La visite de Ron et Hermione n'avait pas aidé Harry. Il se sentait même encore plus mal. Il avait largement pu sentir la colère et le dégoût de Ron face à la situation. Parfois, il se disait que son ami avait raison, qu'il devait être cinglé pour aimer Drago Malefoy. C'était complètement absurde, c'était malvenu et c'était même une trahison envers ses proches. Il était choqué, écœuré et blessé que Drago ait tué Kyle Long, de façon aussi sanglante qui plus est. Il aurait aimé croire que Drago avait changé et n'était pas comme son père, que Drago n'était pas capable de commettre de telles horreurs. Il s'était trompé, Drago en était capable. Il s'était même assis près de Long pour le regarder mourir. C'était intolérable.

Et puis parfois, il se demandait si Drago n'était finalement pas plus courageux et sincère que lui. Kyle Long lui avait fait du mal et avait brisé en lui des forces qui ne reviendraient peut-être jamais. Kyle était un monstre, le genre d'homme dont la mort apporterait davantage à l'humanité qu'elle ne la priverait. Drago l'avait tué, il s'était vengé et il s'était sans doute libéré de quelque chose en le faisant. Harry l'enviait un peu. Il aurait dû tuer des gens lui aussi, il en avait eu envie. Il avait eu envie de tuer Rogue, viscéralement et il aurait dû le faire quand il en avait eu l'occasion. Et d'ailleurs, Hermione avait tort, il avait bel et bien lancé le sortilège du Sectumsempra dans le but de tuer, il l'avait lancé à Rogue. Il avait même essayé de le torturer. Elle ne pouvait pas le savoir, elle n'était pas là mais c'était un fait. Alors si Harry avait pu désirer faire saigner Rogue, évidemment que Drago avait désiré faire saigner Kyle Long. Et Bellatrix, il aurait dû la tuer aussi, au lieu de se battre comme un enfant, ça aurait aidé tout le monde. Et Voldemort, il aurait dû l'achever, aller au bout de son projet au lieu de finir lâchement sur un pitoyable sortilège de désarmement.

Parfois, Harry se dégoûtait et se disait qu'il aurait peut-être gagné à être un peu plus comme Drago Malefoy qui lui, au moins, avait le courage d'assumer sa haine et sa rage. Parfois, il était au contraire heureux de n'avoir jamais tué personne de sang-froid. Comme il l'avait dit à ses amis, il ne savait plus du tout où il en était. Il ne savait même plus qui il était.

Nestor Achab et Edmund vinrent lui rendre visite le lendemain. Ils avaient des questions à lui poser sur Drago, pour essayer de rassembler toutes les pièces. Harry n'avait toutefois pas grand-chose à leur apprendre. Nestor demanda à parler à Kreattur qui vint clairement de mauvaise grâce et resta silencieux face au chef des Aurors. Harry se sentit lassé, toujours aussi triste et abattu.

- Je t'ordonne de répondre sincèrement au chef Achab, dit Harry d'un ton mourant.

Nestor le remercia d'un léger signe de tête et l'elfe dut obéir. Il raconta comment Drago Malefoy avait ramené Harry chez lui, le soir des meurtres, vers neuf heures. D'après Malefoy, Harry était ivre et Kreattur l'avait laissé faire. Il pouvait maintenant dire, toutefois, que Harry n'avait pas prononcé un mot et paraissait endormi. Cela venait plutôt confirmer l'hypothèse selon laquelle Malefoy l'avait drogué. Harry en ressentit un soulagement modéré.

- Je n'ai pas aidé Drago, je n'étais au courant de rien. Pourquoi suis-je obligé de rester chez moi ? Je pourrais parfaitement travailler sur une autre affaire.

- Tu crois ? Tu n'as pas l'air en forme…

- C'est parce que je suis coincé ici comme si j'étais un criminel.

Nestor et Edmund échangèrent un regard puis le chef se racla la gorge.

- Je suppose que tu peux revenir dans ce cas mais tu dois rester loin de cette enquête.

Harry promit et Nestor soupira. A côté de lui, Edmund ne semblait pas partager la générosité de son chef et il regardait Harry avec méfiance.

- Nous avons retrouvé Theodore Nott, déclara enfin Achab en évitant le regard de Harry. Ou plutôt, les Aurors suisses l'ont retrouvé.

- Ah, et…

- Il s'est ouvert les veines dans la baignoire de sa chambre d'hôtel de Berne et c'est l'un des membres du personnel qui l'a découvert. Les Aurors suisses ont fait le rapprochement et nous ont renvoyé le corps. Il a laissé un testament stipulant qu'il laisse toute sa fortune à Flora Carrow. Apparemment ils étaient plus ou moins fiancés et s'étaient séparés quelques mois plus tôt, sans doute à cause de ce que Nott a subi.

Harry eut un goût amer au fond de la bouche et une nausée persistante. Il leva les yeux vers son chef pour constater qu'il partageait son point de vue. Theodore Nott s'était suicidé à cause de que ce que les Manure lui avaient fait, c'était évident. Et c'était dramatique. Cela arrivait si vite après les meurtres que Harry se demanda si Nott ne l'avait pas prévu dès le début. C'était peut-être ça son projet : massacrer les Manure puis mourir à son tour. Harry pensa à Drago et espéra qu'il ne s'était pas suicidé lui non plus. Ce serait vraiment le pire dénouement qui pourrait se produire.

- Nous continuons activement les recherches, assura Nestor en se relevant. Tous les Aurors des pays européens sont au courant et ouvrent l'œil. Nous avons prévenu le MACUSA également, au cas où. J'ai bon espoir de les retrouver.

Harry hocha la tête et salua son chef. Il était sûr de lui maintenant, il savait parfaitement ce qu'il pensait : il n'avait nulle envie qu'Achab attrape Drago et l'envoie à Azkaban. Pour autant, il n'en voulait pas à son chef de rechercher les criminels, c'était son travail et c'était normal. Harry ne comptait pas l'empêcher d'enquêter ou lui mettre des bâtons dans les roues. Et s'il attrapait Drago Malefoy, il ne s'opposerait pas à sa condamnation. Alors voilà, il espérait simplement, dans le secret de son cœur, que Drago était bien caché.

Harry retourna travailler au Ministère où on l'accueillit comme une pauvre victime qui avait été trompée par l'abjecte criminel. Nestor Achab avait donc réussi à garder secret le fait que Harry sortait plus ou moins avec Drago. Harry en était lâchement soulagé mais il se sentait vide et triste. Il était persuadé que si les criminels n'étaient pas les enfants des Mangemorts, on les aurait traités avec moins de dureté, on les aurait peut-être même compris et soutenus. Mais les gens ne retenaient qu'une seule chose : ils étaient des assassins comme leurs parents. Ils avaient torturé, égorgé et massacré des membres du Ministère et on les considérait comme des monstres. On oubliait un peu vite qu'ils avaient eux-mêmes été torturés, violés, blessés et maltraités. Quand Harry lisait les journaux ou entendait les remarques méprisantes de ses collègues Aurors, il se rappelait la fois où Drago avait pleuré dans la salle d'interrogatoire et il éprouvait de la haine pour tout le monde, sans exception. Même pour Drago.

Le pire était sans doute la compassion et la condescendance dont faisaient preuve ses collègues envers lui. Malefoy s'était servi de lui, il n'avait rien vu, ça pouvait arriver à tout le monde, il était trop gentil, il devait être plus méfiant à l'avenir. Harry répondait du bout des lèvres, honteux, hargneux et humilié. Il avait envie de leur dire qu'il n'arrivait pas vraiment à regretter ce qui était arrivé et qu'il recommencerait si c'était à refaire. Il ne pourrait s'empêcher de tomber amoureux de Drago, il ne pourrait s'empêcher de faire l'amour avec lui. Ce qu'il changerait, c'était uniquement la fin : il empêcherait Drago de tuer Long. Ou alors, songeait parfois Harry dans un esprit de provocation haineuse, il l'aiderait et s'enfuirait avec lui. Cette idée idiote et romantique l'attirait autant qu'elle le répugnait et il prit bien soin de ne la révéler à personne.

