Titre : Hope There's Someone
Auteur : lovePOEPLEandCOWBOY
Avertissement : contient certains sujets sensibles comme la dépression, le stress post traumatique, l'abus d'alcools et de drogues, l'homophobie, le viol.
L'idée m'est venue après avoir regardé le documentaire de Karl Zero : « un sur cinq »
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Ils sont dans un petit café sympa près du travail de Shun. C'est l'heure de midi mais Shun n'a pas commandé de plat. Il a ressenti une tension chez son amant, et il a bien fait aux vues des circonstances.
« S'il te plait, dis quelque chose ? » Supplie presque Isaak, nerveux. C'est le moins que l'on puisse dire après ce qu'il vient d'annoncer à Shun. Ce n'est pas tous les jours qu'on décide de rompre.
Shun regarde distraitement l'usure de la vieille table où ils sont assis. Il semble insensible à la nouvelle et soupire avant d'hausser légèrement les épaules. « Ça allait arriver de toute façon. »
La jambe d'Isaak cesse subitement de tressauter. La réponse plate et froide de Shun n'est pas une surprise mais il est malgré tout stupéfait par son manque de réaction. « Je suis soulagé que tu le prennes comme ça. » Dit Isaak peu convaincu. « On peut rester ami. »
Shun contient un rire qu'il dissimule derrière sa main avant de lever les yeux sur Isaak qui continue de parler :
« Ça te ferait du bien de parler à quelqu'un, tu sais. Tu es trop solitaire, tu ne te livres pas assez. Ce n'est pas bon, tu sais. »
Shun observe ironiquement son nouvel « ami » mais son esprit n'est plus là. Il est comme enveloppé dans du coton. Les paroles d'Isaak le touchent à peine, et de toute façon Isaak ne sait pas de quoi il parle. Le regard de Shun se perd sur le visage de l'autre et il boit oisivement une gorgée de sa boisson alors que Isaak continue sa litanie comme s'il avait trouvé une solution pour le sauver. Maintenant qu'il y réfléchit, Shun pense qu'Isaak est un imbécile. Il n'a pas besoin d'un ami. Il n'a pas besoin d'aide.
« Tu mérites d'être heureux, tu sais. » Lui dit sincèrement Isaak.
Shun le dévisage durant un instant et des mots s'échappent de sa bouche sans qu'il n'en aie vraiment conscience : « On t'a déjà dit que tu n'étais qu'un imbécile ?! » Avec cela, Shun se lève sans se soucier du choc évident sur le visage de son ex. Le moins que l'on puisse dire, c'est que Isaak ne s'y attendait pas.
« Tu m'offres le verre ?! Tu me dois bien ça. » Termine Shun avant de prendre ses affaires pour s'en aller définitivement.
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Shun qui voulait un peu de calme… On peut dire que c'est foutu. Il y a un boucan impossible de l'autre côté du pallier et Shun a juste envie de gueuler sur le nouveau voisin qui emménage mais il ne le fait pas. Il est peut-être orphelin mais il a quand même appris les bonnes manières. Cependant, il lui semble que le respect entre voisin doit être mutuel. Il est 23h45 et ce n'est pas une heure acceptable pour faire du bricolage, ou monter des meubles.
Après plusieurs longues minutes à patienter chez lui en se rongeant l'ongle du pouce, Shun se décide. Il va frapper à la porte du nouveau venu, juste en face de la sienne. Il est bien décidé à ne pas se laisser faire.
Il frappe plus fortement que nécessaire sur la porte pour se faire entendre par-dessus le boucan. Le bruit cesse immédiatement, suivi d'un râle de frustration et au bout de quelques secondes la porte s'ouvre sur un grand blond à la peau mat. Ses cheveux lui collent au front. Tout comme son t-shirt blanc couvert de crasse et de poussière.
« Shun, » Hyoga manque de souffle. « Qu'est-ce que tu fais là ? »
« Je- J'habite juste en face. » Répond bêtement Shun en désignant la porte derrière lui de son pouce.
Ça ! C'est une surprise.
La sidération s'évanouit.
Hyoga sourit tout à coup en réalisant que c'est bien Shun qui se tient devant lui : « Je suis content de te voir. »
Il a l'air sincère.
