Chapitre 11.
PDV Interne.
Après avoir écouté le rapide dialogue entre les deux hommes, je descend finalement de mon point d'observation et rejoins mon commandant favori. Il continue à observer le ciel et l'océan, me laissant l'honneur de la première pique. Je souris et m'appuie contre le rebord puis le pousse de l'épaule.
-Eh bien, tu n'as rien à me dire ?
-Figure toi que j'avais prévu de rediscuter le rôle que tu m'avais attribuée mais lorsque j'ai vu que j'assurais mieux que toi deux rôles à la fois, j'ai décidé de savourer l'instant présent.
Il soupire mais souris et lève les mains en l'air, comme s'il se rendait.
-D'accord, j'ai fait preuve d'inattention mais seulement parce qu'une certaine personne s'était faite remarquer.
-Permets moi de te corriger, seulement mes actions se sont faites remarquer. Quant à l'initiateur de ces dites actions, il est encore totalement inconnu de la Marine.
-Il est vrai que tu as bien choisi ta position. Cependant, j'aimerais m'assurer d'une chose. La personne qui m'a protégé d'un coup de sabre..
J'acquiesce, répondant silencieusement à sa question. Il assimile cette nouvelle information et se tourne vers moi pour pointer un doigt accusateur sur ma personne.
-Tu t'étais bien gardée de me l'apprendre, espèce de cachottière.
Je hausse les épaules, prenant un air totalement innocent.
-Tu n'as qu'a poser les bonnes questions.
-Point accordé. Mais je finirais par t'avoir.
D'humeur malicieuse, je hausse les sourcils et finis par m'approcher jusqu'à pouvoir chuchoter dans son oreille.
-Alors attrape moi, phénix.
Je n'attends pas sa réaction pour passer par dessus la rambarde et me laisser tomber mais j'attrape un souffle de vent pour remonter. Curieuse de savoir s'il va mordre à l'hameçon, je choisis de me retourner. Il m'observe, un sourcil haussé et un petit sourire aux lèvres. Je lui tire la langue, poussant la provocation et son sourire s'agrandit alors qu'il grimpe sur le rebord de la vigie et que ses bras se transforment en ailes enflammées. Mon propre sourire s'étire alors qu'il accepte de s'engager dans une course aérienne.
Il s'élance et je garde mon avance mais étant plus expérimenté que moi dans les airs, il me rattrape rapidement. Pour corser les choses, je décide de me rapprocher du bateau et d'ajouter des obstacles.
PDV Externe.
Dans le ciel, deux formes furtives se pourchassent, libérées de la gravité et offrant a leur insu un spectacle à l'équipage du Moby Dick. Sans tarder, le capitaine sort sur le pont et lève les yeux pour les admirer tout en écoutant d'une oreille amusée les paris se faire sur qui sera le plus rapide. Ce que le reste de ses enfants semblent ignorer, c'est que ces deux là se rapprochent et rentreront sans doute bientôt en collision. Dès le début, il a vu l'intérêt de son fils grandir pour cette jeune femme. Auprès d'elle, il semble retrouver la flamme de sa jeunesse, lui qui avait vécu de nombreuses décennies. Il se met à rire doucement alors qu'elle l'entraîne dans une course d'obstacles, évitant a tour de rôle, les personnes, les canons et les caisses.
Marco était l'un de ses premiers fils et même avec le temps, il prenait toujours autant son rôle de second a cœur, cartographiant rigoureusement et étudiant chaque nouvelle île. Cependant, il était parfois si sérieux qu'il oubliait de profiter des petites joies de la vie. Barbe-Blanche se félicitait d'avoir recruté Jewel, la fille Diem était pleine de ressources et s'épanouissait déjà au contact de ses enfants. Il était ravi de voir qu'elle cherchait à se rapprocher de Marco et ayant vécu assez longtemps, il pouvait prédire qu'ils finiraient ensemble.
PDV Interne.
Après avoir vu qu'il maniait aussi bien la vitesse que les obstacles, je décide de tester son endurance et termine par monter au dessus des nuages, là où le soleil atteignait son zénith et où l'oxygène s'amenuisait. Il me rejoignit sans problèmes et tenta de m'attraper dans son étreinte embrasée. Curieuse comme Icare, je me laisse faire et alors qu'il évita de peu un placage, je m'aperçois que ses flammes, réconfortantes et chaleureuses m'enveloppent sans me calciner.
Plus que surpris, il bredouille et je passe mes bras autour de son cou pour y cacher mes joues roses.
-Jewel ?
-T'as gagné, Marco. Tu m'as eue.
Il garde le silence un instant puis me serre contre lui.
-Match nul, petite souris.
Mon sourire s'étire et je laisse cette étreinte durer, encore et encore. Alors que je m'apprête finalement à lâcher, il me retient.
-Merci.
-De t'avoir laissé gagner ou de t'avoir protégé quand tu n'avais d'yeux que pour moi ?
-Plutôt de ne pas aller trop vite. Mais si tu le souhaites, on peut refaire une course pour t'apprendre le respect.
