Chapitre 8 : La danse des dragons.

À peine avait-elle accepté de travailler au département de protection et de régulation des créatures magiques qu'elle eût entre les mains un planning. C'était à croire que Lady Griffacier et M. Dragonneau savaient déjà à l'avance qu'elle travaillerait avec eux. Qu'ils aient calculé leur coup ou non, Hermione s'en moquait, elle était aux anges !

Quand elle rentra, elle courut jusqu'au bureau de Severus, se moquant qu'une Lady fusse censée marcher. Qui la jugerait de toutes façons ? Les domestiques étaient tous tellement adorables qu'elle fut certaine qu'ils ne la jugeraient pas. Elle était d'ailleurs pressée de leur annoncer à eux aussi, mais après !

- Severus vous ne devi…

Hermione venait d'ouvrir la porte du bureau à la volée mais se figea. Il était bien là et avait d'ailleurs sursauté en entendant la furie entrer dans son bureau, mais il ne fut pas le seul dans ce cas-là. Lady Malefoy la regardait avec de grands yeux outrés face au comportement de la jeune femme.

- Eh bien, quelle entrée, dit-elle finalement.

Autant les domestiques ne la jugeraient jamais, autant ce n'était pas le cas de la blonde face à elle actuellement. Hermione se redressa, certes trop tard pour paraître aussi classe que son homologue, mais elle tenta de retrouver contenance non sans se sentir rougir.

- Bonjour Lady Malfoy, se contenta-t-elle de répondre.

- Je vois que vous me connaissez déjà, je n'ai pourtant pas ce plaisir.

Cela sonnait totalement faux mais ce qui agaça le plus Hermione, ce fut quand la blonde eut l'audace de regarder son époux :

- Ainsi donc tu parles de moi à ton épouse Severus ?

- Pourquoi ne le ferais-je pas ? demanda-t-il en haussant les épaules.

La lionne en elle voulut sortir les griffes sans trop savoir pourquoi. Mais une chose était certaine, Hermione détestait qu'une pimbêche appelle Severus par son prénom et le tutoie de surcroit ! Elle les avait déjà entendus parler ensemble mais le souvenir de cette discussion n'était pas le plus approprié pour calmer son agacement, pire encore, aujourd'hui ils le faisaient face à elle sans la moindre gêne et Hermione trouvait cela à la fois indécent et incorrect :

- Puis-je savoir ce que vous faites ici ?

- Je viens rendre visite à votre époux, répondit-elle sans détour. Je constate que vous avez déjà terminé au ministère.

- Et vous profitez donc de mon absence et de celle de votre époux pour venir ici ?

Lady Malfoy haussa un sourcil surpris et regarda Severus, semblant prête à se plaindre. Il ne lui en laissa pas l'occasion :

- J'ai été très heureux de t'avoir vu Cissy, mais je crains de ne pouvoir te donner une réponse tout de suite quant à ta question. Ne t'en fais pas, je vais y réfléchir ! Mais pour l'heure, je pense que ma femme voudrait me faire part d'une bonne nouvelle.

- Hum, je vois, répondit la blonde avec l'air perplexe. Bien, je vous laisse donc et vous souhaite un bon après-midi. J'attends ta réponse Severus, quelle qu'elle soit !

Inclinant la tête pour saluer Severus, elle ne prit pas la peine de le faire pour Hermione et partit simplement. Une fois seule avec son mari, elle le regarda tandis qu'il s'asseyait derrière son bureau :

- Alors, cet entretien ?

- Pourquoi était-elle ici ?

- Si je ne vous connaissais pas, je penserais que vous êtes jalouse !

- Pourquoi le serais-je ? Je veux uniquement savoir ce qu'une Lady fait chez nous pendant mon absence, c'est tout !

Severus ne sembla pas convaincu mais garda son calme pour répondre :

- Elle doit se rendre en France dans quelques jours et elle est venue me demander de l'accompagner, son niveau dans cette langue étant proche du néant.

- Ne peut-elle pas se payer un interprète ?

- Si, mais elle connait mon intérêt pour ce pays et il nous est déjà arrivé plus d'une fois de nous y rendre ensemble. J'ai à plusieurs occasions pu faire de bonnes affaires avec des montures ailées là-bas.

- Cela ne pose pas de problème à son époux ? dit-elle, choquée.

- Je ne vois guère quels désagréments cela peut poser alors qu'il y a d'innombrables serviteurs qui accompagnent sa femme. Mais il semblerait que cela vous en pose à vous.

- Je n'ai aucun problème, vous faites bien comme vous voulez, marmonna-t-elle en croisant les bras devant elle. Je me posais seulement la question !

