Chapitre 2.

Quelques minutes plus tôt, dans les rues de Tortuga.

J'ouvre la main et y découvre un papier.

-Père, elle m'a laissé un mot.

-Qu'est-ce qu'elle dit ?

-"Attendez."

Il acquiesce, sourit puis continue a marcher.

-On retourne sur le bateau.

-D'accord.

J'observe l'écriture, un peu penchée, à la fois gracieuse et réservée. Quand a t-elle eu le temps d'écrire ça ? Je range le papier et continue de marcher.

Dans la chambre.

Je fais mon sac. Je vais quitter cette île et devenir pirate. Parce que c'est mon destin. J'ai eu l'accord déguisé de ma mère et je sais que si je dois partir, elle préfère que ça soit avec eux. La connaissant, elle va faire une scène à Barbe Blanche quand je serai au large mais elle me laisse m'envoler. Elle m'a dit au revoir avec ce câlin.

Je me suis changée et ai laissé pour toutes affaires dans ma chambre, ma tenue de service et quelques trucs que je ne peux pas emporter, genre mon lit. J'enfile mon manteau et ouvre la fenêtre.

Je prends une inspiration et saute. Les rues sont animées alors je vais prendre par les toits. Personne ne doit savoir que je m'en vais. Je saute aisément de toit en toit, ayant pratiqué cet art dès l'enfance et j'arrive rapidement au port. Je rabats la capuche de mon manteau sur ma tête et repère l'inratable Moby Dick, amarré au dernier quai. Je saute et me réceptionne sans problèmes, je marche vers le quai mais ne vois personne. Je n'entends rien non plus. Serait-il possible qu'ils dorment déjà ?

Assis au bout du quai, je reconnais Marco qui regarde l'océan. Je m'approche doucement, le sourire aux lèvres.

-Tu fais le guet où on t'as posé un lapin ?

Il se retourne et me souris.

-Alors tu es venue ?

-Je souhaiterais m'engager dans la piraterie, tu connais un bon équipage ?

-En effet. Si tu démarres avec nous, ton CV pirate sera parfait.

-Où est-ce que je signe ?

-Viens d'abord t'asseoir, j'aimerais discuter avec toi.

-D'accord.

Je pose mon sac a mes cotés et m'assois, les jambes ballantes.

-Pourquoi tu pars d'ici ?

-Pour faire un peu de tapage chez le gouvernement mondial.

-Rien que ça ?

-Oh non ! Chez les Marines aussi. Je suis de nature généreuse.

-Je vois.

-Et toi, qu'est-ce qui te motive a rester ? Ça fait un moment que tu es dans la piraterie.

-Chaque jour, je fais de nouvelles rencontres et j'ai beau avoir déjà fait le tour du monde, je n'ai pas tout vu. La première fois, tu fonces dans le tas, la rage aux tripes et la deuxième fois, tu prends le temps de t'arrêter pour contempler ce qui t'entoure.

J'acquiesce lentement, un sourire aux lèvres.

-Tu es quelqu'un d'intéressant.

-Et toi, tu es très intrigante. Tu ne m'as même pas montré la surface de ta personnalité.

-C'est juste.

Il me regarde et je lève les yeux vers lui.

-Alors, je te découvrirais sur le long terme ?

-Si tu me supporte.

Il acquiesce puis se relève.

-Viens avec moi, je vais voir ce qu'on peut faire pour une âme égarée.

Je sourit et me relève et on monte à bord du bateau. Lorsque je suis sur le pont, j'écarquille les yeux, impressionnée.

-C'est énorme !

-Tu va t'y faire.

Je marche a sa suite pour ne pas me perdre et une question me vient a l'esprit.

-Vous êtes combien en tout ?

-1617 personnes.

Je me stoppe, surprise. Il s'arrête et se tourne vers moi, amusé par ma réaction.

-Attends, tu veux me dire qu'il y'a plus de 1000 personnes ici ?! Sur le bateau ?

-Non, pas sur le bateau. On a trois navires, les deux autres sont plus petits donc ici, on doit être 539, si je ne me trompe pas.

-Je vais devoir retenir le nom de 539 personnes ?! J'y arriverais jamais !

Il rit et pose sa main sur mon épaule.

-T'en fais pas, retiens déjà les noms qui te semblent essentiels et tu verras par la suite.

