Chapitre 11 : Un retour silencieux.

Après avoir appris que Sirius habitait à quelques pas de son lieu de résidence, Hermione ne vivait plus que dans l'espoir de le croiser. Cela n'était pas correct pour Éloïse et elle le savait, mais elle acceptait toujours volontiers ses invitations, quasi quotidiennes, à boire le thé chez elle dans cette idée. Dans ce moment-là, Hermione avait en plus tout loisir de voir du monde, Parvati et même sa sœur Padma étant souvent présentes, elles aussi, lui donnant une excuse parfaite pour traverser la rue jusqu'au domicile des Blacks au square Grimaud. Les discussions, bien que généralement très conventionnelles pour des Ladies, restaient toujours plus attrayantes que le silence de la maison du centre. Et puis, parfois, Lavande se joignaient à elles, ce qui rendait l'après-midi plus amusante encore, cassant la routine pincée de Lady Rogue. Hélas, malgré ces instants sympathiques au fond, Sirius se faisait toujours aussi absent que Severus et la lionne ne le croisait jamais.

Ce n'était finalement peut-être pas si mal après tout. Qu'aurait-elle eu à lui dire après tout ? Qu'il lui manquait ? Cela n'était pas convenable et cela aurait été un manque de respect total pour Éloïse qui, de son côté, était une âme charitable et douce.

Après, à bien y réfléchir, si elle l'avait vu, elle aurait pu au moins s'enquérir de sa santé et de ses projets en cours, ce qui lui aurait été plaisant, quand bien même cela n'aurait été qu'un échange banal. Il restait un homme important à ses yeux… celui qu'elle avait décidé d'épouser à une époque qui lui semblait si lointaine maintenant ! Cela ne faisait pourtant que quelques mois, mais tout était si éloigné de ses projets de l'époque qu'elle aurait pu croire que cela faisait un siècle.

Sa semaine passa étrangement vite entre le travail qui l'occupait bien, d'une manière intellectuellement stimulante, et les papotages de Ladies divertissantes. Elle avait besoin des deux pour ne pas déprimer totalement en restant isolée chez Polaris, mais être sur le terrain pour sauver des créatures magiques était clairement plus utile. Surtout depuis quelques jours d'ailleurs, car Noël approchant, les braconniers paraissaient plus actifs que jamais. C'était une honte, faire du commerce de créatures rares et en voie d'extinction pour le plaisir de sorciers en recherche de trophées ! Ne pouvaient-ils pas se contenter d'un chien ou d'un hibou à aimer et à protéger ? Non, bien sûr, les phénix, les licornes et autres Dirico étaient plus impressionnants que des Boursouffles ! Pourtant, même un simple chat pouvait se montrer inestimable du moment qu'on lui montrait l'amour qu'il méritait.

Hélas pour les animaux fantastiques, parfois, la lionne était contrainte d'avoir des jours de repos. C'était présomptueux de penser cela, certes, mais cela ne faisait pas de mal d'avoir un peu d'égo. Rolf était en tout cas là pour la remettre sur terre et, pire que sa propre mère, il veillait au grain depuis que Griffacier lui avait remonté les bretelles. C'était enquiquinant ! D'autant que ce jour-là, Éloïse n'était pas disponible et Hermione n'avait pas grand-chose à faire à part lire les innombrables livres de botanique de sa prédécesseuse.

Devant la cheminée du salon, avec une tasse de thé sur le guéridon d'à côté, elle en apprenait plus sur des plantes aquatiques qui ne lui seraient jamais d'aucune utilité. Même si elle aimait apprendre de nouvelles connaissances diverses et variées, elle commençait sincèrement à saturer des méthodes de semence, de repiquage et autre éclaircissement. Pourquoi diable n'était-elle pas retournée à la librairie après avoir retrouvé Éloïse ?

Se fustigeant, Hermione ferma le livre et tourna la tête pour faire craquer sa nuque endolorie. Emily était non loin, cirant les chaussures de la maîtresse de maison tout en regardant dehors d'un air pensif :

- Vous allez bien ?

