Bonjour à tous et à toutes ! Je reviens avec une nouvelle histoire malheureusement plutôt d'actualité. La violence sexuelle sera un thème central de cette fanfiction et plus exactement, nous suivrons les victimes dans leur reconstruction. Il n'y aura pas que ça, bien sûr, mais vous voilà prévenus. Ce ne sera pas une histoire très joyeuse, vous pouvez vous en douter. Cela ne signifie pas qu'il n'y aura pas d'espoir, d'amour et de joie pour autant. Bonne lecture !
Avertissement : cette histoire parle de viol et d'agression sexuelle.
Les périodes qui suivaient les guerres étaient souvent troubles et incertaines. La communauté sorcière d'Angleterre n'échappa pas à ces difficultés. Kingsley Shacklebolt avait été nommé ministre de la Magie quelques heures après la défaite de Voldemort par une poignée de voix hésitantes qui ne savaient vers qui se tourner. Il régnait au Ministère une ambiance de méfiance et de tension à laquelle Kingsley ne s'était pas vraiment attendu et qui était à l'origine de la plupart de ses nuits blanches. Personne ne se faisait confiance et tout le monde s'observait avec rancœur. On savait qu'untel et untel avaient collaboré avec Voldemort, on ignorait à quel point. On savait que des employés du Ministère avaient dénoncé leurs collègues mais on ne savait pas qui. Il était soudainement devenu difficile de savoir qui faisait quoi durant les mois qui venaient de s'écouler. Evidemment, tout le monde affirmait avoir été forcé et menacé, tout le monde disait que, malgré les ordres de Voldemort, il avait continué à soutenir Harry Potter. Certains prétendaient avoir détourné les ordres pour sauver des vies, d'autres qu'ils n'avaient jamais obéi aux consignes qui les révoltaient. Et en vérité, il n'y avait quasiment aucun moyen de prouver quoi que ce soit.
Kingsley dut faire face à une vague de dénonciations anonymes concernant les employés du Ministère et il ne savait pas comment gérer cela. Pour ne rien arranger, il ne savait pas à qui demander de l'aide et à qui il pouvait faire confiance. Il ne s'était jamais senti aussi seul et il regrettait amèrement qu'Albus Dumbledore soit mort trop tôt. Il avait confiance dans ses amis de l'Ordre du Phénix mais très peu d'entre eux étaient intéressés par la politique. Ils n'avaient pas envie de s'occuper de toutes ces choses-là. Bien sûr, il y avait quelques noms et quelques membres du Ministère qui avaient toujours soutenu Dumbledore et Harry Potter et sur lesquels Kingsley pouvait s'appuyer. Mais ils n'étaient pas très nombreux, certains s'étaient fait tuer pendant la guerre et ce n'était pas suffisant pour former un gouvernement. D'autant que, maintenant qu'il y avait des postes à pourvoir, on voyait surgir d'ici et là des arrivistes et des ambitieux aux beaux discours qui auraient dit n'importe quoi pour avoir une place. Kingsley savait qu'il n'aurait pas d'autre choix que de leur donner quelques postes de pouvoir, il n'avait personne d'autre. Il fallait donc choisir les moins suspects et les plus méritants. Et puis surtout, il n'était pas seul dans l'affaire. Le directeur du département de la Justice magique, Kyle Long, était là depuis longtemps et il ne comptait pas laisser Kingsley diriger tout seul. Kyle s'était enfui quand Voldemort avait pris le pouvoir car il n'avait jamais caché sa répugnance face aux Mangemorts. Il s'était caché avec sa famille, avait survécu et maintenant, il voulait reprendre sa place. Kingsley la lui avait rendue sans faire d'histoire, il valait mieux ne pas se mettre à dos tous les gens influents du Ministère.
Dans le Bureau des Aurors, c'était le même bazar sans nom. D'ailleurs, il n'y avait même plus de Bureau des Aurors. Force était de constater que, durant la guerre, les Aurors avaient été étonnamment invisibles. Un grand nombre avait collaboré avec le Ministère et les réticents s'étaient fait discrètement éliminer. On ne pouvait faire confiance à personne et Kingsley répugnait à confier la sécurité du pays à des traitres et des criminels qui avaient peut-être arrêté et emprisonné des Nés-Moldus. La seule personne en qui Kingsley avait réellement confiance était un ancien Auror, ami de longue date d'Alastor Maugrey qui avait pris sa retraite bien avant l'âge, après que le métier l'avait brisé moralement. Kingsley avait pris son courage à deux mains et s'était rendu chez Nestor Achab pour le supplier de revenir et de prendre la direction du Bureau des Aurors. Nestor avait d'abord refusé tout net mais finalement, sa honte de n'avoir rien fait pour aider Harry Potter et combattre Voldemort l'avait rattrapé. Il avait mis de côté ses démons, son alcoolisme et sa colère pour venir reformer le Bureau des Aurors.
Alors, quand Harry Potter avait fait savoir qu'il souhaitait devenir Auror, Nestor Achab l'avait chaleureusement accueilli et lui avait déclaré qu'il se formerait sur le terrain, en plus des quelques heures d'instruction qu'il pourrait grapiller ici et là. Ils n'avaient ni le temps ni les moyens de laisser les apprentis Aurors en formation pendant trois ans, ils manquaient trop de personnel. Harry avait accepté, plutôt satisfait de cette situation. Il aurait détesté s'asseoir sur une chaise pendant trois ans à subir encore des cours et des interrogations. Il voulait se battre et être utile, il voulait aider Achab à attraper les Mangemorts en fuite. La présence de Harry au Bureau des Aurors encouragea des inscriptions et fit naitre quelques vocations. Au bout de deux ans, ils avaient enfin une équipe d'Aurors digne de ce nom, des hommes et des femmes en qui Nestor Achab avait confiance et qui faisaient leur boulot correctement. C'était une victoire pour lui et ça réparait en partie son ego brisé.
Une autre tâche désagréable et répugnante dont personne n'avait trop envie de se charger était de juger les Mangemorts prisonniers. On savait quoi faire des proches de Voldemort mais on ne savait pas vraiment quoi faire de leurs rejetons ou de leurs épouses. Kyle Long se chargea de superviser tout cela, envoya à Azkaban le père Nott, les Malefoy, les Parkinson, les Crabbe et les Goyle, époux et épouses, en arguant qu'il fallait faire le ménage. Et pour les enfants, il décida de prendre l'affaire en main aussi. Il n'allait pas les envoyer en prison, d'autant qu'ils n'avaient commis aucun crime avéré mais il allait les surveiller quand même. Hors de question qu'un des héritiers reprenne le flambeau, il fallait étouffer toute idée subversive dans l'œuf. On leur confisqua leurs maisons, leur richesse et leur dignité d'un seul coup. Drago, Pansy, Theodore et Gregory furent logés dans des appartements que Kyle choisit pour eux. Ils lui devaient des comptes pour tout ce qu'ils faisaient, pour la moindre dépense et le moindre projet. Ils avaient deux ans pour intégrer une formation ou trouver un travail, servir la communauté et surtout, fermer leur gueule. Kyle les avait réunis dans une salle, près de son vaste bureau au Ministère et il leur avait souri avec une cruauté qu'il n'essayait même pas de cacher.
- Nous avons laissé beaucoup trop de liberté à vos parents et voilà où ça nous a menés, déclara-t-il. Tous ces privilèges que vous croyez mériter s'arrêtent ici. Vos parents sont des criminels qui ne sortiront pas de prison et je vous conseille de vous tenir convenablement si vous ne voulez pas les rejoindre. Si vous essayez de m'entourlouper, si vous faites quoi que ce soit de suspect, si vous désobéissez à mes ordres ou si j'ai le moindre doute sur votre loyauté, je vous envoie à Azkaban. Est-ce que c'est clair ?
Ils n'avaient pas répondu et l'avaient fixé, à la fois humiliés, furieux et sidérés. Kyle Long avait donné un coup sur la table qui les avait tous fait sursauter.
- Est-ce que c'est clair ? Cria-t-il.
