Petit mot de l'auteure : ce texte a été écrit pour la 170e nuit du FoF sur le thème "Remugle" Le remugle c'est une odeur de renfermé
Fin saison 6
Le dernier morceau de Ramsay venait à peine de disparaître que Sansa se précipita dans sa chambre d'enfant. Durant tout son mariage, elle n'y était jamais rentrée ; Ramsay ne lui permettait pas de voguer à sa guise. Comme prisonnière dans sa propre demeure, elle était confinée à leur chambre conjugale ou à la salle de réception. Pouvoir regagner son ancienne chambre était une victoire, une preuve supplémentaire de cette vérité qu'elle avait encore du mal à réellement croire : Ramsay était mort. Elle avait gagné.
Elle ouvrit donc la porte avec joie. Malheureusement, celle-ci fut de courte durée. Très vite, le remugle de la pièce l'agressa ; la pièce était restée inoccupée depuis son départ pour Port-Réal, près de quatre ans plus tôt. Sansa supposait que dans les premiers temps, quand des Stark étaient encore maître des lieux, la chambre avait dû être entretenue. Les choses avaient dû changer sous l'occupation de Theon, avant de s'empirer sous celle de Ramsay. Sansa ne pouvait pas vraiment blâmer les domestiques ; cette chambre abandonnée n'était clairement pas leur priorité. D'une certaine manière, elle leur en était même reconnaissante. Toutes ses poupées étaient soigneusement disposée sur son lit, dans la même position qu'à son départ. Il en était de même pour ses livres, ses vêtements, ses jouets. Elle n'aurait pas été sûre de supporter l'idée qu'un tierce avait souillé jusqu'à ce lieu.
Et pourtant, quand elle avisa la bibliothèque veille et poussiéreuse, Sansa eut envie de pleurer. Comme en témoignait l'amas de moutons qui s'accumulaient sur les étagères, tout ceci relevait d'un temps ancien. Ces objets étaient les siens, elle les reconnaissait et pourtant, ils ne lui appartenaient plus vraiment. Ils étaient à une Sansa plus jeune, plus naïve, plus heureuse. La femme qu'elle était devenue n'en avait plus aucune utilité. Elle se sentait comme étrangère à sa propre vie.
Une angoisse terrible lui monta alors à la gorge. Elle qui avait pensé que lorsque Ramsay serait enfin mort tout reviendrait à la normale se prenait la réalité en plein visage : plus rien ne serait jamais normal. La normalité n'était plus qu'à l'image de ses poupées, une idée abstraite empoussiérée et dont même le chiffon le plus puissant ne parviendrait à retirer la crasse. Aussi fou que cela puisse paraître, elle se sentait encore plus dépassée que lorsque Ramsay était encore là pour la tourmenter. Durant les longs jours de supplice, elle avait pu garder l'espoir de connaître un futur meilleur. Et maintenant que ce futur était là, il n'y avait plus d'espérance, plus de foi, plus rien auquel se raccrocher, juste l'implacable réalité de ce passé mort et enterré.
C'est alors que la porte s'ouvrit. Sansa se figea totalement, retenant son souffle ; à chaque fois que Ramsay venait, elle essayait de se faire la plus petite possible. Ses tentatives de discrétion ne fonctionnaient jamais, bien entendu – mais le réflexe était resté. Elle ferma les yeux, se préparant au coup.
Celui-ci ne vint jamais. À la place, il y eu une main, douce et chaleureuse, qui vint timidement se poser sur la sienne.
- Sansa... Est-ce que ça va ?
Jamais Ramsay n'avait prononcé son prénom avec autant d'inquiétude et de douceur. Elle rouvrit donc les yeux, pour découvrir le visage de Jon. Elle eut alors envie de rire – non, elle n'allait pas bien. Mais rire était trop difficile. Parler aussi. Alors elle éclata en sanglots. Jon se rapprocha doucement d'elle, jusqu'à lui ouvrir ses bras. Elle s'y réfugia sans hésiter.
Et là, alors que ses larmes mouillaient l'épaule de Jon, Sansa songea fugacement que si elle n'allait pas bien aujourd'hui, il restait peut-être une possibilité pour qu'un jour elle aille mieux. Il suffisait que son frère soit là pour l'aider à y croire.
