Annie tressa ses cheveux blond et les épingla en un élégant chignon. Elle réajusta son tailleur bleu. Elle inspira longuement. Aujourd'hui, elle devait se rendre à Impel Down. Elle devait rencontrer l'un des plus grands criminels de ce monde.

Elle en avait rencontré d'autres, des pirates, des bandits qui avaient perdu leur humanité et prenaient plaisir à tyranniser le monde. Des monstres qui ne trouvaient le bonheur que dans le malheur des autres. Ils avaient mis à feu et à sang des îles, torturé des innocents et pillé tant d'endroits. La plupart n'en éprouvait pas le moindre remord. Ils se contentaient de rire en se souvenant de leurs méfaits. La prison ne faisait qu'amplifier leur noirceur.

Impassible, Annie leur faisait face.

Parfois, elle sentait la bile lui remonter, mais jamais elle ne leur donnait la satisfaction de leur montrer que cela la touchait. Ce serait leur donner trop d'honneur.

Elle écrivait. Une lettre après l'autre, elle inscrivait les mots, ceux qui sortaient de leur bouche abjecte. Sans omettre quoi que ce soit, sans modifier le sens. Elle écrivait. Les dernières paroles des condamnés.

Souvent, on lui disait qu'elle n'était pas faite pour ce métier, qu'elle ne devrait même pas être là, que ça n'avait aucune importance, qui se souciait de connaître les dernières pensées d'un monstre… Elle ne répondait jamais à ces provocations. On l'avait entraînée à cette tâche, elle avait lu toutes les notes de son prédécesseur, chaque mot. Si elle était d'une faiblesse physique accablante, rien ne pouvait ébranler son mental. Elle avait lu ce dont l'humanité était capable de pire.

C'était son travail.

Elle visitait suffisamment souvent Impel Down pour savoir qu'elle n'avait pas encore tout vu. Chaque fois que l'Amiral en Chef lui demandait de recueillir les derniers mots d'un criminel avant qu'il ne devienne un être brisé, elle retenait son souffle. Malgré tout son entraînement, elle ne pouvait s'empêcher d'appréhender. A qui ferait-elle face ? Un voleur, un assassin… Les monstres avaient bien des visages.

Elle quitta sa chambre d'un pas décidé. Elle logeait au même niveau que les officiers. Elle avait un grade à part qui n'existait que pour elle et qui serait transmis à la personne qu'elle formerait pour la remplacer dans bien longtemps. Ou peut-être que la fonction disparaîtrait avec elle si le successeur de Sengoku le décidait.

Elle prit le chemin du port où l'attendait le bateau qui ferait la navette jusqu'à la prison sous-marine. Elle longea les murs, pris soin d'éviter les autres soldats et se salua d'un geste de la main les quelques connaissances qui croisèrent sa route. Elle ne souhaitait pas être en retard.

— Annie vous voilà !

Elle se retourna précipitamment, l'un des assistants de l'Amiral en chef accourait dans sa direction. Elle se stoppa et attendit que l'homme arrive à sa hauteur. Il tenait un dossier scellé entre ses mains. Elle fronça les sourcils.

— L'Amiral en Chef souhaite que je vous remette ceci. Il a dit que vous deviez en prendre connaissance et le détruire. Les informations qui y sont consignées ne sont connues que de lui. Il a ajouté que toutes fuites vous conduiraient à l'échafaud.

Annie déglutit péniblement. On ne l'avait jamais menacée ainsi. Si Sengoku prenait autant de précaution c'est qu'il s'agissait d'informations qui pouvaient changer la face du monde. Elle était à peu près certaine de ne pas vouloir en prendre connaissance. Elle acquiesça. Avait-elle le choix ?

— C'est compris.

Le dossier en main, elle se hâta de monter sur le bateau, salua le capitaine de celui-ci et lui indiqua qu'elle passerait le voyage dans sa chambre pour étudier les documents. Elle ne souhaitait pas être dérangée.

Elle s'accorda un moment de pause, regardant la mer par le hublot. L'océan l'avait toujours apaisée, il l'aidait à faire face à ce monde trop cruel.

Son regard tomba sur le dossier qu'elle avait négligemment abandonné sur son bureau en bois. Elle soupira. Elle ne pouvait faire autrement. Elle s'en empara donc et commença à le lire attentivement. Il contenait une note sur la première page, elle reconnut l'écriture et la signature de l'Amiral en Chef.

Annie,

Ce que vous allez lire dans ce dossier est strictement confidentiel. Il n'y aura que vous et moi à détenir les informations qui y figurent. Je ne les partagerai que lors de l'exécution du prisonnier. Cependant, je souhaite que vous les utilisiez pour le faire parler lors de votre entretien avec lui. Il est important que nous apprenions ce qu'il sait et la colère, comme vous le savez, sert souvent notre cause en délient les langues.

Je compte sur vous.

Amiral en Chef Sengoku

Il était vrai que certaines informations permettent d'apprendre deux trois secrets fort utiles pour déjouer les plans de pirates. Annie était plus forte à ce jeu. Elle lâchait la bombe, regardait son interlocuteur se décomposer et orientait la conversation en se servant de la colère. Le fait de faire face à une frêle jeune femme au visage innocent faisait oublier qu'elle n'en restait une marine et une informatrice de qualité.

Tout pouvait créer un avantage.

Une fois le dossier lu par deux fois entièrement, Annie resta figée. Elle s'attendait à beaucoup de choses, mais cela n'en faisait pas partie. Jamais elle n'aurait pu imaginer cela. Elle avait beau avoir eu les preuves sous les yeux, c'était inimaginable. Et pourtant…

Elle se ressaisit en entendant toquer à sa porte. Elle se hâta de prendre un briquet et de laisser le dossier se consumer par les flammes dans la coupelle prévue à cet effet.

— Madame, nous arrivons à Impel Down