- Oh… heu… vous… vous m'avez demandée quelque chose Madame ? Je suis désolée, j'étais ailleurs et…

- Ne vous en faites pas, je voulais juste savoir si tout allait bien pour vous. Vous semblez une fois encore bien triste…

- Tout va bien Madame, je suis sincèrement navrée de vous inquiéter.

- Ne vous excusez pas Emily, vous n'avez rien fait de mal !

La femme de chambre eut un léger sourire et reprit son activité tout en regardant à nouveau dehors :

- Vous pensez qu'il neige sur Skye ?

Hermione se leva et regarda à son tour le ciel :

- Je suppose que oui, il doit même neiger plus encore qu'ici !

- Les jumeaux doivent être intenables, s'amusa Emily.

- Moins que leur père, j'en suis certaine !

Toutes deux riaient en imaginant Raphaël faire des bonhommes de neige géants tout en lançant des boules de poudreuse sur ses enfants, sous le regard incrédule d'Ann qui leur demanderait de mieux se tenir tous les trois. Oui, il devait y avoir de l'ambiance là-bas, bien plus qu'ici…

- Le manoir vous manque ?

- Ses habitants et ses alentours oui… et vous madame ?

- Pareil, admit Hermione en soupirant avant de se rediriger vers la cheminée pour se réchauffer les mains.

Oui, Skye lui manquait affreusement, mais ses habitudes de vie là-bas aussi. Les jumeaux et leurs blagues, leurs parents attentionnés et agréables, Illuminé et ses charmantes gaffes, sans parler de Ponctuel et de son sérieux abusif. Heureusement Mahdi était ici avec elles, mais les fêtes approchantes, il était plus occupé que d'ordinaire sans que la lionne sache exactement pourquoi. Elle n'avait même pas de leçon de magie manuelle ce jour-là d'ailleurs. Enfin, plus étonnant que tout, Severus lui manquait aussi.

Non pas qu'elle ne lui en voulait plus, bien au contraire, elle rêvait même de lui donner une gifle ou deux ! Mais elle devait être honnête avec elle-même, au moins un minimum : alors oui, son époux, ses conversations et son caractère de gredin lui manquaient. Elle ne savait même pas pourquoi… mais c'était un fait ! Pourtant, elle savait que ce n'était pas réciproque et qu'il se fichait qu'elle soit loin de lui. Il l'avait abandonnée et l'avait renvoyée comme une malpropre, probablement pour être plus tranquille avec Lady Malefoy. C'était sûrement ce qu'elle avait le plus de mal à digérer… il l'avait éloignée de Sirius en l'épousant, pour finalement la laisser de côté pour fricoter avec une femme mariée.

Peut-être qu'il ne lui manquait pas tant que ça finalement, heureusement qu'il était loin même !

- Maître Rogue vous manque-t-il ? demanda doucement Emily.

Avait-elle vu la main de sa maîtresse se serrer alors qu'elle se tenait devant l'âtre ? Hermione ne savait pas, mais elle se détendit en réfléchissant toujours à cette question. Triste et énervée de l'être, elle soupira :

- Je crois bien que oui…

- Vous vous entendez bien avec lui, ça se voit, même s'il se montre souvent distant.

- Oui, sûrement…

- Mes parents aussi s'entendaient de la sorte, c'est une bonne chose dans un couple je trouve, dit Emily avec nostalgie.

Sa femme de chambre lui avait très peu parlé de son défunt père, mais elle l'avait toujours fait avec tendresse. Il était mort d'un mauvais coup de froid, après avoir travaillé dur au champ, sous une pluie battante. Il avait alors laissé derrière lui sa femme et sa fille qui n'avaient pu garder ni les terrains, ni la ferme, qui avait été cédé à des cousins. Elles s'étaient alors retrouvées seules et sans le sou, jusqu'à ce qu'Eileen les embauche. Emily n'avait que huit ans à l'époque et aurait dû devenir une simple boniche illettrée, mais Severus et sa mère lui avait laissé suivre des cours pour continuer d'apprendre à lire et écrire avant de partir pour Poudlard, pour apprendre la magie. Cela n'aurait pas été possible sans la bienveillance de Lady Eileen qui avait probablement dû se battre contre le Lord ténébreux de l'époque et son époux pour avoir gain de cause… Hermione sourit tristement en pensant à sa belle-mère et ce qu'elle avait sûrement traversé avec son père et son second mari :

- Certes, mais ce n'est hélas pas toujours le cas. Certains mariages se passent mieux que d'autres.

