- Chapitre 35 -

« Les routes les plus difficiles mènent aux plus belles destinations »

Les journées suivantes furent plus calmes. Volterra était toujours en état d'alerte, mais la sécurité ayant été renforcée, et Alice ayant accepté de rester vigilante à notre égard, ou plutôt au mien, la vie avait donc repris un cour normal dans la ville et le château.

J'étais finalement parvenue à m'adapter aux us et coutumes de ce dernier, et commençais à y prendre mes marques. Chelsea et Shaya étaient celles avec qui je passais le plus de temps. Leurs personnalités me rappelaient celles de Rosalie et Alice, et je prenais plaisir à retrouver certaines des habitudes que je pouvais avoir avec ces dernières.

Avec Démétri, les choses évoluaient plus lentement. Les derniers évènements, ajoutés au changement de vie que j'avais subis avait ralentit notre relation. Il le tolérait, sans chercher à s'imposer. A la vérité, Félix était plus envahissant que lui. Il avait la fâcheuse tendance à apparaître à tous les moments les moins opportuns, et Démétri m'avait laissé entendre à demi-mots qu'il se vengeait de toutes les années où lui-même s'était moqué de sa relation avec Heidi.

Pour le moment, j'avais laissé l'entièreté de la garde principale à l'étage, m'enfonçant à l'intérieur du dédale de couloirs qui menaient aux étages inférieurs et aux quartiers du reste de la garde.

Je ne possédais pas le talent de traque, mais je parvins assez rapidement à repérer l'odeur de Gianna et à m'orienter dans sa direction. Toujours avec surprise, je constatais qu'on faisait place pour me laisser passer et que les conversations se tarirent quand je finis par parvenir à ce qui ressemblait être leur salle de repos.

Andrea ! clama la voix de Gianna et je la vis se lever avec enthousiasme du fauteuil dans lequel elle était assise. Viens ! Entre !

Du coin de l'œil, j'en vis certains ouvrir de grands yeux, visiblement incrédules quant à la familiarité qu'employait Gianna à mon égard.

Néanmoins, j'obéis à cette dernière et la rejoignis, répondant avec plaisir à son étreinte quand elle m'ouvrit les bras.

Je suis tellement heureuse de te revoir ! clama-t-elle quand je finis par reculer.

Moi aussi ! répondis-je tandis qu'elle m'indiquait un fauteuil. Bonjour.

Je m'adressais aux trois autres vampires autour de la table basse. Une jeune femme, blonde et assez ronde, avec une magnifique peau diaphragme, et deux hommes, bruns pour leurs parts.

Je te présente Sofia, son compagnon Oliver, fit Gianna avant de s'arrêter face au deuxième homme. Et voici Tahir, mon…

Compagnon, terminais-je avec logique et elle hocha la tête, un grand sourire dessinant son beau visage. Enchantée, je suis Andrea.

Vous êtes beaucoup plus populaire que nous, clama Oliver avec un ton amical et taquin. Nous connaissons tous les membres de la garde principale.

Oh Andrea n'est pas…, commença mon amie mais je levais la main.

Laisse ce n'est pas grave, fis-je dans un sourire. Ma position n'est pas très claire.

Mais on sait tous que vous êtes la compagne de Démétri ! rajouta Sofia sur le même ton rempli d'humour que son conjoint.

Cette fois-ci, je ne répondis rien. Notre relation avait fait un grand pas, mais un baiser échangé ne scellait pas encore grand-chose à mes yeux.

Vous n'êtes tout de même pas en train de me vouvoyer ?! demandais-je soudainement, un peu interloquée.

Si, confirma Tahir tandis que Gianna s'asseyait sur ses genoux. C'est la règle vis-à-vis des membres de la garde principale. Une manière de leur marquer du respect.

Vous vivez dans la peur ? demandais-je en indiquant les regards que je sentais peser sur moi.

Non, contra Oliver. Pas du tout. Enfin si, vis-à-vis de Jane et Alec, on évite de les croiser au maximum et surtout, on ne les contrarie pas. Mais en ce qui concerne le reste de la garde, il n'y a pas de peur. Seulement, ils ont des pouvoirs, quant nous n'en n'avons pas. Cela suffit à devoir marquer du respect.

Après, on les croise peu, rajouta Sofia. Ils font leurs missions et sinon leurs vies dans les étages. Ils ne descendent pas ici. On se croise seulement aux… banquets. En dehors de cela, les deux parties de la garde se côtoient peu. C'est pour ça… que tout le monde vous regarde un peu bêtement…

Un sourire m'échappa et je secouais la tête.