Il n'eut plus de nouvelles de Ron dans les jours qui suivirent et cela le blessa. Il se sentait encore plus vide et plus triste. Il participa à quelques affaires mineures qui occupèrent son esprit et l'empêchèrent de devenir fou ou complètement abattu. Il fit des crises bien plus régulièrement que d'habitude, se réveillant la nuit en hurlant et en pleurant. Il se rappelait la fois où Drago avait pris soin de lui et il essayait de se rendormir en s'imaginant allongé contre lui comme cette fois-ci. Quand la crise le prenait au réveil ou au coucher, il se recroquevillait sur le tapis que Drago avait tissé et restait là, inerte, à attendre que ça passe. Il espérait vaguement que ça le tuerait mais ça ne fonctionnait jamais.

Il reçut la visite d'Hermione qui paraissait très inquiète pour lui mais c'était habituel, elle semblait passer sa vie à s'inquiéter pour lui. Harry n'y faisait même plus attention, il s'en foutait. Il ne savait plus ce qu'il voulait. Ses désirs étaient tous irréalisables et puérils. Il voulait que Drago revienne et que tout soit comme avant. Il détestait les regards pleins de commisération et de mépris paternaliste de ses collègues, il détestait le regard méfiant d'Edmund et la distance de Nestor Achab. Sa vie était encore plus nulle qu'avant, il se sentait encore plus inutile. Hermione l'assura que cela passerait et qu'il ne pouvait pas se laisser abattre à ce point par une simple histoire d'amour qui n'avait finalement duré qu'un mois ou deux. Harry lui rétorqua que ce n'était pas seulement à cause de l'histoire d'amour. C'était tout le reste, c'était le fait d'avoir encore perdu quelqu'un qu'il aimait, le fait d'avoir touché le bonheur du doigt et de l'avoir vu disparaitre. Et puis surtout, c'était la dévorante incertitude sur les sentiments de Drago. Étaient-ils faux ? Etaient-ils réels ? Quand ils s'embrassaient, quand ils faisaient l'amour, Drago faisait-il semblant ?

Ces questions étaient les plus difficiles à supporter et Harry voulait une réponse. Chaque jour qui passait le rendait un peu plus hargneux envers Drago. Il lui en voulait à en crever, il le détestait de l'avoir abandonné de cette manière et de s'être foutu de sa gueule. Il avait envie de retrouver Drago, de lui crier dessus, d'exiger des réponses et des explications. Il voulait voir les remords sur son visage, il voulait entendre la voix de Drago l'assurer qu'il l'avait aimé. Alors un soir, après un verre de Gin de trop, alors qu'il était avachi sur son canapé à attendre il ne savait quoi, Harry appela Kreattur. L'elfe arriva immédiatement, comme le font les elfes et observa son maitre avec les lèvres pincées, critiquant silencieusement son état pathétique d'ébriété.

- Oui, maitre Harry ?

Harry se tourna vers lui et le regarda attentivement.

- Tu as dit que tu avais un lien spécial avec Drago Malefoy parce qu'il était le dernier descendant de la famille Black.

- C'est exact, maitre Harry, répondit Kreattur avec une certaine tension.

Il y eut un silence. Kreattur devinait que Harry allait lui demander quelque chose d'important qu'il n'aimerait pas et Harry savait bien ce qu'il s'apprêtait à faire.

- Retrouve-le, ordonna-t-il. Retrouve-le avant les Aurors. Utilise tous les moyens qu'il faudra, peu m'importe, mais retrouve-le.

Le visage de Kreattur se crispa et il se balança sur ses pieds d'avant en arrière.

- Vous voulez le livrer vous-même au chef Achab ? Demanda-t-il.

- Je n'en sais rien, dit Harry avec colère. Je veux lui parler, c'est tout. Il faut que je lui parle.

Harry savait que les elfes possédaient une magie que les sorciers ne possédaient pas et qu'ils étaient capables de choses différentes. Il savait également que les sorciers avaient toujours méprisé cette magie et ne s'en souciaient guère. Il faisait confiance à Kreattur pour trouver Drago avant Achab.

- Vas-y, dit Harry. Commence tout de suite.

Kreattur se balança encore un peu puis s'immobilisa et inclina sa tête devant Harry.

- Bien, maitre Harry.

Et il se volatilisa. Harry resta seul dans le salon, trop déterminé et trop envahi de douleur pour regretter ce qu'il venait de faire. Au diable sa promesse de rester loin de l'enquête, il allait retrouver Drago lui-même et il obtiendrait ses réponses.

OoOoOoO

Pendant des jours, il ne se passa rien. Kreattur ne revenait pas et ne donnait aucune nouvelle. Harry se demandait parfois si son elfe ne s'était pas enfui pour de bon. Ou alors, peut-être avait-il retrouvé Drago et s'était-il mis à son service en abandonnant Harry. Ce serait un comble si son elfe de maison lui-même le trahissait. Il savait que ces pensées n'étaient pas tout à fait raisonnables et qu'il y avait peu de risques que Kreattur se comporte ainsi mais l'esprit de Harry n'était plus tout à fait rationnel depuis qu'il s'était retrouvé devant le cadavre de Kyle Long.

Harry continuait à travailler au Ministère et à participer à des enquêtes et la vie reprenait une routine étrange et inexorable, comme si Drago n'avait jamais existé, comme s'ils ne s'étaient jamais aimés, comme s'il n'y avait jamais eu Kyle. Le seul signe restant de cette aventure était l'humeur de plus en plus sombre et éreintée d'Edmund qui ne trouvait ni Drago, ni Pansy, ni Gregory. Harry le voyait souvent discuter avec Achab sur les avancées de l'affaire et ne s'approchait jamais d'eux, pour leur laisser croire qu'il se tenait à carreau. Dans sa solitude et sa tristesse, la seule consolation de Harry était de se dire que les Aurors n'avaient toujours pas retrouvé Drago. Et on savait tous comment cela fonctionnait : plus le temps passait et moins il y avait de chance d'y arriver.

Harry avait revu Ron et Hermione, brièvement. Ron semblait un peu moins en colère contre Harry mais il y avait une sorte de distance entre eux qui n'existait pas avant. Il avait du mal à accepter que Harry puisse aimer Drago Malefoy et puisse vouloir le défendre, après tout ce qu'ils avaient vécu ensemble. Et même si elle ne le montrait pas autant, Harry voyait bien que Hermione ne comprenait pas non plus. Alors il se sentait coupable parce que Drago avait insulté Hermione et avait traité avec grossièreté et mépris la famille Weasley et il se demandait lui aussi pourquoi il aimait ce connard arrogant et cruel, comment cela avait pu arriver et pourquoi il trahissait ses amis de cette façon. Il avait essayé de leur dire que Drago n'était plus le même, que lorsqu'ils s'étaient fréquentés durant les derniers mois, il n'avait jamais eu de paroles déplacées envers qui que ce soit. Ron avait fait remarquer que oui, évidemment, s'il voulait gagner la confiance de Harry, il n'allait pas critiquer les Sang de bourbe devant lui. Harry n'avait rien à répondre sinon qu'il n'y croyait pas. Il avait connu Drago dans des moments intimes et différents et pour lui, le Drago qu'il connaissait n'aurait plus critiqué les pauvres ou les Nés-Moldus. Mais au fond, rien ne le prouvait.

Les jours se changèrent en semaines. Kreattur était parti depuis trois semaines maintenant et Harry commençait à s'impatienter. Il ne pensait qu'à ça, il n'en dormait plus, il voulait parler avec Drago, lui poser ses questions et pouvoir le jeter de sa vie une bonne fois pour toutes. Et en même temps, plus le temps passait et plus il avait peur de cette confrontation. Et si Drago lui disait des choses affreuses ? Et s'il se révélait être aussi fou et cruel que le reste de sa famille ? Harry aurait pu appeler Kreattur pour lui demander où il en était de ses recherches, il lui suffisait de prononcer son nom pour cela et l'elfe serait obligé de revenir mais il préférait finalement ignorer ce qui se passait. Il avait rarement fait preuve d'autant de lâcheté dans sa vie.

