Dans la cafétéria.
Tatch surveille les doubles portes, étant inquiet de ne pas avoir vu sa petite sœur depuis hier soir. Il sait que Marco aurait eu l'idée de le prévenir si Jewel ne se sentait pas bien, mais il n'avait pas vu son ami non plus et une multitude d'hypothèses commençaient à se cogner contre son crâne.
Bien sûr, il ne pouvait pas juste débouler dans l'une des deux cabines pour s'enquérir de l'état de la pirate. S'il s'avérait que les deux tourtereaux s'étaient enfin acquittés de leurs désirs charnels, son interruption soudaine serait fort regrettable. Et si elle était simplement en train de se reposer, Marco se chargerait de le faire rôtir pour avoir osé déranger le repos bien mérité de la grise. Dans les deux cas, le cuisinier souhaitait éviter toute conséquence douloureuse.
Alors qu'il tentait de concocter un plan, une voix féminine le surprit.
-Tatch ?
Il pose les yeux sur les boucles grises de Jewel et un sourire étire ses lèvres, rapidement reflété par la musicienne.
-Jewel ! Je commençais à m'inquiéter pour toi. T'es-tu assez reposée ?
La pirate hausse les sourcils puis acquiesce.
-Père m'a posé la même question ! Oui, j'avais trop d'énergie en me réveillant donc je suis allée me baigner.
-J'imagine que tu as faim, si tu dédaignes venir enfin me voir.
Il pose le menton dans la paume de sa main et prend une moue boudeuse, mais elle ne se laisse pas prendre au piège et hausse les épaules, se dirigeant vers la cuisine.
-Continue ton théâtre, je vais chercher de quoi manger.
Il se relève, et court l'intercepter avant qu'elle ne passe les confins de la cuisine. Elle laisse échapper un cri de surprise alors qu'il la prend dans ses bras et la soulève.
-Ne blâme pas mon chagrin, je suis le seul qui n'aie pas eu de câlin alors que j'étais tout aussi inquiet pour toi qu'Ace et Marco.
Elle éclate de rire et tapote gentiment son avant-bras. Au même moment, Ace débarque bruyamment dans la salle, courant et criant le nom de la grise.
-Jewel ! Jewel !
Tatch repose sa petite sœur, ils observent tous les deux le brun qui tient fermement un journal froissé, vibrant d'excitation.
PDV Interne.
Je salue mon commandant d'un signe de la main et il prend le temps de me saluer en retour avant de me montrer la page qui l'intéresse.
-C'est Luffy! Il était là ! Sur la même île que toi ! Il a tout détruit. Tu l'as vu ?
-Je n'en ai pas eu la chance. Mais c'est son arrivée fracassante qui m'a permis de m'enfuir.
Ace acquiesce puis se lance dans la description de l'article, m'entraînant à table. Je lance un regard à Tatch qui hoche la tête et pars en cuisine. Je m'assieds à côté d'Ace et l'écoute avec intérêt, attendrie par l'affection qu'il porte à son petit frère.
Après quelques moments où on regarde les photos de l'île en ruines, je mange enfin un petit déjeuner complet et la porte s'ouvre de nouveau sur Marco qui nous rejoint, soupirant.
-Je comprends ton enthousiasme, Ace. Mais laisse-moi finir de lire la prochaine fois.
-Désolé. J'ai eu le besoin d'en parler à Jewel tout de suite. Oh, d'ailleurs, qu'est-ce que tu manges de bon ?
Je lui propose de partager un bol de fruits coupés, mais Tatch me devance en posant un plateau plein devant le brun.
-Jewel, mange jusqu'à la dernière miette. J'ai composé des recettes dans le but de te redonner de l'énergie. Ace en a déjà assez comme ça.
Ce dernier est trop occupé à manger pour relever et j'acquiesce sagement, croisant le regard du Phoenix posé sur moi, nonchalant.
Je hausse un sourcil inquisiteur, ce qui le fait sourire. Mais je n'ai pas le temps de continuer cet échange silencieux que les doubles portes de la cafétéria s'ouvrent brusquement.
-La voilà ! Notre chère petite sœur !
Je continue de manger et laisse la nouvelle voix, masculine et brute, contourner la table. Un homme grand et large me fait face, un large sourire étirant ses lèvres, montrant l'absence de quelques dents. L'énergie qui se dégage de lui est assez ambiguë, ce qui me fait oublier de le saluer. Je remarque qu'Ace le salue chaleureusement.
-Teach ! T'as déjà mangé ?
-Merci, commandant. J'ai l'estomac plein, mais le cerveau fourmillant de questions. Au sujet de notre nouvelle recrue.
Je sens son regard posé sur moi, insistant.
Polie, je relève les yeux de mon assiette et pose ma fourchette, décidant de revêtir ma personnalité de serveuse, conciliante et souriante.
-Je peux peut-être y répondre.
Il y voit une invitation à s'asseoir face à moi et je me redresse, déterminée à garder ma dignité. Il se gratte le menton, me jaugeant du regard.
-Je me demandais comment un petit bout comme toi, qui se fait appeler Calypso, n'a pas trouvé le moyen de couler cette façade du gouvernement mondial ?
Un silence tombe sur la table, ou nous ne sommes que 4. Je désigne du menton le journal, portant mon café à mes lèvres.
-D'autres événements devaient y avoir lieu. Ça aurait été dommage de couper court à l'histoire.
