Un immense merci, Moira-chan, pour ta relecture et ton avis ! Ça m'a bien rassurée ! Et merci de m'avoir motivée jusqu'au bout pour que je fasse ce texte ! :)
Personnages : Isagi/Michaël
Thèmes : perversion & meilleur
Croire en l'impossible
Le noir envahissait la pièce. Il ne suffirait que de quelques pas pour atteindre l'interrupteur, mais Michaël ne bougeait pas. Assis sur un divan confortable et luxueux, il ressemblait presque à une statue tant il était immobile. Seuls ses sourcils froncés et son regard en colère dégageaient de la vie. Face à lui, l'ordinateur repassait en boucle la même vidéo qu'il regardait depuis des heures. La cérémonie de remise du Ballon d'or. Celle où il n'avait même pas été nommé. Celle que Yoichi avait remportée. Pour la troisième fois en trois ans.
Un horrible sentiment ne cessait de se fondre au plus profond de sa peau. L'envie. La jalousie. Le désespoir. Ces dernières années avaient été un tel gâchis. Il avait lutté sans cesse pour tenter de prouver qu'il était meilleur que Yoichi. Même quand ce dernier avait fini par lui passer devant, Michaël n'avait rien lâché, persuadé que ce n'était que temporaire. Mais ça faisait trois ans maintenant que l'écart entre eux ne faisait que s'accroître. Aussi bien sur le terrain de foot qu'en dehors.
Peut-être que Michaël vivrait mieux la situation si Yoichi n'était pas devenu de plus en plus insupportable au fil de ses succès. Autrefois, Michaël aimait son côté fougueux, tout comme cette façon qu'il avait de changer de comportement en plein match. La passion les avait entrainés avec force. Dès lors que Yoichi était arrivé au Bastard München, leur relation n'avait cessé d'évoluer. Jusqu'à ce que la passion se transforme en amour. Ils avaient continué à se battre, à se disputer, à se taquiner, mais surtout, ils s'étaient mutuellement confié leurs failles, leurs incertitudes. Avec Yoichi, Michaël avait réussi à abaisser progressivement ses barrières. La façon dont Yoichi le regardait auparavant l'avait porté plus qu'il n'aurait pu le croire. Mais... Mais son regard avait fini par changer. Michaël n'était pas aveugle. Il voyait bien qu'au plus Yoichi devenait irrattrapable, au plus son regard sur lui était chargé de mépris. Comme s'il n'était plus digne de Yoichi. La bonne blague ! Il était Michaël Kaiser tout de même !
Pourtant, Michaël se souviendrait toute sa vie du regard que Yoichi lui avait lancé le jour où, dans un accès de rage, Michaël avait coupé toutes les mèches bleues de ses cheveux. Du pur dégoût avait aussitôt teinté les prunelles autrefois si belles de son amant.
Leur relation s'effritait donc de toutes parts. À présent, ils se touchaient à peine. Quelques fois, ils couchaient encore ensemble, mais ça ressemblait plus à un acte pour calmer leur frustration qu'à de l'amour. Et ce nouveau Ballon d'or n'allait clairement rien arranger. Michaël aurait dû être à ses côtés pour fêter son succès, mais Yoichi n'avait même pas daigné l'inviter. Pas comme si Michaël avait eu envie d'y aller, de toute façon ! Qu'il célèbre donc ça avec ses amis !
Mais alors que la vidéo afficha une nouvelle fois la réaction si joyeuse de Yoichi à l'annonce de sa victoire, Michaël bougea enfin. Dans un geste rageur, ses doigts se posèrent sur les roses bleues qui ornaient sa peau. Pourquoi ?! Pourquoi est-ce que ce n'était pas lui à la place de Yoichi ?! Et pourquoi est-ce que cet enfoiré ne le regardait plus avec joie, comme ça ?!
Enervé, Michaël ferma d'un coup sec son ordinateur. En plus de l'obscurité, le silence se répandit dans l'appartement. Merde ! Pourquoi continuait-il à supporter tout ça ?! Il devrait se barrer. D'ici. Du football. Ne s'était-il pas assez battu ? Un horrible goût de bile envahit sa gorge. Ce sentiment d'impuissance le ramenait aux années les plus sombres de sa vie. Il ne voulait plus vivre ça... Non, plus jamais... Michaël serra les poings lorsqu'il sentit les larmes lui monter aux yeux. Il ne pouvait... Il ne pouvait plus supporter cette situation…
Un bruit dans le couloir l'arracha soudain à ses pensées. Il releva aussitôt la tête et chassa ses larmes. Yoichi venait de rentrer. Michaël jeta un coup d'oeil à l'heure. Déjà trois heures du matin... Il n'avait pas vu le temps passer.