- J'espère que le jour où je trouverai un époux, nous nous entendrons aussi… même mieux que ça, je rêve d'un mariage d'amour sincère !

Emily eut un regard rêveur en contemplant un point invisible sur le plafond, comme si elle y voyait une œuvre d'art. Pensait-elle à un homme en particulier qui lui faisait regretter l'île de Skye ? Toujours dans son univers rose à paillettes, elle ajouta :

- Si seulement je pouvais rencontrer l'âme sœur ou au moins être sûre de ne pas passer à côté. Je le chérirai autant que Lady Polaris chérissait Maître Rogue et inversement ! Ce serait merveilleux !

Hermione se crispa légèrement en entendant parler de l'ex-femme de son époux et de l'amour qu'ils se portaient. Non pas qu'elle fut jalouse, déjà car elle était énervée contre lui et, en plus, elle se doutait bien que Severus n'avait pas aimé d'un amour fou sa première épouse. Il ne l'avait même pas choisi après tout, elle le savait. La femme de chambre regarda sa maîtresse et sembla gênée :

- Oh je… je ne voulais pas insinuer que maître Rogue ne vous aimait pas Lady Hermione, je…

- Je ne suis pas énervée, se défendit la lionne avec peut-être un peu trop de mordant. Je… enfin, je veux dire, je ne suis pas jalouse ! Ne vous en faites pas.

- Oh, tant mieux, soupira Emily de soulagement. Mais dites-moi Madame, puis-je vous poser une question indiscrète ?

- Faites… J'y répondrai si je le peux.

- Qu'est-ce que ça fait exactement d'être amoureuse ?

- Eh bien… je ne sais pas exactement…

- Pourtant vous étiez bien amoureuse d'un homme avant de vous marier, non ?

Hermione fut légèrement prise au dépourvu par cette question :

- Je… oui, oui en effet…

Comment diantre Emily était-elle au courant ? Cela faisait-il partie de ces choses que seules les domestiques savaient ? Mais enfin, quand bien même, comment pouvait-elle savoir ce qui avait attrait à un sujet s'étant passé avant qu'elles ne se rencontrassent ? Et puis… était-ce vraiment de l'amour qu'elle avait ressenti à l'époque pour Sirius ? Elle n'en était même pas totalement certaine et ce depuis quelque temps maintenant. Elle savait qu'elle tenait à Lord Black et qu'elle aurait aimé être mariée avec lui, certes, mais est-ce qu'elle le regardait avec les mêmes étincelles qu'Eloïse avait dans les yeux en parlant de lui ? Peut-être, mais là n'était pas la question finalement ! Hermione allait répliquer quand Emily eut un regard étonné puis parla avec entrain :

- Par Merlin, Maître Rogue, vous êtes de retour parmi nous !

Hermione se tourna hâtivement et vit Severus sur le pas de la porte donnant sur le salon. Ses cheveux et son veston étaient mouillés, signe qu'il n'avait pas pris la Cheminette mais qu'il venait du dehors et qu'il avait subi la neige. Il regarda son épouse sans rien dire, le regard sombre, puis salua rapidement la femme de chambre. Depuis quand était-il là ?

- Bonjour Emily, auriez-vous l'obligeance de me faire préparer du thé ?

- Avec plaisir mon Lord ! dit-elle en se retenant clairement de courir pour répondre à cet ordre et probablement de prévenir Mahdi.

Hermione le regardait toujours en silence, incapable de prononcer le moindre mot. Il était là, face à elle, après des semaines d'absence et de silence, et son cerveau réfléchissait toujours en boucle à la même question : devait-elle être heureuse ou bien se jeter sur lui pour le gifler ?

