Bonjour bonjour, me revoilà avec un autre pairing insolite (bon, juste un petit peu) pour vous servir.
Un grand merci à Dragsou qui a non seulement pris le temps de bêta ce texte mais aussi sans qui il n'aurait jamais vu le jour ! C'est le défi qu'elle m'a lancé, écrire une intrigue sans aller dans la profondeur d'un personnage, qui a fait que j'en suis arrivée là avec ces deux-là, et que je me suis un peu attachée à eux aussi :)

CW homophobie (internalisée), bicuriosité, relations ambigües.


En eaux troubles


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-Flint ? Il est aussi beau qu'un troll, rétorqua Desdemona Harlow, une moue dégoûtée au visage. Autant sortir avec un dragon. Je ne vois pas ce qui t'attire chez lui… ce mec, c'est un reptile. Je t'aurai prévenu… soupira la Serdaigle en roulant des yeux, prenant les devants de la patrouille.

-Pas si fort ! S'il te plaît...

-C'est bon, Cedric, je ne vais pas le crier sur tous les toits. J'ai assez à faire avec les autres. Tu savais qu'Orion voulait tenter sa chance auprès d'Astoria ? Je les ai vus discuter plus d'une fois dans le château, récemment. Et Ava Bennett a encore perdu sa plume enchantée. Vivement les parapluies à Poudlard, parce que tout le monde en a marre de se faire arroser par les gamineries de Peeves. C'est bon pour les premières années, et encore…

Elle ne cessa de débiter tous les potins récents pendant l'intégralité de leur marche. Mais au moins, ça l'empêchait de trop penser. Retourner des problèmes insolubles dans sa tête, c'était sa spécialité.

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-Qu'est-ce que tu fais ici ?

-Je finis de polir le manche de mon balai, Diggory.

La vue du visage décomposé de Cedric, sourcils froncés comme s'il essayait de comprendre ses propos sans y parvenir, fit éclater de rire le Serpentard. Après quelques instants d'hésitation, Cedric rit de bon cœur avec Marcus. Lorsque leur hilarité cessa, le préfet de Poufsouffle reprit la parole. Marcus ne put s'empêcher de noter la rougeur des joues du pauvre Poufsouffle qu'il se plaisait à malmener un peu.

-Plus sérieusement, qu'est-ce qu'il se passe ? Il n'est pas un peu tard pour un entraînement ? Le couvre-feu tombe dans moins d'une heure.

-Il n'est jamais trop tard pour un Serpentard, surtout quand ça concerne le Quidditch. Encore plus quand il s'agit de botter les fesses des Gryffondors. Ils ont Potter, maintenant.

L'expression du capitaine de l'équipe de Serpentard passa de la conviction à quelque chose de plus réfléchi. Il complotait encore, même après tout ce qui s'était passé. Il cherchait sûrement un moyen de contourner la situation. La force de l'habitude, sans doute. Desdemona avait raison, au-delà de la rudesse de son physique, il y avait quelque chose de reptilien dans son attitude. Comme un alligator surveillant patiemment le courant d'une rivière, sachant qu'une opportunité finirait par arriver à lui.

-Je suis content que tu aies décidé de mener la bataille à la loyale, dit finalement Cedric après un moment de silence.

Le ton était léger, mais l'écho de ses paroles flottait dans l'atmosphère malgré les courants d'air. Il semblait que tout l'oxygène entre eux se faisait lentement, très lentement aspirer.

Marcus suivit l'éclat des yeux gris s'embraser sous la lumière dorée des torches qui s'allumèrent une par une pour illuminer les couloirs extérieurs de Poudlard.

-J'ai été convaincu par mon ami, après tout…

Son sourire... son sourire était horrible. Mais en même temps le plus déchirant qu'il connaisse. Ça prenait aux tripes et Cedric venait à nouveau de tomber dans le piège tendu à son intention. Ce rictus bancal, qui dévoilait des dents blanches et particulièrement pointues. Il n'imaginait pas...

Cedric déglutit péniblement sous le regard scrutateur de Flint, le visage de plus en plus brûlant. Il n'offrit qu'un léger coup de tête à Marcus avant de reprendre d'un coup sa battue dans les couloirs. Flint le regarda s'en aller, jeune héron qui remontait les berges de son territoire en quête de ses congénères.