Je ris et me détache de lui.
-Et si vous veniez manger avec moi, Commandant ?
-C'est trop d'honneur.
On se sourit et on retourne un peu plus doucement sur le pont où presque tout le monde est reparti à ses occupations. Tout le monde sauf Ace et Tatch qui nous harcèlent de questions.
-Jewel, comment tu fais pour t'envoler comme ça ? C'est plutôt génial ! Tu pourras me faire voler ?
-Alors, Marco... Qu'est-ce qui..
Croulant sous les questions enthousiastes de mon commandant, je décide de distraire le cuisinier, dont je prends le bras pour attirer son attention et commence à l'entraîner vers la cantine.
-Tatch-kun? J'ai particulièrement faim mais je ne sais pas trop quoi manger. Tu aurais une idée ?
Tatch étant ce qu'il est, ma stratégie fonctionne à merveille et il commence a me faire une liste de recommandations de plats nourrissants qu'il pourrait cuisiner. Lorsqu'on arrive a la cantine, Tatch a décidé de me faire son plat du jour mais je n'ai pas le droit d'en savoir plus. Marco s'assied en face de moi et j'écoute les bavardages.
PDV Externe.
Tout le monde discute de la bataille et la partie de l'équipage qui était restée sur le bateau se demande comment leurs ennemis ont fait pour plonger malgré eux dans la mer sans avoir pu atteindre aucun d'entre eux. Le navigateur coule un regard vers la musicienne qui observe les tables et sourit en entendant les discussions Elle pose son menton entre ses deux poignets et une joie sincère l'entoure. Marco pose sa tête dans la paume de sa main et l'observe, profitant du fait qu'elle concentre son attention sur autre chose.
Leur danse au clair de lune, la nuit ou elle s'était blottie contre lui par accident et cette course poursuite. Cette addition de petits moments lui fait doucement réaliser qu'il est peut être plus qu'intéressé par la grise. Enfin, bien sur qu'elle l'intriguait et qu'il voulait la découvrir. Mais il devait avouer que si il pouvait la découvrir tout en ayant plus de contacts physiques avec elle, il ne s'en plaindrait pas.
Un sourire aux lèvres, il détourna le regard quand elle remarqua qu'il lui accordait de l'attention. Les plats furent servis et Jewel eut le droit a une assiette de spaghettis au saumon et a la crème. En voyant son assiette, tous les commandants voulurent commander la meme chose, justifiant qu'ils avaient aussi combattu. Tatch protesta.
-Ah non, vous avez déjà un plat et vous le mangerez !
Marco acquiesca et regarda la jeune femme faire gouter a Ace un peu de son plat. Voyant que le reste de la tablée regardait son assiette avec envie, elle se leva et tout en faisant le tour de la tablée elle en donna une fourchette a chacun des 16 commandants pour qu'ils puissent gouter son plat spécial. Quand ce fut le tour du blond, la musicienne le regarda avec un sourire.
-Toi aussi, tu veux gouter ?
-C'est ton assiette a la base. Mais si tu insistes.
Au grand dam de Tatch, elle lui fit gouter et passa a Izo qui tenta de refuser gentiment mais elle finit par le convaincre. Lorsqu'elle eut terminé, il ne restait plus qu'une pâte qu'elle termina rapidement.
-Tatch, c'était délicieux.
-Ah oui, tu t'es surpassé !
-Vous n'êtes que des profiteurs. Et Jewel, tu n'as pas assez mangé, est-ce que tu veux que je t'en refasse ?
-Fais nous en aussi, s'il te plait !
Le cuisinier se prépara a protester mais la musicienne posa une main apaisante sur son bras.
-Tu sais quoi ? Je veux bien que tu en fasse a nouveau et je vais meme t'aider.
-Oh non, tu t'es bien battue, je ne veux pas que tu te fatigues plus...
Mais elle n'avait pas attendu la suite de la phrase pour se diriger vers la cuisine. Marco prit la parole.
-Eh, Tatch. Si tu restes ici a protester, elle va finir par se débrouiller toute seule.
-Ah ça, pas question ! Jewel, attends moi !
Le cuisinier partit a la suite de l'ex-serveuse et le commandant de la première division sourit. Il venait de lui découvrir une générosité sans arrière pensée et cela le conforta dans son attirance pour la souris. Il ne lui avouerait surement pas maintenant mais au moins il avait accepté ce bourgeon de sentiment.
Lorsqu'elle revient avec un grand plat de pâtes, toute la tablée l'acclame et après avoir déposé le plat, elle mime une révérence puis offrit de servir. Les assiettes passèrent de main en main et tout le monde attaqua avec enthousiasme leur plat.
PDV Interne.
Je déguste mon assiette et sourit en écoutant les compliments sur ma cuisine. Tatch se met a bouder, je croise son regard et hausse les sourcils, l'incitant a parler. Après avoir soupiré comme s'il jouait dans une comédie dramatique, il s'explique finalement.