Il ne semblait pas non plus savoir comment il devait réagir, car il gardait ses distances, la bouche close. Il paraissait fatigué et encore plus pâle que la dernière fois, si cela était fichtre possible, à l'exception de ses cernes qui se démarquaient sous ses yeux noirs. Toujours perdue, la lionne se contenta de continuer de l'observer à la loupe. Il était vêtu de ses sempiternels vêtements noirs, mais avait, aujourd'hui, un sac qui pendait sur le côté. Il semblait lourd, mais était étonnamment sec contrairement à lui, preuve qu'il l'avait protégé. Il devait contenir quelque chose d'important.

- Vous semblez aller bien…

- Mieux que vous, s'entendit-elle répondre sans réfléchir.

- Tant mieux, maugréa-t-il en tournant les talons.

- Qu'est-ce que vous fichez ici ? demanda-t-elle en le voyant prêt à partir comme il était arrivé.

Il stoppa son mouvement et répondit sans la regarder :

- C'est bientôt Noël et mon absence à vos côtés commence à faire parler.

- Oh alors, vous venez pour sauver les apparences ? Quel magnifique cadeau de fin d'année ! ironisa-t-elle. Je n'ai hélas rien prévu à vous offrir en retour, je ne pensais pas vous revoir un jour. Je vous imaginais en France ou ailleurs !

Son cerveau avait donc fait le choix de l'énervement et il ne lui manquait qu'une petite impulsion pour qu'elle se jette sur son mari pour le frapper. Il ne se retourna pas et répondit avec lassitude :

- Je serai bientôt de nouveau « ailleurs », ne vous en faites pas.

Sans attendre de réponses, il sortit du salon et se dirigea vers les étages. Hermione serra son poing à nouveau et après quelques secondes, vit Trala passer sa tête pour chercher Severus. Ne le voyant pas, elle se contenta de transplaner ailleurs, semblant savoir où il se trouvait vu qu'il n'était pas là. Au moins quelqu'un ici connaissait et comprenait un minimum son mari et ses habitudes.

Hermione faisait les cent pas depuis plus d'une demi-heure dans sa chambre, cherchant en vain à savoir ce qu'elle devait faire. Elle lui en voulait, c'était indéniable, son envie de lui donner un coup de boule le prouvait. Mais alors pourquoi était-elle en même temps inquiète ?

« Il revient comme ça, sans prévenir, l'air malade et… et il m'ignore à nouveau ! Non mais c'est insupportable, IL est insupportable ! »

La lionne attrapa un oreiller et frappa dedans de toutes ses forces et à plusieurs reprises. Elle finit par s'assoir sur son lit et se laissa tomber en arrière, fatiguée. Pourquoi était-il revenu si c'était pour faire le fantôme ? À moins que ce ne fut elle qui était invisible à ses yeux. N'était-il donc revenu que pour les apparences comme il l'avait insinué de façon plutôt claire ? C'était si vexant et humiliant qu'elle dut se faire violence pour ne pas pleurer en repensant à sa solitude après son départ précipité en septembre.

« C'est hors de question que je me lamente à nouveau ! »

Se redressant d'un coup, elle sortit de sa chambre sans attendre. Elle était une lionne, bougre de diable, elle rugissait, elle ne bramait pas ! Cette fois, il ne pouvait pas la congédier, elle était déjà dans son lieu d'asile, alors elle lui parlerait et il n'aurait d'autre choix que d'écouter ! Encore fallait-il savoir où il était…

Il faisait nuit et froid, et même son peignoir laissait passer l'air frais sous sa chemise. Mais peu lui importait la sensation désagréable de chair de poule, elle lança un Lumos avec sa baguette et chercha dans les chambres de son étage, en vain. Elle se dirigea alors vers le bureau puis la bibliothèque, sans le trouver. Hermione soupira, lasse, remonta puis sursauta quand elle entendit un bruit sourd. Elle se tourna et pointa sa baguette sans rien trouver d'anormal autour d'elle.

« Encore cette sensation d'être observée… je deviens folle par Merlin ! »

Alors qu'elle secoua la tête, elle entendit à nouveau un bruit qui attira son attention vers la porte en face de sa propre chambre.