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-J'ai décidé que tu serais mon ami.

Flint lui flanqua une bourrade à l'épaule qui le fit presque chanceler.

-R-ravi de l'entendre, Flint, répondit l'autre garçon à l'écharpe jaune et noire, de deux ans son cadet. Ses joues étaient encore rouges et il évitait son regard. Clairement, il se souvenait. Marcus sentit l'ombre d'un sourire s'épanouir sur ses lèvres.

-La soirée d'hier a été très instructive. Comment ne pourrais-tu pas être notre ami...?

Cedric se figea alors que les souvenirs remontaient.

La soirée des Serdaigle, qui fêtaient leur victoire contre les Gryffondors. Les Serpentards proposant une after sélective. L'invitation. Les verres ambrés. Un, puis deux, puis trois, puis quatre. Il avait toujours fait attention à ne pas s'enivrer. Mais les quelques phrases inscrites en minuscule sur le dos du papier cartonné avaient subitement... éveillé quelque chose. Quelque chose qui s'était senti torturé.

"Je t'avais prévenu ; tout le monde a un sale petit secret. N'est-ce pas, Cedric la pédale ? Le serpent dans mon pantalon n'attend que toi... Si tu l'oses. Tu sais où me trouver. Ce soir."

C'était anonyme, bien sûr.

Une mauvaise blague.

Ses pensées voletèrent vers lui.

Il ne blaguait pas du tout.

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Son cœur battait comme un fou dans sa poitrine. Le miroir lui renvoya sa face blême, posée sur un corps raide et tendu. Comme toujours, il prenait soin de s'habiller élégamment, même dans ce style de fête. Malgré cela, les boutons de sa robe de sorcier refusaient de se plier à sa discipline et ses mains tremblaient tellement qu'il finit par se piquer au doigt avec sa broche de préfet. Heureusement qu'il avait gardé un fond de potion de dégrisement.

Ses yeux gris brillaient. Ses yeux brillaient et il ne savait pas de quoi. Il s'était appliqué tant bien que mal quelques traits d'eyeliner qui lui faisaient des yeux de chat. A moitié soûl, il s'était lancé dans un concours de métamorphose. Celle-ci n'étant pas son fort, Cedric avait perdu et son écharpe, qu'il avait sacrifiée à ce test, ne voulait pas retrouver ses couleurs d'origine. Tant pis. Il devrait se balader avec une écharpe noire et or, au lieu de jaune et couleur de jais. Remettant un peu d'ordre dans ses vêtements et ses cheveux ébouriffés, le capitaine des Poufsouffle se dirigea non vers l'entrée de la salle commune des Serpentard, mais dans les sous-sols du château, là où avait lieu l'after-party. Dans les cachots. Il pria pour ne croiser personne et les dieux durent exaucer son vœu, puisque seuls les fantômes le croisèrent, laissant derrière eux un sillage glacial parmi la pénombre voûtée des caveaux. Cet endroit lui fichait la chair de poule, mais il suffisait d'un faible Lumos pour pouvoir avancer sans trop d'encombre.

Là, le cachot numéro sept. De la lumière s'échappait faiblement de la grande voûte serpentine ; des projecteurs bleus et verts avaient été installés et un grand chandelier diffusait sa lueur fluorescente depuis le grand plafond empierré. Une fumée à la saveur suspecte flottait dans l'air - le goût de la défonce.

Ils n'étaient pas nombreux, mais de multiples têtes se tournèrent à son arrivée. Cedric écarquilla les paupières. Flint galochait... Angelina Johnson. Vraiment ? Lorsqu'elle le vit, elle lui fit un signe en souriant et murmura quelque chose à l'oreille du Serpentard qui le fit se retourner vers lui.

Cedric resta planté là, incertain, les regards convergeant vers lui lui montant à la tête. Il avait du mal à respirer dans cette atmosphère enfumée. Quand une main l'attrapa par le bras, l'épaule, qu'on le bouscula en avant vers le groupe du fond, il ne résista pas.

C'était une grave erreur de venir ici. Qu'est-ce que Cedric faisait dans une soirée clandestine ? Il aurait dû quitter cet endroit, faire intervenir le préfet de Serpentard, ou celui de Serdaigle en renfort, ou faire remonter l'existence d'une telle chose aux autorités compétentes. A la place, il se retrouva assis en tailleur sur un grand tapis élimé, quelques coussins poussiéreux entre son dos et le mur humide, tout un groupe composé de Serpentards et de quelques représentants des autres maisons autour de lui.