- Oui, avait répondu Theodore Nott du bout des lèvres.
Les autres avaient répondu à leur tour et Kyle Long avait hoché la tête, satisfait. Son regard s'était ensuite posé sur Drago Malefoy et il l'avait dévisagé avec une insistance à la fois lugubre et malsaine qui avait donné la chair de poule au jeune garçon.
- Votre père aimait menacer et donner des ordres, souffla-t-il. Mais c'est fini maintenant. Vous ferez absolument tout ce que je vous dirai de faire ou je vous livrerai aux Détraqueurs.
Personne n'avait été témoin de cette discussion et les quatre héritiers de ce qui avaient été les plus grandes et les plus riches familles de sorciers n'en parlèrent à personne. A qui pourraient-ils se plaindre ? Le Ministère et toute la communauté trouvaient cela très bien que les mômes soient surveillés par le Directeur du département de la justice et c'était tout ce qu'il y avait à savoir. Tout le monde se foutait complètement de ce qui pouvait leur arriver. Du moment qu'on entendait plus parler d'eux, tout irait bien.
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Harry fixa les ténèbres quelques minutes avant de se lever enfin et d'ouvrir les rideaux qui le protégeaient de la faible lueur de l'aube. Dès qu'il posa le pied sur le sol, il sut que sa journée allait mal commencer. Une douleur sourde vrillait son crâne et il tituba jusqu'à la salle de bain. Il aspergea son visage d'eau froide, essaya aussi l'eau chaude mais rien n'y faisait. La douleur à sa cicatrice allait le rendre fou. Il s'accrocha à la vasque du lavabo, gémit pitoyablement. Son crâne allait exploser, il le savait. Un jour, cela le tuerait. Il espéra presque que ce jour était venu. Voyant que la douleur s'amplifiait, Harry se laissa glisser sur le sol et s'agenouilla en posant les mains sur sa tête. Il avait envie de hurler, il voulait qu'on lui coupe la tête et qu'on le débarrasse de tout cela. Harry posa son front sur le sol glacé de la salle de bain et inspira profondément. La crise allait passer, se répéta-t-il, la crise allait passer.
Harry se figea en entendant un murmure venir du couloir et il se tourna vers la porte entrouverte de la salle de bain. Au-delà de la pièce rassurante, il n'y avait que l'obscurité de la maison. Et de cette obscurité venait une voix, froide et coupante. La voix n'était là que pour lui, il le savait. Elle venait le chercher et l'emporter. « Harry… » sifflait la voix. Harry cacha son visage entre ses bras tout en essayant de maitriser sa respiration. Ce n'était plus de la peur qu'il ressentait dans ces moments-là, c'était de la terreur pure, qui n'avait pas de nom et pas de forme. Harry sentit le hurlement sortir de sa gorge et se répercuter contre les murs de la salle de bain. Il sursauta violemment quand la porte s'ouvrit à la volée et s'attendit à voir Voldemort entrer pour le tuer définitivement. Ce n'était pas Voldemort cependant, c'était Kreattur qui l'observait avec inquiétude.
- Maitre Harry, vous allez bien ? Relevez-vous Maitre Harry, c'est fini.
Kreattur aida Harry à se remettre debout et l'entraina dans la cuisine, au rez-de-chaussée. Il posa devant Harry une tasse de café, y versa deux gouttes de potion et vérifia que son maitre la buvait entièrement. La terreur et la douleur de Harry se calmèrent lentement et il resta assis là, à regarder fixement sa tasse vide. Il avait raison, cette journée commençait très mal mais cela arrivait presque une fois par semaine et il s'y attendait. Les guérisseurs et Hermione disaient qu'il souffrait d'attaques de panique avec hallucinations et que c'étaient des symptômes de stress post traumatique. Hermione aimait prononcer des mots savants de ce genre, ça devait la rassurer. Harry, lui, n'avait pas besoin de ces mots-là pour savoir ce qu'il avait. Il détestait quand ses amis lui posaient des questions dégoulinantes d'inquiétude et d'affection pour savoir comment il allait. Cela lui donnait l'impression d'être complètement cinglé. Ce n'était pas une impression nouvelle cependant, il l'avait eue souvent durant ses années à Poudlard. Et il se disait parfois que tous ces gens avaient raison depuis le début : il était complètement fou.
Il évitait donc les questions de ses amis et à force, ils avaient arrêté d'en poser. Quand il faisait ses crises de panique, Harry prenait deux gouttes de la potion que le guérisseur lui avait donnée et il n'en parlait à personne. Il ne voulait surtout pas que Nestor Achab soit au courant, il ne voulait pas que cela l'empêche d'être Auror. Jusqu'à présent, il avait réussi à éviter de faire des crises au travail. Du moins, il avait évité que cela se voie. Une fois, il avait dû s'enfermer aux toilettes et étouffer ses gémissements douloureux en attendant de se calmer. Une autre fois, il avait prétexté une migraine et il était rentré chez lui en transplanant pour s'effondrer dans le hall en hurlant de terreur d'entendre la voix de Voldemort dans sa tête. Ce n'était donc pas parfait mais il faisait ce qu'il pouvait.
Quand il eut repris ses esprits, Harry mangea ce que Kreattur lui avait préparé et alla s'habiller. Il entra dans sa chambre, qui avait été celle de Sirius et qui était désormais la sienne. Il avait retiré les affiches de Quidditch et les banderoles aux couleurs de Gryffondor. Il n'en avait gardé qu'une, petite et discrète au-dessus de l'armoire. Aujourd'hui, appartenir à la maison Gryffondor n'avait plus le moindre intérêt pour lui et il se demandait même parfois comment il avait pu attacher autant d'importance à ce détail insignifiant. Depuis qu'il travaillait comme Auror aux côtés de Nestor Achab, il en avait arrêté plein des criminels, des hommes et des femmes, qui avaient tué, torturé, trahi, volé, blessé. Et ils avaient fait leur scolarité dans toutes les maisons de Poudlard. Alors vraiment, ce n'était que des conneries pour enfants, ça ne voulait rien dire du tout.
Harry avait remis en état la maison des Black et s'y était installé. A la vérité, c'était surtout Kreattur qui avait remis la maison en état même si Harry l'avait un peu aidé. L'elfe, maintenant qu'il était dévoué à Harry, faisait son travail correctement et avec entrain, plus motivé qu'il ne l'avait été ces vingt dernières années. Hermione observait tout cela avec un air pincé et désapprobateur mais ne disait rien. Elle savait bien que renvoyer Kreattur et le libérer ne rendrait personne heureux et elle savait que Harry le traitait convenablement. Et au moins, la présence de Kreattur chez Harry l'assurait que son ami mangeait et vivait dans une hygiène à peu près acceptable. Car sans l'elfe, Hermione doutait que ce fût le cas.
Harry passait ses journées à travailler au Ministère. L'année qui avait suivi la guerre avait été mouvementée car de nombreux criminels avaient essayé de s'enfuir ou de renverser le fragile gouvernement pour imposer à nouveau leurs idées abjectes. Voldemort était mort mais cela avait justement motivé certaines personnes qui avaient peur de lui et qui estimaient maintenant qu'ils pouvaient agir de leur propre chef, comme bon leur semblait. La disparition de Voldemort offrait la place à un nouveau chef de file et ils furent nombreux à se battre pour ce poste. Lestrange et Dolohov tentèrent leur chance mais Nestor Achab et ses Aurors parvinrent à les arrêter et les envoyer en prison. Harry n'en ressentit pas la satisfaction espérée. A vrai dire, il éprouvait plutôt une sorte de lassitude lancinante qu'il essayait d'étouffer et de combattre. Il avait au moins la certitude de faire ce qu'il fallait et c'était déjà ça.