« Bien sûr, c'est lui… il dort dans la chambre de Polaris ! »

Elle s'approcha de la porte, le cœur lourd, mais bien décidée à discuter malgré l'heure tardive. Hermione toqua donc à la porte et tendit l'oreille, attendant une réponse qui ne vint pas. Après une seconde et une troisième tentative, la lionne soupira et porta sa main à la poignée, hésitante.

« Palsambleu, mais de quoi as-tu peur à la fin ? » se houspilla-t-elle.

Son courage gryffondorien l'aida alors et elle tourna le mécanisme. La porte n'était pas verrouillée et elle put ainsi l'ouvrir et entrer, non sans prévenir avant de son apparition afin de ne pas se faire attaquer par son époux s'il venait à s'éveiller en sursaut. Mais rien ne se passa et elle n'eut aucune réponse et pour cause, la pièce était vide.

« Je deviens donc réellement folle… »

Certes, son état de santé pouvait être préoccupant, mais sa curiosité prit encore plus le dessus sur son altération mentale. Hermione entra dans la pièce pour de bon et regarda autour d'elle.

La chambre était claire et le décor floral pouvait faire pâlir celui du reste de la maison. La couleur rose était prédominante ici, des murs en passant par les tableaux floraux représentants des paysages ou des compositions. Seul un tableau représentant une salle de musique changeait légèrement le ton de la pièce pour lui donner un air moins nature. Le lit était fait avec des draps d'un blanc immaculé et la seule touche sombre à cet endroit était une couverture brodée avec un ours polaire regardant un ciel étoilé.

Hermione s'approcha et regarda de plus près cette parure qui s'apparentait plus à une œuvre qu'à un simple plaid. Il y avait beaucoup de détails et il n'y avait pas de doute à avoir sur le talent de la brodeuse qui l'avait fait. La lionne n'avait jamais eu la patience, ni le talent, pour cette activité. Elle était capable de repriser des vêtements et même de recoudre une plaie, mais pas de broder.

« Je suppose que c'est Polaris qui l'a fait » se dit-elle en regrettant l'animosité de sa propre réflexion.

La signature de l'œuvre était, comme souvent, des initiales en bas de la création : P.B.

« Hum, elle ne devait pas être mariée encore à ce moment-là, c'est sûrement son nom de jeune fille qui commence par B… »

Un nouveau bruit la surprit, cette fois, un tic-tac qui venait de son dos. Hermione se tourna hâtivement et se cogna contre un petit secrétaire qui trônait là. Frottant sa hanche douloureuse, elle remarqua qu'une pochette était tombée par terre et que plusieurs pages étaient maintenant éparpillées au sol.

- Fichtre…

Se fustigeant d'avoir eu peur de ce qui était probablement une horloge qu'elle n'avait pas entendue de prime abord, elle se baissa pour ramasser les documents qui étaient en réalité des dessins. Elle attrapa celui sur le dessus, qu'elle regarda avec intérêt. C'était un simple croquis qui représentait une rose, dans un soliflore, mais ce qui attira son regard, ce fut l'écriture à l'arrière du dessin qui apparaissait par transparence avec la lumière de sa baguette qu'elle venait de poser à ses genoux :

« Il est impossible de trouver une rose digne de ce nom en hiver… j'espère que celle-ci fera l'affaire. Joyeux anniversaire Polaris !

Severus »

Hermione sentit à nouveau cette désagréable sensation dans sa poitrine, mais sa curiosité lui fit passer outre. Elle attrapa le dessin suivant, un croquis un peu plus détaillé d'un bouquet de rose.

« Elles sont moins belles que celles que tu fais pousser avec ton père, mais celles-ci ne fanerontpas !

Joyeux anniversaire Polaris !

Severus »

Le croquis suivant était cette fois un champ complet, coloré probablement à l'aide de peinture aquarelle :

« Un jour, tu auras un jardin digne de ce nom, en attendant, je t'offre celui-ci.

Joyeux anniversaire Polaris.