Lorsque Yoichi alluma la lumière dans le salon, il sursauta à la vue de Michaël. Ce dernier le fixa, sentant la colère revenir avec force dans son corps. Son coeur se fit si lourd à la vue de ce putain de Ballon d'or ! Le regard de Yoichi, quant à lui, se remplit d'une indifférence détestable. Il posa son stupide prix sur la table et se délesta de ses autres paquets dont Michaël ignorait totalement le contenu.
Le silence entre eux était terriblement oppressant, mais Michaël finit par afficher un horrible sourire.
« Des félicitations sont de mise, à ce que je vois. »
Son ton n'avait clairement rien de sympathique. Yoichi soupira, avant de s'approcher du fauteuil. Mais il garda une distance qui n'avait pourtant pas lieu d'être entre eux, mais qui symbolisait si bien leur relation en cet instant.
« Je pensais que tu dormirais. Si j'avais su que tu m'attendais-
—Tu aurais passé la nuit ailleurs, le coupa Michaël. Peut-être même chez cet enfoiré de Noa !
—Ne parle pas de lui comme ça ! siffla Yoichi.
—Si tu crois que je ne vois pas la façon dont tu le regardes... »
Le ton de Michaël se fit acerbe. Il n'était pas stupide, après tout. Bien sûr, Yoichi avait toujours admiré Noa, mais c'était différent maintenant. Plus le regard de Yoichi devenait méprisant quand il le posait sur lui, plus il rayonnait de bonheur quand il était sur Noa.
« Fiche-moi la paix, Michaël ! Je n'ai aucune envie de te parler ce soir !
—Pourquoi ? ricana méchamment Michaël. Je ne suis plus assez bien pour toi, c'est ça ?! Tu te crois si supérieur à moi ?! Avoue-le ! »
Le regard de Yoichi devint orageux. Le mépris se mélangea à la haine d'une façon... d'une façon que Michaël n'avait jamais connue.
« Oui ! explosa-t-il soudain. Je n'ai aucune envie de trainer avec un perdant comme toi ! Voilà, tu es content ?! »
Michaël cligna des yeux. Son coeur rata un battement.
« ... Le succès t'a vraiment perverti ! cracha-t-il alors. Pour qui tu te prends ?! Si Noa ne t'avait pas pris sous son aile, tu ne serais personne ! Tous tes putains de prix, tu ne les dois qu'à de la chance !
—Moi, au moins, je n'enchaine pas les défaites ! répliqua Yoichi avec hargne. Si j'avais su que tu deviendrais aussi faible, je ne me serais jamais intéressé à toi ! »
Sa dernière phrase claqua horriblement dans l'air. Michaël en eut même un sursaut. Quoi... ? Il regarda Yoichi avec de grands yeux, mais ce dernier lui tournait déjà le dos. D'un geste rageur, Yoichi prit ses clés et se dirigea vers le hall d'entrée. Trop abasourdi, Michaël ne tenta pas de le retenir. Il entendit ensuite la porte se refermer. Yoichi était parti. Michaël n'en revenait pas…
Ses mains se mirent à trembler. Non... Non... Il ne pouvait pas revivre ça... Pas encore... Le souffle court, il replia ses genoux sous son corps. Sans même s'en rendre compte, il se pencha ensuite en avant. Ses doigts trouvèrent alors sans peine le chemin de son cou. Il n'était pas comme ça ! Yoichi avait tort ! Il n'était pas un perdant ! Il n'était pas faible ! Il-
Un gémissement plaintif s'échappa de sa gorge. Il pensait s'être éloigné de tous ses tourments, mais il s'était trompé... Les larmes se mirent à couler sur ses joues, tandis que ses doigts se resserraient sur son cou. Il n'y arriverait pas... Il n'arriverait pas à se relever une deuxième fois. Peut-être que Yoichi avait raison. Raison de le mépriser, raison de le fuir. Michaël se dégoûtait lui-même. C'était insupportable !
Dieu, il était si fatigué... De sa propre attitude. De sa situation. Il n'en pouvait juste plus...
S'en même s'en rendre compte, l'épuisement prit alors le dessus. Ses doigts finirent enfin par lâcher son cou, même s'ils restèrent tout contre sa peau et Michaël sombra dans un sommeil sans rêve.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, il se sentit désorienté. Il lui fallut un moment pour se rappeler des évènements de la veille. Mais lorsque les souvenirs envahirent son esprit, une horrible nausée s'empara de son estomac. Il se redressa alors lentement et réalisa qu'une couverture avait été posée sur lui. Il ne l'avait pourtant pas la veille. Il passa une main sur son visage, avant de regarder l'heure. Il était déjà midi ! Comment avait-il pu dormir aussi longtemps ?
