Chapitre 11 - Drago Malefoy, idiot inconscient
La dissertation sur la thérapie par la chaleur mis à part, Drago eut peu de contact avec Granger de tout le joyeux mois de mai. Ses collègues Aurors et lui étaient occupés par de nouvelles et passionnantes affaires criminelles à travers le pays (un sorcier qui avait soumis tout un village moldu à l'Imperium et vivait comme leur roi ; des loups-garous qui s'en prenaient à des bébés; un voleur à Gringotts ; quelques kidnappings, pour changer).
Mi mai, Drago était occupé à résoudre une affaire compliquée - un distillateur de Potions à Sheffield, installé comme ce qu'il appelait un "docteur de l'amour", vendant des Potions d'amour à des Moldus. Drago était en train de confisquer une réserve de potions et soumettre un Moldu à l'Oubliette quand sa baguette se mit à bourdonner pour l'alerter. Cette alarme en pariculier signalait que quelqu'un essayait de passer les protections de Granger. Et pas de son bureau ou de son laboratoire : de sa maison.
Drago en finit rapidement avec le Moldu et transplana jusqu'à la Cheminette la plus proche. Cela le mena au Mitre, d'où il transplana au cottage de Granger, baguette sortie et Désillusionné.
Entre l'alarme de sa baguette et son arrivée, Drago estima que trois minutes s'étaient écoulées. Mais c'était trois minutes de trop ; celui qui était venu fouiller était parti. Les sorts de détection de Drago n'indiquaient aucune présence humaine dans les parages à l'exception de la voisine Moldue de Granger, qui faisait la sieste.
Drago jeta un délicat enchantement de détection magique. Les protections autour de la propriété se mirent à briller avec éclat en réaction, mais il ignora ce fait pour examiner le terrain autour du cottage de Granger. Il tenait sa baguette en l'air quand il trouva ce qu'il cherchait : une trace légèrement visible dans l'air, laissée par un être qui avait utilisé de la magie quelques instants plus tôt.
La piste légèrement brillante s'arrêtait brusquement au milieu du champ derrière le cottage de Granger : un transplanage ou un Portoloin, peut-être.
Drago n'aimait pas ça. Ça pouvait n'avoir été qu'un sorcier curieux, ou même un voleur - c'était le meilleur des scénarios. Ça pouvait être aussi le premier signe que quelqu'un surveillait Granger et que la paranoïa de Shacklebolt n'était pas injustifiée.
Drago envoya un rapide message à Granger : Quelqu'un a essayé de passer tes protections. Il faut qu'on parle.
Quand Granger ne répondit pas tout de suite, il vérifia son emploi du temps. Elle était actuellement en train de donner un cours dans le Cambridge moldu.
Drago décida de la rejoindre là-bas - il était à côté, de toute façon.
Je viens te voir, écrit-il.
Toujours Désillusionné, il transplana au Trinity College.
Le cours de Granger était sur le point de se terminer. Drago n'eut que dix minutes à attendre devant la porte de la petite salle de classe. Une demi-douzaine d'étudiants en sortirent alors que, complètement invisible aux yeux des Moldus, il se glissa entre eux pour entrer dans la pièce.
Granger, inconsciente de sa présence, était en train de faire rentrer (sans baguette) des papiers dans une mallette. Elle portait un chemisier à fines rayures rentré dans un pantalon taille-haute - des pièces que Drago n'aurait pas immédiatement identifiées comme complémentaires, et pourtant, sur Granger, l'ensemble était plutôt flatteur.
Alors que le dernier étudiant sortait, Granger sortit son Carnet de sa poche. Cela fit étrangement plaisir à Drago de la voir ouvrir le Carnet et devenir visiblement intéressée en voyant que c'était un message de lui.
Elle lut le message et ses sourcils se rassemblèrent dans un froncement. Elle commença à rédiger une réponse. Drago supposa qu'il devait se signaler, car la vibration qui résulterait de son propre Carnet le trahirait bientôt.
Il se déplaça jusqu'en face d'elle et annula son Désillusionnement.
Granger eut une sort de cri d'exclamation, sursauta en arrière et trébucha sur sa chaise.
Drago la rattrapa par le poignet, l'empêchant de tomber complètement. Granger atterrit maladroitement sur la chaise.