Quand Harry arriva au Ministère ce matin-là, il était épuisé par sa crise mais il se garda bien de le montrer. Il sourit à ses collègues, il les salua avec bonne humeur, plaisanta avec eux sur les affaires en cours, écouta les plaintes et se mit au travail. Il aimait ça, son travail lui faisait oublier le reste. Bientôt, l'attaque de panique du matin ne fut plus qu'un mauvais souvenir. Ici, il était un bon Auror, respecté et même un peu admiré. On le traitait bien, on avait confiance en lui, en son jugement et en sa capacité à se battre. Harry était toujours le premier à prêter main forte, il ne rechignait jamais devant les ordres et il était efficace. C'était donc très plaisant d'être là, entouré d'Aurors qui le considéraient comme un adulte compétant. Cela permettait d'effacer la sensation d'être un enfant terrorisé quand la voix de Voldemort résonnait à ses oreilles, la sensation d'être un parasite quand il repensait à son enfance ou la sensation d'être un élève mauvais et méprisé quand il repensait à Rogue. Et même, il devait l'avouer, c'était plus plaisant d'être avec ses collègues Aurors qu'avec Ron et Hermione qui lui rappelaient la guerre, qui s'inquiétaient pour lui, qui ne pouvaient s'empêcher de le regarder en sachant qu'il était parfois pris de terreur comme un enfant. Ils étaient toujours ses meilleurs amis et Harry avait besoin d'eux mais il était vrai que parfois, il préférait souffler avec les Aurors qui ne savaient finalement pas grand-chose de lui et qui le voyaient comme un homme courageux et fort qu'il n'était pas.
Il ne regrettait pas d'être Auror, même si cela le forçait à côtoyer encore et toujours des gens mauvais aux intentions détestables. L'idée de renoncer à ce métier et d'en chercher un autre, comme le lui avaient suggéré Hermione et Mrs Weasley, l'avait mis dans un état d'angoisse qu'il ne supportait pas. Il aurait dû rester chez lui, à réfléchir à ce qu'il voulait faire de sa vie et c'était impossible pour Harry. Il ne voulait rien faire de sa vie, il n'avait aucune envie de réfléchir à ce genre de chose et encore moins de rester seul à ressasser la mort des gens qu'il avait aimés et qui l'avaient abandonné. Il préférait s'étourdir dans le travail, aux côtés des Aurors qui se battaient pour la paix, c'était beaucoup plus facile. Ça ne l'empêchait pas de faire des attaques de panique toutes les semaines mais Harry était persuadé qu'il en ferait bien davantage s'il n'était pas autant occupé. Hermione avait émis des réserves sur cette théorie mais Hermione n'avait pas toujours raison. Et de toute façon, ils ne le sauraient jamais.
Harry se perdit dans l'ambiance exaltée et toujours active du bureau des Aurors. On y entrait en bavardant, on en sortait en courant. On essayait de se concentrer pour lire des rapports et on réfléchissait ensemble à des pistes qui paraissaient plausibles. On buvait du café en racontant sa dernière arrestation, on prenait des nouvelles de la femme ou du mari, des enfants et des parents. On ne posait pas trop de questions personnelles à Harry cependant, on n'osait pas vraiment. Un de ses collègues lui avait demandé s'il avait quelqu'un et les autres avaient un peu plaisanté, arguant qu'un héros comme lui devait plaire à beaucoup de filles. Harry les avait regardés sans vraiment les voir, les yeux vides et l'air mal à l'aise.
- Ce genre de chose n'est pas ma priorité pour le moment, avait-il répondu.
Et il avait l'air tellement bouleversé et perdu en le disant que ses collègues n'y avaient plus fait allusion. Harry en avait été soulagé, il n'aurait pas su quoi leur répondre en dehors de cela. Parce que c'était la vérité, il n'y avait rien d'autre à dire. Être amoureux, être en couple, tout cela lui semblait lointain et étranger, comme appartenir à une autre vie. Qu'est-ce que ça voulait dire, aimer ? Il n'en savait rien. Tomber amoureux, vouloir plaire à quelqu'un, faire des efforts pour rendre cette personne heureuse, cela paraissait affreusement difficile à Harry. Il ne s'aimait déjà pas lui-même, il n'était même pas heureux et il parvenait à peine à survivre jour après jour. Comment aurait-il pu se charger en plus de la vie et du bonheur de quelqu'un d'autre ? Il n'avait aucune envie de ça, il s'en sentait incapable. Et puis cela lui paraissait déplacé. L'amour n'avait pas sa place dans la guerre, la peur et la mort. Son désir d'amour s'était dilué en regardant Dumbledore tomber de la tour d'astronomie, en quittant Ginny, en entendant Hermione hurler dans le manoir des Malefoy, en laissant Voldemort le tuer dans la forêt interdite et en se rendant compte avec stupeur qu'il avait gagné la guerre. Il n'y avait pas de place pour l'amour et la tendresse là-dedans. C'était ce qu'il avait essayé d'expliquer à Ginny, après. Il ne savait pas si elle avait compris ce qu'il avait voulu dire mais elle avait en tout cas compris qu'il ne voulait plus être avec elle. Il s'en voulait mais à peine. Il avait des regrets bien pires que ceux-ci et des choses bien plus importantes à gérer.
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Ils étaient dans le bureau de Kyle Long, tous les quatre. C'était Theodore qui les avait suppliés de l'accompagner, quand ils avaient reçu leur invitation. Drago était terrifié d'être là, comme tous les autres. Il se tenait debout devant le large secrétaire en bois vernis, un peu en retrait. Pansy se tenait si près de lui qu'il sentait son bras contre le sien. Il savait qu'elle faisait exprès mais que ce n'était pas une tentative de séduction puérile. C'était pour combattre sa propre peur. Theodore sortit l'invitation de sa poche et la posa devant Kyle Long. Il aurait voulu paraitre assuré mais il tremblait et Drago était sûr que le directeur du département de la justice l'avait remarqué lui aussi.
- Je ne veux pas y aller, dit Theodore d'une voix faussement ferme. Aucun de nous ne veut y aller.
Kyle leva les yeux vers Theodore et le regarda avec circonspection, comme s'il réfléchissait à la manière la plus simple de se débarrasser d'un insecte gênant. Il se leva lentement de sa chaise et marcha vers eux. Tous les muscles de Drago se tendirent et Pansy se serra davantage contre lui. Un peu plus loin, Gregory observa Kyle avec un regard sombre.
- Je vois, dit Kyle d'une voix douce. Est-ce une rébellion ?
Il y avait de la moquerie dans sa question, qui montrait parfaitement à quel point il les méprisait. Theodore se redressa et réussit à lui faire face.
- Ce n'est pas une rébellion, Mr Long, assura Theodore. Je dis simplement que nous n'avons plus envie de faire ça. Nous pourrions… faire autre chose.
- Faire quoi ? demanda Long.
- N'importe quoi, souffla Theodore.
Kyle Long fit semblant de réfléchir à la proposition mais Drago devina à son expression qu'il n'avait aucunement l'intention de leur faire ce plaisir. Drago connaissait les expressions de Long par cœur maintenant. Le directeur sourit.
- Le problème, Theodore, c'est que mes amis et moi avons envie que vous veniez à cette soirée. Et que je me moque complètement de ce dont vous avez envie, vous.
- Mr Long… commença Theodore.
Il fut interrompu par la gifle que le directeur lui asséna. C'était plus qu'une gifle à vrai dire et Kyle y avait mis toute sa force. Pansy et Drago sursautèrent d'un même mouvement et firent un effort pour ne laisser échapper aucun son. Theodore chancela et se rattrapa au secrétaire, sonné par le coup. Il porta sa main à sa joue qui avait changé de couleur. La chevalière de Long lui avait laissé une trace qui bleuissait à vue d'œil.
- C'est la dernière fois que vous tentez de discuter, dit Kyle en se rasseyant à son bureau. Vous m'avez fait perdre du temps. Je vous veux tous les quatre à la soirée de samedi, comme d'habitude ou je vous jure que vous le regretterez. Vous n'avez pas oublié ce qui arrive quand on me désobéit, n'est-ce pas ?
Silence. Theodore luttait manifestement pour ne pas pleurer.
- Répondez, ordonna sèchement Kyle Long.