« Moi, aussi. Euh… » Shun recule avec l'intention de faire demi-tour, oubliant le pourquoi de sa venue. « Le bruit…je venais…Je crois…je vais te laisser t'installer.»
Hyoga le regarde partir (ou fuir) et lance : « Je te promets de faire moins de bruits. »
« Me-merci. »
Shun se précipite jusqu'à son appartement avant de refermer la porte derrière lui. C'est seulement quelques secondes plus tard, après avoir repris ses esprits, qu'il réalise sa connerie. Hyoga a dû le prendre pour le roi des imbéciles.
« Je me rattraperai la prochaine fois. »
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Shun a toujours aimé les garçons mais il ne l'avait pas réalisé jusqu'à ce jour où il se confie à Ikky pour la première fois. Couché sur le lit de son grand frère dans le dortoir des grands, il regarde rêveusement dans le vide et dit sans le moindre mal : « Je crois que je suis amoureux d'un garçon de mon dortoir. »
Shun revoit encore avec exactitude la scène dans sa tête. Ikky qui lâche subitement sa bande dessinée pour se redresser et le saisir brutalement par les épaules, jetant rapidement un coup d'œil méfiant autour d'eux avant de retourner son attention sur lui.
« Ne dis plus jamais ça ! » Grogne son grand frère en chuchotant, « Pas ici, tu comprends ?! »
Ikky ne s'emporte jamais contre lui. Pas comme ça. Chamboulé, Shun parvient seulement à hocher la tête, faisant de son mieux pour retenir ses larmes.
Shun n'osa plus jamais parler de sa vie amoureuse.
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Qu'il le veuille ou non, on finit toujours par le remarquer. Il ne fait rien de particulier pour ça.
Ce soir, Shun veut juste distiller sa journée merdique dans quelques verres de rhum. Accoudé au bar d'un café, il se sent un peu ivre mais pas assez. Il recommande un verre.
« C'est pour moi. » Dit un homme qui prend le tabouret juste à côté de lui. Shun soupire pour marquer sa contrariété.
L'homme décide de l'ignorer, « Ça fait un moment que je t'observe. On dirait que tu n'as pas trop le moral. »
Même si l'observation est juste, le type n'en a rien à foutre. C'est juste un prétexte pour l'aborder. Ce type a une idée derrière la tête, Shun n'est pas dupe. Il a assez d'expérience en la matière pour affirmer qu'il a déjà vu et subi tous les stratagèmes qui existent pour ne plus être surpris.
Shun boit une gorgée de son verre. « Et alors ? »
Shun aurait voulu déstabiliser son admirateur pour qu'il le laisse tranquille mais ce n'est pas ce qu'il se passe. Au contraire, le mec se met à rire doucement. « On dit qu'on doit se méfier des apparences. Je te pensais plus sympathique. Pour être honnête, je crois que je vais abréger ce baratin inutile pour en venir au fait : Tu veux qu'on s'amuse un peu ? »
Shun n'est pas assez ivre pour ce genre de situation. « Je ne comprends pas très bien. »
« Bien sûr que si. » Dit l'homme en posant sa main épaisse sur la cuisse de Shun qui se fige subitement. Il ne sait plus comment fonctionner. L'homme prend son manque de réaction comme un consentement et il remonte sa main, ses doigts venant se loger sur l'aine de Shun. « Tu pourrais aimer ça. » Susurre l'homme à l'oreille de Shun qui se sent tout à coup nauséeux de sentir l'autre homme si près de son visage. « Je connais un endroit discret. »
Shun sent ses doigts se resserrer sur le verre qu'il lève pour le finir cul sec. « D'accord. Je te suis. » Mécaniquement, il descend du tabouret alors que l'autre homme jette quelques billets sur le bar pour régler. Il attrape ensuite Shun par la taille pour lui montrer la direction à prendre. Shun se laisse entraîner sans la moindre résistance, une sensation désagréable venant déjà irriter les nerfs sous sa peau. C'est comme du papier de verre qui le gratte. Il a envie de vomir.
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Shun a parfois l'impression d'être perdu en plein océan. Attaché à un rocher qui ne cesse de le blesser à chaque mouvement des vagues. Il saigne et il a mal.
C'est un rêve étrange et incessant depuis que son cœur a été mutilé.