Drago s'appuya contre le bureau et dit sur le ton de la conversation : "Tu sais, je regrette que tu n'aies pas saisi ta baguette et jeté un sort plutôt que de crier. Tu as vu mon message ?"
Granger n'était pas prête pour parler du message. Sa bague lui disait que son cœur battait à toute vitesse. "Tu viens juste de me foutre la trouille de ma vie ! Depuis quand es-tu là ? Préviens-moi, la prochaine fois !"
"Je t'ai averti que j'arrivais," dit Drago.
Ce qui était vrai, mais Granger avait néanmoins l'air irascible. "J'ai lu ce message une milliseconde avant que tu te matérialises devant moi comme le foutu Baron Sanglant."
"Ce n'est pas ma faute si tu étais trop occupée à conjurer des anticorps."
L'expression de Granger passa de fâchée à confuse. "Je - quoi ?"
Drago pointa le menton vers le tableau noir.
Granger observa le tableau, analysa son commentaire, leva son index, et dit, "Ce n'est pas ce que ça veut dire -"
Drago l'interrompit parce qu'il n'était franchement pas intéressé. "Je suis là pour parler de qui fouine autour de ton cottage. Et pourquoi."
Son interruption lui valut un regard acerbe. Cependant, Granger prit une grande inspiration et sembla réprimer les pulsions intempérantes qu'il avait suscité en elle.
Elle croisa les mains sur le bureau dans un fac-similé de sérénité. "Assieds-toi. Et raconte moi ce qu'il s'est passé."
Drago envoya un Collaporta vers la porte de la classe. Puis il fit léviter une chaise vers eux et s'assit dessus en face de Granger. Quelque chose dans cette situation fit changer le dynamique entre eux. Il était du côté étudiant du bureau, se sentant un peu comme s'il allait se faire interroger.
Elle croisa les bras et attendit, ses yeux fixés sur son visage. Le poids de l'entière attention du super cerveau de Granger pesant sur Drago, prêt à enregistrer ses informations et en tirer une signification.
"Une de mes protections a déclenché une alarme à l'arrière de ton cottage," dit Drago. "Quelqu'un essayait soit de tester la protection, soit de la désarmer. Je suis arrivé en quelques minutes mais il était déjà parti. Hominem Revelio n'a rien révélé excepté ta voisine, mais j'ai trouvé une trace magique de lui."
"Comment ?" l'interrompit Granger.
"Un enchantement de détection magique," dit Drago. "Un des miens."
Granger eut l'air intrigué mais sembla mettre ses questions entre parenthèses pour une discussion postérieure.
Drago poursuivit. "Si je me fie à sa taille, c'était certainement un sorcier ou une sorcière adulte. J'ai suivi la piste jusqu'au champ derrière ta maison. L'individu a transplané ou utilisé un Portoloin ; la trace s'arrêtait trop soudainement pour que ça soit en balai."
Granger se mit sur pied, sa baguette dans la main. "Est-ce que la trace est toujours là ? Je veux voir -"
"Non. Ça se dissipe rapidement. Je ne l'ai vue que parce que je suis arrivé que quelques instants après - et que je connaissais l'enchantement."
Granger se rassit avec une moue. "Et tu es sûr qu'il a interagit avec la protection ? Ce n'était pas juste le facteur ?"
"Évidemment ce n'était pas juste le facteur. Je suis alerté par les interactions magiques, sinon j'aurai des alarmes à chaque fois qu'un rouge-gorge se pose sur tes glycines."
"La voisine pourrait-elle avoir vu quelque chose ?"
"Elle dormait et était du mauvais côté de ton cottage. Et si cet intrus valait quelque chose, il était au minimum Désillusionné pour faire une balade dans le Cambridgeshire moldu."
Les doigts de Granger tapotèrent le bureau. "Tu as dit que les transplanages pouvaient être tracés. Ne pourrait-on pas tracer celui-là ?"
Drago trouvait lassant de se faire interroger comme un vulgaire étudiant, mais il supposa qu'il aurait dû s'y attendre de la part de Granger. "La rumeur - que tu ne tiens pas de moi - est que le Ministère trace les transplanages de certaines personnes d'intérêt spécifique. Je vais regarder, mais à moins que cette personne ne soit particulièrement vilaine ou intéressante, il n'y aura rien dans les enregistrements."