- Pitié, dit Theodore en levant les yeux vers lui. Je ferai tout ce que vous voudrez mais pitié, ne me forcez plus à…
Kyle se redressa dans son fauteuil et Theodore se tut brusquement, comme s'il craignait une nouvelle punition. Drago était admiratif du courage de son ami, il n'aurait jamais osé répondre une deuxième fois. Le courage de Theodore l'effrayait également, malgré tout. Il n'avait pas envie d'être puni à cause de lui et il se demandait ce qui lui avait pris d'accepter de l'accompagner. Le pire, c'était sans doute de voir que Kyle avait parfaitement conscience de la peur qu'il leur inspirait et que cela le faisait jouir. Littéralement.
- A samedi, dit Kyle comme si Theodore ne l'avait jamais supplié. J'ai hâte de vous y voir.
Son regard se posa sur Drago avec une cruauté volontaire et une jubilation perverse. Drago essaya de fuir son regard mais il ne put s'empêcher de le lui rendre. Un jour, pensa-t-il, il tuerait Kyle Long et il lui ferait payer tout cela. Un jour, mais pas aujourd'hui, car Drago était paralysé de terreur devant les yeux de l'homme et il se savait incapable de faire quoi que ce soit. Cette faiblesse de sa part lui donnait la nausée et il se détesta encore plus qu'il détestait Long.
Gregory fut le premier à sortir du bureau et ils le suivirent tous en silence. Ils n'osaient pas se tourner vers Theodore, ils ressentaient une honte indicible. Pansy ralentit ses pas dans le couloir, elle avait l'impression qu'elle risquait de tomber si elle marchait trop vite. Le sol se dérobait sous ses pieds, elle allait sombrer. Elle n'était plus elle-même de toute façon, elle avait sombré depuis longtemps. Elle s'appuya contre le mur et essaya de se reprendre. Devant elle, Drago s'arrêta pour l'attendre, l'air interrogateur. Pansy eut soudain la certitude froide et résignée qu'elle n'en supporterait pas davantage. Elle ne pourrait pas se rendre à la fête de samedi, elle ne pouvait plus laisser Kyle et ses amis faire ce qu'ils voulaient d'elle. Elle n'y arriverait plus, elle allait devenir folle. Elle eut envie de le hurler dans le couloir, de le dire à Drago, de faire un scandale ici et peu importerait ce que Kyle ferait pour la punir. Au moment où elle crut que son esprit allait lui échapper, des Aurors apparurent dans le couloir en bavardant. Ils ralentirent devant les quatre jeunes gens et les observèrent avec mépris, l'air de se demander ce qu'ils faisaient là. Le seul qui ne les regarda pas comme s'ils étaient de la merde fut Harry Potter qui leur adressa un signe de tête imperceptible. Drago avait détourné la tête pour ne pas croiser le regard de Potter mais Pansy avait répondu à son signe. Quand les Aurors disparurent dans le couloir, elle se remit en marche avec les autres et ils s'empressèrent de quitter le Ministère pour rentrer chez eux.
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Harry aimait errer dans les cimetières, c'était un plaisir honteux qu'il n'avait jamais avoué à personne. Il se sentait parfois plus proche des morts que des vivants et il aimait leur présence silencieuse. Il s'asseyait près des tombes de ses parents à Godric's Hollow et il leur parlait de sa vie, comme il ne l'avait jamais fait. Après tout, n'était-ce pas leur devoir d'écouter ? Il n'avait personne d'autre à qui dire toutes ses angoisses et toutes les pensées qui lui traversaient l'esprit. Il y avait bien longtemps qu'il avait appris à mentir à Ron et Hermione pour leur cacher les douleurs de sa cicatrice, les incursions dans l'esprit de Voldemort, ses envies de vengeances et de mort. Même à Poudlard il ne leur en parlait pas, il n'allait pas commencer maintenant. A ses parents, il faisait exprès de dire les choses les plus déprimantes possibles, comme pour les punir de ne pas être là. « Voyez dans quel état vous m'avez laissé », voulait-il leur dire.
Parfois, il se rendait près de la tombe d'Albus Dumbledore, que Voldemort avait profanée pour lui voler sa baguette. Quand il y allait, ce n'était généralement que pour faire des reproches, laisser éclater sa colère et pleurer. Une fois que sa colère était terminée, il implorait des conseils et des ordres qui, évidemment, n'arrivaient jamais. Le vieux directeur avait toujours compris Harry et avait toujours su lui dire ce qu'il fallait. Harry aurait donné n'importe quoi pour qu'il le fasse encore. Que devait-il faire maintenant ? Qui était-il ? A quoi tout cela avait-il servi ? Existait-il une autre façon de faire les choses ? Et puis, surtout, pourquoi ? Et il savait qu'il n'obtiendrait jamais de réponses à ses questions.
La tombe la plus calme et la plus apaisante était celle de Remus Lupin. Harry n'avait pas de reproches à lui faire et il n'était pas en colère. Le professeur lui avait appris beaucoup de choses et Harry en était reconnaissant. Il s'imaginait les conversations calmes, respectueuses et affectueuses qu'il pourrait avoir avec Remus et il les menait dans sa tête. Il lui parlait de son travail d'Auror, de Ginny, de Ron et Hermione. Il savait que Remus aurait compris. Là encore, il aurait aimé des conseils et du réconfort, il aurait aimé que Remus lui dise comment éteindre cette panique qui s'emparait de lui et comment faire taire ces voix qui le terrifiaient. Il n'avait pas de réponse ici non plus mais au moins, il se sentait bien. Il lui était déjà arrivé de s'endormir là, un dimanche froid d'hiver où la tentation avait été trop grande. Il avait été réveillé par Andromeda Tonks qui était venue nettoyer et orner la tombe de sa fille, voisine de celle de Remus. Harry lui en avait presque voulu de le réveiller. S'il était mort là, gelé près d'un ami, aurait-ce été si dramatique ? Andromeda l'avait ramené chez elle, lui avait fait un grog brûlant et l'avait assis devant la cheminée. Elle n'avait rien dit, elle n'avait posé aucune question, elle n'avait émis aucun jugement. Elle avait perdu ses sœurs, ses parents, bien plus encore. Elle avait perdu son mari et sa fille unique. Peut-être savait-elle parfaitement ce que ressentait Harry. Quand il avait terminé son grog, elle lui avait déposé Teddy dans les bras, comme pour lui rappeler que c'était ça, la vie, et que c'était pour ça qu'elle n'allait pas se coucher sur les tombes gelées de sa famille. Le bébé était chaud dans les bras de Harry, doux et remuant. Il avait attrapé les lunettes de Harry avec ses petites mains potelées et il avait fait des bruits improbables. Harry avait éclaté de rire, puis il avait pleuré, et Andromeda l'avait regardé en silence sans rien dire.
Harry sursauta quand un de ses collègues passa près de lui et lui tapa l'épaule pour savoir comment s'était passé l'interrogatoire de la veille. Il répondit aimablement puis s'obligea à se reconcentrer. Il était au travail, il n'était pas là pour penser à Teddy ou à ses excursions sur les tombes de ses proches. Il allait faire une crise s'il pensait à des choses aussi déprimantes. Harry s'empressa de terminer son rapport de l'interrogatoire et le relut attentivement. Ils avaient fait du bon travail, Harry n'en doutait pas. Son associé, un Auror plus âgé et expérimenté qui avait réussi à survivre à la guerre en rejoignant la Résistance, savait ce qu'il faisait. Edmund ne commettait jamais d'erreur, était pointilleux et impitoyable quand il s'agissait de trouver des preuves. Harry était heureux de travailler avec lui et se disait souvent qu'il n'aurait pas aimé se retrouver sur la liste de ses suspects.
Harry classait son rapport quand une policière de l'accueil marcha vers lui, l'air agacée. Harry attendit l'information avec résignation, certain que ce serait quelque chose de pénible. Il lui sourit aimablement avec un mélange de moquerie.
- Oui Ivy ?
- Miss Parkinson demande à vous parler, dit-elle comme si c'était une demande extravagante.
Harry s'attendait à tout sauf à ça.