Astoria Greengrass traînait avec un Serdaigle du nom d'Orion Grimsbane, délaissant sa copine Artemis Fawley qui lui jetait des regards en coin courroucés, Terrence Higgs montrait ses muscles à qui voulait voir, Ava Bennett somnolait collée contre le corps de son ex-petit-ami Jayde Parkinson, avec qui elle venait visiblement de se rabibocher sous l'effet des substances qui passaient de main en main entre les étudiants. Comme par hasard, on l'avait installé tout près de Flint, à sa droite, tandis qu'Angelina s'était postée de l'autre côté de lui. Les genoux de l'étudiant touchaient les siens. Il chercha à s'en dégager aussitôt qu'il s'en rendit compte, mais ne parvint qu'à porter le verre qu'on lui avait mis entre les mains à ses lèvres.

-Alors voilà notre petit Poufsouffle. J'ai cru que tu t'étais perdu, ricana Flint de sa voix grave, et les résonances étouffées qu'apportaient les murs de pierre firent frissonner Cedric.

Des sueurs froides lui remontaient le long du dos. Quelques rires lui parvinrent à travers la sensation d'angoisse diffuse qui brouillait son esprit. Adrian Pucey et Cassius Warrington, sans doute.

La brûlure était forte et l'arôme des plantes différent de l'habitude. Il faillit tout recracher. Pas sans avoir reconnu ce qu'il venait de goûter, cependant.

-De l'absinthe, fit-il d'un ton réprobateur, relevant ses yeux vers Flint, qui prenait un malin plaisir à diriger le groupe malgré les conversations éparses ici et là.

-Oh, juste un fond, rétorqua le Serpentard, son horrible sourire de travers accroché aux lèvres.

Un rictus un peu hautain, comme si le Poufsouffle ne savait pas s'amuser. Oh, quand son cœur s'arrêterait-il de battre comme s'il faisait trois fois le tour de Poudlard en moins d'une demi-heure ? En le relevant du fond de son verre, son regard tomba sur le visage d'Angelina, dont les traits étaient difficilement distinguables dans la pénombre, mais dont l'expression admirative le surprit.

-Elle te trouve sexy. Carrément baisable, ce sont ses mots, lui chuchota discrètement Flint.

Il dut se rapprocher pour écouter son murmure parmi les conversations et la musique ambiante, sorte de bourdonnement de basses quasiment imperceptibles, mais hypnotiques. Il comprit trop tard que ce n'était qu'un énième piège.

Son tourmenteur. Il avait chaud, malgré les frissons.

-...mais on sait tous ce qui t'intéresse. Je dois dire que j'ai été surpris, quand on m'a rapporté ce que tu faisais dans la salle de bains des préfets...

Les poings de Diggory se serrèrent.

-Tu me fais espionner ?

-J'ai des connaissances, Cedric... les yeux et les oreilles du château. Tout le monde a un sale petit secret. C'est que tu t'es mis sur ton trente-et-un, dis donc ! railla Marcus Flint, qui lança à la cantonade un appel pour que chacun puisse admirer le maquillage de Cedric, la grâce de ses lignes efféminées. Acculé par les regards, il se renferma, à mi-chemin entre la bête traquée et l'animal de foire.

-Et ton écharpe, tu l'as maudite ? C'est pour ça qu'elle est à l'envers ? Le noir et or te va très bien...

Le garçon s'approcha de lui, dénoua l'écharpe qui retomba au sol, près de lui, puis entreprit de défaire les premiers boutons de sa robe de sorcier. Les gobelets s'entrechoquèrent dans le processus.

-Flint, qu'est-ce que tu fais ?

-Ça n'est pas assez clair pour toi ?

-Eh, allez forniquer ailleurs, râla Astoria d'un ton froid.

Flint rétorqua d'un signe peu élégant du majeur. Cedric souffla, l'air à deux doigts de se noyer dans le marasme de la fête.

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-Tu prends un canard avec moi.