Severus »

Les dessins continuaient de la sorte, plus détaillés et avec des mots plus travaillés avec le temps. Il avait commencé à un jeune âge, c'était indéniable, puis il avait continué en grandissant. Hermione s'arrêta à nouveau sur un dessin, cette fois identique au motif du plaid brodé :

« Tu es l'étoile qui apporte la lumière à mes nuits, je ne te remercierai jamais assez pour cela. Les années passent et ta présence devient de plus en plus essentielle dans ma vie. Je ne peux qu'espérer que l'année à venir consolide ce lien, pour les prochains mois et plus encore.

Joyeux anniversaire mon Étoile polaire.

Severus »

Il était difficile à croire que ces lignes venaient de son époux… quoiqu'à bien y réfléchir, la poésie de cet écrit ne valait-il pas celui du mot qui avait conduit à leur mariage ? Était-ce là aussi une ruse de sa part contre Polaris ?

« Une ruse sur une dizaine d'années… j'en doute »

Hermione soupira. Était-ce de la jalousie ? Pourquoi diable se sentait-elle si triste ? Il ne méritait pas qu'elle se mette dans des états pareils pour lui. À défaut d'être un mage noir, il était tout de même acariâtre. Il n'était pas un monstre, mais il était indubitablement un goujat…

Les dessins avaient continué, même après leur mariage vu le nombre de lettres. Pourtant, il semblait y avoir beaucoup plus que de raison. Certes Hermione ne savait pas exactement quand Polaris était décédée, mais tout de même, les papiers étaient très nombreux. Profitant du calme du lieu où seul le tic-tac brisait le silence, elle regarda les œuvres les plus au-dessous et qui devaient être les plus récentes.

Elles étaient de nouveau en noir et blanc, la couleur avait disparu et même si elles étaient toujours peintes, c'était uniquement par du gris. Les fleurs étaient à nouveau les principaux sujets des dessins, mais ce n'étaient plus des roses. En retournant une représentation de perce-neige, elle comprit :

« Une année de plus écoulée et me voici à nouveau penché sur mon bureau pour t'écrire quelques lignes. Suis-je ridicule ? Je suppose que oui…

Christian dit que c'est la meilleure thérapie qui soit, que je dois continuer tant que mon deuil ne sera pas fini. Mais le sera-t-il un jour ? Je ne suis pas certain de le vouloir.

Tu me manques bien trop pour ça et, mis à part mon deuil, que me reste-t-il de toi ?

Je continue inexorablement à me battre pour vivre la vie que tu voulais pour moi, comme je te l'ai promis ce jour cauchemardesque… mais si tu n'étais pas au moins un peu avec moi comme cela, comment pourrais-je avancer ? Je ne suis qu'une coquille vide qui cherche à se remplir de la beauté que tu voyais dans chaque chose… mais je n'ai jamais été comme toi.

Si tu savais comme c'est difficile ! Je vais continuer d'essayer bien entendu, mais je ne sais pas si j'y parviendrai.

Tu me manques affreusement ma belle étoile.

Joyeux anniversaire.

Severus »

Ainsi il avait continué de lui écrire après son décès. Hermione dut essuyer les larmes qui s'étaient mises à couler le long de ses joues lors de cette lecture qu'elle n'aurait dû parcourir. Elle se décida à ranger toutes ces œuvres, toutes ces missives, ces souvenirs qui ne la regardaient pas. Une fois dans la pochette qui les contenait à la base, elle les reposa sur le secrétaire pour ne plus jamais les lire ni même y penser. C'était horriblement triste et bien qu'elle aurait surtout dû s'en vouloir d'avoir fouillé, elle était surtout affreusement déprimée à l'idée que jamais personne ne lui écrirait de telles déclarations. Oui, c'était égocentrique et mal venu, mais y pouvait-elle quelque chose ?