- Vous voulez dire Pansy Parkinson ? Qu'est-ce qu'elle me veut ?
- Elle a dit que c'était important.
- Il y a la police pour ça, grogna Harry. On ne demande pas à voir les Aurors de cette manière, j'ai autre chose…
- Elle a dit qu'elle ne voulait parler qu'à vous et qu'elle attendrait toute la journée s'il le fallait. J'ai autre chose à faire aussi, Auror Potter.
Harry soupira et suivit Ivy jusqu'à l'accueil. Pansy Parkinson était là et l'attendait effectivement, assise sur un des fauteuils réservés aux visiteurs. Elle se leva rapidement en le voyant et elle marcha vers lui avec quelque chose qui ressemblait à de la précipitation. Pendant une seconde, il crut qu'elle allait courir vers lui. Il lui adressa une salutation plutôt froide à laquelle Pansy répondit à peine.
- Il faut que je te parle, dit-elle. En privé, s'il te plait.
- Me parler de quoi ?
Ils n'avaient aucun lien, aucune connaissance commune, rien qui puisse justifier que Pansy veuille lui parler en privé. Harry commençait presque à trouver ça louche.
- S'il te plait, dit Pansy.
Ce fut davantage le ton de sa voix que ce qu'elle disait qui décida Harry. Il était suppliant. Quelque chose n'allait pas, c'était évident. Pansy jetait des regards anxieux autour d'elle comme si elle s'attendait à voir débarquer quelqu'un qui allait lui faire du mal. Harry lui toucha légèrement le bras et l'invita à la suivre dans une salle où la police prenait les plaintes et les déclarations. Ils s'assirent et Harry lui lança un regard interrogateur.
- Je veux dénoncer quelque chose, souffla Pansy.
Harry eut l'air étonné.
- Pourquoi ne pas aller voir la brigade de police dans ce cas ?
- Parce que tout le monde nous déteste, personne ne nous écouterait.
La mâchoire de Harry se crispa légèrement et il se recula dans sa chaise.
- Et « nous », c'est ? Non, laisse-moi deviner… Je ne vous aime pas non plus, tu le sais ça, Pansy, pas vrai ?
- Je sais, admit Pansy. Mais toi tu es quelqu'un de droit et d'honnête, même si ça me fait mal de l'admettre. Je te fais confiance pour faire ce qui est juste.
Tous ces compliments venant de Pansy Parkinson, ça cachait forcément quelque chose. Soit elle essayait de se servir de lui, soit elle était vraiment désespérée.
- Et donc ? demanda Harry. Que se passe-t-il ?
Pansy prit une profonde inspiration et détourna le regard. Elle semblait fournir d'importants efforts pour rester maitresse d'elle-même.
- Tu sais que Kyle Long est responsable de nous, n'est-ce pas ? Qu'il surveille nos formations, nos dépenses, notre vie ?
- Oui, pour éviter que vous…
- Je sais pourquoi, coupa sèchement Pansy. Long a été clair avec nous dès le premier jour. Il nous a convoqués dans son bureau et il nous a dit que si nous n'obéissions pas à tout ce qu'il nous disait, il nous enverrait à Azkaban avec nos parents ou qu'il nous livrerait aux Détraqueurs.
Harry se sentit mal à l'aise et joua avec la table.
- Il n'y a plus vraiment de Détraqueurs à Azkaban, la plupart sont partis… Et je doute qu'il ait réellement le pouvoir de vous y envoyer pour n'importe quoi.
Pansy se tourna vers lui et Harry se figea. Son visage était différent, marqué par la peur. Elle avait l'air terrifiée.
- Tu ne sais absolument pas de quoi Kyle est capable. Il dirige le département de la justice, il a tous les pouvoirs. Il nous menace de tout nous prendre si nous ne faisons pas ce qu'il dit. Une fois, je lui ai déplu et il m'a empêchée d'utiliser mon coffre de Gringotts pendant un mois. Sans Drago, je serais morte de faim. Une autre fois, c'est Gregory qui a refusé d'obéir. Long est entré dans une colère noire. Il nous a tous appelés et il a dit que c'était inadmissible. Il a dit à Drago qu'il savait ce qu'il avait fait pendant la guerre. Il a demandé à Drago de punir Gregory, tu sais ce que je veux dire, Potter ? De le punir avec le sortilège Doloris. Il a dit que si Drago ne le faisait pas, il l'accuserait d'avoir utilisé des Sortilèges Impardonnables et qu'il l'enverrait à Azkaban à vie. Drago a refusé de torturer Gregory, il n'a pas réussi. Alors Kyle les a enfermés dans une cellule du Ministère et les a laissés avec un Détraqueur. Il ne les a sortis qu'au moment où le Détraqueur allait les embrasser.
Elle parlait vite, d'une voix saccadée et terrifiée. Harry sentait monter en lui un malaise et un dégoût importants, ainsi qu'une incompréhension persistante. Il avait trouvé très bien que Kyle Long s'occupe des enfants des Mangemorts et les empêche de reproduire les crimes de leurs parents mais il n'avait jamais attendu du directeur qu'il les menace et les torture.
- Mais… dit Harry, hésitant. Tu dis qu'il vous punit quand vous désobéissez. Je ne comprends pas, qu'est-ce qu'il vous demande de faire ?
Pansy blêmit davantage, si c'était possible, et fixa la table avec obstination.
- Il nous prostitue, dit-elle si bas que Harry crut avoir mal entendu.
Elle releva la tête pour le regarder.
- Il organise des soirées avec ses amis et il nous vend. Ils font ce qu'ils veulent de nous et si nous refusons, Kyle nous enferme avec les Détraqueurs. Voilà ce qu'il nous demande de faire.
Il y eut un bref silence pendant lequel Harry la regarda avec ahurissement. Et quelque chose qui ressemblait à de la colère mais qu'il n'avait pas encore analysé. Il sortit un carnet de sa poche, un stylo et observa Pansy en essayant de contrôler la rougeur de ses joues et le malaise qu'il éprouvait.
- Pansy… Tu es en train de me dire que Kyle vous oblige à coucher avec ses amis sous peine de vous livrer à des Détraqueurs ?
Pansy eut un rire un peu dément.
- A coucher ? demanda-t-elle. Ils nous violent, tous ces porcs de merde, ils nous font des choses atroces !
Elle se mit à trembler et Harry fut soudain certain que c'était de la colère qu'il ressentait. C'était quoi cette histoire ? Il peinait à y croire tant c'était énorme.
- Qui ? demanda-t-il. Quand ? Où ? Que font-ils ?
Pansy inspira à nouveau profondément pour se calmer et se reprit. Elle posa ses mains à plat sur la table pour les empêcher de trembler.
- Je vais commencer par ce que je sais, dit-elle lentement. D'abord il y a Kyle Long. Il participe aux soirées lui aussi et il a un faible pour Drago. D'après ce que j'ai compris, Kyle a un contentieux de longue date avec Lucius Malefoy et je crois que ça lui plait de se venger en faisant ça à son fils.
Harry arrêta de prendre des notes et leva les yeux vers Pansy, choqué.
- Kyle Long viole Drago ? Demanda-t-il.
- C'est ce que je viens de dire. Kyle l'a déjà fait avec Theodore aussi, mais il préfère Drago. Heureusement pour moi, si je puis dire, il n'aime pas les femmes.
- D'accord…
- Ensuite, il y a Alden Litter et Braxton Turd, membres éminents du Magenmagot. Eux, ils aiment les femmes.
Pansy fixa Harry qui soutint son regard.
- Donc, eux, ils s'en prennent à toi, c'est ça ?
- Oui. J'ai mis plusieurs mois à connaitre leurs noms, tu te doutes qu'ils ne se présentent pas vraiment. Mais quand ils se parlent, parfois, ils font des erreurs. Et je ne suis peut-être qu'un objet qui leur sert à se vider, mais j'ai une bonne mémoire.
- Ne… ne parle pas comme ça, murmura Harry.
- Je doute que leurs épouses soient au courant de leurs activités du weekend, continua Pansy en l'ignorant.
