J'ai oublié lors de mon premier chapitre le préambule intime à cette histoire.
J'ai eu envie d'écrire sur Link's Awakening. C'est pourtant un jeu que j'ai découvert tardivement et qui n'est pas associé à un souvenir nostalgique pour moi. Mais étant moi-même depuis quelques années sur une île étonnante, ce jeu m'a parlé et m'a donné envie d'y mettre un peu de moi. En espérant que cela puisse aussi plaire à d'autres.
Chapitre 2 : Dans la forêt et ses brumes
Link arriva au village des Mouettes et aperçu Marine au pied de la statue du coq. Elle chantait. Il ralentit pour ne pas l'interrompre. Les yeux fermés, elle semblait goûter elle-même au délice de son chant, qui était à la fois délicat et imparfait. Il avait déjà entendu de plus belles mélodies, par des chanteuses plus talentueuses. Mais Marine avait quelque chose dans sa voix qui rendait chaque imperfection, chaque note un peu maladroite plus poignante encore. Il y avait un enthousiasme et une sincérité que Link aurait voulu garder pour toujours au fond de son cœur, même lorsque la mélodie prenait les accents de la mélancolie. Elle semblait réveiller les fantômes de ce qui n'est plus et dessiner les contours de ce qui n'est pas encore. Il s'approchait pour mieux entendre, à pas de loup. Jusqu'à ce que Marine le remarque.
« Link ! tu es revenu ! Tout s'est bien passé sur la plage ? »
Il acquiesça sans donner plus de détail. Il lui demanda comment accéder à la forêt enchantée.
« C'est au nord du village, rien de plus simple. Tu y croiseras peut-être Tarkin, il est parti ce matin chercher des champignons. Moi je préfère rester ici et chanter. Tu m'as entendu chanter la Ballade du poisson-rêve ? »
Oui je l'ai entendu, lui répondit-il comme encore sonné par la beauté du chant. Il avait mille questions qui s'étaient bousculées dans sa tête. Qui est le poisson-rêve ? Était-il possible de traverser les murs de vagues qui entouraient l'île ? Pourquoi personne ne semble surpris de le voir ? Quel est cet œuf qui domine l'île ? Il brûlait de les poser, mais rien ne parvint jusqu'à sa bouche. Marine le regardait en souriant, ne semblant pas percevoir la confusion du héros et reprit son chant, si beau encore, que Link en oublia toute inquiétude. Il prit la route du nord, peut-être un peu malgré lui, vers la forêt enchantée.
La forêt était étouffante et humide, enveloppée d'une brume sombre. Le ciel et son soleil ardent se cachaient loin derrière la cime opaque. Le grand Hibou se tenait droit sur une souche. « Bienvenu dans la forêt Enchantée, jeune héros de l'éveil ! Apprends que la bien mystérieuse île de Cocolint n'existe sur aucune carte. Les règles qui la régissent diffèrent un peu de celles de l'endroit d'où tu viens…
- J'ai vu bien des choses étranges et visité des mondes pleins de mystères. Qu'y a-t-il de si différent ici ?
- J'aurai bien de la peine à t'expliquer le fonctionnement de l'île. Mais il faut que tu saches qu'ici passé, présent et futur s'entremêlent. L'émerveillement que parfois tu ressentiras peut à tout moment prendre le visage de l'angoisse. Tout ce qui te semblerait impossible dans ton monde peut advenir sur cette île, alors soit prudent, et va au-delà de tes certitudes. »
Le visage de Link se ferma. Lui qui était déjà si fatigué de l'aventure, et qui avait cru pouvoir enfin goûter au repos du guerrier, il lui sembla que cette nouvelle quête qui l'attendait était déjà au-dessus de ses forces. Les paroles du Hibou était trop confuse pour y déceler des indices quant à ce qui l'attendait. Il comprit qu'il était au seuil d'un long périple. Il soupira.
- Je sais que tu aurais encore bien des questions à me poser, mais je sais aussi qu'en tant que héros, tu acceptes de faire les choses même sans les comprendre. Sache en tout cas que tu ne pourras pas quitter Cocolint tant que le Poisson-Rêve, la divinité de l'île, dormira. À propos, as-tu aperçu la caverne Flagello, située au sud du village ? La clé permettant de l'ouvrir est cachée dans cette forêt. Trouve-la avant de t'y rendre. Le Poisson-Rêve te regarde. HouHou ! »
L'oiseau s'envola et Link se ressaisit : il est le héros, il n'a pas la possibilité de défaillir. Il repéra rapidement la présence de Moblins, et désormais armé de son épée ne s'en effraya pas. Il s'appliqua à n'en laisser aucun vivant pour la tranquillité des villageois qui venaient visiblement ici chercher des champignons. Il s'inquiéta alors pour Tarkin qui aurait difficilement pu traverser la forêt sans être confronté à ces monstres. D'autant que ce brouillard épais s'intensifiait par endroit, au point qu'il devenait presque impossible de ne pas se perdre. Il se dirigea alors vers là où la brume n'était pas.