Il n'eut pas le temps de protester que déjà, le morceau de sucre voyageait du plat de porcelaine à la théière disposée sur le tapis au centre de leur cercle. D'un geste expert, Marcus prit le morceau de sucre entre le pouce et l'index, et le trempa dans le liquide. S'il le plongea doucement, il le retira d'un geste rapide alors que l'alcool avait imbibé environ la moitié du cube. A l'aide d'un bec bunsen, il le fit flamber. La flamme en jaillit, bleue, orange, ou un mélange dansant des deux.

Il souffla la flamme d'un œil moqueur. Cedric ne pouvait pas détacher son regard de ses mains, de ce qu'il faisait - ça lui coupait le souffle, faisait faire des bonds à son estomac.

-Les plus valeureux le prennent enflammé.

Lentement, il présenta le morceau de sucre à ses lèvres entrouvertes. Il ne sut pas ce qui le prit à ce moment-là, si c'était l'odeur brumeuse de la pièce beaucoup trop sucrée, celle, plus musquée, de Flint qui lui parvenait, les verres en trop… Mais Cedric, docile, ouvrit la bouche et recueillit le morceau entre ses dents. Les doigts chauds entrèrent dans l'antre humide, passèrent la rangée de dents, caressèrent brièvement sa langue en y déposant le morceau -oh, trop brièvement, pourvu que ça dure encore- et d'un coup, ce fut comme si tous ses nerfs s'éveillaient. Quelque chose perça dans sa gorge, un minuscule bruit qu'il fit tout pour étouffer. Ce fut fini bien trop tôt. Cedric se raidit, frappé de stupeur, mais finit par se détendre alors que le sucre fondait sur sa langue, amenant le merveilleux goût d'un alcool fort parmi la surdose sirupeuse.

Les grands yeux sombres de Flint allèrent avaler les iris si clairs, si naïfs de Cedric dans un regard long, attentif. Calme, si calme parmi les eaux troubles où ils s'aventuraient. Une autre volée de frissons s'ensuivit. Cedric se leva d'un geste vif et mal assuré, comme un faon qui peine à tenir sur ses pattes.

-Je vais m'en aller. Merci pour l'invitation, mais je-

Le poids autoritaire d'une main sur son épaule le rassit. Cedric déglutit difficilement, jetant des regards en tous sens, mais personne ne vint soutenir le sien. Personne ne se mettrait en travers de Flint. Surtout pas lorsqu'il avait une idée dans la tête.

-Oh non, tu ne vas nulle part, chaton. Profite de la soirée avec moi.

D'un geste possessif, les mains du poursuiveur se posèrent sur lui pour l'attirer plus près de lui, et Cedric finit par céder sans grande force et se décala. Il finit assis entre les jambes du Serpentard, son dos niché contre son torse musculeux, son éternel verre à la main. Il avait si chaud là où ils se touchaient, que son premier réflexe, embrumé par l'alcool, fut de prendre une nouvelle gorgée. Cela ne calma pas la cavalcade qui se pressait contre ses côtes, ni la soudaine impression de se transformer peu à peu en gelée.

Non loin, Angelina poussait des exclamations de triomphe alors qu'elle gagnait à la Bataille Explosive contre Ava Bennett et Jayde Parkinson. Astoria Greengrass errait seule, glacée, parmi ceux qui se déplaçaient entre les groupes. Si quelqu'un pouvait confronter Flint parmi les serpents, c'était elle. Cedric avait vaguement entendu parler d'un passif entre eux par Desdemona, mais n'y avait jamais prêté attention. Il lui jeta un long regard de détresse, mais quelque chose d'autre semblait la préoccuper ; elle ne tourna pas une seule fois la tête dans la direction de leur groupe. Il devrait donc prendre son mal en patience. Ses yeux se posèrent au plafond, dans l'espoir d'oublier tout ce qui le mettait si mal à l'aise. Quelqu'un avait jeté un sort de confettis et un sort de stase de sorte qu'une pluie de paillettes moirées de nuances bleues, vertes, violettes et brunes tombait du plafond sans les atteindre, ondulant au gré des courants d'air de manière hypnotique. La musique irréelle planait sur la petite foule, faisait vibrer la marée des corps de ses basses et ses touches de synthétiseur, emmenant les esprits dans une toute autre galaxie. La sensation désagréable finit par s'estomper alors que l'ambiance de la soirée s'infusait dans ses veines, le faisait imperceptiblement bouger en rythme. Ce serait peut-être appréciable, finalement.