Si cela ne vous pose pas de problème, j'aimerais éviter le vouvoiement, repris-je et ils me regardèrent tous avec surprise. Mon pouvoir ne fait pas de moi un être exceptionnel, je ne l'ai pas gagné en démontrant la moindre qualité que vous n'auriez pas. Si un jour… je viens à faire partie de la garde principale, cela ne changera rien. Alors si vous voulez éviter de me mettre mal à l'aise… parlez-moi normalement.

Ils échangèrent un regard, avant d'hocher la tête simultanément. Oliver en profita pour passer à un sujet de conversation moins formel et avec une rapidité qui m'étonna moi-même, je pris plaisir à m'y mêler.

Peut-être plus facilement qu'avec la garde principale.

oOoOo

Quelques heures plus tard, je finis par me retrouver seule avec Gianna tandis que je l'accompagnais pour qu'elle prenne son poste de gardienne.

Je te trouve changée, fis-je dans un sourire tandis qu'on sortait sur les remparts du château, découvrant par la même occasion que la nuit était tombée depuis un moment sur la ville. Heureuse et épanouie, à ta place. J'en suis tellement contente.

Je te dois tout ça, répondit-elle et je secouais la tête mais elle hocha la sienne en posant ses deux mains sur mes épaules. J'aurais dû mourir, les choses étaient écrites comme cela. Après ton passage à Volterra avec ton frère et tes sœurs, après notre conversation, je m'étais résolue à mourir. Tes propos avaient su trouver leur cible et j'étais prête. Pourtant, les choses sont redevenues comme avant que tu ne partes. Jane a cessé de me persécuter, Félix s'est remis à me parler normalement. Et j'ai… surpris plusieurs fois Démétri m'éviter les foudres des jumeaux. Quand… ils sont arrivés tous les deux ce soir-là, trois jours après votre visite, j'ai compris que c'était la fin. Pourtant, ils m'ont accompagnée en bas, et m'ont laissée avec Tahir. Quand je l'ai vu… je t'avoue que j'étais moins décidée à mourir du coup…

Un rire un peu enfantin lui échappa et m'arracha un sourire.

Félix lui a donné l'ordre de me transformer, et lui a formellement interdit de me tuer sous peine de le laisser aux bons soins de Jane, reprit-elle et je l'écoutais attentivement. J'ai appris quelques mois après que lui et Démétri avaient intercédé en ma faveur auprès de Marcus. Ils ne l'ont pas fait pour moi, mais parce que j'étais ton amie. Notre amitié m'a non seulement sauvé la vie, mais elle m'a aussi octroyé le bonheur de trouver mon âme-sœur.

Tu le méritais amplement, fis-je avec douceur en serrant ses doigts. Si mon… existence a permit que tu obtiennes tout cela, j'en suis heureuse, mais tu le méritais entièrement, avec ou sans moi.

Je suis heureuse que tu sois de retour à Volterra, fit Gianna. Je n'étais pas… au courant du lien que tu avais avec Démétri. Mais j'avais… deviné suite à ma transformation. Je connaissais ta répulsion à devenir vampire, mais je te trouve aujourd'hui apaisée et plus calme, loin de celle que tu étais quand vous êtes venus sauver ton frère il y a quelques années.

Je souris de nouveau, avant de la laisser me serrer une nouvelle fois dans ses bras.

Il faut que je prenne mon tour de garde, ou bien je me ferais taper sur les doigts, fit-elle et je hochais la tête. Surtout… n'hésite pas à descendre quand tu le veux. Cela me fera toujours plaisir.

N'hésite pas non plus à monter, lui suggérais-je et elle grimaça. Ils ne te feront aucun mal.

Je sais, mais je ne suis pas à l'aise là-haut, fit-elle et je souris, compréhensive.

Serrant une nouvelle fois ses doigts, je tournais les talons pour rentrer à l'intérieur.

Le clocher sonna les douze coups de minuit, et je décidais de gagner ma chambre. Je ne dormirais pas, mais j'avais une pile de livres à lire, le programme ne me paraissait pas trop mal.

Rejoignant mon fauteuil contre la fenêtre, je me lovais à l'intérieur, me laissant glisser dans l'histoire que je lisais.

Je ne réalisais pas le temps qui passait, mais j'entendis des pas dans le couloir, ainsi que des murmures, reconnaissant les voix de Démétri et Félix qui devaient rentrer de leur tour de garde. Jetant un regard à ma montre, je constatais qu'il était deux heures et demi du matin.

Je ne fus guère surprise d'entendre des coups frappés à ma porte.

Entre, répondis-je en sachant que Démétri se trouvait derrière.

Il ouvrit la porte et pénétra dans la chambre. Bien que nous soyons ensemble, il n'avait jamais émis la moindre demande que l'on partage la même comme le faisaient les autres couples du château.

Une fois de plus, il me laissait la liberté de prendre mes décisions.