Au bout de ce chemin, la forêt semblait se terminer en cul de sac, au fond duquel se trouvait l'entrée d'une grotte. Poussé par l'habitude, il y entra avec la conviction qu'elle le mènerait à son but. Il traversa des nuages de chauve-souris, puis un chemin suspendu au-dessus des ténèbres, avant de se glisser entre d'épais rochers et d'enfin atteindre la sortie. Il arriva alors dans une clairière, légèrement parsemée de lumières, au centre de laquelle se trouvait un gros champignon au chapeau rose et brillant. Il lui convint de le ramasser. Il avait ce pressentiment que cela pourrait lui être utile.
Il poursuivit son exploration vers la lisière Est de la forêt. Il traversa la barrière de brume et découvrit, proche d'un petit étang, une cabane en bois baignée de soleil d'où s'échappait une fumée blanche. Il poussa la porte et découvrit l'atelier d'une sorcière avec ses chaudrons bouillonnants et ses bocaux d'ingrédients. La sorcière elle avait la même allure que toutes les sorcières qu'il avait rencontrées à Hyrule. Ils s'étaient à peine salués que la sorcière huma l'air et planta son regard droit dans le sien : « tu as trouvé un champignon, donne-le-moi. » Link s'exécuta. La sorcière pilla, coupa, tambouilla, et lui remis un flacon rempli d'une poudre étincelante, sans plus d'explications.
Link retourna dans la forêt, car c'est bien dans la forêt qu'il devait trouver la clef, et prit cette fois-ci le parti de s'engager sans réfléchir dans la brume épaisse. Il avançait péniblement, tâtonnant et trébuchant, avec à la fois la sensation de s'être enfoncé trop loin, à la fois l'impression de tourner en rond. Au loin, un bruit feutré traversait le brouillard jusqu'à ses oreilles. Le son se précisait à mesure qu'il avançait. Il en trouva alors l'origine. C'était un raton laveur qui s'esclaffait. « J'aime la brume ! j'aime la brume c'est rigolo ! Mais je déteeeeeeeeste tout c'qu'est poudreux ! ». L'animal gigotait et se dandinait sur place. Link passa son chemin, mais au cœur de la brume, ses pas le ramenait toujours vers le raton-laveur, même lorsqu'il cherchait à tout prix à s'en éloigner. Et ce manège recommença encore et encore. Il faisait tous les efforts possibles pour s'extirper de cet endroit poisseux, et même lorsqu'il lui semblait avoir marché tout droit, il se retrouvait inexorablement face à l'animal criard. « Moi j'aime la brume, alors pourquoi es-tu si grognon, petit humain agité ? » Fatigué de tourner en rond, agacé par les cris de l'animal, Link finit par lui lancer la poudre que la sorcière lui avait préparé : « Non je n'aime pas la brume ! Mais j'adore la poudre, surtout lorsqu'elle est magique ! » grogna-t-il dans un mouvement de colère qu'il ne se connaissait pas.
Le raton-laveur hurla et tenta de s'enfuir mais il se cogna à tous les arbres. Link fut pris d'un terrible remord à l'entendre ainsi gémir. Qu'est ce qui lui avait pris de réagir ainsi ? Il courut vers la victime de son humeur, honteux. Sonné, l'animal s'immobilisa, et dans une effervescence de brume, se transforma en Tarkin. Abasourdi, Link ne remarque pas de suite que le brouillard s'était complètement dissipé.
« Oulala, je ne sais pas ce qui m'est arrivé, j'ai croqué dans ce champignon et puis … J'ai rêvé que j'étais un raton-laveur. C'était super ! Mais, … je suis fatigué maintenant, je vais rentrer. En tout cas, je suis content de t'avoir croisé Link ! »
Et l'homme tourna les talons, et marcha d'un pas tranquille. Maintenant que l'horizon était dégagé, Link remarqua qu'il était depuis le début tout à côté d'un coffre. Il l'ouvrit et découvrit sans trop de surprise la Clef Flagello. La clef entre les mains, il leva les yeux et aperçu la silhouette du grand Hibou traverser le ciel en direction du sud, dans un bruissement de plumes.