Et puis un jour, Kreattur revint. C'était en fin d'après-midi et quand Harry rentra du travail, il trouva son elfe qui l'attendait. Harry s'immobilisa en le voyant et son cœur se mit à cogner brutalement contre sa poitrine. C'était un mélange de peur et d'excitation, Harry le savait. Il n'avait jamais pensé que Drago lui ferait peur, un jour.

- Tu l'as trouvé ? demanda Harry d'une voix étrange.

- Oui, maitre Harry, Kreattur a trouvé Drago Malefoy.

- Où est-il ?

- Dans une auberge à Munich.

- Dans une auberge à Munich, répéta Harry, tendu. Comment as-tu fait pour le retrouver ?

- Kreattur a demandé aux autres elfes de maison des pays voisins. Les elfes parlent entre eux, maitre Harry. Ils ne trahissent jamais les secrets de leurs maitres mais ils se racontent des histoires. L'un des elfes qui travaillent à l'auberge a prévenu Kreattur qu'ils avaient un client qui ressemblait à sa description et Kreattur est allé vérifier.

- D'accord, répondit Harry.

Il était à la fois abasourdi, engourdi et tremblant. Il savait où était Drago, il pouvait aller le rejoindre. Harry regarda autour de lui, un peu égaré puis serra sa baguette dans sa main. Il était temps de mettre un terme à cette histoire, ou bien alors d'en écrire une autre, pourquoi pas. Il se rapprocha de Kreattur.

- Emmène-moi là-bas, ordonna-t-il.

L'elfe prit la main de Harry et l'emporta avec lui. Les elfes avaient la faculté d'apparaitre n'importe où, même dans les endroits protégés, Harry l'avait déjà vu avec Dobby. Il fut néanmoins surpris de voir qu'ils venaient d'apparaitre dans une chambre élégante aux murs recouverts de boiseries. Le cri stupéfait de Drago l'obligea à reprendre ses esprits. Ce dernier devait lire dans le fauteuil car il s'était levé d'un bond et avait fait tomber son livre. Il regarda Harry, sidéré, les yeux écarquillés. Avant qu'il ait pu tenter quoi que ce soit, Harry braqua sa baguette vers Drago qui se figea.

- Tu peux rentrer, Kreattur, merci, dit Harry sans le regarder.

Il ne pouvait détourner ses yeux de Drago qui le fixait de la même manière, pâle et choqué. Drago contempla la veste d'Auror de Harry, sa baguette menaçante et la haine dans ses yeux. Il sut qu'il avait perdu, qu'il n'aurait jamais droit à sa liberté et il se sentit submergé par la colère et la rancune.

- Tu m'as retrouvé, articula Drago avec amertume.

- Kreattur t'a retrouvé.

Drago jeta un coup d'œil à sa baguette qui se trouvait sur l'accoudoir du fauteuil.

- Si tu bouges, je te jure que je te lance un sort, menaça Harry.

Drago resta immobile, avec la ferme intention de s'emparer de sa baguette dès qu'il aurait la moindre occasion. Harry fit un pas vers lui et Drago se crispa. Il était persuadé qu'il ne le reverrait jamais et il était perturbé de se retrouver là, devant Harry, encore une fois.

- Pourquoi ? demanda brusquement Harry.

- Pourquoi quoi ? demanda froidement Drago. Pourquoi j'ai tué Kyle Long ? Tu sais pourquoi.

- Il allait être jugé, il aurait…

- Il aurait été innocenté, tu le sais aussi bien que moi.

- Je t'aurais aidé, assura Harry avec colère. Je t'aurais aidé à l'envoyer en prison !

Drago lui adressa un regard agacé.

- Je ne voulais pas qu'il aille en prison, répondit-il.

Harry fut déstabilisé par la réponse et regarda Drago sans comprendre.

- Comment ça ?

- Je ne voulais pas qu'il aille en prison, je voulais qu'il crève ! dit Drago en haussant le ton. Je voulais le voir mourir, je voulais être certain que plus jamais il ne s'en prendrait à moi. Maintenant je peux m'endormir sans craindre qu'il ouvre la porte et m'attache sur mon lit ! Il ne me fera plus jamais rien.

Harry fut incapable de répondre à cela. Il était persuadé que Drago lui disait la vérité, il savait qu'il pensait ce qu'il disait. Et au fond de lui, Harry le comprenait. Sa main, sur sa baguette, se fit moins assurée.

- Tu t'es servi de moi, souffla-t-il en évitant le regard de Drago.

- Oui, admit Drago. C'était le plan.

Harry releva la tête.

- Alors… est-ce que tout était un mensonge ?

Drago se tendit et se força à affronter les yeux de Harry.

- Oui.

- Tu ne m'as jamais aimé ?

- Non.

- Je ne te crois pas.

Harry avait affirmé cela avec fermeté et Drago sentit la colère revenir. Il fit un pas vers Harry qui redressa sa baguette pour le menacer.

- Tu ne me crois pas ? C'est pourtant exactement ce qui s'est passé. Je n'ai jamais voulu être ton ami, je ne t'ai jamais aimé, je voulais simplement ta baguette, tes cheveux et tes pensées. Quand j'ai compris que je te plaisais, je me suis dit que ce serait plus facile de te donner ce que tu voulais, c'est tout. Et j'avais raison, ça a parfaitement fonctionné. Tu n'as même pas résisté quand j'ai fouillé ton esprit, tu m'as montré tout ce que je voulais savoir.

Drago eut un sourire cruel et méprisant. Chacun de ses mots faisait mal à Harry mais il se força à rester stoïque.

- Tu mens, assura Harry. Tu ne faisais pas semblant quand nous étions ensemble. Tu ne faisais pas semblant quand tu as pleuré dans mes bras ou quand tu faisais l'amour avec moi.

- Ah ? rétorqua Drago avec un éclat de rire un peu fou. Qu'est-ce que tu en sais ? Tu te berces d'illusions, Potter ! Tu crois que j'étais sincère quand j'étais avec toi ? Pourquoi ? Parce que j'avais l'air de prendre du plaisir ? Comme ça ?

Et Drago se mit à gémir comme il le faisait quand ils couchaient ensemble. Les yeux écarquillés, Harry le fixa avec horreur. Drago s'arrêta et un éclair de haine défigura son visage.

- Tu crois que je ne sais pas faire semblant ? cria-t-il. Tu crois que Kyle ne m'a pas appris à simuler quand on me baise ?

Harry ne répondit pas et la colère de Drago s'essouffla presque immédiatement. Il y eut un silence affreux que personne n'osait briser. Harry avait l'impression qu'il allait faire un malaise à tout instant. Il avait envie de pleurer.

- Je n'y crois pas, dit-il d'une voix défaillante. Ta façon de me regarder et de me toucher… je n'y crois pas. Je suis sûr que tu avais des sentiments pour moi.

- La ferme, ça suffit ! cracha Drago. Crois ce que tu veux, je m'en fous, ça n'a plus aucune importance ! Qu'est-ce que tu veux essayer de prouver ? Je t'ai trahi, j'ai tué Kyle, c'est tout, fin de l'histoire. Pas la peine d'essayer de trouver du beau là-dedans. D'ailleurs cette discussion ne sert à rien ! Finissons-en.

Drago attrapa sa baguette d'un geste vif et attaqua Harry qui eut juste le temps de parer, par réflexe. Il recula d'un pas, accablé que Drago s'en prenne à lui.

- Allez Potter ! cria Drago. Tu es venu pour m'arrêter non ? Alors vas-y, essaie donc !

