La petite ville dans laquelle débarqua Stiles était mignonne. Mignonne, oui, mais il n'y resterait pas. En fait, il n'était que de passage, ne s'estimant pas assez loin de là où il avait croisé les Hale pour pouvoir s'y installer. Néanmoins, il s'il y avait une chose dont il était certain, c'est qu'il avait besoin de repos. Rouler autant, c'était épuisant, d'autant plus qu'il ne dormait pas très bien. Les sièges de sa vieille décharge n'étaient pas des plus confortables et à force, lui faisaient mal au dos. Certes, le pire, c'était ses cauchemars, mais… Il ne disait pas non à un peu de confort. Le problème, c'est qu'il n'avait plus beaucoup d'argent : il entamait ses dernières réserves. Cependant, Stiles n'hésita pas longtemps. Foutu pour foutu, il allait la jouer quitte ou double.
Ainsi, il prit une chambre dans un hôtel en bordure de la ville pour trois jours – ces trois jours dont il aurait déjà dû profiter auparavant. Par chance, le prix était bas, assez pour qu'il lui reste de quoi se payer un peu à manger. Cependant, se trouver un petit boulot devait devenir sa priorité et l'hyperactif se promit de commencer à chercher quelque chose le lendemain. Débrouillard, il pouvait tabler sur beaucoup de choses, y compris les services à domicile. Si des particuliers avaient besoin de bras pour du ménage, de la plomberie, de la mécanique ou quelque chose d'autre… Stiles pouvait faire l'affaire, tant qu'il était payé.
Mais pour l'heure, il avait besoin de se reposer. Pour de vrai. De s'allonger dans un vrai lit, celui qu'il aurait dû continuer d'occuper précédemment si les Hale ne s'étaient pas trouvés dans le même hôtel que lui. Une nuit, ce n'était pas assez, d'autant plus qu'elle avait été mauvaise. Elles étaient toujours mauvaises. Néanmoins, il finirait tout de même par mieux dormir : n'importe quel matelas se révèlerait plus confortable que la banquette arrière de Roscoe, dont la rudesse lui occasionnait de fréquents réveils hors cauchemars. Alors voilà, après deux jours à rouler et deux nuits supplémentaires à dormir dans sa voiture, Stiles s'autorisa le droit de se sentir heureux. Il ne l'était certes pas vraiment, néanmoins… Ce nouvel hôtel était un espoir pour lui, non pas la lumière mais une petite lueur au bout du tunnel. Et cette lueur… Il en avait besoin. Seul dans cette aventure, il devait absolument s'attarder sur les victoires de son parcours, même si elles paraissaient minuscules. Il n'avait que ça pour garder un semblant de moral.
Ainsi, une poignée de minutes plus tard, Stiles se retrouva dans une chambre un peu miteuse, mais qu'il accepta tout de même avec plaisir. Dans sa situation, il n'avait pas l'intention de faire la fine bouche, d'autant plus que ce serait toujours mieux que l'habitacle de la Jeep. Puis… Il pouvait bien faire l'impasse si le ménage n'était pas fait correctement, si les vitres étaient sales, s'il avait trouvé quelques insectes morts dans la salle de bain. Pour le coup, il fut même heureux de tout nettoyer. De fait, chacune des chambres de l'hôtel était équipée de matériel à cet effet.
Au moins, les draps étaient propres, pas besoin de les changer. Le lit fut donc l'une des seules choses qu'il n'eut pas à toucher. Ici, ce n'était pas cher et il s'agissait d'une information que Stiles avait aisément retenue. Les prix que proposait cet hôtel étaient réellement intéressants : bien évidemment, la qualité discutable des chambres y était pour beaucoup, mais ça dépannait. Stiles y retournerait sans doute s'il avait un souci plus tard. Après tout, sa nouvelle vie commençait à peine. Le repérage, quel qu'il soit, était donc important et c'était d'autant plus vrai qu'il partait de rien, qu'il recommençait tout à zéro.