- Soit, vous avez donc vos réponses. Et, si jamais cela vous intéresse de le savoir, je vais décliner sa proposition. La France attendra vos prochains congés ! Maintenant, asseyez-vous et dites-moi plutôt quel genre de planning vous a préparé Lady Griffacier !

Hermione refusa de s'assoir et resta donc debout, la tête haute. Il était hors de question qu'elle se pliasse à la volonté de son mari, sous prétexte qu'il se montrasse gentleman. Elle allait même lui répondre mais se rendit compte d'un détail surprenant :

- Je ne vous ai pas encore parlé d'elle !

- Certes, mais je suis certain que son offre vous a plu.

- Comment…

- Elle est venue me demander mon accord oral concernant un emploi de terrain.

- Oh…

- Je me voyais mal vous empêcher de faire un travail dans lequel vous vous êtes déjà illustrée sans même être payée pour. Néanmoins… je vous demanderais d'être prudente !

- Ne le suis-je pas toujours ?

Severus se pencha en avant vers son bureau, y posa ses coudes et croisa ses mains face sous son menton :

- Suis-je obligé de répondre à cette question ?

- Il vaut mieux vous abstenir, en effet.

Cette fois, elle s'autorisa un sourire en coin. Il semblait commencer à la connaître un peu. Sur ce constat, elle ne sut pas si elle devait s'en réjouir ou craindre le pire, néanmoins, elle s'installa pour lui parler. Son envie de discuter était bien trop forte de toute façon, elle aurait donc le temps de s'en inquiéter une autre fois.

Quoi qu'il en fusse, dès le lundi suivant, elle commença une formation.

Cela faisait deux semaines qu'elle avait commencé son tutorat et tout se passait très bien. Elle avait même eu la grande joie de revoir Harry et Ron au sein du ministère. Ils n'avaient pas changé et étaient toujours aussi gentils, drôles et surprotecteurs. Ils auraient préféré qu'elle prenne un poste de secrétaire, bien entendu, mais ils savaient comment était leur amie ! Ils furent néanmoins surpris d'apprendre que Severus avait accepté de la laisser devenir agent de terrain, ce n'était pas un poste prisé par les Lord ou les Lady, bien au contraire. Pourtant, son mari avait été sincèrement content pour elle, elle en était certaine. En tout cas était-elle heureuse et fière d'elle, d'autant que tout son entourage lui avait écrit pour la féliciter avec tendresse, même ses anciens professeurs de Poudlard.

Enfin, après ces deux semaines de formation, elle le savait, elle allait commencer les choses sérieuses dès la semaine suivante. Le vendredi soir, pendant le dîner, Severus demanda à Hermione comment avait été sa journée, comme il le faisait maintenant chaque soir :

- Je vais avoir ma première mission dès lundi, dit-elle avec un large sourire.

- Savez-vous d'avance ce que cela sera ?

- Je crois que nous allons faire plusieurs contrôles d'animaleries avec Rolf et deux autres collègues.

- Rolf ? s'étonna-t-il.

- Oui, mon chef d'équipe, Monsieur Dragonneau, vous savez, le petit fils de Norbert et…

- Oui, je sais…mais depuis quand l'appelez-vous par son prénom ?

- Oh eh bien, il m'a demandé de le faire aujourd'hui, comme je commence sur le terrain lundi. Tout le monde s'appelle par son prénom au sein du groupe.

Hermione était heureuse, mais elle se rendit compte que ce simple détail semblait ennuyer son mari. C'était finalement un juste retour des choses ! Retrouvant tout de même une certaine modération dans sa joie, elle ne put s'empêcher de faire l'ingénue :

- Cela vous ennuie ?

- Non, se défendit-il vivement avant d'expliquer plus doucement, c'est juste que vous avez mis bien plus que deux semaines pour m'appeler par le mien !

- Si je ne vous connaissais pas, je pourrais croire que vous êtes jaloux.

Le regard noir qu'il lui lança valait le coup et la lionne ne retint pas un sourire amusé. Il n'était pas du genre jaloux, clairement, mais il était en revanche assez - voire extrêmement - susceptible.

- Vous savez qu'il y a une fête au village ce weekend ? changea-t-elle de sujet non sans être toujours de bonne humeur.

- La célébration des Dragons, hum, je suis au courant.

- Allons-nous y aller ?

- Pour ma part, je ne compte pas m'y rendre.

Il avait dit cela en se resservant du rôti, comme s'il s'agissait d'une évidence. En même temps, cela aurait sûrement dû l'être, il n'était pas du genre à sortir pour ce genre de festivité de village. C'était dommage, elle aurait apprécié s'y rendre.