Harry resta immobile une seconde puis abaissa sa baguette et secoua la tête, d'un air tellement déprimé que Drago hésita à l'attaquer encore.

- Non, je ne suis pas venu pour t'arrêter.

- Alors pourquoi es-tu venu ? s'écria Drago, furieux.

- Parce que je voulais savoir si tout avait réellement été un mensonge ou non. J'ai ma réponse, visiblement… Je suis venu seul, personne ne sait que je suis là, je vais rentrer.

Drago eut l'air abasourdi.

- Tu ne vas pas essayer de m'arrêter ?

- Non, assura Harry.

- Pourquoi ? demanda sincèrement Drago.

Harry le regarda comme s'il était stupide, avec en plus une douleur immense au fond des yeux.

- Mais parce que je t'aime, dit-il simplement. Je n'ai aucune envie de t'envoyer à Azkaban. Qu'est-ce que ça m'apporterait ?

L'assurance de Drago se fêla légèrement et sa prise sur sa baguette se crispa plus encore.

- Ne dis pas n'importe quoi, Potter. Tu es Auror, j'ai commis un crime, tu es là pour m'arrêter.

- Non, tu as raison, ça suffit. Toute cette histoire a trop duré. Je vais rentrer chez moi et essayer d'oublier tout ce que tu m'as fait. Ron avait raison, comment ai-je pu croire que quoi que ce soit de bon pourrait arriver avec toi ?

Drago cilla, comme si Harry l'avait giflé. Sa main se mit à trembler imperceptiblement sur sa baguette. Harry se détourna de lui, hésita, puis le regarda une dernière fois.

- Tu sais, pour être honnête, j'étais venu te dire que si tu m'aimais, j'étais prêt à m'enfuir avec toi.

Harry eut un éclat de rire désabusé.

- C'est fou ce que l'amour peut rendre con, asséna-t-brutalement.

Drago eut une exclamation de stupeur proche du gémissement et le regarda comme s'il était cinglé. C'était sans doute le cas.

- Harry, qu'est-ce que tu…

Un bruit provenant du couloir l'interrompit et ils se tournèrent tous deux vers la porte de la chambre. Drago retint sa respiration et essaya de lutter contre la peur qui l'envahissait.

- Je croyais que tu étais venu seul, dit-il précipitamment.

- Je suis venu seul !

Il y eut un coup contre la porte et ils sursautèrent tous les deux.

- Bureau des Aurors ! Drago Malefoy et Harry Potter, vous êtes en état d'arrestation. Ouvrez la porte ou nous serons obligés de l'ouvrir de force.

C'était la voix d'Edmund. Le visage de Drago s'assombrit et se tourna vers Harry. Ce dernier était figé au milieu de la chambre, l'air sidéré.

- Pourquoi… commença Drago.

Harry l'ignora et marcha vers la porte comme un somnambule.

- C'est quoi cette histoire, Edmund ? cria-t-il à travers la porte. Pourquoi serais-je…

- J'ai toujours pensé que tu étais suspect, répondit l'Auror d'une voix forte. J'ai bien fait de te mettre sous surveillance, la preuve. Tu savais depuis le début où se cachait Drago Malefoy, tu as dissimulé une information capitale et tu aides un criminel. Qu'est-ce que tu crois ?

- Non, balbutia Harry. Non, je n'ai pas…

- Tu es dans sa chambre depuis déjà un moment et tu ne l'as toujours pas arrêté. Tu ne t'en sortiras pas aussi bien cette fois-ci.

Harry recula et revint dans la chambre où Drago l'attendait, indécis. Ils se regardèrent une seconde, l'air aussi perdu l'un que l'autre. Harry ne savait plus s'il voulait rire ou pleurer. Il finit par baisser la tête et fixer le sol avec résignation.

- Eh bien, rendez-vous à Azkaban Malefoy. Quoi aurait cru que ce serait toi qui foutrais ma vie en l'air ?

Dans le couloir, il était clair que les Aurors lançaient des sortilèges à la porte pour l'ouvrir et qu'ils allaient bientôt y arriver. Harry n'avait pas l'intention de les aider, au point où il en était. Il se doutait que l'auberge était surveillée et qu'il serait inutile d'essayer de s'échapper. Il pouvait peut-être appeler Kreattur, il le sortirait de là mais à quoi bon ? Il deviendrait un fugitif, il perdrait tout ce qu'il aimait. Il n'avait aucune envie de ça. Il préférait attendre qu'Edmund entre et l'emmène, ce serait une délivrance. Il n'aurait alors plus rien à penser, à faire ou à décider.

Il n'anticipa absolument pas le sortilège que Drago lui lança et il le regarda avec stupeur. Il sentit quelque chose de chaud dans sa tête, de chaud et de léger, comme si tout souci disparaissait. Dans sa tête, il n'y avait plus que Drago. Harry n'essaya pas de résister, ça ne servirait à rien. La porte s'ouvrit violemment sur un groupe d'Aurors qui se précipita dans la chambre, Edmund en tête. Drago leur fit face, baguette à la main mais Harry resta amorphe, le regard vide. Edmund lui jeta un coup d'œil étonné.

- Attaque-les, ordonna froidement Drago.

L'ordre résonna dans l'esprit de Harry et l'envahit tout entier. Il leva sa baguette et s'arrêta. Il n'avait pas envie d'attaquer Edmund, c'était son collègue. Il ne voulait pas lui faire de mal, ni à lui ni aux autres.

- Allez, s'agaça Drago.

Les Aurors, eux, observaient Harry avec incrédulité. Il était blême, transpirait clairement et tremblait de tous ses membres comme s'il se battait avec son propre bras. Il n'avait pas l'air lui-même, ses yeux étaient sans vie. Edmund eut un rictus de colère et de haine.

- Qu'est-ce que tu lui as fait ? demanda-t-il à Malefoy.

Drago l'ignora et fit un geste brusque vers Harry. Celui-ci fut envoyé contre le lit où il se cogna fortement dans un bruit sourd, laissant échapper un gémissement de douleur.

- Tu ne sers vraiment à rien, cracha Drago avec dégoût en se détournant de Harry.

Drago affronta Edmund et les Aurors, para les deux premiers sortilèges mais fut rapidement maitrisé. Ils étaient trop nombreux. Les yeux encore flous, Harry regarda Edmund prendre la baguette de Drago pendant que d'autres Aurors se jetaient sur lui pour lui passer les menottes. Ils n'étaient pas tendres avec Drago, c'était clair qu'ils lui faisaient mal mais Drago ne dit rien. Il fixait le sol avec obstination, comme s'il luttait pour ne pas pleurer. Edmund s'approcha de Harry.

- Il est sous Imperium, n'est-ce pas ? demanda l'Auror. Réponds !

- Pour quoi faire ? rétorqua Drago avec mépris. Même sous Imperium il est incapable de trahir son camp. Je n'aurais jamais dû me servir de Potter, j'aurais dû savoir ! Le grand Potter, Saint Potter, toujours là pour défendre le bien ! Il a fallu que tu viennes m'arrêter toi-même, imbécile ! Pour te prouver quoi ? Que tu seras toujours meilleur que moi ? Sans toi, je serais libre ! Va crever Potter !

- Tais-toi ! coupa Edmund d'un ton furieux.

Il se rapprocha de Harry et mit fin au sortilège. Aussitôt, l'esprit de Harry redevint lourd, froid et vide de Drago. À quatre pattes sur le sol, le dos meurtri par sa chute, il essaya de reprendre son souffle pour ne pas vomir. Résister à l'Imperium lui avait demandé beaucoup d'effort.

- Tu as usé d'un sortilège impardonnable sur un Auror pour le soudoyer et t'en servir comme outil pour tes crimes. Ce sera la prison à vie pour cela, tu le sais.