Une fois sa longue session de ménage terminée, Stiles prit une bonne douche. Si l'eau était froide, il n'en eut cure : au contraire, il alla d'autant plus vite. Une fois lavé, rincé, séché et habillé, Stiles se brossa les dents et partit directement se coucher. Cette fois, il eut l'esprit tranquille. Il avait beaucoup roulé et longtemps, ne s'accordant que de courtes sessions de sommeil avant de repartir, et ainsi de suite. On ne devait pas le retrouver. Forcément, il avait mis toutes les chances de son côté. De toute façon, il n'aspirait pas à grand-chose, si ce n'est à une vie tranquille.
Et cette vie, elle commençait dans ce lit. Cette fois, il était seul. Pas un loup de son ancienne meute ne pourrait se trouver dans la même ville que lui. Autrement, il verrait ça comme un signe du ciel que celui-ci était définitivement contre lui. Contre son bonheur. Sauf que… Merde, il avait toujours tout fait pour les autres, allant jusqu'à se négliger au point de se mettre en danger et ce, à de nombreuses reprises. Qu'on lui dise, s'il ne méritait rien d'autre que le malheur ! Il ne s'échinerait alors pas autant pour s'en sortir… Mais son long trajet – un peu hasardeux par ailleurs –, était pour lui porteur d'espoir.
Et il s'y raccrocha lorsqu'il ferma les yeux.
Si sa nuit fut, comme toujours, mouvementée, Stiles se sentit un peu mieux à son réveil. Sans doute était-ce grâce au fait qu'il se savait seul et, par conséquent, tranquille. Ainsi, il se leva et même si son pyjama était humide de sueur, peu importe. Il prit une douche rapide et s'habilla.
La chambre disposant d'un étendoir et de tout un tas de produits pour se débrouiller, Stiles lava ses vêtements sales à la main et les étendit dans le silence le plus complet. Ce dernier ne le dérangeait pas : l'hyperactif pensait trop pour se soucier d'un détail aussi insignifiant. Une fois son linge à jour, le jeune homme fit de son mieux pour mater sa courte chevelure éternellement en bataille. Elle était comme lui, indomptable. Il pourrait mettre du gel, s'il en avait. Mais il détestait ça. Lui, ce qu'il préférait, c'était se sentir libre et le gel… Il n'aimait ni la texture, ni l'effet que ça faisait. Alors, c'était non. Néanmoins, Stiles réussit à obtenir quelque chose de potable. Il se passa de l'eau froide sur le visage et tapota énergiquement ses joues, avant de se saisir de son portefeuille et des clés de sa chambre, qu'il fourra dans sa poche.
Il était prêt à aller se vendre. De l'argent, il lui en fallait et vite. Alors, il fit l'impasse sur le petit-déjeuner, qui de toute manière n'était pas compris dans la réservation. Il s'agissait pour lui d'une motivation supplémentaire à dépenser le moins possible. Pour le midi, il se débrouillerait.
Stiles regarda l'heure sur son téléphone : neuf heures. Il grimaça. A la réflexion, peut-être qu'il aurait dû se lever plus tôt… De toute manière, sa recherche s'étalerait sans doute sur une bonne partie de la journée. Stiles ne comptait pas chômer. Il avait du pain sur la planche.
Ainsi, il passa les deux premières heures de sa matinée à faire le tour des petits magasins de la ville. Pour le coup, il n'avait pas eu le temps de faire quelque CV que ce soit tant son départ de Beacon Hills avait été précipité, mais ce n'était pas grave. Méthodique, Stiles nota au fur et à mesure sur un petit carnet les adresses qui ne l'avaient pas complètement refusé lorsqu'il s'était présenté. Pour certains, le passif importait peu. Au moins, l'hyperactif se montrait spontanément, n'hésitant pas à se vendre directement à ces gens-là.