- Connais-tu d'autres noms ?
- Il y a une certaine Lillian mais je ne connais pas son nom. Ce qu'elle adore, elle, c'est faire du mal à Gregory. Je suppose que tout le monde a besoin d'un défouloir… Il y a souvent son mari avec elle. Apparemment, ça l'excite de regarder sa femme torturer quelqu'un.
Harry avala sa salive et ne la coupa pas. Il poserait ses questions plus tard.
- Pour finir, il y a un couple qui vient toujours ensemble. Eux, ils raffolent des plans à trois avec Theodore. Ils sont malins, ils n'ont jamais dit leurs noms et ils portent toujours des masques.
Pansy se tut et Harry attendit qu'elle se détende. Elle avait une façon cynique de parler qui ne servait surement qu'à se protéger des horreurs qu'elle subissait. Elle caressa doucement la table avec ses mains, sans le regarder.
- Si je suis là aujourd'hui, c'est parce qu'il y a une nouvelle soirée samedi. Et je ne supporte plus tout cela. Nous avons plusieurs fois envisagé de dénoncer Kyle mais les autres n'étaient pas d'accord. Drago, Gregory et Theodore, ils… ils ont trop honte. Et Kyle nous terrifie. Je sais que ça semble idiot mais… je crève de peur quand il est dans la même pièce que moi et c'est pareil pour les autres. Alors personne n'ose en parler, de peur de ce qu'il pourrait nous faire. Mais j'ai décidé que c'était trop, tant pis pour Kyle.
Harry fut vaguement admiratif du courage qu'il avait fallu à Pansy pour venir le voir.
- Les autres ne savent pas que je suis là, avoua-t-elle. Ils me tueraient s'ils apprenaient que je suis venue te voir toi, en plus… Mais je m'en fous maintenant, plus rien n'a d'importance.
Harry hocha la tête puis rassembla son propre courage et commença réellement l'interrogatoire. Il lui fallait le plus d'informations possible, des lieux, des dates, des détails. Pansy répondit à tout ce qu'elle savait ou supposait, avec un détachement effrayant et un cynisme glaçant. Quand elle eut terminé, Harry la regarda partir, debout dans le hall, toujours choqué par ce qu'il venait d'entendre. Pansy, elle, semblait moins accablée qu'à son arrivée.
OoOoOoO
Nestor Achab fixa longuement les notes de Harry, les yeux écarquillés par la sidération. Il essaya de remettre de l'ordre dans ses idées et releva la tête pour regarder Harry.
- Tu crois qu'elle dit la vérité ? demanda-t-il. Je sais que ce n'est pas très noble de douter des victimes mais on parle quand même du Directeur du département de la justice et on parle des enfants des criminels qui ont travaillé pour Voldemort. Ils auraient un intérêt à détruire Long, ne nous mentons pas.
- Je la crois, répondit Harry. Pansy Parkinson n'a jamais été extrêmement subtile, elle n'aurait jamais su jouer la terreur et le désespoir avec autant de réalisme. Et puis… je ne connais pas Theodore Nott mais je doute vraiment que Goyle et Malefoy auraient monté un plan dans lequel ils passeraient pour des victimes de viol aux yeux de toute la société.
- Bon… Tout ceci est très délicat, il va falloir agir prudemment.
Harry serra ses mains l'une contre l'autre dans son dos et se tendit.
- Chef, vous… vous allez faire quelque chose, n'est-ce pas ?
Achab lui lança un regard presque blessé.
- Bien sûr. Je me fous totalement qu'il soit le directeur du département, il pourrait être ministre que ça n'y changerait rien. Ce que je veux dire, c'est qu'il est puissant et influent et qu'il trouvera un moyen de se défendre. Il ne faut pas que nous lui laissions cette chance. Je pense que le mieux serait de le prendre sur le fait.
- Vous voulez dire…
- La prochaine soirée est samedi, c'est ça ? Eh bien… Ce serait bien que nos Aurors s'invitent à cette soirée.
- Une infiltration ?
- Cela aurait été le mieux mais nous ne pouvons pas le faire sans l'accord du Directeur de la justice, justement… Et si nous voulons apporter des preuves pour le coincer, nous devons le faire dans les règles ou il nous détruira. Non, il va falloir laisser la soirée commencer puis entrer en plein milieu et les surprendre en plein délit. Si nous trouvons Long au lit avec Drago Malefoy, ce sera déjà bien plus dur de nier.
Harry hocha la tête. Achab convoqua Edmund mais il leur fallait quelqu'un d'autre pour gérer l'opération, quelqu'un qui ne les trahirait pas et ne préviendrait pas Long. Car c'était là tout le risque de l'affaire : le suspect avait trop de pouvoir et d'influence. Comment être sûr que certains Aurors n'étaient pas secrètement à sa botte ? Or Achab avait de l'expérience, il savait qu'il y avait toujours des Aurors et des policiers qui travaillaient pour les têtes du Ministère. Il avait confiance en l'intégrité d'Edmund et de Harry. Et le seul autre Auror à qui il aurait confié sa propre vie, c'était un certain Mark qu'il convoqua dans son bureau. Tout le monde savait qu'il y avait une relation particulière entre Mark et Nestor Achab, une relation presque paternelle d'un mentor et de son élève. Harry s'en fichait, du moment que Mark était loyal à Achab.
Edmund et Mark écoutèrent le rapport de Harry, sidérés eux aussi. Edmund semblait furieux, comme s'il avait été personnellement trahi et Mark avait l'air dégoûté. Oui, ils aideraient à choper ces connards, chef, aucun doute. Ils ne diraient pas aux policiers ce qu'ils iraient chercher, ils ne diraient pas qui ils comptaient arrêter, ils se contenteraient de parler d'une affaire de prostitution et ce serait tout. Quand les derniers détails furent décidés, Achab et Harry se rendirent chez Pansy Parkinson. Rien de tout cela ne pourrait arriver si elle ne les aidait pas. Elle eut l'air impressionnée de recevoir le chef des Aurors en personne, comme si elle n'avait pas vraiment cru que quiconque allait les aider. Elle écouta leur plan, assise sur une chaise, droite et tendue.
- Donc… dit-elle enfin. Vous voulez que j'y aille ?
- Une dernière fois, répondit Nestor d'une voix douce et ferme. Sinon, ce sera votre parole contre celle de Kyle Long. Je suis sûr que vous devinez qui sortira vainqueur.
- Je vois.
- Néanmoins, ajouta Achab, nous ne pouvons pas vous forcer à y aller et si vous refusez, ce sera votre droit et nous comprendrons.
Pansy resta silencieuse et réfléchit à ce que le chef des Aurors venait de dire. Elle se tourna finalement vers Harry et l'observa une seconde.
- Tu viendras interrompre tout cela, n'est-ce pas ? Demanda-t-elle.
- Oui, c'est promis.
- Très bien, dit Pansy en prenant une profonde inspiration. J'irai comme si tout était normal et je me débrouillerai pour vous faire parvenir un signe quand ce sera le bon moment d'intervenir.
- Vous pourriez envoyer un message, il y a des techniques pour…
- Nous n'avons pas nos baguettes lors de ces soirées, coupa Pansy. Vous vous doutez bien… Mais j'y arriverai, ne vous en faites pas. Dès que tu verras quelque chose, tu pourras venir. Et j'essaierai de voir où se trouve la chambre de Kyle Long. Enfin… je demanderai à Drago, c'est toujours la même.
Nestor Achab et Harry remercièrent et ils passèrent en revue les derniers détails du plan avec Pansy. Elle était suffisamment maline et rusée pour tromper les autres et leur faire passer un message, Harry n'en doutait pas. C'était dans ces moments-là que la valeur des Serpentard ressortait le mieux. Ils finirent par s'en aller, pas tout à fait sûrs de leur plan mais confiants quand même. Pansy toucha le bras de Harry quand il s'apprêta à partir et il la regarda avec curiosité.
- A samedi, dit Pansy.
- Oui, jura Harry. A samedi.