Drago ne répondit pas à Edmund et l'Auror aida Harry à se redresser, avec plus de douceur qu'il s'y attendait. Harry regarda Drago et leurs regards se croisèrent un instant. Harry secoua la tête avec horreur mais Drago pinça les lèvres pour lui dire de se taire et se détourna de lui. Les Aurors entrainèrent Drago hors de la chambre tandis qu'Edmund restait près de Harry pour s'assurer qu'il était en état de marcher.

- Tout va bien ? demanda Edmund, inquiet.

- Oui… non, je ne sais pas.

- C'était impressionnant de te voir résister au sortilège de l'Imperium. Je n'avais jamais vu quelqu'un se contrôler autant. Je… Je pensais que tu nous avais trahis pour aider Malefoy, je suis désolé de m'être trompé. Je vais t'emmener à Ste Mangouste, tu vas…

Harry n'écouta pas le reste de la tirade d'Edmund. Il regardait le dos de Drago juste devant lui, ses cheveux blonds et ses poignets irrités par les menottes. Il aurait donné n'importe quoi pour revenir en arrière, ne jamais venir à Munich, ne pas douter de Drago. S'il n'était pas venu, Drago serait libre et qui sait ? Peut-être aurait-il pu trouver un peu de bonheur dans sa nouvelle vie. Mais Harry était venu et Drago allait croupir à Azkaban, pour toute la vie peut-être et c'était à cause de lui, uniquement à cause de lui.

OoOoOoO

La première chose que fit Harry en arrivant à Ste Mangouste fut de faire une crise. Le sortilège de l'Imperium l'avait fatigué et maintenant qu'il était rentré et qu'il réalisait un peu ce qui venait de se passer, l'angoisse reprit le dessus. Edmund le regarda se rouler en boule sur le sol en hurlant et appela des guérisseurs avec des cris paniqués. Harry fut couché dans un lit, on lui donna de la potion et il s'endormit profondément.

Edmund rentra au Ministère pour rendre compte à Nestor Achab qui se dit soulagé de savoir qu'ils avaient attrapé Drago Malefoy. C'était au moins une victoire. Finalement, ils avaient retrouvé deux meurtriers sur quatre et si leur chance s'arrêtait là, ce serait tout de même mieux que rien. Le chef félicita Edmund mais se sentit moins soulagé d'apprendre que c'était grâce à Harry qu'il avait mis la main sur Malefoy. Edmund avait décidé de son propre chef de mettre Harry sous surveillance et Nestor Achab se sentit mal à l'aise. Il déclara qu'ils reparleraient de tout cela avec Harry quand il se réveillerait. En attendant, il alla rendre visite à Malefoy, qui avait été installé dans un cachot du Ministère. L'entrevue fut brève et quand Achab ressortit, il ne se sentait pas vraiment bien. A vrai dire, ses mains tremblaient un peu et il aurait bien voulu boire un verre, juste pour oublier qu'il avait arrêté Drago Malefoy. Parce qu'au fond de lui, tout au fond, il aurait préféré ne jamais le retrouver. Et il ne pouvait s'empêcher de se dire, en remontant le sombre et sinistre couloir des cachots, que si Kyle Long avait fait subir la même chose à son fils, il l'aurait massacré lui-même, exactement comme Drago l'avait fait.

Il faisait nuit quand Harry se réveilla et il resta allongé dans son lit sans bouger. Il n'avait plus mal à la tête mais il se sentait épuisé. Il se demanda combien d'heures étaient passées depuis son retour et où pouvait bien se trouver Drago. Dans un cachot, sans doute. Harry ferma les yeux et repensa à ce qui s'était passé dans l'auberge allemande. Drago lui avait jeté le sortilège de l'Imperium et lui avait ordonné d'attaquer ses collègues avant de le rejeter comme un déchet inutile. C'étaient les faits. Avant cela, Drago lui avait craché au visage qu'il ne l'avait jamais aimé et qu'il lui avait menti sur toute la ligne. Voilà. Harry resta longtemps les yeux fermés à revivre la scène encore et encore. Il n'avait pas envie de rentrer chez lui, il ne voulait parler à personne, il ne voulait voir personne. Il fut déçu que les guérisseurs remarquent son réveil et viennent l'examiner. Il leur répondit à peine, resta inerte et peu réactif. Son état dut les inquiéter car on lui proposa de passer la nuit ici, ce que Harry accepta.

Il fut à nouveau dérangé par quelqu'un et il ouvrit les yeux pour regarder Nestor Achab qui s'asseyait près de lui. Harry eut du mal à affronter son regard et fut surpris de constater que c'était réciproque. Le chef des Aurors croisa les bras et fixa la couverture.

- Comment te sens-tu ?

Harry haussa les épaules d'un geste vague, le regard braqué sur le mur d'en face.

- Drago Malefoy a avoué le meurtre de Kyle Long, il n'a pas cherché à nier.

Harry écarquilla les yeux, le souffle coupé, mais ne répondit pas.

- Il a confirmé qu'il t'avait drogué le soir du meurtre, qu'il avait utilisé la Legilimencie pour obtenir les informations qu'il désirait, qu'il t'avait pris quelques cheveux et qu'il avait bu du Polynectar pour s'introduire au Ministère.

Harry ferma les yeux et déglutit avec difficulté. Il n'avait toujours rien à répondre.

- Malefoy a déclaré que tu ne savais rien de sa cachette et que tu l'as trouvée honnêtement. D'après lui, tu t'es mis en tête de le retrouver et de l'arrêter toi-même pour te venger de sa traitrise et laver ton honneur, ou quelque chose comme ça. J'avoue que ça te ressemblerait bien. Il dit que tu as essayé de l'arrêter mais qu'il t'a soumis à l'Imperium. Il voulait se servir de toi pour transmettre de fausses informations aux Aurors et les envoyer sur une fausse piste. C'est là qu'Edmund est intervenu. Il parait que tu as résisté et que tu as refusé d'attaquer les autres, je respecte cela.

Harry fixait les ténèbres au fond de lui et ne voulait surtout pas croiser le regard d'Achab.

- Comment as-tu trouvé la trace de Malefoy ? demanda Nestor.

- C'est mon elfe qui l'a trouvé, répondit Harry en ouvrant les yeux.

- Je t'avais demandé de rester en dehors de cette affaire, j'aurais préféré que tu obéisses. C'est cependant grâce à toi que nous avons arrêté Drago Malefoy et ce sera notifié.

Harry fut incapable de répondre, c'était trop pour lui. Achab dut le deviner car il se leva de la chaise.

- Je te laisse te reposer Harry, tu l'as bien mérité.

Le chef gagna la porte de la chambre et Harry le rappela.

- Que va-t-il se passer pour Malefoy, maintenant ? demanda-t-il d'une voix étouffée.

- Il va attendre son procès dans une cellule au Ministère. Il a avoué le meurtre, ce sera pris en compte. En revanche, il a utilisé un sortilège impardonnable sur un Auror et pas sur n'importe lequel… Ce sera la perpétuité pour ça.

Harry hocha la tête et le chef s'en alla. Quand la porte se referma, Harry continua à fixer son mur avec obstination, ignorant les larmes silencieuses qui coulaient sur ses joues. Drago avait menti à Nestor Achab, Harry n'avait jamais essayé de l'arrêter et n'était pas venu pour se venger. Il ne lui avait pas lancé le sortilège de l'Imperium pour fausser les pistes des Aurors. S'il avait voulu soumettre Harry à l'Imperium, Drago l'aurait fait plus discrètement. Il n'était pas stupide, il maitrisait ce sortilège, il l'avait déjà utilisé. Là, dans l'auberge, Drago avait volontairement rendu évident le fait que Harry était sous Imperium, comme s'il voulait que tous les Aurors le voient. Puis il avait insulté Harry, lui avait reproché des choses incorrectes et lui avait dit de crever. Harry savait que Drago ne le pensait pas. Drago avait tout fait pour rendre Harry innocent aux yeux d'Edmund et de leur chef, c'était clair, Harry le voyait parfaitement. Et il n'y avait qu'une seule raison qui pouvait pousser Drago à agir de cette façon, au risque d'aller en prison toute sa vie. C'est fou ce que l'amour peut rendre con.