- Vous pouvez y aller vous savez, dit-il en la regardant. Je crois que Raphaël et Ann comptent y mener les jumeaux dimanche. Je ne doute pas un instant qu'ils seraient ravis que vous vous joignez à eux.

- Je ne veux pas m'imposer à une sortie en famille, fit-elle remarquer. Non, je resterai au manoir, j'ai encore mon livre sur l'histoire de la région à finir !

Severus n'insista pas et tous deux continuèrent le repas en parlant de sujet plus banals.

Finalement, le dimanche matin, en voyant que le temps était plus doux que jamais, Hermione regretta de ne pas avoir accepté de partir à Sharpstone avec Raphaël et Ann. Elle retint un soupir alors qu'Emily la coiffait en lui racontant quelques histoires du monde que seuls les domestiques pouvaient savoir. Par la suite, se dirigeant à la salle à manger, elle sursauta en entendant un toussotement.

- Vous m'avez fait peu…

Hermione ne termina pas sa phrase alors qu'elle vit son époux. Déjà parce qu'elle était surprise qu'il ne soit pas déjà à table, mais surtout en constatant qu'il était en tenue d'apparat officielle, sans le kilt mais avec un pantalon aux couleurs des armoiries Rogue :

- Je ne comptais pas vous effrayer.

- Pourquoi êtes-vous habillé aussi cérémoniellement ?

- Vous êtes ravissante vous aussi, ironisa-t-il avec un embarras certain qu'il tenta de camoufler par son sarcasme. Je me suis simplement dit que vous apprécierez sûrement de m'accompagner au village aujourd'hui !

- Vous… je croyais que… enfin vous disiez…

- J'ai changé d'avis ce matin, soupira-t-il.

- Comment cela se fait-il ?

- N'ai-je pas le droit de vouloir simplement sortir ?

- Le droit, certes, l'envie, j'en doute !

Severus croisa les bras devant lui et grogna plus qu'il ne parla :

- Je me suis dit qu'au lieu de vous acheter je ne sais quel bibelot pour votre entrée dans la vie active, vous accompagner dehors vous ferez plus plaisir ! Mais si vous préférez un bijou, ça peut aussi se faire…

Comme si un bijou pouvait lui faire plaisir ! Hermione sourit et, se retenant de peu de sauter de partout, se contenta de s'approcher de son mari pour lui déposer un baiser sur la joue :

- Merci beaucoup Severus, dit-elle simplement. Oh, par contre je vais devoir me changer !

Bien qu'il fût resté stoïque, la jeune Lady eut comme l'impression de voir son mari rougir derrière sa barbe de quelques jours. D'ailleurs, comment se faisait-il qu'il ait eu une barbe ? Il se rasait quotidiennement, et la seule fois où elle l'eût vu ainsi, c'était pour leur mariage. Cela faisait sûrement partie de la tenue obligatoire de la famille Rogue, mais cela impliquait qu'il savait qu'il allait s'habiller ainsi depuis au moins l'avant-veille !

- Pourquoi voudriez-vous vous changer ? Vous êtes très bien comme ça, finit-il par rétorquer.

- Dites-moi, mon cher époux, pourquoi ai-je l'impression que vous me cachez quelque chose ?

- Peut-être parce que je suis un vil grippeminaud ! proposa-t-il en haussant les épaules.

- Je ne vois que ça en effet !

Hermione sourit amusée et ne chercha pas à en savoir plus. Elle se rappela en effet un détail, concernant une date approchante, et ne voulut pas prendre le risque de gâcher une potentielle surprise de la part de son mari, aussi cachottier fut-il.

Après un petit déjeuner sur le pouce, Severus et elle prirent une petite voiture pour laisser la plus grande à leurs domestiques, de repos ce jour-là. Il n'y avait pas à dire, le terrible Lord Rogue pouvait se montrer gentil, Ann avait raison, il ne fallait pas se fier à tout ce que l'on disait sur lui.

Le trajet fut agréable, le beau temps du jour était aussi rare que bienvenu et l'île de Skye se montrait sous son meilleur angle avec ses couleurs, sa faune et sa flore sauvages. Ce fut d'autant plus plaisant que Severus prit le temps de lui expliquer des anecdotes amusantes et intéressantes sur les lieux traversés, que ce fusse historiques ou simplement des légendes :

- Là, vous voyez les gros pics rocheux ? Ce sont eux qui ont donné leur nom au village et qui sont à l'origine de la fête d'aujourd'hui.

- Je les vois oui, mais quels liens ont-ils avec le village et la fête ?