-Ils n'ont même pas touché a ce que j'avais préparé. Tu va finir par me voler ma passion, Diem.
Je ne peux m'empêcher de rire face a son ton exagéré de tristesse et secoue la tête.
-J'aime cuisiner mais de façon occasionnelle. Si je venais a travailler dans la cuisine, ils ne mangeraient que trois fois par semaine et tu peux me croire que leurs compliments bien trop exagérés tourneraient bien vite en menaces. De plus..
Je hausse un peu ma voix pour me faire entendre du reste de la table.
-Je tiens a préciser que je suis reste médiocre en cuisine et que Tatch est le meilleur.
-Ça c'est bien vrai, trinquons a Tatch !
Alors que les verres s'entrechoquent a la gloire du cuistot, ce dernier pose une main sur son cœur, de fausses larmes aux yeux et un grand sourire aux lèvres. Un sourire étire mes lèvres et je surprends Marco a me regarder avec attention du coin de l'œil. Je tourne la tête vers lui et hausse les sourcils, attendant sa justification. Il se contente de sourire, le menton posé dans le creux de la main.
-Quelle générosité, souris.
-Justice se devait d'être faite. Je n'ai fait que mon devoir.
-Voyez-vous ça.. Tu joues à l'héroïne, maintenant ?
J'accepte son invitation a la taquinerie avec un petit sourire en coin et prend le temps de terminer mon verre.
-Tu les as entendus. Ai-je réellement besoin de toute cette gloire alors que je peux les convaincre avec un simple plat de pâtes ?
Il hausse les sourcils et se penche vers moi.
-Mais les as-tu tous convaincus ?
-J'imagine que tu parles de ta propre personne.
Il remue les épaules d'un air nonchalant et je hoche la tête.
-J'accepte le défi. Alors, dis-moi, phénix...Qu'est ce que je peux faire pour toi ?
Ma question pique clairement son intérêt et je dois retenir les battements de mon cœur lorsqu'ils se transforment en papillons face a cet air empli de curiosité, sentiment rare chez le blond flegmatique. Il regarde autour de lui pour s'assurer que ses frères ne l'écoutent pas et se penche a nouveau vers moi.
-Un corps a corps, dans la salle d'entrainement. Rien que toi et moi.
Je ressens le besoin d'avaler une gorgée d'eau pour masquer mes joues roses alors qu'il se redresse, un sourire satisfait aux lèvres. Je mentirais si je disais que cette demande de contact physique, accompagnée de sa voix délicieusement grave ne m'a pas légèrement ébranlée.
-Va pour le du-...
Une lumière aveuglante envahit soudainement la pièce et un gros bruit sourd interrompt ma phrase. Il me faut quelques secondes pour réaliser qu'un éclair venait de s'abattre sur le bateau et quelques unes de plus pour comprendre que la foudre a traversé le pont pour atterrir en plein milieu du réfectoire, mettant occasionnellement le feu au plancher. Mes yeux s'agrandirent sous le choc et mon instinct me cria de réagir mais mes oreilles bourdonnaient encore. Heureusement, tout le monde n'a pas réagi de la même manière et rapidement, j'ai vu Marco crier d'éteindre les flammes et pu observer l'efficacité de quelques membres.
C'est alors que je le ressentit. L'océan grondait, plusieurs mètres sous mes pieds et soudainement connectée contre mon gré aux vagues, je me redresse et quitte promptement la pièce. Dans les couloirs, j'entends au loin des hommes crier qu'une énorme tempête arrivait droit sur le Moby Dick.
Mais je le savais déjà puisque je ressentais dans chacun des mes muscles la force des courants s'entrechoquant les uns contre les autres. Lorsque j'arrive finalement sur le pont, les éléments s'en donnaient a cœur joie, m'incitant à me mettre a l'abri. Mais quelque chose de plus ancien que ma propre identité en avait vu d'autres et contrôlait a présent chaque fibre de mon corps, ne me laissant pas d'autre choix que de marcher au milieu du chaos naissant.
Avec du recul, j'aurais pu comprendre que mes pouvoirs parlaient pour moi mais sur le moment, j'étais trop occupée a ressentir. Pourtant, mon instinct me poussa à réagir et quand je sortis finalement de ma transe, je pris l'irrationnelle décision de prendre contrôle du géant de bois ballotté par les flots.
Ce fut a cet instant que mon monde s'évanouit pour faire place à un autre, bien plus abyssal et fourmillant de vie. J'avais pris possession du Moby Dick. J'étais le Moby Dick et sans avoir à réfléchir, j'ai su immédiatement où je devais aller. Bien sur, je n'étais qu'en contrôle partiel de mon esprit mais je battais a chaque seconde pour garder le cap contre ce quelque chose de plus ancien qui ne voulait que précipiter le navire a sa perte, rien que pour le plaisir esthétique de la destruction.
Malheureusement, je suis de nature bornée. Cette bataille mentale interne, je la gagnerais. Et je mènerais ma nouvelle famille à bon port.
