Protéger et servir

Athena était épuisée par sa longue garde.

Elle n'avait pas été aussi longue mais elle lui avait paru interminable. Elle était heureuse d'avoir terminé son service et elle rêvait déjà de se glisser entre les draps de son lit et de dormir le reste de la journée.

– Eh bien, trouvez un agent disponible alors, lâcha la voix d'une femme à l'agent d'accueil. Il s'agit d'un viol et la victime a été menacée. N'êtes vous pas censé servir et protéger ?

– Madame ? les interrompit Athena.

– Sergent, je suis désolé, lui lança l'agent d'accueil. Tout le monde est occupé et…

– C'est bon, je vais m'en occuper, confirma-t-elle en faisant signe à la femme de la suivre.

Elle la conduisit jusqu'à une salle à l'écart.

Les affaires de viols étaient toujours délicates et elle préférait mettre la victime à l'aise avec un degré d'intimité élevé.

– Athena, je croyais que ton service était terminé ?

– Une dernière affaire à régler capitaine, la rassura-t-elle.

– Tu veux que je prenne le relais ?

– Non, mais de l'aide ne serait pas superflu.

La capitaine les suivis également et elles entrèrent dans la première pièce disponible. Athena proposa un café à la femme mais elle refusa et joignit ses mains devant elle.

Elle semblait très calme pour une victime de viol.

– Je suis le sergent Grant et voici le capitaine Maynard. Puis-je avoir votre nom ?

– Evelyn Copeland, je suis thérapeute et je ne suis pas la victime. J'ai reçu cette confidence d'un tout nouveau patient. En réalité, c'est une de mes patientes qui m'a appelé ce matin parce qu'elle s'inquiétait pour son ami. Après la description qu'elle m'avait fait de son état, j'étais plus qu'inquiète. Mais je ne m'attendais pas à ça.

– Comment ça ?

– Je ne peux divulguer son état de santé mais il est clairement à bout.

– Vous avez parlé de viol.

– Il l'a été.

– Il ?

– Oui « il », confirma-t-elle. C'est bien plus courant que vous ne le penser mais comme la majorité d'entre eux, il refuse de porter plainte. Les faits remontent à presque trois ans. Il était à l'époque un pompier de la ville. Je ne sais pas pourquoi mais il a dû consulter la thérapeute du département, un certain docteur Wells. C'est lors de leur séance qu'elle a abusé de lui sexuellement, lui promettant en contrepartie de lui signer une autorisation pour retourner au travail.

– C'est une accusation grave, affirma prudemment la capitaine Maynard. Mais les faits remontent à presque trois ans et sans preuves…

– Je sais mais cette femme, c'est de nouveau présenté à sa victime ce matin, tentant de l'intimider, lui proposant de nouveau de signer son retour au travail contre de nouvelles faveurs sexuelles. Mon patient s'est effondré mentalement et ma priorité après être sorti d'ici sera de lui trouver une bonne maison de repos.

– Il faudrait qu'il vienne porter plainte, qu'il nous dise…

– Il ne le fera pas. Il est convaincu que personne ne s'en préoccupe. Vous pouvez lui parler mais il m'a clairement dit que plus rien n'avait d'importance pour lui. Malgré tout, il y a eu un témoin de leur entrevue de ce matin. Ma patiente a fait fuir le docteur Wells en la menaçant d'appeler la police.

– Dommage qu'elle ne l'ai pas fait, on aurait pu lancer l'enquête plus tôt, soupira Athena. Accepterait-elle de témoigner ?

– Elle dit que oui. Il s'agit de Karen Wilson, je vous ai noté son numéro et son adresse ici.

Athena s'était figé en récupérant le morceau de papier qu'elle lui tendait.

Karen avait été témoin d'une presque agression sexuelle mais elle ne l'avait pas appelé. Elle aurait dû au minimum appeler Hen mais là encore rien n'avait filtré jusqu'à elle. Elle ne comprenait comment c'était possible mais elle ferait vite la lumière là-dessus. La victime lui faisait confiance alors elle pourrait peut-être la convaincre de lui parler.

Athena irait également récupérer des informations sur cette psychologue auprès de son mari. Elle devait la faire rayer des listes du départements. Cette femme s'était servie de son statut pour avoir des relations sexuelles avec un pompier.

Qui savait combien d'autres elle avait pu agresser ?

– Et ce jeune homme ? Peut-on avoir son nom ?

– Il a dit qu'il refusait de témoigner mais il m'a aussi dit de faire comme bon me semblait alors je suppose que j'ai son autorisation.

Athena apprécia silencieusement sa façon de jouer avec les mots.

– Il s'agit de monsieur Evan Buckley.

Athena se redressa en suffocant.

C'était impossible. Elle ne pouvait pas croire que Buck ait pu avoir été victime d'une telle agression depuis tout ce temps et ne jamais lui en avoir parler. Elle n'osait imaginer à quel point ce secret devait le ronger.

– Ne dites plus rien, ordonna la capitaine au docteur Copeland. Athena, tu dois sortir d'ici maintenant.

– Mais…

– Dehors !

– C'est Buck…

– Et si tu restes sur cette enquête, toutes les preuves que tu trouveras, tous les témoignages seront irrecevables. Je vais m'en occuper, toi tu rentres chez toi et tu l'entoures de tout ton amour.

Elle l'aida à se lever et l'accompagna à la porte.