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Shun a mal au crâne mais ça ne l'empêche pas de tirer sur un joint, la tête inclinée vers le ciel pour regarder les étoiles. Il connaît ce petit bord de mer par cœur, c'est d'ailleurs pour ça qu'il a choisi d'y vivre. Elle a toujours eu un effet apaisant sur lui.
L'éclairage n'y est pas très puissant, ce qui donne une forme d'intimité le soir tombé. Il est dans son voisinage mais plus personne n'est dehors à cette heure de la nuit.
Shun a un peu désaoulé mais il a toujours la nausée. Encore plus quand il pense à toutes les parties de son corps que ce type a touché. Il a vraiment envie de vomir et il se frotte frénétiquement le cou pour faire partir les traces de suçons. C'est peine perdue et il le sait, alors il tire une plus grande bouffée sur le joint. Il espère que ça pourra effacer les souvenirs de cette nuit pathétique où le type a joui si vite qu'il s'est effondré à côté de Shun sans même se soucier de lui. Ce qui s'est avéré être un avantage, laissant à Shun l'opportunité de s'éclipser sans le réveiller. Shun a hâte de finir la nuit chez lui mais il se demande s'il pourra dormir.
Alors qu'il se rapproche de son immeuble, Shun remarque un gars assis sur les marches du bâtiment.
C'est Hyoga.
« Oh, Shun, » Dit Hyoga. « C'est toi. »
« Oui…juste moi. »
« Je ne disais pas ça…comme ça. » Répond Hyoga qui remarque l'odeur étrange qui s'étire autour de lui.
Shun a l'air un peu gêné. « Qu'est-ce que tu fais là ? A cette heure-ci ? » Demande-t-il à Hyoga avant de tirer sur les dernières taffes de son joint qu'il écrase avec difficulté avant d'avancer vers une poubelle devant l'immeuble.
Tout en répondant, Hyoga le regarde faire. « La vue du port m'avait manqué. J'ai passé tellement de nuit à en rêver. » Un silence et puis : « T'es défoncé ? »
« Un peu. »
Shun a conscience de l'image qu'il renvoie et il se sent répugnant tout à coup. Encore plus quand le regard de Hyoga semble s'attarder sur son cou. Shun se sent très mal à l'aise.
« Bon. On devrait rentrer. » Dit Shun en se dirigeant vers la porte du hall d'entrée. Hyoga trottine derrière lui sans rien dire. Shun ouvre une première porte, ensuite la seconde et il prend les escaliers sans se retourner sur son voisin qui ne dit pas un mot. A cause de son accent, Hyoga n'était pas le plus bavard quand ils étaient petits.
« Nous y voilà. » Dit Shun alors qu'ils arrivent au troisième étage. « La prochaine fois, profite de la vue depuis ta fenêtre. Ça t'évitera d'être enfermé dehors. »
Ils sont arrêtés devant la porte de Hyoga qui rigole. « Tu avais remarqué ?! » Ils sont arrivés mais Hyoga ne fait pas le moindre mouvement pour rentrer chez lui. Il reste là, bêtement à regarder Shun avec un petit sourire sur le visage. Le même sourire qu'il n'avait que pour Shun quand ils vivaient encore à l'orphelinat.
Une sensation étrange traverse Shun alors que la nausée le déchire encore. Il peut toujours sentir les mains sur son corps. Les râles dans le creux de son oreille. Il a envie de vomir. Shun s'éloigne vers la porte à l'opposé du pallier en sortant un trousseau de clefs de sa poche. « Bonne nuit, Hyoga. »
« Merci. Toi, aussi. Essaie de boire de l'eau avant de t'endormir. » Recommande Hyoga avant que Shun soit finalement chez lui.
Shun ferme la porte avec le sentiment bizarre que le monde s'est arrêté. Il se dirige dans la cuisine pour affonner la moitié d'une bouteille d'eau. Sa peau le gratte, l'irrite et il a envie de l'arracher. Cette impression ne le quittera donc jamais ? Dans sa douche, il frotte, savonne, parfume, exfolie mais rien ne fait disparaître la crasse. Il sort à peine satisfait pour se brosser les dents une fois, deux fois, trois fois… Le goût de cet homme dans sa bouche est toujours là.
Il est fatigué.
Il finit par abandonner.
Il n'y a rien à faire finalement.
A Suivre…