Rien d'anormal ? demandais-je en refermant mon livre et il secoua la tête, s'adossant contre la fenêtre.

Rien, répondit-il. Il y a une soirée à Volterra en contre-bas, c'est assez… ébahissant l'addiction des humains pour l'alcool…

Un sourire m'échappa et il leva un sourcil. Je me contentais de sourire et de me relever, me penchant au-dehors, constatant en effet que la plupart des humains qui marchaient dans la rue en contre-bas ne le faisaient pas de façon très droite.

C'est une manière comme une autre de décompresser, lâchais-je à Démétri en me redressant. J'avoue que parfois, cela me manque de ne pas avoir de moyen de me couper de mes pensées. Dormir ou boire, c'est une chance qu'ils ont de se couper de la réalité, de penser à autre chose.

Démétri me dessina un sourire moqueur et je levais un sourcil. Il se contenta de lever un sourcil avant de fixer à son tour à l'extérieur.

Quoi ? demandais-je, en plissant les paupières. A quoi tu penses ?

Nous ne dormons pas, et non ne sommes pas sensibles à toutes leurs… substances étranges, confirma Démétri. Mais il y a d'autres activités qui font le même effet.

Son ton était clairement explicite, de même que le regard qu'il me lança. N'ayant aucune envie de jouer l'innocente ingénue que je n'étais pas, je levais à mon tour un sourcil.

J'ai déjà testé depuis ma transformation, lâchais-je et je le vis serrer les dents. Mais je n'ai pas trouvé cela… si exceptionnel. Rien de très sensationnel.

Parce que ce n'était pas le bon, siffla Démétri, d'un ton à la fois furieux, et légèrement arrogant.

Oh ! lâchais-je d'un ton défiant sans même le vouloir. Ce devait être ça, il ne devait pas…

Démétri m'interrompit brutalement en me plaquant contre le mur, son visage à quelques centimètres du mien. Mes yeux vrillés aux siens, j'oscillais entre désir et défiance.

Je ne te donnerais jamais aucun ordre, souffla-t-il d'une voix sourde. Mais s'il te plait, évite de parler… d'un autre devant moi. Je peux contrôler beaucoup de choses… mais pas…

La jalousie ? demandais-je lentement, perdant mon ton défiant et je sentis à travers notre lien son désir à mon égard, ce qui me fit frémir.

Tu sais très bien ce que tu déclenches, souffla Démétri baissant encore plus la tête. Si tu continues, je ne…

Il s'interrompit brutalement quand je plaçais une main sur sa nuque, l'attirant à moi. Sans se faire prier, il captura mes lèvres des siennes, et je fermais les yeux, engourdis à la fois par ce que je ressentais moi-même, et ce qui déferlait par le lien qu'il y avait entre nous.

Il se plaqua contre moi, m'attrapant par les hanches avant de me soulever de terre, m'immobilisant contre le mur.

Je le sentis brutalement se raidir, avant qu'il n'interrompe notre baiser.

Si on continue, je ne contrôlerais plus rien, souffla-il, sa respiration artificielle hachée. Je ne veux pas…

Arrête, coupais-je fermement et il vrilla son regard au mien. Ce qui s'est passé, appartient au passé. Je te remercie de ta sollicitude, et de ton respect, mais arrête de toujours prendre des pincettes avec moi. Je t'ai pardonné, il y a déjà un moment, c'est fini. On est ensemble, à égalité Démétri, arrête de me traiter comme si je risquais de partir à tout moment. Je t'ai juré de rester à tes côtés, je ne reviendrais pas sur ma parole.

Je distinguais dans son regard un mélange de soulagement et d'incertitudes. Il n'arrivait pas à me faire entièrement confiance sur la question.

Je ne sais pas comment je pourrais te prouver ce que je viens de dire, murmurais-je. Mais commence déjà par me prouver ce que tu disais il y a quelques minutes.

Je le sentis frémir, avant qu'il ne repose ses lèvres sur les miennes. Son étreinte se fit plus douce tandis qu'il me reposait sur le sol.

Je n'avais pas menti. J'avais déjà eu des relations depuis ma transformation, mais jamais je ne m'étais sentis aussi bien dans les bras d'un homme. Comme si finalement, ma place était ici depuis le départ.

Ce fut cela qui me permit de lâcher prise, dans tous les sens du terme, sur ce qui me retenait réellement de m'intégrer ici. Cette sensation presque viscérale d'être à ma place, à l'endroit exact où mon immortalité devait me mener.

Ce fut la dernière chose à laquelle je pensais avant que mes pensées ne soient distraites par la douceur de ses mains et de ses lèvres.

J'étais à ma place.

AdalyneLane : merci à toi, j'espère que le chapitre t'a également plu. A bientôt.