- Il y a fort longtemps, quand l'île de Skye était encore inhabitée, les dragons noirs des Hébrides vivaient en roi sur ces terres. Ils étaient nombreux et en harmonie avec la nature du lieu. Puis, un jour, des sorciers ont commencé à s'intéresser à l'île et, pour se l'approprier, ont décidé de combattre les maîtres qui y vivaient, aussi majestueux fussent-ils.

- Des braconniers, déjà à l'époque ?

- Oh, ils ne s'appelaient pas comme ça, ils se voyaient plutôt comme des colonisateurs. Des gens bien en somme, ironisa-t-il. Enfin, en tous cas, ils ont commencé une guerre contre les dragons et, même si les créatures étaient plus fortes et plus coriaces, les sorciers étaient quant à eux beaucoup plus fourbes. Ils empoisonnèrent les dragons en s'en prenant au cours d'eau potable et aux fourrures des proies des Hébrides. Bien trop vite, la population de dragons a diminué, mais la bêtise des Hommes entraînait aussi la mort de l'île, qui perdit sa verdure et, petit à petit, ses créatures et animaux sauvages. Jusqu'au jour où un sorcier est intervenu après avoir entendu parler du massacre. Ne supportant pas l'idée de la destruction de toute une île, pour simplement faire des profits au détriment de toutes vies du lieu, il est arrivé pour stopper les colonisateurs.

- À lui tout seul ? s'extasia la lionne.

- Oui, s'amusa Severus. Il serait arrivé depuis l'Est et aurait combattu un à un les camps qu'il rencontrait, sans jamais faiblir et ce jusqu'à arriver ici même, où la guerre battait son plein. Lorsque le héros arriva, les sorciers cupides venaient de capturer le plus redoutable de tous les dragon de Skye, celui qu'ils nommaient « le grand roi des Hébrides ». Le héros s'est alors battu dans ce qui était, auparavant, une montagne. La plus haute de toute l'île ! Hélas, après tant de batailles, la fatigue eut raison de ses pouvoirs et les sorciers ennemis prirent le dessus sur lui. Sentant sa fin arriver, il aurait libéré le roi dragon pour au moins permettre à lui et son espèce de fuir.

- Et que s'est-il passé ?

- En voyant le courage de cet humain qui, à l'encontre des autres membres de son espèce était venu à leur secours, le majestueux roi, enfin de nouveau libre… se sacrifia à son tour. Il vola plus haut dans le ciel qu'il lui fut possible, s'approchant des étoiles comme aucun être vivant ne l'a jamais fait. Dans sa fureur, il est ensuite redescendu en crachant son feu, s'enroulant lui-même dans ses flammes dévastatrices, et ce jusqu'à toucher le sommet de la montagne qui explosa à l'impact, ne laissant derrière lui plus que quelques pics rocheux, et des débris de prières aussi tranchantes que des écailles.

- Le dragon et le héros se sont donc tous deux sacrifiés pour sauver l'île de la désolation ? C'est aussi beau que triste…

- C'est une légende, fit remarquer Rogue. Vous vous doutez bien que ça se termine mieux que ça !

- Vraiment ?

- Les colonisateurs ainsi vaincus, les autres dragons et la faune environnante comprirent le sacrifice de leur roi et du héros humain qui a combattu pour eux. Toute la nature se mit alors à pleurer… et de leurs larmes, une magie puissante, plus puissante que toutes celles existantes au monde, illumina les cieux malgré la nuit. Telles des étoiles filantes, des gouttes dorées fouettèrent le sol et la flore sauvage retrouva la vie. Une fois l'île remise de ses souffrances, les dragons trouvèrent un œuf d'or en pleine éclosion. De cet œuf en sorti le héros, vivant et en pleine forme, mais plus totalement le même. Dès lors, ce sorcier n'était plus seulement un homme, il était aussi un dragon, accepté par tous les Hébrides du lieu comme l'un des leurs. Depuis ce jour, on dit qu'il est lui-même devenu le roi de l'île et, une fois par an, les dragons sortent et dansent dans le ciel au-dessus de ce qui fut le trône de leur souverain.

- Vous voulez dire que le héros est devenu un dragon ? s'étonna la jeune Lady.

- Un hybride je suppose, vu que c'est soi-disant lui qui a laissé venir sur l'île les hommes et les femmes qu'il trouvait digne de confiance, pour que l'harmonie puisse renaître entre toutes les espèces. Enfin, n'oubliez pas qu'il s'agit d'une légende, s'amusa encore Severus. C'est une simple histoire, au même titre que celle de la fontaine à souhait, le croquemitaine ou bien la fée des dents !

