Ecrit pour ladiesbingo sur le thème "May morning"


Dans les rêveries de Sloth, qui ne s'accompliront jamais, c'est par le plus charmant matin de printemps qu'elle se rend chez l'ancienne élève de Dante, celle qu'on appelle Izumi Curtis.

C'est Izumi qui sera son témoin. Parce que Sloth lui en veut assez pour vouloir lui prouver quelque chose, mais pas assez pour avoir besoin de la tuer.

"Sais-tu que dans ces moments où Dante était si patiente et si douce avec toi, elle ne t'a jamais vue que comme un outil ?" lui dira-t-elle.

(Dante voit Sloth comme un outil, pourtant elle n'a jamais montré envers elle aucune patience, aucune douceur, juste une haine pointue pour avoir porté le nom d'Elric. Au moins elle lui a donné la vérité, rien que cela.)

Parfois, dans le rêve, la femme ne répond pas, abasourdie par son audace. Le plus souvent, elle tente de se battre. Son alchimie tout aussi brutale que ses capacités physiques. Des gouttes de cette eau implacable sont projetées à terre, si douces pour les fleurs. Mais Izumi est dans l'imagination de Sloth, dans sa rêverie parfaite ; elle perd toujours.

Finalement, la force de l'océan en longs tentacules d'eau maintient captifs les poignets d'Izumi, ses chevilles. Sloth se demande, abstraitement, si elle ne devrait pas l'étouffer, l'envelopper dans son corps, ou au contraire enfoncer son bras jusqu'au fond de ses poumons, la regarder se noyer, d'en bas, dans le ciel bleu pâle.

Mais non, Izumi doit être encore capable d'écouter. Alors Sloth remplit juste sa bouche, pour l'empêcher de parler, mais pas son nez, pour qu'elle vive encore un peu.

"Dante voulait juste que tu en saches assez pour être capable de transmutation humaine, tout en te laissant croire que tu avais tout deviné par toi-même et qu'elle s'y opposait. Elle n'a même pas eu besoin d'arranger une situation pour que tu t'en serves. Tous ceux qui en sont capables y tombent un jour ou l'autre !"

Sloth approche d'elle le corps d'Izumi, comme un objet, sans même essayer d'imaginer sa chaleur et son souffle, juste pour lui murmurer à l'oreille. "Ou peut-être qu'elle l'a fait. Tu aimerais qu'elle t'ait droguée pour que tu perdes ton enfant ? Tu aimerais que ce soit sa faute ?"

(Si Izumi était capable de vaincre Dante en combat, alors Sloth, malgré toute sa rancoeur, pourrait presque la contraindre à ses côtés, en faire le miroir de sa frustration. Elle y a pensé, parfois. Mais personne ne peut la vaincre, encore moins quelqu'un qui crache son sang. Ce n'est pas une option. Sloth vivra dans son ombre pour toujours.)

"Il est important que tu comprennes tout cela," dit-elle, et elle réalise que tout ce qu'elle lui a dit est au sujet de Dante. Non, non, elle veut un témoin pour sa victoire à elle !

"Il est important que tu réalises pourquoi je t'ai pris ton fils, pourquoi c'est moi qu'il appelle sa mère maintenant."

Quand Wrath a pris cette habitude, les sentiments de Sloth étaient plus équivoques. Cela la blessait, mais c'était doux, mais cela redéfinissait la balance du pouvoir de leur petit groupe en sa faveur. Elle voulait ne penser qu'à ce dernier point. Elle veut ne penser qu'à cela, alors qu'elle rêve à sa victoire sur Izumi Curtis. Si jamais elle a ressenti autre chose, c'est très brièvement, alors qu'elle lui caressait les cheveux et qu'il ne pouvait se rendre compte de rien.

"Il ne se souvient ni ne se soucie plus de toi," dit-elle. Et je devais te le dire, parce que..."

Elle s'interrompt. Un oiseau chante, pour couvrir le silence.

Parce que tu as pris mes enfants quand je suis partie sont les mots qui traversent son esprit comme un éclair d'orage, et alors, elle se rappelle, que dans ce monde elle a tué les enfants Elric, elle a enterré Trisha, elle a scellé son passé de douceur et de dévouement, et pourtant, et pourtant...

Un rêve devrait être facile à réparer quand il commence à se fissurer. La cohérence est optionnelle. Mais cette scène était censée être parfaite, et la perfection est si, si fragile. Si vite il se déforme en gouttes de pluie sur une vitre, et Izumi a beau avoir la bouche pleine d'eau, elle lui dit, si proche.

Ce sont toujours tes enfants.

Sloth s'extirpe de l'illusion, très lentement, se relève, une main appuyée contre le bord de son bureau.

Elle a essayé, pourtant, de vouloir quelque chose, en une imagination douce, tiède et flottante. Rien n'avait à devenir vrai, à s'appuyer sur des plans et des crimes. Sloth a essayé de rêver, en créant, pas en effaçant.

Cela semble encore plus fatigant que de le faire en vrai.

Elle se demande si Trisha Elric aimait le printemps.