"Je regrette de ne pas avoir installé de caméras à la maison," dit Granger, semblant en colère contre elle-même. "J'en ai au laboratoire. Je vais rectifier ça immédiatement. As-tu vu quelque chose d'autre ? Des empreintes de pas ? Un bout de tissu ?"
Drago leva un sourcil sardonique. "Non. Ce n'est pas un film Moldu où les suspects laissent des indices bien pratiques. Maintenant, si tu as fini de m'interroger, Professeur, j'ai quelques questions moi aussi. Ou devrais-je attendre tes heures de bureau ?"
Granger se raidit visiblement à l'usage de son titre. "Eurk. Ne fais pas ça."
"Ne fais pas quoi, Professeur ?"
"C'est profondément troublant," dit Granger.
"J'aime plutôt ça."
Le Professeur lui jeta un regard noir.
"Tu as l'air fâché. Vas-tu me donner une retenue ?" demanda Drago.
"C'est l'université - on ne donne pas de retenues. Peut-on passer à tes questions ?"
Drago prit bien note de l'inconfort de Granger pour la prochaine fois où il aurait envie de la titiller. Peut-être qu'il enverrait son prochain message par Carnet sous la forme d'une dissertation à corriger.
Mais pour l'instant, boulot. "Le meilleur cas de scénario, c'était l'unique visite d'un voleur sorcier qui voulait voler des Gallions et qui a été effrayé par la protection. Mais on va traiter ça comme si c'était le premier contact d'une organisation possiblement hostile. As-tu insinué, récemment, à quelqu'un, que tu avais fait une découverte ?"
"Non," dit Granger, redressant les épaules et prennant l'air défensif. "Depuis la réaction disproportionnée de Shacklebolt, je n'ai rien dit. Le projet est entièrement auto-financé et a de toute façon toujours été sous le radar - attend, tu ne sais pas ce qu'est un radar - toujours été discret. Je n'en ai rien mentionné à mes amis ou collègues. J'ai plusieurs projets de recherche en cours - plus qu'assez pour justifier de mon temps."
"Alors pourquoi maintenant ? Pourquoi aujourd'hui ?"
"Je ne sais pas," dit Granger. "N'est-ce pas ton travail de découvrir ça ?"
"C'est ce que je suis en train de faire, Professeur." Pour cette remarque, Drago fut gratifié d'un regard noir. "L'incident a eu lieu il n'y a pas plus de vingt minutes, donc si tu veux bien me laisser le temps, plutôt que de m'interrompre -"
Granger éclata. "C'est toi qui parle d'interruption."
"Qui est Larsen ?"
"... Gunnar ? Comment as-tu -?"
Drago fit léviter l'emploi du temps de Granger vers elle. "J'en suis malheureusement venu à bien connaitre ton emploi du temps et c'est le seul élément nouveau de ces deux dernières semaines."
"Je l'ai rencontré quand - jeudi dernier ? C'est le directeur d'une entreprise pharmaceutique danoise. Ils développent une nouvelle sorte de médicaments. Des nanoparticules. Le potentiel clinique est extrêmement intéressant dans mon domaine."
"Donc c'est un Moldu ?"
"Oui."
Le bout des doigts de Drago tapait impatiemment sur le bureau de Granger. Ça ne l'avançait pas. "Et tu as été un modèle de discrétion, sinon ?"
"Oui. L'Auror qui me protège n'est même pas au courant."
"Oh, j'en suis bien conscient, ainsi que de sa frustration à ce propos." Les doigts de Drago tapèrent le bureau plus fort. "Ça rend bien plus difficile de savoir contre quoi diable je dois te protéger."
"Contre rien. Personne ne sait."
"Et pourtant, quelqu'un est venu à ton cottage aujourd'hui."
"Oui. Mais tu as dit toi même que ça aurait très bien pu être un cambrioleur qui rôdait." Même en répétant cette hypothèse, Granger avait l'air sceptique.
"Mais pourquoi spécifiquement ton cottage ?"
"Je ne sais pas."
"Je ne crois pas aux coïncidences, pas quand tu es impliquée."
"Moi non plus." Granger avait l'air aussi troublé que Drago à propos de toute cette affaire. Un de ses pieds bondissait sous son bureau, comme elle avait tendance à le faire quand elle était contrariée. Une fois de plus, cela rappela à Drago le mouvement agacé de la queue d'un chat.