- La fée des dents existe... Ah non, pas un mot de plus Severus, laissez-moi au moins la fée des dents !

- Ce que femme veut…

Severus eut un sourire franc et Hermione fut presque sûre de l'avoir entendu souffler par le nez pour se retenir de rire. Il était bien loin du mage noir terrifiant qu'elle avait tant imaginé et que Sirius lui avait décrit. Comment était-ce dieu possible ? Comment l'image publique de son époux pouvait être aussi sombre alors qu'il semblait si… normal ? Sans oublier qu'il était clairement proche de Minerva et de Dumbledore, c'était inimaginable que ces deux-là puissent être amis avec un soi-disant Lord ténébreux. Peut-être était-ce simplement à cause de celui qui avait porté ce titre avant, quand bien même Severus n'avait rien à voir avec son grand-père.

Elle aurait pu se poser encore longtemps des questions similaires mais la voiture s'arrêta et Hermione se rendit compte qu'ils étaient aux abords du village :

- Nous allons devoir marcher un peu, les ruelles sont bondées.

Il sortit en premier et aida sa femme à sortir à son tour. Ils marchèrent ensuite ensemble, côte à côte, presque comme le faisaient ses parents lors de leurs balades. Presque, car il marchait un tantinet plus vite qu'elle et devait donc l'attendre régulièrement, du moins jusqu'à ce qu'il lui tendre son bras :

- Ne me regardez pas comme ça Milady, je vous propose juste mon bras pour vous forcer à avancer plus vite.

Hermione leva les yeux au ciel et se garda bien de dire que cela lui faisait plaisir. Au fond, alors qu'elle entoura sa main autour du biceps de son mari, elle eut l'impression d'être aussi bien que sa mère l'était avec son père. Souriants, ils avancèrent à nouveau et elle constata qu'il marcha moins vite, leur permettant de prendre leur temps en arrivant dans les allées décorées du village.

Les ruelles étaient dorées et noires de partout, des œufs peints étaient présents à chaque fenêtre et vitrine tandis que des dragons de papiers voltigeaient au-dessus des villageois joyeux. Des groupes jouaient de la musique de rue alors que des stands vendaient des boissons et de la nourriture locale entre des bibelots plus ou moins luxueux sur le thème de la légende du coin. En somme, la lionne était heureuse et émerveillée.

Lors de leur balade, plusieurs personnes se tournèrent sur leur passage et Hermione savait bien pourquoi. Elle avait entendu plusieurs murmures les concernant, les Lord et Lady du village étaient de sortie. La plupart des gens, en particulier les dames et les jeunes personnes, les saluaient d'un signe de tête cordiale alors que la plupart des hommes semblaient les éviter, ne posant même pas un regard sur elle. Ce n'était pas très gênant, elle n'était pas là pour plaire à des sorciers qu'elle ne connaissait pas.

À l'heure du repas, Severus la laissa choisir un endroit pour se sustenter. Elle choisit le restaurant du village plutôt qu'un stand, préférant favoriser l'économie purement locale plutôt que des marchands ambulants profitant de l'effervescence du jour. Elle avait bien fait, car la nourriture était bonne et l'ambiance cosy comme elle aimait. Cela changerait du luxe de ces derniers mois et cela lui fit du bien.

- Êtes-vous fatiguée ou vous sentez-vous apte à marcher jusqu'en haut de la colline ? demanda Severus après le déjeuner et une séance d'emplette.

- Je suis en pleine forme, qui y'a-t-il là-bas ?

- Les festivités continuent jusqu'au coucher du soleil et les enfants du village font en général un spectacle en fin d'après-midi pour reprendre les grandes lignes de la légende. Il y a toujours beaucoup de monde, mais on a une meilleure vue en étant en hauteur…

- Oh avec plaisir ! dit-elle, ravie.

Comme convenu, ils se dirigèrent tous deux en haut de la colline au bout du village. La représentation commença peu après. De leur position, la vue sur le spectacle des enfants n'était pas si bonne que ça, mais Hermione ne fit pas de réflexion. Ils étaient seuls à cet endroit et les maisons ne protégeant pas du léger vent qui se levait, la jeune Lady frissonna. Le soleil descendait déjà à l'horizon et même s'il ne pleuvait pas, il ne devait pas faire plus de dix degrés maintenant. Severus le remarqua, retira alors sa veste et la lui posa sur les épaules :

- Vous allez attraper froid Severus !

- Vous n'avez de cesse de me le dire mais m'avez-vous vu une seule fois tomber malade ?

- Est-ce une raison pour prendre le risque de le devenir ?

- Si cela vous évite d'attraper un coup de froid, je suppose que oui.