Ace acquiesce vivement, reprenant la parole.
-Je t'ai déjà parlé de mon frère, Luffy ?
Je laisse mon commandant monologuer sur les prouesses du chapeau de paille et me lève de table. Je croise le regard de Teach, qui me sourit. J'acquiesce poliment et quitte la salle, ayant l'impression d'être ressortie d'un duel avec un scorpion.
Sur le pont, quelques heures plus tard.
Marco sort sur le pont, observant un instant les nuages gris s'amassant à l'horizon puis s'amenuisant en approchant le bateau. Il hausse les sourcils face à ce phénomène météorologique étrange et tourne la tête pour voir Barbe-Blanche, concentré sur Jewel, assise sur le bastingage, face à l'océan.
De loin, elle a l'air détendue. Mais il sait que ce n'est qu'une apparence. Il s'approche calmement, de manière à ne pas la surprendre. Il remarque les doigts fins tapant un rythme effréné dans la paume de sa main.
-Quelque chose te perturbe ?
Elle met un moment à le regarder, fronçant les sourcils puis les hausse, l'air surprise.
-Pas du tout. Je regarde juste l'océan.
-Tu n'as pas besoin de me mentir, Jewel.
Les lèvres de la grise s'entrouvrent, toute répartie ou masque rendu muet par la surprise d'entendre son prénom au lieu d'un surnom. Elle ferme les yeux, prenant une inspiration et la danse de ses doigts s'arrête brièvement. Entre deux battements de paupières, il aperçoit l'éclat sauvage de ses pouvoirs et quand elle lui répond, une voix vibrante prend le dessus.
-Je veux détruire. NON !
Elle secoue la tête vivement, pressant les paumes de ses mains sur ses yeux. Marco acquiesce, nullement effrayé par l'apparition de la déesse. Au même moment, Barbe-Blanche approche.
-Tu es en sécurité, ici. Dis-nous ce qu'on doit faire pour t'aider à retrouver la paix.
Au travers d'une respiration laborieuse, Jewel reprend le rythme endiablé sur ses doigts. Elle garde les yeux vigoureusement fermés.
-Détruire ! Ça suffit.
Un duel interne se déroule dans l'esprit de la jeune femme, qui fait de son mieux pour contrôler ses instincts. Mais ce combat constant allait l'épuiser, ils devaient trouver une solution. Elle tourne alors la tête vers les nuages à l'horizon et il suit son regard, se remémorant la dernière fois où elle s'est retrouvée au milieu d'une tempête. Ce qui lui importait, c'était de l'aider, mais pas en sacrifiant sa santé.
-Tu veux traverser une tempête ?
-Typhon.
La grise pousse un cri de rage et pousse sur ses mains, sautant du bastingage, directement dans l'océan. Une main ferme le retient de sauter à sa suite et il réalise que son désir de protéger Jewel a pris le dessus sur sa logique. Elle survivrait à un plongeon, lui mourrait sans doute.
Dans l'océan.
J'ouvre les yeux, apaisée par le silence tranquille des profondeurs. Je lève la tête et vois le bateau continuer d'avancer ; ils ne veulent sûrement pas alerter tout l'équipage de mon état, ce que j'apprécie. Je saurai les retrouver en temps voulu.
Je flotte tranquillement, me laissant porter par les courants que je ne contrôle pas. Je vais visiter des bancs de poissons, qui s'écartent doucement à mon approche, mais ils n'ont pas peur, reconnaissant mes pouvoirs comme faisant partie de leur milieu naturel.
Je ne compte pas le temps que je passe dans l'eau, laissant le trop-plein d'émotions s'amenuiser, jusqu'à ce que je me sente calme et en contrôle de moi-même. Je sens quelque chose de large passer sous moi, suivi par plusieurs autres. J'ouvre les yeux et un sourire étire mes lèvres alors que je reconnais un groupe d'orques.
Je n'ose pas aller vers elles, n'ayant pas envie de les perturber, mais les suis de loin pour les contempler. Elles sont magnifiques. Lorsqu'elles remontent à la surface pour respirer, un petit s'éloigne du groupe, essayant d'être rapide. Je forme un courant pour le ramener auprès de sa mère, ce qui me pousse vers le groupe.
À ma surprise, elles m'accueillent chaleureusement, émettant une symphonie de cliquetis et de chants aigus. Je me familiarise avec ce dialogue, reproduisant des sons hésitants à mon tour, qui sont encouragés. Quelques instants partagés me permettent d'étancher la soif d'action de mes pouvoirs. Elles finissent par partir et je me sens prête à remonter à la surface, retrouver ma famille. J'ai aussi besoin de réfléchir.
Je pousse sur mes jambes pour émerger et reprends ma respiration, scannant les environs pour retrouver le Moby Dick, que j'aperçois au loin. Je décide de sortir complétement de l'eau pour voler en direction du bateau, pensant que ça aiderait à sécher mes vêtements. Je prends de la vitesse, le vent déferlant dans mes oreilles et un éclat de rire sort de ma gorge, inattendu.
Je réalise que les prouesses de la matinée étaient surtout pour prouver aux autres et moi-même que j'étais libre, que personne ne pourrait me contrôler. Mais c'est maintenant que je sais que je suis en sécurité, que j'ai une famille sur qui je peux compter et qu'il est temps pour moi de partager mes problèmes plutôt que d'essayer de les noyer.