J'acquiesce et on continue de marcher dans les couloirs. Il m'amène à une salle immense ou six grandes tables sont réparties. Une odeur de nourriture flotte encore. Si ça, c'est pas la cantine, je ne m'appelle plus Jewel Diem. Il se fait tard alors le plus gros de l'équipage est déjà ailleurs.

-Marco ! Tu tombes bien ! On se disait justement qu'on allait faire un tour en ville !

Un homme en uniforme de cuisinier et une banane sur la tête nous approche. Sauf qu'il doit traverser la salle pour venir nous rejoindre et sa démarche indique qu'il est déjà bien alcoolisé.

-A cette heure-ci ? En plus, tu...

Mais il ne lui prête déjà plus attention, se penchant sur moi. Il me regarde longuement.

-Tu les ramènes ici désormais, Marco ? Elle avait plus de place chez elle, c'est ça ?

Attends, il m'a prise pour une prostituée, là ? Ça commence bien. Je fais craquer mes doigts et Marco me retient déjà.

-Laisse-le, il a trop d'alcool dans le sang, il ne sait pas ce qu'il dit.

Je lève la tête vers le second et souris.

-Crois moi, l'alcool n'est pas une excuse pour les pirates.

Il me lâche, peut-être intéressé de voir ma façon de remettre les autres en place. Je prends l'autre qui me reluque toujours par sa cravate jaune et approche son visage du mien. Son haleine est horrible mais il ne m'a pas laissé le choix.

-C'est quoi ton nom, beau brun ?

Il sourit béatement au surnom que je lui ai donné.

-J'suis Tatch !

-Bien Tatch... Je n'ai pas le temps de jouer ce soir mais on va surement se voir demain. Alors t'as intérêt a être désolé de m'avoir insultée, sinon je te fais goûter à l'eau de mer... Par le fond.

Il acquiesce et je le lâche, il recule. Je regarde les autres, qui ont suivi la scène avec intérêt et pointe le doigt dans leur direction.

-Personne ne lui dit ce qu'il a fait ou je l'envoie faire la même balade.

Ils acquiescent et Marco se tourne vers Tatch qui tangue sur ses pieds.

-Va te coucher. Tu va avoir besoin de repos.

Puis il m'entraîne à nouveau dans les couloirs.

-Désolée de t'avoir montré cela, je pensais que Père était avec eux mais il doit être dans sa cabine.

-Ce n'est rien, j'ai eu un premier contact et un nom.

-Tatch est gentil, il ne t'aurait jamais dit cela, étant sobre. Il est très porté sur les relations, c'est tout.

-J'ai hâte de le rencontrer sobre alors.

Il s'arrête à nouveau et toque à une porte, puis attends.

-Père, c'est Marco, quelqu'un aimerait vous voir.

-Entrez.

Il ouvre la porte et je vois Barbe Blanche, à demi-allongé sur son lit avec des tuyaux le reliant à des perfusions et malgré ça, une grande bouteille de saké à la main.

-Tu as traversé tout Tortuga pour me réclamer l'addition ?

-Ma mère serait venue avec moi, si c'était le cas. Je suis venue ici pour ajouter un détail primordial au récit du malheureux naufrage.

-Est-ce que tu veux que Marco s'en aille ?

Je tourne la tête vers le second, prêt a me laisser la discrétion dont j'ai besoin pour parler.

-Il peut rester.

-Alors asseyez-vous.

Je regarde autour de moi, il y a bien une chaise mais Marco vient de s'y asseoir et a part ça et les appareils de santé, il n'y a qu'un grand lit. Je m'assois sur le rebord et pose mon sac a mes pieds.

-Vous n'avez pas grand chose dans votre cabine.

-Le vide impressionne bien plus. Maintenant, parle moi de ce détail primordial.

Je me tourne vers lui et inspire.

-Le fait est que... Je suis celle que vous recherchez. Normalement, je ne laisse pas de survivants, je n'ai vu la barque que plus tard et c'était un enfant, je n'ai pas voulu le noyer mais je me demande bien comment vous avez pu croire à son histoire.

Ils gardent le silence un instant. C'est Marco qui reprend la parole.

-Les rumeurs sont précieuses, si on recherche les rapports dissimulés, on arrive facilement à prouver que l'histoire est vraie.