Harry ne dormit pas de la nuit. Il savait qu'il avait un choix à faire et il savait dès le début pour quelle solution il opterait. Il pouvait laisser Drago mentir et l'innocenter puis aller en prison pour le restant de ses jours ou alors il pouvait dire la vérité, assumer qu'il avait trahi le Bureau des Aurors et accepter sa punition. Harry savait qu'il ne laisserait pas Drago payer pour ses erreurs à lui. Jamais il ne pourrait le regarder être condamné à perpétuité pour un crime qu'il n'avait pas vraiment commis. Harry essaya de faire la liste de tout ce qu'il allait perdre mais cela ne suffit pas à le dissuader. Il n'avait jamais été lâche, il n'avait jamais laissé les autres souffrir à sa place quand il pouvait les sauver.

Harry quitta l'hôpital au petit matin et rentra chez lui. Il retrouva son elfe qui l'accueillit avec un regard sombre, rancunier et déçu. Harry s'arrêta dans le hall et ils restèrent debout face à face, dans un silence déplaisant.

- Je ne savais pas que les Aurors me surveillaient, dit Harry. Je n'ai jamais voulu qu'il soit arrêté.

- Oui, mais Drago Malefoy va aller à Azkaban, comme Sirius avant lui et la famille Black va disparaitre.

Harry ne répondit pas et monta les escaliers vers sa chambre. Il pouvait comprendre la tristesse et la colère de Kreattur mais il ne les partageait pas. Il se moquait de la famille Black et de sa disparition. Sirius et Regulus auraient mérité de vivre et ils étaient morts, rien ne pourrait changer cela. Drago irait en prison et rien ne changerait cela non plus. Alors à quoi bon regretter ? Ces histoires de famille n'intéressaient pas Harry. La seule chose qui l'intéressait, c'était Drago et en pénétrant dans sa chambre, il se sentit étouffer de chagrin et de remords. Il avait condamné Drago à aller à Azkaban, il avait mené les Aurors à sa cachette. Il s'en voulait tellement que ça l'empêchait de respirer. Et Drago allait disparaitre dans cette prison sombre et lugubre qui terrifiait Harry, il ne le reverrait plus, il n'y aurait jamais de futur ensemble, jamais de projet et d'amour. Ils ne se toucheraient plus, ils ne seraient plus jamais là l'un pour l'autre.

Harry rejoignit son lit en chancelant et s'y laissa tomber, plein de désespoir. Une partie de lui avait presque envie d'aller en prison aussi pour y retrouver Drago et rester avec lui. De toute façon, après ce qu'il s'apprêtait à faire, sa vie n'aurait plus de sens. Cette idée le rasséréna un peu et il alla prendre une douche. Il mit des vêtements propres mais n'enfila pas sa tenue d'Auror. Quand il fut prêt, il transplana au Ministère et frappa au bureau de Nestor Achab. Le chef des Aurors était certainement occupé mais en voyant que c'était Harry, il le fit entrer. Il devait voir, à la gravité du visage de son Auror, que c'était important. Harry s'assit face à Achab et hésita avant de parler. L'attente mit le chef mal à l'aise.

- J'ai quelque chose à vous dire, déclara Harry.

Il y eut un très bref silence.

- En es-tu sûr ? demanda Nestor.

Harry releva la tête vers lui, surpris par la question. Achab le regardait attentivement, l'air fatigué et triste, comme s'il devinait en partie ce que Harry allait dire. Il lui laissait une dernière chance de se taire mais Harry ne la saisit pas.

- J'aime Drago Malefoy, dit Harry en rougissant un peu. J'ai demandé à mon elfe de le retrouver parce que je voulais absolument savoir s'il m'aimait aussi ou s'il m'avait menti du début à la fin.

Nestor resta aussi impassible qu'une statue dans son fauteuil. Harry se râcla la gorge.

- Edmund avait raison, je ne suis pas venu pour arrêter Drago, j'avais l'intention de…

- Tais-toi ! ordonna brutalement Achab. Tais-toi, arrête-toi là.

Harry sursauta, surpris de voir son chef lui parler sur ce ton. Achab serra les accoudoirs de son fauteuil d'un geste crispé pendant qu'il semblait réfléchir à ce qu'il allait faire ensuite. Harry attendit, résigné.

- Quand Edmund est arrivé sur place, tu étais encore avec Malefoy, tu ne l'avais pas laissé partir. Nous n'avons donc aucune preuve de ce que tu comptais faire ou non et nous n'en aurons jamais. Le seul fait dont nous sommes certains, c'est que tu l'as retrouvé et que nous l'avons arrêté grâce à toi.

Harry fixa Achab, bouche bée. Est-ce que son chef voulait le couvrir ? Harry se reprit et se redressa sur sa chaise.

- Drago n'a pas utilisé le sortilège de l'Imperium contre moi, il ne voulait pas lancer les Aurors sur de fausses pistes.

- Tu étais sous Imperium quand Edmund est entré, il l'a affirmé.

- Oui mais… Drago a fait cela uniquement pour me protéger, pour faire croire qu'il me contrôlait et convaincre Edmund de mon innocence. Il m'a lancé le sortilège une minute seulement avant les Aurors entrent dans la chambre, ce n'était qu'une mise en scène. Je vous en prie, Drago est prêt à risquer la perpétuité pour me protéger, je ne peux pas laisser faire ça. Effacez cette accusation ! Il a tué Kyle Long, c'est suffisant.

Achab fixa Harry un moment, le regard sombre et sérieux, pesant sans doute le pour et le contre de ce qu'il lui demandait.

- Bien, conclut-il. Je ferai en sorte que cette charge soit abandonnée.

- Merci… souffla Harry.

Il y eut un nouveau silence pendant lequel Harry observa son chef, dans l'attente d'une suite qui ne venait pas. De plus en plus tendu, Harry remua sur sa chaise.

- Et maintenant, chef ? demanda-t-il presque à voix basse.

Nestor baissa la tête et joua avec le sous-main de son bureau.

- Tu as tué Voldemort seul alors que le Ministère et les Aurors t'avaient abandonné, dit Achab. Tu nous as délivrés d'un avenir qui s'annonçait noir et terrible. En souvenir de ça, pour la première et dernière fois, Harry Potter, je vais te laisser partir et je vais fermer les yeux sur le fait que tu as trahi ta profession, que tu as compromis une enquête et laissé un criminel en liberté.

Harry ne répondit pas, il ne savait plus s'il était soulagé ou déçu. Soulagé surtout, il fallait bien l'avouer. D'une main pas très assurée, il tira de sa poche en enveloppe soigneusement fermée et la posa devant Achab.

- Voici ma lettre de démission, dit Harry d'une voix mourante.

Il déposa également son badge d'Auror à côté de l'enveloppe et attendit. Nestor les prit sans hésiter, signe qu'il acceptait la démission de Harry. Il hocha gravement la tête.

- Merci de le faire de ta propre initiative.

Harry savait bien que, même si Achab ne le poursuivrait pas, il ne pouvait désormais plus prétendre être Auror. Il avait trahi son serment, son chef ne pourrait plus jamais lui faire confiance. Il se leva de sa chaise, l'air aussi sombre et morne que d'habitude. Ses jambes le soutenaient moins bien qu'à son arrivée et il prit sur lui pour se tenir droit.

- Merci, souffla Harry.

- Va-t'en maintenant, répondit froidement Achab.

- Est-ce que… Est-ce que je peux le voir ?

Achab lui lança un regard furieux qui dévoila à Harry à quel point son chef était en colère, contre lui, contre autre chose peut-être mais il n'en savait rien.

- Je vous en prie, rajouta Harry.

Achab fit un geste agacé avec la main, comme pour mettre Harry dehors.

- Vas-y si tu y tiens. Je vais appeler quelqu'un.

- Merci chef.