Un bruit soudain lui fit tourner la tête vers la gauche. Il aperçut alors Yoichi avec une tasse à la main. Ce dernier semblait mal à l'aise et évitait clairement son regard. Le coeur de Michaël se serra à la vue de son compagnon, se souvenant des mots terribles qu'ils s'étaient échangé la veille…
« Je t'ai fait du café, murmura Yoichi. Je me suis dit que ça te ferait peut-être du bien. »
Il posa la tasse sur la petite table. Il semblait si hésitant. Michaël n'aimait pas ça. Ses propres émotions étaient si confuses. Yoichi finit par s'asseoir à ses côtés sur le divan. Son regard n'avait plus aucune trace de mépris. Seule la tristesse baignait dans ses iris bleutés. Lentement, Yoichi leva sa main. Voyant que Michaël ne bougeait pas, il caressa ensuite doucement la peau meurtrie de son cou. Michaël frissonna. Depuis quand n'avaient-ils plus été aussi tendres l'un envers l'autre ?
« Je suis désolé, Mika... »
Michaël le fixa un long moment. Mais il finit par craquer. Il attrapa Yoichi et l'amena tout contre lui. Il enfouit son visage dans le creux de son cou. Aussitôt, il sentit les bras de Yoichi autour de son corps. Dieu, il se sentait si bien dans son étreinte si chaleureuse. La tension le quitta et il se laissa totalement alors contre lui. Yoichi resserra ses bras, le faisant se sentir en sécurité auprès de lui.
« Je n'aurais jamais dû te dire ça, reprit Yoichi d'une voix douce. Je ne le pense pas. Mais je suis tellement frustré ! Je vois bien que tu as baissé les bras, que tu n'essayes même plus de me vaincre...
—... C'est à cause de ça que tu me méprises ?
—Je ne te méprise pas ! Qu'est-ce que tu racontes ? Je t'aime tellement Mika... Mais j'aime aussi être le meilleur attaquant du monde. Seulement... je vois bien que c'est en train de te tuer à petit feu. Je savais que tu te sentirais mal si je remportais le prix hier, et pourtant... j'étais tellement heureux de le recevoir. Alors, tu vois, c'est moi que je méprise, Mika. »
Michaël ouvrit grand les yeux, ne s'attendant pas du tout à ce que Yoichi lui dise tout ça. Donc... à chaque fois que Michaël avait cru que Yoichi le méprisait, c'était en fait tout l'inverse ... ? Comment avaient-ils pu en arriver là ?
« Moi non plus, je ne pensais pas ce que je t'ai dit, finit-il par murmurer. Je suis désolé... Ne te méprise pas d'être le meilleur, parce que tu le mérites... »
Même si ça faisait mal, Michaël était bien obligé de le reconnaitre. Yoichi avait sué sang et eau pour atteindre son rang actuel. Même sans Noa, il y serait parvenu.
Les bras de Yoichi tremblèrent légèrement à ses mots. Il embrassa ensuite tendrement la tempe de Michaël.
« ... Je me doute que ça n'effacera pas nos problèmes, reprit-il ensuite d'une voix hésitante, mais... Je t'ai ramené quelque chose. »
Yoichi s'éloigna alors, faisant frissonner de froid Michaël. Heureusement, il revint très vite près de lui. Lorsque Michaël reconnut la boite qu'il tenait dans ses mains, il en fut surpris. Du colorant bleu...
« Je sais que tu souffres, mais… S'il te plait, Mika... N'abandonne pas... N'arrête pas de croire en l'impossible... »
Michaël resta un moment immobile, avant de hocher lentement la tête. Yoichi avait raison. Ça n'effacerait pas leurs problèmes, mais c'était sans doute un premier pas dans la bonne direction. Si Michaël parvenait à se retrouver lui-même, peut-être que ça irait un peu mieux...
Yoichi afficha un large sourire à sa réaction. Le coeur tremblant, Michaël posa alors la boite de colorant sur la table et se recoucha dans le divan, tout en amenant Yoichi avec lui. Son corps frémit lorsque Yoichi l'enlaça à nouveau. Posant sa tête contre son torse, Michaël inspira profondément.
« ... Bravo pour ton Ballon d'or. »
Les doigts de Yoichi se mirent à caresser tendrement ses cheveux.
« Merci Mika. »
Rien n'était réglé et pourtant, Michaël se sentait un peu plus léger. Se laissant aller tout contre Yoichi, il sentit la force revenir en lui. Oui... Il allait reprendre les armes. Et croire à nouveau en l'impossible.
Parce qu'il était Michaël Kaiser.
Mais surtout parce qu'il avait Yoichi Isagi à ses côtés.