- Nous pourrions rentrer alors, proposa-t-elle.

- Et louper le clou du spectacle ? Ce serait dommage, il me semble.

Hermione ne savait pas de quoi il parlait. Ils ne risquaient pas de voir grand-chose du final de la pièce ici. Pourtant, elle eut raison de l'écouter et de ne pas partir trop vite. Le spectacle était terminé et alors que le soleil ne laissait plus que quelques traînées rouge orangé dans le ciel, une musique s'éleva du village. Quelques minutes plus tard, des exclamations de joies s'élevèrent aussi et Severus regarda en l'air, ce qu'elle fit à son tour.

- Par tous les saints… la danse des dragons ! s'exclama Hermione qui n'en revint pas. Ce n'est pas une légende !

- Une fois par an, au jour le plus doux du mois de septembre, les dragons migrent tous pour se rejoindre sur une autre petite île plus loin. Ce n'est pas une légende, c'est seulement leur voyage pré nuptial en quelque sorte.

Des dizaines de dragons noirs des Hébrides volaient au-dessus de leur tête. Du haut de la colline, il ne faisait aucun doute qu'ils avaient la meilleure des vues sur ces majestueuses créatures qui virevoltaient en crachant parfois des flammes, se tournant parfois les uns autours des autres. C'était un spectacle extraordinaire…

- Severus, c'est… c'est magnifique !

- Oui… magnifique.

Hermione sourit et le regarda, se figeant en constatant qu'il la regardait elle et non les dragons. Elle se sentit rougir alors qu'il se pencha sur elle. Lady Rogue ferma les yeux et sentit rapidement les lèvres de son époux contre les siennes. C'était doux, agréable, tendre et… humide ?

Quand Severus se recula, elle fut certaine de le voir pleurer alors qu'il fit mine de tousser pour se détourner. Elle aurait aimé savoir ce qu'il se passait mais il fut clair qu'il ne voulait pas en parler alors que son visage s'était refermé quand il se fut retourné vers elle. Hermione n'insista pas et se colla à lui pour la fin de la danse, il finirait bien par lui expliquer, peut-être… ils se rapprochaient après tout, un peu plus chaque jour passant. Jamais elle n'aurait cru cela possible, mais elle se sentait réellement bien avec lui aujourd'hui. Ce n'était pas de l'amour au sens profond du terme, elle le savait, mais ils semblaient sur le point de devenir au moins bons amis !

Une fois les dragons au loin, des feux d'artifice furent lancés et la magie aidant, ce fut comme des larmes dorées tombant du ciel pour clôturer cette journée parfaite. Hermione avait passé la meilleure des journées possibles.

Quand tout fut terminé et que le silence recommençait à régner en maître, ils reprirent lentement mais sûrement la marche pour retourner à la voiture. Severus lui avait donné une fois de plus le bras et marchait à son rythme. Le temps d'arriver à nouveau au village, les habitants avaient pour la plupart transplanés tandis que les vendeurs avaient déjà plié bagages d'un coup de baguette. La tranquillité était de retour, seuls restaient les guirlandes et les œufs aux fenêtres, qui brillaient tel des bougies, pour rappeler les festivités qui étaient là encore un quart d'heure avant.

Alors qu'ils sortaient de Sharpstone en voiture, des éclats de voix résonnèrent dans le hameau d'à côté. Severus tendit l'oreille et demanda au cocher de faire halte :

- Est-ce des braconniers ? demanda Hermione qui voulut descendre à la suite de son mari qui venait de poser pied à terre.

- Je ne sais pas, mais restez ici je vous prie !

- Mais Severus, qu'allez-vous faire ?

- Voir de quoi il en retourne. Vous, restez dans la voiture.

- Est-ce un ordre ?

- Oui ! commença-t-il à s'agacer.

Hermione soupira et croisa les bras devant elle, lasse. Elle pouvait se battre si nécessaire, pourquoi diantre la protégeait-il à ce point ? S'il s'agissait de braconniers, elle pouvait très bien s'en mêler ! Préférant ne pas gâcher la journée en énervant son époux, elle resta assise, du moins un moment.

Après quelques minutes, les éclats de voix se transformèrent en cri. Une femme venait de pousser un hurlement puis semblait maintenant supplier quelqu'un. Hermione sauta alors hors de la voiture et entendit à peine le cocher lui demander de rester vers lui, en vain. La lionne courut en espérant ne pas trouver son mari blessé.

La femme qui avait hurlé pleurait maintenant en tentant de maintenir un jeune homme en place, tout en le suppliant de se calmer. Puis le sang d'Hermione se figea en même temps que son cœur alors qu'elle vit son époux un peu plus loin, à même le sol, frappant de ses poings une armoire à glace qui semblait sur le point de perdre connaissance, si ce n'était pas déjà le cas.