Alors, ils se sont introduits dans les bases de la Marine pour me chercher, moi ? Impressionnant.

-Qu'est-ce qui vous a conduit à Tortuga, exactement ?

-Quelques jours après avoir entendu la rumeur, ta mère m'as appelé, elle avait une histoire intéressante à me raconter.

-Mais elle a dit qu'elle ne savait rien des événements... Elle ne...

-Elle t'as menti. Tu es son trésor, la pierre la plus précieuse dans le monde entier. Et tu lui a aussi menti, pour ne pas la blesser. Mais pour toi, ton trésor, c'est ton pouvoir et tu sais que tu ne pourras pas profiter de ta vie et de ton destin si tu restes avec elle.

J'acquiesce.

-Comment tu définirais tes pouvoirs ?

-J'ai le contrôle total des courants marins aussi bien qu'aériens, l'environnement est différent mais l'énergie reste la même, je me débrouille avec les deux.

-Mais tu dois être plus à l'aise dans l'air parce que le granite marin...

Je me tourne vers Marco et esquisse un sourire.

-C'est là que je vais devoir te demander de partir, il y a des choses que je ne peux partager librement.

Je me sens terriblement désolée de devoir le chasser, il doit se poser plein de questions. Cela doit se voir puisqu'il pose une main rassurante sur mon épaule.

-Ce n'est rien, tu me le diras si tu veux. Je respecte ta demande et je ne dirais rien a personne.

Je me détends et acquiesce.

-Merci d'être compréhensif.

-C'est normal.

Il se retire et j'attends qu'il ait fermé la porte pour reprendre la parole.

-La vérité, c'est que je suis née avec ces pouvoirs. Ils ne se sont vraiment réveillés qu'a mes 5 ans mais j'ai toujours pu nager sans le moindre problème.

Il reste silencieux quelques minutes qui me paraissent des heures. Il boit une gorgée de sa bouteille puis m'observe longuement des ses yeux dorés.

-Alors vois cela comme une chance. Tu as une idée de leur origine ?

-Je ne pense pas qu'ils viennent de ma mère. Même si elle peut me cacher des choses pour me protéger, quelque chose d'une telle ampleur de l'aurait pas laissée de marbre. Donc je ne lui ai rien dit. Alors ça ne peut venir que de... mon père. Je ne le connais pas et ma mère m'a seulement dit qu'il était resté un moment et qu'il était tombé amoureux d'elle mais il devait partir. Je n'ai pas voulu savoir son identité, on est parfois mieux dans l'ignorance.

Il acquiesce.

-Tu vois, j'ai l'habitude de dire qu'on est tous les enfants de l'océan. Si tu entres dans ma famille, je serais sincèrement heureux de te considérer comme ma fille. Qu'en dis-tu ?

Je réfléchis longuement et souris.

-Étant fille unique, le concept d'une famille m'a toujours intriguée et l'offre de l'aventure quotidienne m'attire vraiment alors j'accepte de rejoindre votre famille, Père.

Le mot dans ma bouche prend plus d'ampleur que dans ma tête. Je me sens soudainement fière.

-On te présentera demain aux autres. Avant que tu ne partes te reposer, j'ai d'autres questions. Quel est ton but ?

-La course au trésor ne m'intéresse pas vraiment. Je vis pour vivre, pour découvrir de nouvelles choses. Mais si je pouvais contribuer a l'arrêt de l'esclavage, je serais comblée.

-Tu sais que tu risques d'énerver pas mal de monde ?

-Si ça me permet de rendre la liberté a des êtres humains, je me ferai l'ennemie du monde entier.

Il acquiesce et bois une nouvelle gorgée de sa bouteille.

-Ce sont de belles valeurs que tu portes en toi. Qui te les a transmises ?

-Très tôt, on m'a dit d'écouter les autres mais ma mère m'a dit de ne pas me laisser influencer.

-Un très bon conseil qui, si il s'allie avec une bonne capacité de réflexion, peut faire des merveilles.

-Ça m'a surtout permis de perfectionner mon sarcasme.

Il éclate de rire.

-Je crois que tout est dit. Si tu as des choses a confier, n'hésite pas a venir me voir. Je te laisse avec Marco, il te trouvera un endroit ou dormir, ma fille.

Une nouvelle fierté me fait sourire a l'entente de ce surnom qui va me suivre le restant de mes jours.