"Si quelqu'un a laissé fuiter quelque chose, et qu'il y a des gens qui sont au aguets, cette situation n'est plus la même qu'en janvier quand on ne faisait que prendre des mesures de précaution. On appellera ça un incident isolé, mais si ça se reproduit, Granger, je vais avoir besoin de savoir ce que tu mijotes. Tu peux me soumettre à un Serment du Secret si c'est nécessaire."
"Je comprends. Et j'espère qu'il n'y aura pas d'autre incident. Je préfère que personne ne soit au courant de rien tant que je ne suis pas prête à publier. Tu me forceras probablement à me cacher ou quelque chose de tout aussi excessif."
Drago la regarda sérieusement. "Si tu penses que je vais devoir te forcer à te cacher, alors ça doit être quelque chose d'Énorme."
"C'est Énorme. Mais c'est aussi Bien. Mais ça va fâcher quelques personnes."
Son envie d'utiliser la Légilimancie était forte. L'Énorme et Bonne chose était à la surface de l'esprit de Granger en ce moment même. Elle n'Occludait pas, parce que à un moment dans ces derniers mois, elle avait commencé à lui faire confiance.
En fait, à cet instant, Granger était dans un état absolument vulnérable, son regard croisant ouvertement le sien. Elle attendait son réponse à une autre question. Il pourrait entrer dans son esprit et voir la chose avant qu'elle puisse Occluder, et alors il saurait. Elle serait furieuse et ne lui ferait plus jamais confiance, mais il saurait.
Drago, agrippant sa baguette dans sa poche, se rendit compte qu'il ne pouvait pas le faire. Il se dit que c'était parce qu'il ne voulait pas endurer les légitimes cris de colère qui étaient certains de suivre son action. Et que ça n'avait rien à voir avec le poids de cette nouvelle confiance, avec sa préciosité.
Granger se frotta les mains sur les bras, comme si elle avait froid. "Je trouve toute cette affaire inquiétante. Je n'aime pas ça. J'espère vraiment que ce n'était qu'un stupide cambrioleur."
"Si ce n'était pas un stupide cambrioleur, hé bien - les méchants savent maintenant que tu es bien protégée."
"Est-ce que c'est une bonne ou une mauvaise chose ?"
Drago haussa les épaules. "Les deux. Ça leur révèle que tu - ou le Ministre - es consciente des risques et que tu as pris tes précautions. Que tu es sous protection. Ca, ça pourrait leur faire peur. Ou ça pourrait les pousser à des manœuvres plus offensives."
"Je pensais plutôt à cette seconde possibilité," dit Granger, l'inquiétude lui faisant froncer les sourcils. "Cependant, j'ai la bague et je t'ai toi. Ce n'est pas rien."
Le sérieux non sollicité de cette affirmation donna envie à Drago de fuir la pièce. Pourquoi devait-elle lui infliger tant de sincérité ? Cela l'embarrassait.
"Je ne suis pas non plus une imbécile sans défense," continua Granger. "Crier et tomber sur les chaises à cause de toi mis à part. Et j'ai les meilleures protections qu'on puisse avoir sur un domicile. Enfin - sur la plupart des domiciles. Je suppose que pour les Manoirs et les Châteaux de la vallée de la Loire on est sur un tout autre niveau."
"Il y a des avantages à avoir une ancienne demeure," dit Drago. Il n'essayait pas d'avoir l'air suffisant, c'était la vérité.
Les énumérations de Granger à propos de sa sécurité semblaient l'avoir calmée, au moins - jusqu'à ce qu'elle se souvienne de quelque chose et demande, "As-tu vu mon chat ?"
"Non," dit Drago. "Mais je n'ai pas cherché. Je suis sure que le bougre va bien."
"Je ne lui dirai pas que tu l'as appelé comme ça," dit Granger. "Il vient juste d'arrêter de feuler quand je lui parle de toi."
"... Tu parles de moi à ton chat ?" demanda Drago, ne sachant pas si c'était un comportement étrange, ou normal pour Granger.
"Il aime être tenu informé. Aide le à décider quelle quantité de poils te faire manger."
"Dis-lui que je pense que c'est un animal convenable."
"Je le ferai."
"Le spécimen de demi-Fléreur le plus impressionnant que je n'aie jamais vu."