Et le pire, c'est que cela marcha au point qu'un certain nombre d'entre eux prit ses coordonnées. Parce que Stiles était quelqu'un de spécial, de lumineux. Même dans le malheur il dégageait une énergie folle et l'on voyait sa débrouillardise dans ses gestes et son bagou. On aima rapidement son sens de l'humour et si certains furent un peu rebutés par son hyperactivité, d'autres y virent là une opportunité. Parce que Stiles aimait se dépenser. Plus que ça : il en avait besoin.
Mais bien sûr, Stiles revint à l'hôtel aux alentours de midi sans aucune certitude. Si l'on avait pris son numéro à de nombreuses reprises et qu'on avait prit le temps de parler avec lui et de le laisser parler, il n'était pas dupe. Il savait qu'il n'avait pas de grandes chances d'être appelé, mis à par dans un ou deux bars qui acceptaient les lycéens dans son genre. Ceux-ci ne semblaient pas être extrêmement fameux mais si ceux-là venaient à le contacter, Stiles ne ferait pas la fine bouche. Il avait besoin d'argent, besoin de recommencer sa vie et accessoirement d'essayer de garder la chambre le temps qu'il puisse avoir quelque chose de mieux. Il fallait absolument qu'il profite de ce prix on ne peut plus bas le plus longtemps possible – tant qu'il n'avait pas de salaire.
Stiles repartit faire son démarchage après avoir grignoté un petit quelque chose, histoire de tenir jusqu'au soir. Son but s'il se faisait embaucher quelque part ? Obtenir une avance pour couvrir la suite des frais de son logement provisoire. Et manger un peu mieux. Plus souvent, aussi. En fait, retrouver une bonne hygiène alimentaire serait plus juste. Lui-même le désirait. Pour l'instant, il continuait de ressentir le contrecoup du stress éprouvé ces derniers jours et la fatigue aidant également, il n'avait pas trop faim. Mais viendrait un moment où il devrait faire attention à ne pas se négliger. Commencer une nouvelle vie, c'était bien : encore fallait-il le faire correctement. Et il le voulait, sincèrement.
Stiles enchaîna les bars, les petits magasins, comme au petit matin. De nouveaux refus complets, d'autres partiels seulement. Quelques semblants d'acceptation, aussi.
Mais beaucoup de regards sur sa personne. Des regards étonnés, chaleureux, et d'autres. Méfiants, hostiles, menaçants. S'il y fit attention ? Pas le moins du monde, même lorsqu'il pénétra dans un restaurant dont le nom laissait à penser que celui-ci servait de la nourriture asiatique. Sans doute aurait-il dû faire attention au fait qu'il entrait à l'intérieur du « Loup de Jade ». Stiles décida de ne faire aucun lien entre ce nom et le monde surnaturel qu'il avait tout fait pour quitter. Ainsi, il ne fut pas aussi attentif qu'autrefois. Ne fit pas attention à l'air « sauvage » de certains clients. De leur air hostile. Stiles se fichait de la manière dont on pouvait le regarder car tout ce qu'il voulait, c'était postuler, se trouver un petit job. Gagner sa croûte.
Alors, il alla se présenter à l'un des serveurs mais alors qu'il allait expliquer la raison de sa visite, l'homme lui dit sèchement que la patronne était absente, avant de retourner à son service. Un peu surpris et quelque peu fatigué, Stiles ne comprit pas tout de suite qu'il s'agissait d'une demande peu polie pour qu'il s'en aille. Enfin, plutôt d'un ordre sous-entendu. Peu désireux de s'attirer les foudres de qui que ce soit, il mit de côté son faible ego et choisit d'obtempérer.
Oui mais voilà, le temps qu'il avait mis à saisir fut silencieusement prit comme une menace. Parce qu'il n'avait pas obéi tout de suite.
Mais surtout, il puait le loup-garou.