Alors qu'elle avait cru tout ranger, elle remarqua un peu plus loin une dernière page qui avait glissé plus loin que les autres, puis se figea sur le motif dessiné. C'était une représentation de deux dragons des Hébrides en pleine danse, comme le soir de leur dernier jour passé ensemble. Pourquoi avait-il dessiné cela pour son ex-femme ? C'était déplacé… mais pas plus que sa réaction. Elle décida en effet, énervée, de lire cette dernière lettre en date, alors même qu'elle savait qu'elle en avait déjà trop fait. En pattes de mouche, la missive était bien plus grande que les autres et semblait avoir été écrite avec difficultés :

« Tu m'as ditun jour que tout le monde faisait des erreurs dans sa vie et que l'important résidait dans le fait de tenter de les corriger. Mais qu'en est-il de celles qui ne sont pas réparables ? Je t'imagine sans peine me dire qu'il n'existe aucune faute qui ne soit immuable, toutefois, j'ai réussi à en commettre une.

L'année dernière, je t'ai parlé de la jeune femme qui a fait grande impression dans le monde sorcier, en faisant arrêter un vampire enragé et, par la même occasion, fait sortir de prison ce sale chien de Sirius. Mais je t'avais surtout expliqué la proposition ridicule d'Albus, qui voulait que je l'épouse pour faire d'elle une Lady et lui donner un titre qui l'aiderait dans ses projets…

Eh bien, j'ai fini par le faire, mais de la pire des manières.

J'ai usé de la ruse pour parvenir à mes fins. Non pas que je voulais me remarier, car, tu le sais, je prévoyais de finir mes jours seul. Non, je l'ai fait pour une seule raison : parce que j'ai croisé ton cousin et que j'ai vu en lui un amour naissant.

Je n'ai pas pu supporter l'idée qu'il puisse vivre heureux après ce qu'il nous a fait, après ce qu'il t'a fait! J'ai donc tout mis en œuvre pour le devancer et lui interdirece bonheur qu'il ne mérite pas. Il aurait mieux fait de périr à Azkaban, je le déplore.

Hélas, bien que mon plan ait clairement fonctionné et qu'il s'est vu couper l'herbe sous le pied, mon erreur réside dans mon manque de discernement, comme souvent. Je n'avais pas compris qu'elle était elle-même amoureuse...

Je pensais qu'elle ne voulait qu'un titre, que je pouvais le lui donner et continuer ma vie solitaire comme avant. Je m'étais trompé. Aujourd'hui, j'ai appris à la connaître, et vous seriez sans aucun doute devenues les meilleures amies du monde… cependant, elle aussi me connait maintenant.

C'est là que réside le prix à payer pour mon outrage à son égard et au tien.

J'ai essayétant de moyens pour me racheter, en vain. Tout ce que je fais se termine mal et empire même la situation. Je ne sais pas combien de temps cela va durer, mais je suis forcé de constater que je suis impuissant face aux problèmes que j'ai engendrés.

Je suis désolé de gâcher les espoirs que tu avais mis en moi Polaris… tu as toujours cru en moi, mais je ne suis pas à la hauteur. Je n'ai jamais été à la hauteur. »

Hermione relut la missive plusieurs fois. Elle avait tant de mal à passer outre ses larmes qu'elle mit du temps à comprendre son contenu. Cela impliquait tant de choses, à commencer par le fait que Sirius était de la famille de l'ex-femme de Severus, qu'ils se détestaient pour des secrets dont elle ignorait l'existence, mais, surtout, que son mari était le premier choix d'Albus pour elle à la base et qu'il n'avait pas imaginé une seule seconde pouvoir la blesser en la forçant à l'épouser.

Cela n'excusait en rien son baiser volé et encore moins ce qu'il lui avait fait vivre depuis plusieurs mois maintenant, mais pourquoi avait-il pris la fuite s'il essayait vraiment de s'absoudre de ses erreurs ? Comment pourrait-il se faire pardonner en l'abandonnant malgré ce qu'elle avait vécu ? Il était stupide, voilà la réponse !

La colère commençait à prendre possession de la lionne qui jeta la lettre dans la pochette. Elle aurait aimé crier, mais se contenta de se redresser et de sortir de cette satanée chambre pour aller s'enfermer à nouveau dans la sienne, seul endroit de cette demeure où elle se sentait à peu près au calme et loin de regards indiscrets qu'elle ne voyait jamais.