Harry s'empressa de sortir et se dirigea vers les cachots en suivant la policière qui était venue le chercher. Il croisa plusieurs Aurors et policiers qui le saluèrent chaleureusement et le félicitèrent pour l'arrestation de Drago. Le cœur au bord des lèvres, Harry répondit à peine et s'enfuit presque en courant. Le couloir des cachots était moins fréquenté, au grand soulagement de Harry. Il se laissa conduire jusqu'à une salle d'interrogatoire vide, s'y assit et attendit que la policière aille chercher Drago. Elle détacha le prisonnier, récupéra la baguette de Harry et prévint qu'elle attendrait devant la porte qu'ils aient terminé. Drago s'installa docilement sur la chaise face à Harry et la porte se referma lourdement sur la policière.

- Qu'est-ce que tu fais là ? demanda Drago dès qu'il le put. Tu ne devrais pas être là, ils vont penser que…

Harry secoua la tête pour le couper.

- J'ai dit à Nestor Achab que tu avais menti, que je n'avais jamais essayé de t'arrêter et que tu n'avais pas vraiment utilisé le sortilège de l'Imperium contre moi. Il va abandonner les charges.

Drago n'eut pas l'air surpris, il eut plutôt l'air en colère et inquiet.

- C'est ridicule, je t'ai vraiment lancé le sortilège de l'Imperium, tous les Aurors présents l'ont vu !

- Et tu as bien fait en sorte qu'ils le voient, n'est-ce pas ? fit doucement remarquer Harry.

Drago lui lança un regard hargneux qui devint petit à petit suppliant puis accablé.

- Alors, tu… commença Drago d'une voix basse.

- Je ne suis plus Auror mais je ne serai pas arrêté. Achab dit qu'il me laisse tranquille, juste cette fois, parce que j'ai tué Voldemort.

Il avait honte de dire cela, c'était encore un traitement de faveur qu'il n'estimait pas mériter. Il s'attendait à ce que Drago fasse une remarque méprisante dans ce sens mais ce dernier eut l'air satisfait.

- Ils te doivent bien ça, dit-il sèchement.

Harry fut étonné de la remarque et regarda attentivement Drago, détaillant ses cheveux blonds décoiffés, la peau blême de son visage et les cernes autour de ses yeux. Sa nuit avait dû être encore pire que celle de Harry.

- Je suis vraiment désolé, dit Harry en baissant la tête. Tu as été arrêté à cause de moi, je n'ai jamais voulu ça. Je ne savais pas qu'Edmund allait me surveiller ! Si j'avais su, je n'aurais jamais…

- Je sais, coupa sombrement Drago. Mais… je n'arrive pas vraiment à t'en vouloir, étrange, non ? On va dire que nous sommes quittes, trahison pour trahison, je suppose que…

- Ce n'est pas la même chose, rétorqua Harry. Je ne t'ai pas trahi volontairement mais ma trahison est plus grave, tu vas aller en prison, tu vas…

Harry se tut devant l'expression de Drago. Il y avait de la peur, indéniablement, mais il y avait aussi de la résignation et surtout, une sorte d'épuisement triste. Harry eut envie de le prendre dans ses bras et de le réconforter.

- Tu m'as menti à l'auberge, n'est-ce pas ? demanda Harry. Tu m'aimes, je sais que tu m'aimes. C'est pour me protéger que tu as fait toute cette mise en scène avec l'Imperium. Si tu ne m'aimais pas, pourquoi aurais-tu eu la stupidité d'utiliser un sortilège impardonnable devant les Aurors ?

Drago détourna le regard et fixa la table un instant. Il semblait essayer de réfléchir et de remettre ses idées en place, lui aussi. Il finit par relever la tête et regarder Harry dans les yeux.

- Je devais gagner ta confiance pour obtenir les informations et les objets dont j'avais besoin. C'était le plan.

- Je sais…

- Je n'ai jamais remis ce plan en question, je n'ai jamais hésité à aller jusqu'au bout. Le soir où j'ai tué Kyle, je n'ai pas hésité à te trahir et à y aller, je n'ai pas pensé à ce qui allait t'arriver après. Je ne voulais pas y penser. Il faut que tu le saches, Harry, je n'ai jamais songé un seul instant à annuler ce qui était prévu. Je… Il faut que tu comprennes que malgré tout ce qu'il… y avait entre nous, il fallait que je tue Kyle, c'était le plus important. Je ne regrette pas de l'avoir fait, je recommencerais si c'était à refaire, sans la moindre hésitation. Je me doute que c'est compliqué à comprendre pour toi et si tu ne peux pas me pardonner ça, je… ne t'en voudrais pas.

Drago se tut et regarda Harry, attendant sa réponse. Ce dernier resta silencieux un instant, le temps de s'imprégner de ce que Drago venait de dire et d'être sûr de bien comprendre. La tirade de Drago lui faisait mal et le blessait, parce qu'il admettait qu'il avait trahi Harry sans regret et sans hésitation. Et en même temps, Harry voyait ce qu'il voulait dire et préférait peut-être cette franchise brutale à des mensonges édulcorés.

- Plus de mensonges, alors ? demanda Harry avec un sourire crispé et amer.

- Non, plus de mensonges. Ce n'est plus la peine maintenant.

Harry se mordit les lèvres et joua avec ses doigts, sous la table. Il jeta un regard à la porte fermée même si c'était inutile. Il savait que la policière ne pouvait pas les entendre. Son regard revint se poser sur la table.

- Quand j'ai su qu'il fallait que je meure pour que Voldemort puisse mourir à son tour, je… Je n'ai pas dit au revoir à Ron et Hermione, je n'ai pas dit au revoir à Ginny. Je savais que ma décision les ferait souffrir et je savais qu'ils essaieraient de m'en dissuader. Je ne voulais pas tout ça, je voulais juste faire ce que j'avais à faire. Il fallait que je le tue, j'étais né pour ça, sans doute ou plutôt, il m'avait fait devenir cette personne-là en assassinant mes parents. Tuer Voldemort était plus important que le reste. Alors en vérité, je comprends très bien ce que tu veux me dire.

Harry releva la tête et ses yeux rencontrèrent ceux de Drago. Ils se regardèrent un moment en silence avant que Drago rosisse un peu et ait un rire cynique qui dissimulait mal son angoisse.

- Je pensais… je pensais que tu me détesterais surement pour ce que j'avais fait mais j'espérais que tu comprendrais quand même.

Harry hocha la tête. Il aurait aimé sourire à Drago mais il ne s'en sentait pas capable. Il attendait que Drago dise autre chose, ils n'avaient pas terminé leur discussion. Ce dernier le savait bien et se reprit, retrouvant sa pâleur maladive due au manque de sommeil et à la peur.

- Dans toutes les lettres que je t'ai écrites et quand nous étions ensemble… Je pensais chacun des mots que j'ai dits. Même quand j'ai dit que je t'aimais. Je n'avais pas prévu que ça se passe comme ça mais… c'est arrivé, c'est tout.

- Donc tu ne t'es jamais forcé pour coucher avec moi ?

Drago vit nettement à quel point il avait blessé Harry dans l'auberge. Il lui sourit tristement.

- Non, je ne me suis jamais forcé. Faire l'amour avec toi, c'est l'une des choses que j'ai le plus désirées dans ma vie.

Drago rit pour dissimuler la gêne que lui inspirait cette déclaration et Harry rougit un peu. Quelque chose de pesant venait de tomber de ses épaules et de libérer son estomac. Et en même temps, sa culpabilité l'étouffait plus encore.

- Alors pourquoi avoir menti ? Pourquoi m'avoir dit toutes ces choses horribles ?

- Parce que… souffla Drago en baissant la tête. Parce que je croyais que tu venais pour m'arrêter et que tu me détestais et j'ai pensé que… Que ce serait plus facile pour tout le monde si on se contentait de se détester.

Harry ne comprenait pas tout à fait la logique de Drago mais il devinait un peu ce que l'autre voulait dire.