- Vous allez le tuer ! cria le jeune homme qui poussa violemment la femme au sol.

Severus ne répondit pas, il était comme sourd et aveuglé par une haine incommensurable. Ce n'était plus son mari, c'était une bête sauvage dont les mains et le visage étaient couverts d'un sang qui ne lui appartenaient visiblement pas. Avant que l'autre type n'arrive jusqu'à lui, Hermione cria à son tour d'une voix clair et autoritaire :

- STOP CA SUFFIT !

À l'entente de la voix de sa femme, la bête s'arrêta enfin et tourna son regard noir sur elle. Il lui fallut quelques secondes pour reprendre conscience de ce qu'il faisait et tourna de nouveau la tête vers l'homme au sol. Severus sembla se rendre compte que sa victime était inconsciente et se redressa vivement. Le jeune homme recula alors qu'il vit le Lord se lever et regarder autour de lui, comme se réveillant d'un sommeil profond.

- Jimmy, s'inquiéta la femme qui essayait de se redresser.

- Severus que s'est-il passé ici…

Son époux ne répondit pas et s'approcha du fameux Jimmy qui sembla hésiter à fuir mais qui resta sur place. Il regarda le Lord et inclina la tête :

- Je… je vous remercie pour votre aide mon Lord… je…

- Auriez-vous eu besoin de mon aide normalement ? demande Rogue d'une voix doucereuse et effrayante. Était-ce si difficile de demander à votre ami de cesser ses agissements ?

- Je… vous savez mon Lord, il s'agit de mon frère et… il a l'alcool mauvais… mais c'est un homme gentil, n'est-ce pas Suzy ? dit-il en se tournant vers la femme qui acquiesça silencieusement. Vous voyez, c'est un malentendu mon Lord… mais enfin, je vous remercie de l'avoir… enfin… d'être venu nous aider ma femme et moi.

Hermione avait du mal à comprendre ce qu'il se passait, mais visiblement, l'homme au sol avait dû se montrer virulent sous l'emprise de l'alcool… mais alors, pourquoi Severus semblait toujours aussi en colère maintenant que la situation était contrôlée ? Il avait pourtant repris totalement conscience de ce qu'il se passait, Hermione en était certaine.

Sur le sol de terre battu gisait toujours l'homme que Severus avait littéralement assommé, si ce n'était défiguré. Il respirait, mais il avait le visage œdématié, au point d'à peine ressembler à un humain. Remportant son attention sur son mari, elle le vit tendre sa main vers l'autre individu :

- Bien, je suppose que tout va s'arranger alors ?

- Oui mon Lord, bien sûr mon Lord, répondit l'homme qui avait perdu toute envie d'en découdre avec Severus et qui lui prit la main avec l'air soulagé.

Hermione expira alors même qu'elle n'avait pas eu conscience de retenir son souffle. Severus était enfin calmé et tout se terminait bien, elle était rassurée.

- Dites-moi mon bon monsieur, quel est donc votre travail ?

- Je suis herboriste mon Lord, je vais chaque jour quérir diverses plantes et herbes.

- Vous devez donc marcher beaucoup je suppose.

- Oui mon Lord, je parcours des dizaines de kilomètres quotidiennement.

- Et vous employez la magie pour cueillir vos plantes ?

- Oui mon Lord, c'est plus rapide et le risque de les abîmer est…

Il ne termina pas sa phrase et Hermione retint de peu une envie de vomir alors que l'homme hurla de douleur. Severus avait soudainement attrapé son épaule avec sa main libre et avait tiré sur le bras de ce dernier, entraînant un craquement sonore effroyable. Ledit bras de l'homme en question se mit à pendre lamentablement alors qu'il tomba à genoux. Hermione avait déjà vu cela sur un patient de ses parents tombé de cheval, Severus venait de déboiter l'épaule du second frère avec une froideur sans nom. Regardant ce dernier de haut, il siffla entre sens dents serrés :

- C'est à votre épouse que vous devriez montrer tant de dévouement, pas à un Lord !

La femme en question ne pleurait plus et semblait en état de choc, ce qui était compréhensible. Severus la regarda et dit avec calme et douceur, comme si de rien n'était :

- Allez chercher le guérisseur du village, voulez-vous ? Dites-lui que je prendrais en charge vos soins et ceux de votre époux. Votre beau-frère se débrouillera en économisant sur sa consommation de whisky, je n'en doute pas !