-Je suis content que tu sois venu, Diggory. Il semblerait que les Poufsouffles ne soient pas si couards que ça. En dehors d'un terrain de Quidditch, bien sûr.

Cedric se figea. Marcus venait de lui parler au creux de son oreille.

-Détends-toi, je ne vais pas te dévorer... Dis, y a un truc qui me chiffonne. T'as toutes les filles à tes pieds et t'en profites même pas. Je t'ai dit que t'avais une touche avec Angelina, et tout ce que t'as fait, c'est me regarder. Je savais que t'étais sacrément efféminé, mais jusque-là j'avais jamais pensé que tu…

-Que tu quoi ? Que je puisse aimer des garçons ? Il n'y a rien de mal à ça. Je n'ai pas choisi d'être comme ça, je le suis et c'est tout, affirma le Poufsouffle d'un ton presque offensé. Si tu m'as demandé de venir juste pour m'humilier, sache qu'en révélant ça à tout le monde - il s'était à moitié retourné vers Flint, désignant ses yeux maquillés qui lui faisaient les yeux de chat - tu déchaînerais sûrement l'enfer sur terre pour moi, mais au final tu me rendrais service. Nous ne devrions pas être obligés de nous cacher. Et je ne te laisserai pas profiter de mon corps afin de pouvoir te moquer de moi ou rapporter ça à tes amis.

Quelque chose semblable à de la surprise passa dans le visage aplati du poursuiveur.

-De la répartie. Ça m'plaît. T'es beau quand tu t'énerves, Diggory. On devrait pouvoir faire affaire, toi et moi. J'accepte de la jouer fair-play sur le terrain et avec ton secret... si t'acceptes de me rouler une pelle ici, devant toute la salle. Si tu montres que t'es capable de courage comme un homme, un vrai. Assume c'que tu ressens.

-Faire ça reviendrait au même que l'alternative qu'il me reste si je refuse.

-Ah oui, c'est vrai...

Il réfléchit un instant, puis dit à Cedric, les yeux dans les yeux :

-Si t'es capable d'assumer, j'te défendrai. Casser des gueules, c'est pas un problème pour moi.

Cedric ouvrit grand les yeux.

-Tu ferais ça pour moi ?

Marcus avait envie de se pencher pour ravir cette moue pleine d'espoir, en saisir le goût sur ses lèvres. Laisser le feu le consumer, un instant. Baissant la tête, Diggory continua. Il avait l'air tenté aussi, bien que réprobateur.

-...Merlin sait à quel point je déteste la violence. J'espère ne jamais en arriver là. Comment je sais que tu ne vas pas me lâcher quand je t'aurai donné ce que tu veux de moi ?

-Méfiant, hein..?

-Je vous connais assez bien pour juger les risques, rétorqua Cedric sans relever le ton moqueur de Flint, une lueur de défi dans le regard.

-Tu n'fais pas confiance aussi facilement que tu le prétends… Ah, tu caches bien ton jeu, Diggory, répondit Marcus après un éclat d'hilarité. Très bien. Alors on f'ra ça dans un endroit plus… discret, mais ne viens pas te plaindre si t'en entends parler.

Les joues du jeune Poufsouffle se mirent à rougir. L'air décidé, le Serpentard musculeux se leva d'un bond, tendant une main au Préfet des Jaune et or, un sourire narquois aux lèvres dévoilant une rangée de dents bien alignées.

-Viens, on s'en va d'ici. On va parler d'nos affaires dehors…

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Ils évitèrent de justesse une patrouille des préfets de Gryffondor en quittant la fête, prenant des chemins détournés afin d'éviter le regard inquisiteur de Miss Teigne. Ils couraient, main dans la main, ou s'arrêtaient au moindre bruit suspect. D'une pression de la paume, Cedric faisait passer le message du danger à Marcus, qui les entraînait vers des cachettes, certaines dont même le préfet de Poufsouffle ne soupçonnait pas l'existence.