OoOoOoO
Drago Malefoy avait passé la journée allongé sur son lit. Il n'avait rien mangé, avait à peine bu, avait à peine respiré. Il finit par se lever quand la lumière déclina et choisit ses vêtements avec soin. Ensuite, il entra dans sa salle-de-bain, posa le tout près du lavabo et s'agenouilla au-dessus des toilettes pour vomir. Il se redressa péniblement, prit une douche, sortit, vomit encore une fois puis se lava les dents et s'habilla. Drago se regarda dans le miroir, il avait une mine affreuse, il pouvait difficilement être plus pâle que ça. Difficilement être plus vide que ça, aussi. Avec un peu de chance, il allait faire un malaise, ce serait parfait. Il avait toujours mal au ventre mais il n'avait plus rien à vomir et il sortit donc de la salle-de-bain pour enfiler son manteau. Avec Kyle, il ne fallait jamais être en retard.
Theodore se coiffa comme ils aimaient. Ils aimaient ses cheveux noirs longs et bouclés, quand ils n'étaient pas attachés. Apparemment, il était séduisant comme ça. Theodore se regarda dans le miroir mais il ne se reconnut pas. Ce n'était pas lui, ce n'était pas son corps, ce n'étaient pas ses cheveux. Lui, il ne vivait pas tout ça. Comme un robot automatique, il termina de se préparer pour la soirée. De toute façon, ce n'était pas vraiment lui qui allait à la soirée. Lui, il resterait dans l'appartement et il attendrait patiemment que tout soit fini. Voilà. Sans ressentir la moindre chose, Theodore transplana pour retrouver les autres.
Gregory venait de se réveiller. Il avait pris tellement de potion pour dormir qu'il avait espéré ne jamais se réveiller mais finalement, il était là. Il resta assis sur le bord de son lit, les yeux dans le vague pendant un moment. Il allait devoir se ressaisir. Il se leva, prit une douche qui ne le sortit pas totalement de sa torpeur mais c'était ce qu'il souhaitait. Sans hésiter, il attrapa le flacon qu'il cachait sous son matelas. Une potion anti-douleur très forte qui n'était utilisée qu'à Ste Mangouste. Il avait dû user de beaucoup de ruse et de discrétion pour l'obtenir sans que Kyle Long ne l'apprenne. C'était une victoire comme une autre. Gregory avala une longue gorgée et laissa le calme l'envahir peu à peu. C'était rassurant. Plus il serait défoncé et plus ce serait facile à supporter. Dans un état second, il mit sa veste et transplana.
Pansy était déjà là quand ils arrivèrent, seule, debout devant le grand portail de fer forgé. Personne ne se salua ou ne prit pas la peine de demander comment ça allait, il y a bien longtemps qu'ils avaient arrêté ça. Drago s'immobilisa près de Pansy, avec Gregory et Theodore et ils regardèrent le château sombre et menaçant qui se dressait au bout de l'allée.
- Drago, dit Pansy d'une voix presque lointaine. Où est la chambre de Kyle ?
Il lui jeta un regard étonné et dut faire un effort pour ouvrir la bouche et répondre.
- En haut de la tourelle nord. Je peux voir la fenêtre d'ici.
- D'accord. Vous savez, je pense que ce sera la dernière fois pour moi ce soir. J'ai besoin que tu m'aides Drago.
- Quoi ? s'écria-t-il, apeuré cette fois. Comment ça ta dernière fois ? Que vas-tu faire ?
- Drago, tu es celui qui maitrises le mieux la magie spontanée. Quand tu seras dans la chambre, au moment où Kyle viendra, je veux que tu ouvres la fenêtre et que tu fasses voler les rideaux à l'extérieur. Il faut qu'ils volent haut et fort, tu comprends ? Je veux qu'ils claquent, Drago, je veux qu'ils claquent. D'accord ?
Elle avait l'air folle. Theodore et Gregory la fixèrent avec stupeur et un peu d'effroi. Drago se sentit trembler.
- Pourquoi ?
- Fais-le, c'est tout. Promets-moi.
- Bien, c'est promis.
Drago avait trop peur pour poser davantage de questions. Quant à Theodore et Gregory, ils étaient trop perdus en eux-mêmes pour vraiment comprendre ce qui se passait. D'ailleurs, ils n'avaient pas envie de comprendre. Pansy hocha la tête puis rajusta sa coiffure. Elle toucha le portail du bout des doigts et il s'ouvrit en grinçant.
- C'est l'heure d'y aller, annonça-t-elle.
Ils entrèrent dans la propriété et marchèrent jusqu'au château. Drago avait envie de vomir, Theodore n'était pas vraiment là et Gregory planait complètement. Pansy, elle, était prête à la guerre.
OoOoOoO
Harry, Edmund, Mark et une vingtaine de policiers attendaient autour du château, dissimulés dans le bois. Personne ne savait à qui appartenait ce château et aucun policier ne savait qu'ils s'apprêtaient à arrêter Kyle Long. Harry ne cessait de fixer les tourelles, nerveux. Il se sentait coupable d'avoir obligé Pansy et les autres à vivre une nouvelle soirée d'enfer mais c'était leur meilleure option pour que cet enfer s'arrête, justement. Dans son travail, il avait rarement droit à l'erreur mais aujourd'hui moins encore. Il avait promis à Pansy de la sortir de là, il devait tenir sa promesse.
Les Aurors attendirent une heure sans que rien se passe. Harry n'était pas surpris, Pansy lui avait raconté que Kyle et ses invités buvaient souvent un coup en bavardant avant de passer dans les chambres. Harry essaya d'imaginer ce que Pansy et les autres pouvaient ressentir en attendant que leurs bourreaux les rejoignent mais il n'y arriva pas. Et c'était un peu trop angoissant. A côté de lui, Harry pouvait sentir la tension dans le corps d'Edmund qui observait le château avec attention lui aussi. Un peu plus loin, Mark semblait plus détendu mais déterminé quand même. Enfin, en haut de la tourelle nord, une fenêtre s'ouvrit et une bourrasque de vent inattendue fit s'envoler les rideaux vers l'extérieur. C'était le signal et c'était la chambre de Kyle Long.
- Dix minutes, murmura Edmund en regardant sa montre.
Ils devaient entrer dans le château dans dix minutes. Harry regarda les rideaux claquer au vent puis quelqu'un les fit rentrer et referma la fenêtre. Le cœur de Harry s'accéléra un peu. Il serra sa baguette au creux de sa main en essayant de ne pas penser à Drago, dans la chambre. Dix minutes n'avaient jamais paru aussi longues et il fut soulagé quand Edmund lui fit signe qu'il était temps d'y aller.
Ils franchirent les grilles qui entouraient le château et s'approchèrent rapidement de la porte de derrière. Leur plan était d'être les plus silencieux et efficaces possible pour qu'aucun des invités ne se doute de quoi que ce soit et ne cherche à s'enfuir. Les Aurors et les policiers traversèrent les salons vides où il restait les verres et les restes de l'apéritif puis ils s'engouffrèrent dans les escaliers. Arrivés là, ils se séparèrent. Harry devait trouver Kyle Long, c'était la mission que Nestor lui avait confiée. Après tout, puisque c'était à lui que Pansy avait parlé, c'était à lui de gérer cette affaire. Edmund devait trouver Pansy Parkinson et Mark devait coordonner tout le reste.
Harry grimpa les escaliers le plus silencieusement possible, suivi de près par trois policiers. La tourelle nord était évidemment haute et il y avait de nombreuses marches à gravir. Il avançait vite, pressé mais désireux de ne pas se trahir. Nestor Achab avait toutefois eu raison, les invités étaient bien trop occupés à leurs plaisirs pour entendre les pas feutrés dans les couloirs. Et ils ne s'y attendaient tellement pas que même s'ils entendaient un bruit, ils s'imagineraient que c'était un de leurs amis. Harry détestait les gens comme ça, les gens comme Kyle, qui se croyaient supérieurs et pensaient que la justice n'était pas pour eux. Il allait le détromper, Kyle Long allait payer comme les autres, Harry en faisait le serment.