Athena resta quelques secondes, interdite dans le couloir pourtant en effervescence du commissariat, avant de le quitter en vitesse.

Elle devait embrasser son bébé et lui donner tout son amour.

Son loft était vide et semblait attendre un nouveau locataire et son téléphone était hors service. Athena essuya ses larmes de rage et partit pour sa prochaine destination. Imaginer Buck seul à ressasser était un véritable supplice. Pourquoi n'avait-elle pas pris de ses nouvelles, avant ? Pourquoi n'avait-elle pas su comprendre que ce silence n'était pas normal ?

Elle se gara brusquement devant chez Hen et Karen.

Elle sauta de la voiture et Karen ouvrit la porte avant qu'elle ne frappe. Elle soupira et la laissa entrer en silence, avant de retourner dans la cuisine.

– Il dort, souffla-t-elle et récupérant tous les produits ménager qu'elle pouvait trouver et en les mettant à la poubelle.

– Qu'est-ce que tu fais ?

– J'essaie de me calmer, admit-elle à voix basse. Je suis tellement en colère, tu sais contre moi de ne pas m'être rendu compte de ce qui se passait, contre ma femme pour ne pas me l'avoir dit, contre cette garce pour ce qu'elle lui a fait, pour ce qu'elle voulait lui faire encore.

– Crois moi je suis en colère aussi et la seule raison pour laquelle elle ne se trouve pas en face de moi actuellement, c'est parce que je m'inquiète trop pour Buck.

– Il ne vas pas bien, Athena… Quand je l'ai croisé sur le parking, il avait l'air tellement perdu. Il vit dans sa voiture, peut-être depuis des semaines et il est certainement seul depuis plus de temps encore. Comment on a pu laisser ça arriver ? Comment on a pu lui faire ça ?

– Je ne sais pas, admit-elle le cœur brisé à l'idée que son grand garçon ait été livré à lui-même tout ce temps.

Karen attrapa ensuite son bloc de couteau et le fourra dans le sac poubelle et Athena comprit ce qu'elle faisait réellement lorsque les ciseaux de cuisine allèrent rejoindre le reste au fond du sac.

– Est-il un danger pour lui-même ?

– Oui, affirma-t-elle la voix tremblante.

– Non, lâcha Buck en apparaissant à l'entrée de la pièce.

– Buck, souffla-t-elle en lâchant son sac pour venir vers lui. Tu devrais dormir.

– Je n'y arrive pas mais ça va, je me sens mieux. Tu n'as pas besoin de faire ça, je ne veux pas mourir. Je sais que ça serait plus facile mais je n'y arrive pas.

– Parce que tu es courageux, souffla Athena en posant sa main sur sa joue, le sentant ployer contre elle en tremblant, les yeux brulants de larmes. Parce que tu choisi de te battre et tu n'es pas seul mon grand. Nous allons nous battre avec toi envers et contre tous.

– Tu sais ? sanglota-t-il.

– Je sais.

– Et tu… tu me crois ?

– Bien sûr que je te crois, lui assura-t-elle. Est-ce que c'est pour ça que tu n'as rien dis ? Tu avais peur qu'on ne te croie pas ?

Buck se contenta de hausser les épaules, en essuyant ses yeux rouges.

– Nous sommes ta famille et nous te croirons toujours. Quoi que tu nous dises nous te croirons.

– J'aimerais… vraiment que… tu sais ? Avoir encore ma famille.

– Mais tu l'as !

– Tout le monde me déteste, admit-il. J'ai tout gâché avec ce procès et maintenant je suis… seul.

– Non, tu ne l'aies pas. Je t'assure que nous allons prendre soin de toi, t'aider à te remettre sur pied et tu courras de nouveau dans les incendies avant même de t'en rendre compte.

– D'ailleurs, j'ai laissé un message au chef Alonzo, affirma Karen. Désolé Buck, mon assurance dit que comme tu n'es pas de la famille, ils ne peuvent pas couvrir tes soins mais je ne m'avoue pas vaincu, si le chef Alonzo refuse de m'écouter, j'irai parler à la presse.

– Non Karen, ne le fais pas. Tu dois penser à Hen, elle pourrait avoir des problèmes.

– Pour le moment c'est toi qui as besoin d'aide. Quand elle saura ce que cette garce t'a fait elle sera la première à prendre part au combat.

– Elle le sait déjà en fait, admit-il en baissant les yeux. Ils le savent tous. Je veux dire, je ne savais pas trop ce qui s'était passé et je leur en ai parlé à la garde suivante.

– Et ils n'ont rien fait ? s'offusqua Athena. Bobby aurait dû la faire renvoyer.

– Ils ont juste… ri, comme quoi j'étais irrésistible ou quelque chose comme ça. J'ai juste pensé, tu sais comment j'étais un gars facile à l'époque, que c'était juste… normal.

Athena serra la mâchoire à s'en casser les dents tant la colère la submergea.

Elle se contenta de serrer Buck dans ses bras en lui répétant à quel point il était fort et courageux et lui assurant qu'elle serait pour lui tenir la main temps qu'il en aurait besoin.

Elle croisa le regard d'une Karen livide et su que le retour de garde Hen serait aussi houleux que celui de Bobby. Oh non, ils n'avaient aucune idée de ce qui les attendait et Athena avait bien l'intention de mettre son temps à profit pour faire également de celui de Chimney un véritable enfer sur terre.