Le cœur de Cedric battait fort dans sa poitrine. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas vécu une telle aventure. C'était un garçon sage, il n'avait pas d'autre raison de sortir après vingt-et-une heures que les tours de garde du château, ou… la salle de bains des Préfets. Cedric se fit l'impression d'un jeune de Troisième Année qui venait tout juste de découvrir qu'il pouvait briser les règles établies. Sentiment plutôt stupide, puisqu'il l'avait déjà fait avant, sans malice aucune, ou peut-être juste un petit peu. Il n'y avait aucune raison pour que les choses soient différentes, n'est-ce pas ? Essoufflés après avoir remonté tant d'escaliers, ils firent une halte dans une alcôve entre deux couloirs. Cedric sortit la tête hors de la cachette, cherchant le moindre signe de présence dans cette partie du château. Des bruits de pas résonnèrent à travers le couloir désert. Marcus, hors de vue, attrapa brutalement le Poufsouffle par l'épaule.

-Ton temps de réaction est vraiment nul, Diggory. Ça s'voit que t'as bu… Rusard est au bout du couloir. Y a pas intérêt à ce qu'il nous trouve, chuchota le Poursuiveur de Serpentard.

Cedric et lui gardèrent le silence alors qu'ils écoutaient, tapis dans les ombres, prêts à détaler, le son des pas s'intensifier. Il pouvait presque sentir son souffle sur sa peau. Les reflets de la lanterne que Rusard apportait toujours avec lui vacillèrent sur le sol, de plus en plus proches…

-Eh puis merde.

Au moment où le concierge passa devant eux sans les remarquer, Flint s'était rapproché de Cedric et, se rendant compte qu'il continuait de plaquer le joueur de Poufsouffle contre la pierre, en profita pour lui prendre le menton et fondre sur ses lèvres. Cedric n'eut le temps de réagir ni au juron, ni à l'approche soudaine du garçon de deux ans son aîné et fondit contre lui, essayant de faire le moins de bruit possible. Il dévorait ses lèvres avec une faim si puissante que, se sentant tomber dans un vertige Cedric se raccrocha à Marcus, approfondissant le baiser. Leurs langues se mélangèrent, leurs nez se heurtèrent, la prise du Serpentard ne faiblissant pas sur celle du jeune homme, dont les cheveux étaient en désordre après qu'il y ait passé la main sans s'en rendre compte.

Reprenant leur souffle dans la pénombre, les yeux étrécis du Poursuiveur rencontrèrent les yeux gris, éclipsés par des pupilles dilatées. Il avait l'air tellement à tomber par terre qu'il l'embrassa encore, inspiré par une nouvelle impulsion. Il avait déjà appris de cette première étreinte, réalisa Cedric alors que la seconde était moins désordonnée. Sa langue glissait dans sa bouche avec plus de facilité. Il avait tout de même la sensation que la bouffée primitive de son désir n'était que juste en-dessous de la surface, alimentant le sien, et que Marcus regardait cette symbiose se jouer entre eux alors qu'il mordillait la lèvre inférieure du Poufsouffle avant de le relâcher.

-Tu sais qu'on pourrait dire que ce que tu essaies de faire, c'est de la corruption de Préfet ?

Marcus se mit à ricaner, étouffé par la main de Cedric contre ses lèvres, réfrénant son envie de la mordiller.

-Rien à carrer, haussa-t-il les épaules.

-Astoria ne va pas aimer ça, finit-il par lâcher d'un ton amer.

-J'ai été si mauvais pour qu'tu penses à elle ? ricana-t-il. Cedric ne pouvait pas voir son visage, mais il y avait une certaine acidité dans sa voix rocailleuse. On s'en fout d'Astoria. Elle fait ce qu'elle veut, je fais ce que j'veux. Et c'qui m'intéresse, c'est toi. Point barre.

-Compris. Mais quoi qu'il y ait entre vous, je ne veux pas y être mêlé.

-J'crois que c'est un peu tard pour ça, tu crois pas ?

Il l'embrassa derechef, comme pour prouver qu'il effaçait toute mention de l'aînée des sœurs Greengrass entre eux. Fair-play. Cedric avait encore toutes les raisons de douter de sa sincérité, mais force était de constater que, sans connaître ses intentions véritables, il y avait une curiosité indéniable de la part du Serpentard.

Qui aurait bien pu se douter d'une telle chose venant de lui..? Justement, personne.

Famille et idéaux Sang-Pur, capitaine de son équipe de Quidditch et joueur redoutable, aussi brutal que roublard… d'expérience, Diggory savait qu'il ferait tout pour s'emparer du Vif d'Or. Il devait rester méfiant, ou l'alligator le dévorerait vivant.