La bouche de Granger se tordit dans un sourire pour la première fois depuis le début de leur conversation. Elle se leva et se remit à remplir les papiers des étudiants dans sa mallette. "Je ferais mieux d'y aller."
Drago, lui aussi, se leva et fit flotter sa chaise à sa place. "Qu'est ce qu'un docteur de l'amour ?"
Regarder Granger réagir à des non sequitur devenait une nouvelle passion amusante, juste après Taquiner Granger.
Elle le regarda comme si elle devait forcément avoir mal entendu. "As-tu vraiment dit docteur de l'amour ?"
"Oui."
"Comment as-tu pu possiblement entendre parler de ça ?"
"Un vilain distillateur de Potions prétend en être un. Qu'est ce que c'est ?"
"Ils prétendent être capable d'aider les gens seuls à trouver l'amour avec les bêtises habituelles - lire dans les pensées, les cartes de tarot, les feuilles de thé. Ce sont des fraudeurs qui volent l'argent des personnes vulnérables."
"Hé bien celui là obtenait des résultats. Magiquement assisté, vois-tu."
"Non. Potions d'amour ?"
"Oui."
"Pour des Moldus ?"
"Oui."
"C'est horrible," dit Granger. "Il faudra garder un œil sur les pauvres victimes. Les Potions ont des effets très différents sur les populations non-magiques."
"Je sais. Les victimes sont surveillées par nos équipes médicales pendant deux semaines."
"Bien. C'était quoi comme potions ?"
"Je n'en ai aucune idée," dit Drago, remuant le sac dans lequel il avait fourré à la hâte les potions confisquées. "Je n'ai pas encore fait l'inventaire."
"Ooh, tu les as ?"
Granger jeta un œil. "De la contrebande ! Comme c'est excitant !"
Drago sortit quelques fioles sombres et sans étiquettes. "Je crois que les plus grosses sont des Breuvages de Cupidon. Les plus petites - Amortentia ?" Il fit sauter le bouchon de l'une des fioles et la tendit à Granger. "Est-ce que ça a l'air nacré à ton avis ?"
"Dur à dire," dit Granger, regardant dans la fiole sombre. Elle la passa sous son nez. "Ça ne sent pas comme l'Amortentia. Ça sent comme de l'eau de Cologne de luxe."
"Quoi ? Donne la moi," dit Drago, et il sentit à son tour. L'odeur ne ressemblait pas à de l'eau de Cologne pour lui, ça sentait le bonbon, avec des notes de café et de caramel, et derrière, quelque chose de fumé.
"Alors ?" demanda Granger, une main posée sur sa hanche. "Es-tu certain que tu n'as pas perquisitionné une parfumerie ?"
"Ça sent comme du café pour moi," dit Drago. "C'est de l'Amortentia."
Granger renifla la fiole une nouvelle fois. "Mais l'Amortentia sent comme de l'herbe coupée pour moi… ça c'est de l'eau de toilette* pour homme. Voyons voir sa couleur."
Elle métamorphosa l'un des papier sur le bureau en une assiette plate, sur laquelle elle versa une quantité de potion. Le liquide émergea de la fiole sombre, gloss chatoyant et nacré. Une légère spirale de vapeur s'en dégagea quand elle entra en contact avec l'air, confirmant sans aucun doute que c'était en effet de l'Amortentia.
Granger la fixa pendant un long moment, les bras croisés.
"Hé bien," dit-elle finalement. "C'est de l'Amortentia."
"Quand as-tu senti de l'Amortentia pour la dernière fois ?" demanda Drago.
"Euh… celle de la classe de Slughorn."
Le propre souvenir de Drago de cette expérience était vague : il se souvenait de l'odeur de citron, peut-être. La nouvelle version était plutôt bien. Une autre bouffée de l'odeur l'enveloppa : cette fois ça sentait comme le vaste ciel, l'eau de mer et une légère trace de quelque chose de propre.
"L'Amortentia est censée avoir l'odeur de quelque chose que tu trouves séduisant ou attirant," marmonna Granger. "Alors pourquoi…?"
"Pourquoi quoi ?"
"Qu'est-il arrivé à mon herbe coupée et mes parchemins neufs ?" demanda Granger. Elle avait un air accusateur, comme si Drago était personnellement responsable du changement.
