Stiles aurait aimé être capable de contrôler son corps et ses émotions dans leur intégralité. Il pouvait se contrôler, du moins partiellement, mais jamais il ne pourrait dissimuler ses réactions les plus instinctives, comme sa crispation lorsque l'individu posa sa main sur son épaule dans un geste amical. Un geste qui lui parut écrasant. Stiles sentit tout le poids de cette main sur son épaule. Ainsi, il était tendu comme un arc, luttant pour ne pas se ratatiner sur lui-même. Pire encore, il se sentait incapable de détourner le regard des yeux bleu acier de Peter Hale. Des iris qui le glacèrent. Pourtant, l'oncle psychopathe préféré de la meute ne semblait pas animé d'une quelconque colère : au contraire, il semblait… Heureux de le voir, lui, Stiles Stilinski. Pour se moquer, sans doute. L'hyperactif ayant une très mauvaise image de lui-même et de chacun des membres de la meute, décida instantanément de rester sur la défensive. Honnêtement, il ne savait pas si Peter était au courant de ce qui était arrivé récemment et, le cas échéant, il n'irait pas le lui dire. L'instinct de l'hyperactif le poussa à regarder derrière le Hale. Son sang se glaça d'autant plus. Il n'était pas seul. A une table pas si loin que cela se trouvaient Derek et Cora. Le dernier bastion de la famille Hale. D'un coup, l'horreur envahit le jeune humain. Même restaurant. Même hôtel. Même ville.
Il fallait qu'il s'en aille.
Tout de suite.
Mais il ne pouvait pas fuir, pas comme il aimerait le faire. Un loup-garou, ça courait plus vite qu'un humain. Se dérober. Il devait se dérober.
- Quel hasard… Railla-t-il en essayant d'adopter un ton égal.
- Effectivement, quel hasard, répéta Peter alors que l'étincelle de joie dans son regard s'éteignait doucement. Qu'est-ce que tu fais ici, loin de Beacon Hills ? La meute de notre chiot préféré a-t-elle des problèmes qui nécessitent une enquête loin de ses terres ?
Il parlait d'un ton presque moqueur, comme à son habitude. Un ton qui prenait une allure différente aux yeux de Stiles, maintenant qu'il était déchu. Sachant fort bien que le moindre mensonge serait détecté non seulement par Peter, mais également par les deux autres loups au loin, l'hyperactif réfléchit rapidement à ses mots. Si les trois lycanthropes n'étaient encore au courant de rien, il se devait d'en profiter et ce, au plus vite.
- Je suis ici pour des raisons personnelles, j'avais besoin de m'éloigner un peu, répondit prudemment le châtain d'une voix qui se voulait assurée.
Il n'aimait pas avoir à avouer cela, parce que cela constituait pour lui une forme de faiblesse… Mais cela ne comptait plus. Il n'avait plus aucun compte à rendre à qui que ce soit. Plus personne ne pourrait dévaluer son avis, ses raisons de faire telle ou telle chose, ses états-d'âme. Et surtout, la vérité lui permettait ici de ne pas se faire griller, pas tout de suite. En outre, il s'agissait d'un moyen de gagner du temps. Le mensonge ne pourrait que susciter la méfiance d'autrui. Même si Peter trouvait quelque chose à redire à propos de son odeur, Stiles avait de quoi se dérober. Il avait l'habitude d'utiliser certains aspects du vrai pour mentir. Parce que le mensonge revêtait plusieurs manteaux, celui de la vérité en était un.
Mais il savait que d'un autre côté, son cœur continuait de battre la chamade et il espérait que Peter n'y faisait pas réellement attention. Il avait toujours la main sur son épaule et ne le lâchait pas du regard.
- Et vous ? Se sentit obligé de demander Stiles. Qu'est-ce que vous faites là ?
Masquer son stress, sa nervosité, son angoisse… Cela n'avait jamais été aisé. Cette fois-ci, le défit était de taille parce qu'en plus de tout cela, Stiles avait peur. Peur, parce qu'ils faisaient partie de la meute qui l'avait renié et qu'il avait quittée. Les deux sens marchaient pour décrire ce qu'il s'était passé.
Peter lui apprit, en retrouvant le sourire, que Derek, Cora et lui voyageaient, dans l'optique de trouver un endroit qui leur plairait, un endroit où ils bâtiraient une maison. Le manoir Hale, en plus petit, et à l'écart de tout. Un havre de paix dont peu connaîtraient l'adresse. Qu'importe qu'il soit loin de Beacon Hills : le plus important, c'était qu'ils s'y sentent tous les trois bien. Après tout ce que le reste de leur famille avait traversé, ils méritaient bien cela. Stiles approuva cette idée des plus louables, même s'il nourrissait en son for intérieur l'envie et le besoin de fuir le plus loin possible. Toutefois, il s'efforça de faire bonne figure et de faire comme si tout allait bien. D'oublier comment il se sentait réellement.
Et pour cela, il dut aller saluer Derek et Cora. Il sourit timidement à l'un et à l'autre, discuta rapidement avec Peter avant d'enfin trouver l'occasion parfaite pour fuir. Cora, avec un sourire étrange, lui proposa de venir petit-déjeuner en leur compagnie et Stiles déclina, prétextant qu'il avait des choses à faire et qu'il avait déjà trop traîné. Il conclut par « une prochaine fois, peut-être ! » qui, fort heureusement, fit son effet. Tout était dans le peut-être. Une simple nuance pouvait éviter un complet mensonge et donc, le transformer en un semblant de vérité.