Arrivé en haut de la tourelle, Harry hésita entre deux portes qui pouvaient correspondre à la fenêtre aux rideaux. Il ouvrit la première, doucement, et ne trouva qu'une chambre vide. Il s'arrêta donc devant la seconde et jeta un coup d'œil aux policiers qui lui firent un imperceptible signe de tête. Harry ouvrit la porte et pénétra dans la chambre, baguette à la main.
Il y avait un grand lit à baldaquin, orné de tissus bleu pâle. Sur ce lit, il y avait Drago Malefoy, nu et attaché aux quatre coins du lit. Et puis, à genoux au-dessus de lui, à moitié dévêtu, il y avait Kyle Long, avec sa bite bien trop près de la bouche de Drago. Harry balaya la scène du regard tandis que, derrière lui, les policiers retenaient une exclamation de stupeur. Drago écarquilla les yeux et fixa Harry avec un mélange d'ahurissement et d'horreur. Kyle resta immobile, figé de surprise lui aussi mais Drago rejeta la tête en arrière pour s'écarter. Harry braqua sa baguette vers Kyle qui commençait à pâlir et à réaliser ce qui se passait.
- Eloignez-vous de lui, ordonna Harry avec plus de colère qu'il l'aurait voulu.
Kyle s'éloigna de Drago mais resta sur le lit et leva les mains en signe d'apaisement.
- Je ne fais rien de mal, assura-t-il. C'est un rapport consenti entre deux adultes majeurs. N'est-ce pas Drago ?
Il y avait une légère nuance menaçante dans le ton de Kyle mais seul Drago la saisit pleinement. Harry se tourna vers Drago et ils se fixèrent un instant, au-delà de la honte et de la douleur. Puis Drago détourna le regard en sentant les larmes lui monter aux yeux.
- S'il te plait, souffla Drago. Emmène-le, emmène-le, EMMENE-LE !
La voix de Drago était devenue hystérique et Harry jeta un sortilège à Kyle pour l'obliger à descendre du lit. Les trois policiers l'entourèrent rapidement et le relevèrent sans douceur. Harry s'approcha de Long, constata qu'il avait débandé et en ressentit une satisfaction un peu perverse.
- Kyle Long, je vous arrête pour viol, chantage, torture et prostitution.
Kyle était trop entrainé pour répondre. Il se laissa menotter sans résister. Harry hésita à lui ordonner de se rhabiller mais finalement, il n'en avait pas envie. Il désigna les vêtements de Kyle, soigneusement posé sur un fauteuil.
- Prenez-les, il pourra s'habiller dehors avec les autres.
Un des policiers prit les habits et ils emportèrent Kyle hors de la chambre. Au moment où ils franchirent la porte, Harry se précipita vers Drago pour le détacher, ce qu'il fit maladroitement et avec un malaise des plus importants. Drago se recroquevilla sur le lit puis en glissa comme s'il voulait disparaitre dans le tissu et rampa jusqu'à une malle où attendaient ses vêtements. Harry s'approcha de lui.
- Attends, je vais t'aider, tiens.
Harry se détourna pour laisser Drago s'habiller puis le regarda à nouveau quand il eut fini. Drago n'avait pas l'air en forme, c'était le moins qu'on puisse dire. Il évitait soigneusement le regard de Harry et semblait sous le choc.
- Allons-y, dit Harry, mal à l'aise.
Drago marcha vers la porte, pas très stable sur ses jambes. Harry le rejoignit rapidement.
- Est-ce que ça va, tu peux marcher ?
- Oui, c'est simplement la potion qu'il m'a donnée, ça va passer.
Ils descendirent prudemment les escaliers jusqu'au salon. Là, assis sur les fauteuils et les canapés, se trouvaient Pansy et Gregory, entourés par les policiers qui les avaient raccompagnés. Pansy semblait secouée mais soulagée et elle adressa à Harry un faible sourire de gratitude. Gregory, lui, avait l'air complètement dans les vapes. Dehors, devant l'entrée principale, Edmund et les policiers surveillaient les détenus. Drago s'assit près de Pansy et resta prostré là, incapable de parler. Enfin, Mark et cinq policiers débouchèrent dans le salon avec Theodore et un couple d'une quarantaine d'années. Theodore n'arrêtait pas de fixer l'homme et la femme, fasciné par leurs visages sans masque. C'était la première fois qu'il voyait le visage des gens qui le violaient. Il se laissa tomber sur un canapé près de Gregory et Mark emmena le couple dehors.
Edmund, Mark et une quinzaine de policiers emportèrent les détenus au Ministère tandis que Harry et le reste des policiers restaient sur place. Pansy s'était détendue et elle était maintenant assise confortablement, attendant la suite. Gregory planait toujours, Drago fixait le sol avec une honte totalement perceptible et Theodore observait autour de lui avec curiosité. C'était la première fois aussi qu'il était vraiment lui-même dans ce château et il avait l'air de se demander ce qu'il foutait là.
- Et maintenant ? demanda Pansy en se tournant vers Harry.
- Nous allons vous ramener au Ministère vous aussi. Vous allez être examinés par des guérisseurs puis nous aurons des questions à vous poser. Ça ne va pas être très plaisant, j'en ai peur mais nous n'avons pas le choix si nous voulons faire condamner ces gens.
Pansy se leva vivement du canapé, prête à suivre Harry sans discuter mais Drago se recroquevilla une fois de plus sur lui-même.
- Non, je ne veux pas qu'on m'examine, je ne veux pas répondre à des questions.
Theodore n'avait pas l'air plus motivé que son ami. Harry pouvait imaginer sans mal la violence de ce qu'il leur demandait mais il n'avait pas d'autres options.
- Comment as-tu su ce que Long nous faisait ? demanda brusquement Theodore.
- Je leur ai dit, déclara calmement Pansy.
Drago et Theodore se tournèrent vivement vers elle et la fixèrent comme si elle les avait trahis. Pansy resta parfaitement indifférente à leur rancœur et les toisa avec un certain mépris.
- Vous aviez peut-être envie de continuer à vous faire baiser comme des chiens pendant des années mais pas moi. J'ai fait la seule chose à faire pour nous sauver et vous me remercierez plus tard.
Ils n'avaient pas l'air convaincus. Au contraire, ils semblaient penser qu'elle avait détruit leur vie. Maintenant, tout le monde allait savoir et tout allait devenir atroce. C'était ce qu'ils croyaient, du moins, car Harry était persuadé que ça ne pouvait être plus atroce que ça. Avant que ses amis aient pu répondre, Pansy agrippa Drago par son manteau et le tira sans ménagement.
- Allez, ordonna-t-elle sèchement. Tu vas venir, tu vas les laisser t'examiner et tu vas répondre à leurs questions. Et ils iront tous à Azkaban et nous serons enfin libres. Et si tu ne le fais pas, par le grand Merlin, Drago, je te tue moi-même. Je n'ai pas subi tout ça pour que Kyle soit innocenté alors bouge ton cul ! Fais preuve d'un peu de courage pour une fois !
Harry pinça les lèvres et fit semblant de regarder ailleurs. Drago regarda Pansy, humilié et furieux, vérifia que Harry n'allait pas en rajouter une couche puis il se leva à contre-cœur. Theodore l'imita, peu désireux de recevoir le même sermon. Gregory les suivit, sans trop comprendre ce qui se passait et Harry fut soulagé que ce soit réglé aussi vite. Il les ramena au Ministère, les laissa entre de bonnes mains puis retrouva son chef pour faire son rapport. Nestor Achab était content de ses Aurors et de l'efficacité de leur intervention. Malgré tout, le plus dur restait à faire. Il allait falloir prouver qu'ils avaient bien fait de les arrêter, prouver que les accusations étaient réelles et qu'ils étaient effectivement coupables. Harry savait que ça allait être difficile parce que les gens qu'ils avaient arrêtés étaient puissants et bien armés pour se défendre devant un tribunal. Et la parole des enfants de Mangemorts ne valait pas grand-chose.