- J'espérais qu'Achab ne te retrouverait pas, murmura Harry. Je ne voulais pas que tu ailles en prison, je n'ai jamais souhaité ça. Pourquoi as-tu tout avoué immédiatement ? Tu aurais pu…

- Non, coupa Drago d'une voix faible. Je voulais… Je voulais qu'ils sachent que tu n'avais rien fait. Et puis j'en ai assez, je suis fatigué. Fatigué d'avoir peur devant Tu-Sais-Qui, fatigué d'avoir peur de Kyle, fatigué d'attendre les Aurors avec angoisse en pensant que tu dois me haïr. Je vais aller en prison, tant pis, je savais ce que je risquais. Je veux simplement qu'on me laisse tranquille maintenant, je veux juste…

Mourir, pensa Drago mais il ne le dit pas. Les lèvres serrées de Harry semblaient cependant signifier qu'il avait compris. Il y eut un silence triste, plein de regrets et de sentiments inachevés.

- Theodore s'est suicidé dans un hôtel en Suisse, déclara brutalement Harry. Les Aurors suisses nous ont renvoyé le corps.

Drago tressaillit mais n'eut pas l'air surpris. Il ne savait pas s'il devait être triste ou soulagé que son ami ait trouvé la paix comme il le désirait. Ils étaient tous détruits de toute manière. Il eut une pensée pour Gregory et Pansy, il espérait qu'ils y arriveraient, eux, main dans la main. C'est tout ce qu'il leur souhaitait.

- Tu n'as pas l'intention de faire la même chose, n'est-ce pas ? demanda Harry en le ramenant à la réalité.

- Non, assura Drago.

- Tant mieux.

Harry eut l'air soulagé mais Drago pas tant que ça. Il allait sans doute être condamné à la perpétuité pour avoir assassiné avec préméditation un membre éminent du Ministère. Une vie entière à Azkaban, voilà ce qui l'attendait. Quel intérêt de vivre alors ? Il ferait sans doute mieux de se tuer tout de suite, ce serait plus simple. Il aurait bien aimé le faire mais il savait qu'il n'en serait pas capable. Drago regarda Harry avec un sentiment d'incrédulité et de perdition. C'était à cause de Harry qu'il allait finir à Azkaban, c'était Harry qui avait mené les Aurors jusqu'à lui. Il aurait dû le détester, lui en vouloir et il n'y arrivait pas. Il ne comprenait pas pourquoi. Parce qu'il l'aimait ? Non, il y avait sans doute plus que ça. Peut-être parce que Harry était le seul au monde à se soucier de lui et qu'il en avait atrocement besoin.

Harry se leva, bouleversé par l'expression égarée et apeurée de Drago. Il s'approcha de lui, hésitant, doucement, comme s'il craignait que l'autre le repousse. Il resta un instant planté devant Drago, le cœur battant, rongé par les regrets, les remords, par son impuissance et par l'idée que leurs vies étaient foutues.

- Je… commença Harry sans trop savoir ce qu'il allait dire.

Drago l'attrapa par les hanches et le fit glisser contre la table pour qu'il se retrouve juste devant lui puis il passa ses bras autour de lui et le serra de toutes ses forces. Il posa son front contre le ventre de Harry et resta immobile, tremblant de peur et de fatigue. Harry caressa ses cheveux blonds puis referma ses bras autour de son cou et le serra lui aussi avec désespoir.

- Je suis tellement désolé, murmura Harry d'une voix défaillante.

- Je suis désolé aussi, répondit Drago.

Harry aurait aimé rester davantage avec Drago mais il avait également la sensation qu'il allait devenir fou s'il restait là trop longtemps. Il se détacha doucement de l'étreinte et recula. Drago écarquilla les yeux et tendit la main vers lui.

- Non, ne me laisse pas, supplia-t-il. Encore cinq minutes, ils ne sont pas venus te chercher, tu peux rester !

Harry obéit, s'assit sur la table et laissa Drago s'appuyer à nouveau contre lui. Ce dernier n'avait pas tort, mieux valait profiter de ces derniers instants tant qu'ils pouvaient encore se toucher. Bientôt, la chaleur de Drago contre lui ne serait plus qu'un souvenir, un rêve qui le tiendrait éveillé la nuit, un cauchemar même, peut-être bien.

Harry s'en alla enfin quand la policière entra dans la salle d'interrogatoire. Elle n'avait pas que ça à faire d'attendre dans le couloir. Harry ne chercha pas à la contredire et sortit, découvrant avec surprise que quatre policiers avaient rejoint leur collègue et patientaient eux aussi dehors, nonchalamment appuyés contre le mur. Harry se demanda pendant une seconde pourquoi il y avait autant de personnes ici puis il réalisa avec amertume que c'était surement Achab qui les avait envoyés. Le chef des Aurors ne pouvait plus faire confiance à Harry, qui sait ce qu'il pourrait tenter de faire pour sauver Drago ? Il avait donc missionné des policiers pour vérifier que Drago restait bien en cellule et que Harry ne ferait pas d'histoires.

Aider Drago à s'échapper n'avait pas encore traversé l'esprit de Harry mais, en remontant le couloir des cachots, il ne put s'empêcher d'y penser. Avait-il envie de sauver Drago d'Azkaban ? Oui, en partie, évidemment. Il pourrait s'enfuir avec lui comme il l'avait fantasmé. Ce serait une vie pénible et dangereuse, toujours teintée d'anxiété mais Harry y était habitué et ça ne changerait pas grand-chose pour lui. Toutefois, il devait aussi admettre qu'une partie de lui avait envie que Drago aille en prison. Il en avait honte mais cette sensation était là malgré tout. Drago avait commis un meurtre sanglant, prémédité et cruel. Il avait attaché Kyle sur son lit, l'avait saigné comme un porc et l'avait regardé mourir lentement. Il fallait être à moitié cinglé pour faire ça, Harry le savait au fond de lui, même s'il prétendait le contraire à Ron. Alors voilà, il était un peu soulagé que Drago aille en prison et paie pour ce qu'il avait fait. Et en même temps, non, il voulait que Drago sorte, soit avec lui comme avant. Harry ne savait plus trop où il en était, comme c'était le cas depuis toujours, finalement.

Dans tous les cas, une chose était sûre : il ne pourrait pas aider Drago à s'échapper. Il l'avait compris en voyant les policiers postés dans le couloir. Harry était étroitement surveillé désormais, Achab ne ferait pas deux fois la même erreur. On ne le laisserait pas s'approcher de Drago à moins qu'il y ait suffisamment de policiers pour l'arrêter au moindre dérapage. C'était trop tard maintenant, il ne pouvait plus rien pour Drago.

Harry rentra chez lui, il ne savait trop comment. Il évita Kreattur en allant s'enfermer dans sa chambre et se laissa tomber sur son lit. Il prit conscience qu'il n'avait plus de travail, qu'il n'avait plus rien à faire et que personne ne le soutenait réellement dans les malheurs qui lui arrivaient depuis quelques semaines. Il avait rarement pris des décisions aussi nulles et sa vie avait rarement été aussi pathétique. Harry se recroquevilla sur son lit et y passa le reste de la journée. De toute façon, à quoi bon se lever ? Même son elfe de maison le méprisait et lui faisait la gueule. Harry éprouva alors un sentiment étrange de liberté et de soulagement. Il n'avait plus besoin d'aller travailler et de faire semblant. Il allait pouvoir rester chez lui et laisser libre cours à sa souffrance. S'il faisait des crises, cela n'aurait plus aucune importance. Il pourrait prendre autant de potion calmante qu'il le voudrait, il pourrait boire autant de Gin qu'il le voudrait, ne pas se raser et ne pas s'habiller. Plus personne n'avait besoin de lui, il n'avait plus aucune mission à accomplir, plus personne à sauver ou à tuer. Parfait. Il allait pouvoir foutre tranquillement sa vie en l'air sans avoir de remords. Et il attendait cela depuis très longtemps.