Les bons et ceux qui l'auraient été si certaines choses avaient été différentes. Cependant, cette journée là lui semble bien particulière, hors-catégorie.
Il vient d'emménager à York shin city, une mégalopole grouillante à des milliers de bornes de sa petite bourgade tranquille. Ce jour là, il montait ces dernières affaires, un carton rempli de livre en l'occurrence, des cadeaux de son père. Bien moindre pour compenser son absence, hélas.
Son appartement est séparé du hall de l'immeuble par trois séries de vingt marches d'escaliers. Autrement dit il vit au quatrième étage du bâtiment. L'ascenseur est généralement en panne alors après quelques allers et retours, il s'y était vite habitué.
En arrivant à son étage, un bouquin s'est échappé du carton qu'il transportait. La Prophétie De Langley, l'un de ses préférés. En se baissant pour le ramasser, sa main en frôla une autre.
En se relevant, il avait croisé ce regard. Un océan profond enfermé dans deux iris. Deux saphirs qui l'avaient dévisagé avec une attention perturbante, incrustées dans un visage opalin sculpté avec finesse.
L'inconnu avait saisit le livre avant lui et en avait observé la couverture avec soin avant de lui adresser un sourire amical en lui soufflant, au combien curieux était-ce, que ce livre était l'un de ses favoris.
Gon avait longtemps, ou peut-être pas en réalité, admiré cet homme, de son col roulé noir au jean violet qu'il portait, en passant par ses cheveux blancs hirsutes et même par le timbre de sa voix. Il l'avait trouvé beau sur le moment mais surtout intéressant de prime abord.
« -Tu habites ici ? Je ne t'ai encore jamais vu. »
C'est ce qu'il lui avait ensuite demandé. Comme réponse, il lui avait donné son nom complet, dérapage nerveux et expliqué qu'il était le nouveau résident de l'appartement 23.
Si le hasard s'avouait farceur alors pour cette fois, Gon venait d'être l'une de ses victimes . L'inconnu avait dit habiter le 22 soit l'appartement en face du sien.
Se rappelant soudainement qu'il était pressé, celui aux cheveux blancs avait pris congé non sans lui avoir adressé un dernier sourire en précisant qu'ils devaient ultérieurement discuter de cette histoire de livre.
Et Gon l'avait regardé descendre les escaliers, le rouge aux joues.
*
L'inconnu s'appelle Killua Zoldyck, il a vingt deux ans exactement comme Gon, il est journaliste de profession mais également l'un des héritiers d'une importante famille d'exploitants, bien qu'il n'ait jamais voulu leur être redevable de quoique ce soit. D'ailleurs, il avait coupé les ponts avec.
Enfin, selon ce qu'il avait dit à Gon. Ils discutent souvent près des boîtes aux lettres, dans le hall. C'est un peu leur point de rencontre quotidien. Ils font mine de s'intéresser à leurs courriers respectifs hors c'est une façon comme une autre de grappiller un peu de temps avec l'autre.
Du moins pour Gon. Il ne savait jamais ce à quoi Killua pouvait bien penser ou ce qu'il ressentait. Il était insondable. Son air espiègle, et en même temps rieur, ses discours brefs et passionnants, étaient peut-être une façade pour dissimuler quelque chose de plus profond encore mais Gon n'arrivait pas à mettre le doigt dessus.
Sûrement parce qu'ils ne se connaissaient pas encore entièrement ou que Killua lui-même avait intentionnellement érigé des barrières autour de lui.
« -C'est aujourd'hui ton premier jour de travail non ? Je te souhaite bonne chance Gon.»
Aujourd'hui encore, il retrouve Killua près des boittes aux lettres. Gon le remercie et lui raconte à quel point il a hâte d'y être. Sûrement parce qu'il n'aime pas rester sans rien faire, par principe.
« -C'est pas aussi extra que journaliste…
-Pff, dis pas ça comme ça. Au moins, ça t'aidera pour les études et le loyer. Et puis t'as ton prêt étudiant… »
En y repensant, Killua a raison. Mieux vaut ça que rien. Surtout que le patron n'était autre que l'un des amis de son père, Isaac Netero. Il l'avait tout de suite reconnu sans que lui même ne se souvienne de qui il était. Le vieil homme ne s'en était pas formalisé au contraire, ça le rendait nostalgique de l'époque où Gin lui-même avait fait son service auprès de lui, animé de la même passion, des mêmes buts…
Gin Freecs,son père, est un peu une sorte d'ombre planant continuellement au-dessus de son existence…
« -Tout va bien ? »
Ah mince, son esprit avait vagabondé trop longtemps. Il en a oublié son interlocuteur et celui-ci s'est inutilement inquiété.
« -Oui, désolé. Faut croire que le décalage horaire commence à agir.
-Je comprends. Si tu n'es pas trop fatigué d'ici là, passe à la maison ce soir. Je suis plus doué dans une cuisine que j'en ai l'air. »
Gon le remercie encore et quitte enfin l'immeuble. La journée commence plutôt bien pour lui. Et pas juste parce Killua venait de lui proposer de passer une soirée avec lui, non.
Du tout.