C'est alors qu'il put enfin sortir de cette salle d'un pas qu'il voulut léger et régulier. Mais dès lors qu'il se retrouva seul dans les couloirs de l'hôtel, il se mit à courir. Passant par l'accueil, il sut que la réceptionniste l'avait vu et regardé bizarrement. Pour tout dire, il s'en fichait. Sa fuite, c'était tout ce qui comptait pour lui à l'heure actuelle et maintenant qu'il pouvait la réaliser, il n'allait pas se priver. Ainsi, il arriva rapidement à son étage et déverrouilla sa porte en quatrième vitesse. De là, il s'enferma à clé. Stiles mit son sac sur son lit et rassembla ses affaires qu'il enfourna sans aucun soin à l'intérieur. Qu'importe si le peu de vêtements qu'il avait se retrouvait froissé, qu'importe s'il n'avait pas fière allure. Le plus important, c'était qu'il s'en aille. Impossible pour lui de rester dans cet hôtel si des membres de son ancienne meute s'y trouvaient aussi. Dans sa frénésie, il manqua d'oublier son traitement, mais le prit au dernier moment et l'enfonça dans une des rares poches vides de son sac. Stiles fit ensuite le tour de la chambre, de la salle de bain : ok, il n'avait pas l'air d'avoir oublié quoi que ce soit. Et puis au pire, tant pis. Tant pis également pour les nuits qu'il avait payées d'avance : il ne pouvait pas rester là.
Stiles referma la porte avec un empressement fou et se précipita vers la réception. De là, il rendit ses clés et sortit de l'hôtel aussi rapidement qu'il le put.
Quelques secondes plus tard, sa Jeep démarrait en trombe.
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Roscoe s'arrêta seulement à la tombée de la nuit à l'orée d'une nouvelle forêt, bien plus épaisse que toutes celles qu'il avait aperçues jusque-là. La prochaine grande ville était loin. Il avait bien traversé quelques villages, mais… Il était bien plus facile de se fondre dans la masse en présence d'une foule : un village, c'était trop petit. Et Stiles, qui avait littéralement roulé toute la journée, ne voulait plus jamais être trouvé. Peter, Derek, Cora… Les avoir croisés lui avait flanqué une peur bleue. Avec du recul, l'hyperactif se doutait bien qu'ils ne l'auraient pas agressé ou en tout cas, pas directement. Cependant, il ne les connaissait pas tant que ça et au final… Les trois Hale auraient peut-être fini par contacter Scott. Cette option-là était purement inenvisageable. Peut-être avaient-ils déjà passé leur coup de fil. En tous les cas, Stiles s'était éloigné autant qu'il avait pu, en prenant au départ des routes aléatoires, histoire que sa destination reste un mystère pour quiconque voudrait le retrouver. Enfin, il ne savait même pas où il pourrait s'installer, se poser… Il n'y avait pas encore réfléchi. Son mot d'ordre, c'était la fuite, alors le reste… Disons qu'il chercherait un endroit tranquille et qu'une fois qu'il se sentirait en sécurité, il s'arrêterait. Il allait falloir que ce jour arrive rapidement puisque… Merde, l'essence, ce n'était pas gratuit ! Et pourtant, il n'arrêtait pas de rouler.
Mais voilà, il fallait qu'il se repose. Chose qu'il comptait faire dans cet hôtel qu'il avait dû quitter à la hâte, parce qu'ils étaient là. Parce qu'il s'était arrêté au seul endroit qu'avaient également choisi les loups de son ancienne meute. Et c'était lui qui partait, encore. C'était toujours lui. Comme s'il était de trop, qu'importe l'endroit où il se trouvait. Un parasite. Celui dont on ne voulait pas. Cependant, ce n'était pas un incident de ce type qui irait le décourager : Stiles avait pour ambition de survivre, et il ne s'agissait pas là de paroles en l'air. Il mettrait tout en œuvre pour pouvoir refaire sa vie dans de bonnes conditions. Alors tant pis, il enchaînerait les kilomètres le temps qu'il le faudrait et le jour où serait certain de ne croiser aucun visage familier, il se poserait. Ensuite, on l'oublierait. Oh, on garderait sans doute une forme de rancœur envers lui. On avait déjà posé sur ses épaules le poids de tous les malheurs du monde. Mais viendrait un temps où le souvenir de son visage gentil s'effriterait dans les mémoires.
Stiles contempla quelques secondes la lune montante dans le ciel et frissonna lorsque son regard fatigué balaya la forêt dans laquelle il s'était légèrement enfoncé. Voilà qu'il se retrouvait à devoir dormir dans sa voiture à nouveau. Dans un endroit ni hostile, ni hospitalier. Tout était une question de chance, de moment. Sans doute ne se passerait-il rien cette nuit, mais peut-être qu'un drame aurait lieu la suivante : c'était ce qu'il se disait, car dehors, rien n'était prévisible. Mais Stiles se refusa d'avoir peur outre mesure. Sa rencontre avec les Hale l'avait terrifié sur place, alors pas besoin d'en rajouter, d'autant plus que rouler toute la journée l'avait complètement épuisé. Il fallait qu'il dorme, qu'il se repose. Ainsi, après s'être allongé sur la banquette arrière de Roscoe et avoir étalé sa couverture sur lui, Stiles ferma les yeux et s'efforça de faire le vide dans son esprit. Demain, il reprendrait la route, encore. Dans les jours qui viendraient, il devrait trouver un petit job, histoire de se faire un peu d'argent, de regagner la somme qu'il avait perdue en ayant déserté l'hôtel. Stiles fit de son mieux pour contenir cette angoisse qui le saisissait au corps alors même qu'il continuait, dans un sens, de foncer dans l'inconnu.
Il n'avait pas le choix, et il allait sérieusement falloir qu'il s'y fasse.