La femme inclina la tête, toujours silencieuse, et partit le plus vite possible, en boitant, sans même regarder Hermione. Severus s'approcha d'elle et tendit sa main pour lui prendre le bras, mais Hermione recula vivement, elle-même sous le choc finalement. Elle ne savait plus quoi penser ni quoi faire face au Lord qui méritait ce soir sa réputation de monstre ténébreux…

Il fit retomber sa main le long de son corps, regarda sa femme un moment et baissa finalement la tête :

- Je comprends…

Hermione ne sut dire ce qu'il avait compris, mais il disparut en transplanant, la laissant là, avec un ivrogne inconscient et un homme qui pleurait de douleur. Avant le retour de la femme de ce dernier, le cocher arriva et la jeune Lady le suivit, rentrant sans se rendre compte de la route parcourue.

Quand Emily vint la réveiller le lendemain matin, la jeune Lady se sentait malade. À peine mit-elle pied à terre que des images de la veille lui vinrent en tête, lui donnant la nausée. Tout ce sang qu'elle avait vu sur les mains de Severus, et le calme avec lequel il avait déboîté l'épaule de ce malheureux. Le monstre qu'on lui avait tant décrit avait montré son vrai visage et c'était horriblement difficile à supporter.

Une fois apprêtée et coiffée d'une tresse simple, la lionne se fit violence pour se rendre à la table du petit déjeuner la tête haute. Elle allait devoir lui faire face à nouveau et cette fois, effrayée mais plus en état de choc, elle essaierait d'avoir des réponses sur ce qui l'avait poussé à se montrer si violent. Il y avait forcément une explication !

Prenant une profonde inspiration, elle entra enfin et tomba sur la table du petit déjeuner, prête pour une seule et unique personne. Étonnée, Hermione fit venir Ann à elle :

- Oui Lady Hermione, que puis-je faire pour vous ?

- Où est Severus ?

- Oh… eh bien… il a fait préparer ses affaires hier soir et est parti tôt ce matin pour affaires. Nous n'avons pas pensé utile de vous réveiller car nous pensions que vous étiez au courant…

- Je ne savais pas, admit-elle en regardant ailleurs. Il a dû oublier de me le dire !

La gouvernante n'était pas dupe mais se garda de toutes réflexions.

- Quand doit-il rentrer ?

- Maître Rogue ne nous en a pas parlé, mais il a pris de quoi tenir un bon mois… ou deux, madame !

Il avait lâchement pris la fuite pour plusieurs semaines. Il ne devait pas avoir envie de s'expliquer, ce qui pouvait se comprendre, il ne devait y avoir guère à dire. Elle aurait dû s'en douter ! Mais elle n'avait pas le temps de se morfondre, elle avait un travail qui l'attendait après tout.

Bien droite, elle se dirigea avec prestance jusqu'à la table du petit déjeuner pour manger. Elle n'allait pas se laisser abattre par le comportement de son mari. Pourtant, elle avait une sensation étrange, comme si ses yeux étaient pleins de poussières alors qu'elle repensa au baiser de Severus sous la danse des dragons. Comment avait-il pu être si tendre et sensible avant de devenir aussi horrible et aveuglé par la haine ? Qu'est-ce que ces hommes avaient pu faire qui puisse nécessiter une telle correction ?

Ann ne lui avait-elle pas dit de se méfier des apparences ? Mais en même temps, comment allait-elle pouvoir comprendre ce qu'il s'était passé si le seul à pouvoir lui répondre s'était enfui ? Quoique, il n'était pas le seul peut-être… néanmoins, elle ne pouvait pas retourner au hameau pour questionner les deux hommes.

Soupirant, Hermione se vengea sur son assiette tout en attrapant la gazette du sorcier qu'elle lut en mangeant. Severus n'était pas là pour lui faire un résumé alors elle apprendrait par elle-même les nouvelles du jour. Cela la détendrait un peu.

« Oh, le Quidditch commence déjà à faire parler dit donc ! Pourtant les mondiaux ne commencent pas avant le trimestre prochain ! »

« Tiens donc, le ministère va accueillir bientôt le président du MACUSA ! Je ne savais pas. »

« Encore des vols de recensés autour de Poudlard ? C'est à croire qu'un nouvel élève s'amuse à détrousser les habitants du coin depuis la rentrée ! »

« Tiens la rubrique de la Lorderie. Je n'y comprends jamais rien à leurs histoires. Oh… la célébration d'un mariage attendu le mois prochain ? Éloïse Midgen a trouvé un prétendant ! C'est une bonne chose, elle ne méritait pas tant de méchanceté à l'école. Qui donc a bi… »

Hermione reposa le journal, dépitée… Sirius allait se marier dans un mois.