"Tes goûts en matière d'homme ont évolué," dit Drago en haussant les épaules. "Tu peux prétendre à mieux que l'assistant du jardinier, certainement…"
Granger eut l'air irrité. "Ne soit pas condescendant. Est-ce que l'odeur a changé pour toi ?"
Drago observa Granger pendant un moment, estimant si oui ou non elle était digne de cette information personnelle. "Peut-être."
"C'était quoi avant ?"
"Je ne me souviens pas. Des bonbons au citron, ou quelque chose comme ça."
"Et maintenant c'est du café ?"
"Oui," dit Drago. "Et du caramel."
"Ça t'arrive de penser à autre chose que la bouffe ?"
"Non."
"Le romantisme est mort."
"Tu prêches un converti, Granger." Drago fit disparaître l'échantillon d'Amortentia que Granger avait versé. Puis il remis les fioles dans son sac. "Je vais aller chercher un café, et incidemment, mon âme sœur."
"Le café du rez-de-chaussée a une panna cotta café-caramel. Peut-être que ton âme sœur est une crème anglaise.
"Montre-moi."
Ils quittèrent la salle de classe ensemble et descendirent quelques étage jusqu'au rez-de-chaussée. Granger agita sa baguette en direction du torse de Drago pour cacher son insigne d'Auror à la vue ; ses robes noires par contre n'attireraient pas les regards des Moldus de Cambridge.
Elle le mena au petit café. Il ne restait qu'une panna cotta dans la vitrine.
"C'est un signe," dit Granger.
Elle la lui acheta (il n'avait pas d'argent moldu), et pris un cappuccino pour elle.
"Merci de me laisser partager ce jour spécial pour tous les deux," dit Granger, plaçant le dessert dans les mains de Drago avec une grande solennité. "Voilà pour une vie de joie et d'amour."
Puis elle lui tendit une petite cuillère en plastique. "Mon cadeau de mariage pour l'heureux couple."
Un peu sarcastique, parfois, cette Granger.
Ils sortirent du bâtiment dans le chaud soleil de mai. Drago, mangeant son âme sœur avec sa cuillère, vit venir sa revanche sous la forme d'un jeune homme bien charpenté en train de tondre la pelouse.
"Regarde, Granger - ton jardinier tond le square. Tu veux que j'aille lui parler pour toi ?"
"C'est une cour, pas un square. Et ne -"
"Salut," dit Drago au garçon baraqué. "Avez-vous un mobile ?"
"Euh - oui ?" dit le jardinier.
Drago saisit Granger par les épaules et se tint derrière elle. "Elle est un peu timide, mais ce Professeur ici présente aimerait vos numéros."
"Mes quoi ?"
"Vous savez," dit Drago, imitant Granger utilisant son appareil moldu.
"Oh !" dit le jardinier. "Mon numéro."
Granger dégagea les mains de Drago. "Ignorez-le," dit-elle au jardinier. "C'est un imbécile."
Le jardinier eut l'air confus, mais - à l'énorme amusement de Drago - plein d'espoir. Il observait Granger de la tête aux pieds. "Voulez-vous quand même mon numéro ?"
"Non. Je suis désolée pour le dérangement. Je vous en prie, continuez."
La mine du jardinier était défaite. "Très bien. Vous savez où me trouver si vous changez d'avis, Professeur … ?"
"Granger," dit Drago, pour aider.
"Ça ne sera pas nécessaire. Comme je le disais, cet homme est un imbécile."
Granger, avec une prise sur le coude de Drago qui tenait plus du pincement, les éloigna du jardinier, qui avait l'air très déçu.
Drago, se sentant comme s'il avait douze ans, ricanait intérieurement. "Le pauvre homme avait l'air affreusement triste, tu sais."
Granger était apparemment trop en rogne pour lui répondre.
"Dégoûté, Granger."
"Oh, chut."
"Où allons-nous ?"
"Dans un endroit où je peux transplaner et m'éloigner de toi."
Il y avait une alcôve ombragée derrière un massif d'arbustes qui semblait convenir. Granger sortit sa baguette et avec un dernier regard irrité pour Drago, transplana chez elle.
Drago, rigolant toujours, plongea sa cuillère dans son truc au café-caramel.
Ce fut alors qu'il découvrit que Granger l'avait métamorphosé en mucus de Veracrasse.
"Cette satanée sorcière," dit Drago.
