Nyaaaa ! Allez, je trépigne trop comme une gosse, je vous envoie la suite.
Journal des reviewers
Seulie : Ouais, Wulbren est un con. T.T
Oh, bichette, quoi qu'il te trouble, j'espère que ça va s'arranger ç_ç Ta santé, comment ça va ? Tu t'en remets ?
Mdr, oui, Silesta est quelqu'un de sympa en général, mais si elle est pas de bonne humeur, ça va se voir direct. Et si on touche à Astarion... XD
Liline37 : Hum... La seconde déclaration après Yurgir, j'avoue ne pas la voir, celle-ci. Tu parles du post explication de cicatrices ? Pour moi la seconde déclaration était la post-Cazador. Il faudra que tu m'éclaires, j'ai peut-être raté ou mal assimilé un truc. Après, dans mon cas présent, j'ai un peu détourné le post-Yurgir mais je ne peux rien dire pour le moment, même en présence de mon avocat !
Le coup de l'automatisme, c'est le genre de micro-détail du jeu que je trouve formidable aussi. La direction artistique de la VA et Neil ont vraiment cerné plein de choses.
Slyths: J'ignore si on revoit notre poto Araj si on a refusé de donner son sang. Ça serait possible que non vu que dans l'acte 3, elle revient à la charge parce qu'elle en veut encore plus. Donc, si on a rien donné... Je ne sais pas.
Concernant ta question sur le sang bizarre de Silesta, je répondrai juste ceci : non, ce n'est pas une fausse piste pour faire tourner les lecteurs en bourrique ;) Je suis quand même assez silencieuse par rapport à Silesta jusqu'à présent, je serais cruelle de faire mousser le truc pour rien.
Merci beaucoup pour ta suggestion de chaîne Youtube, j'adore ! Je tuerais pour pouvoir faire de même avec mes deux zozos. Il y a beaucoup d'émotion dans ces petites vidéos.
* fait craquer les articulations du cou et des doigts *
Bon. On sait tous ce qui va se passer dans pas longtemps. C'est peut-être le chapitre que j'ai écrit le plus rapidement (on se demande pourquoi)
Je suis quelqu'un qui fonctionne beaucoup à l'ambiance musicale pour certains passages et celui-ci en fait partie.
Alors sortez vos playlists les plus poignantes (celles qu'on écoute avec de la glace en pleurant après s'être fait largué par exemple) !
J'ai tellement de suggestions que je ne saurais choisir. Je m'en tiendrai à mes préférences qui m'ont le plus aidée.
1ère partie - Pré-confession
Listen tou your heart – DHT
Monsters – Camylio
Ichiban no Takaramono (cover by MindaRyn) – Angel Beat
Light me up - Ingrid Michaelson
2ème partie – Post confession
Cut – Plumb
Allez, on sort les marteaux, les masses et la dynamite pour tout faire péter et on se retrouve après ?
CHAPITRE XXV – QUAND S'OUVRENT LES ÂMES
Quand Jaheira avait mentionné un festin pour ses invités, elle n'avait pas menti... et ce n'était pas pour leur déplaire. Finis les repas à la va-vite faits de bric et de broc trouvé au hasard, même si Gayle s'efforçait toujours d'appliquer une once de raffinement dans les préparations qu'il faisait ; l'avantage d'avoir dans le groupe quelqu'un avec du standing.
Viandes rôties aux légumes, pains aux céréales, fromages affinés et fruits brillants couvraient la table avec en prime, de bons vins qui même sans être de grands crûs, avaient l'avantage de s'associer harmonieusement avec le reste.
Avec son ancienne vie bourgeoise du temps où il était magistrat, Astarion aurait pu aussi postuler au titre de chef étoilé, sauf que la perte de son humanité au profit de son statut vampirique l'avait privé en plus du reste des plaisirs de la bonne chère. La nourriture avait perdu presque toute sa saveur pour son palais. Au mieux, le goût était amoindri à l'extrême, au pire il était complètement galvaudé et immonde. Aussi les quatre accompagnateurs du roublard se sentirent quelque part désolés pour lui quand il leur expliqua cela car ils le voyaient bouder les plats qui leur étaient servis.
« De surcroît, ai-je vraiment une tête à jouer les cuisinières ? »
Voilà qui mit fin à l'échange. C'était sans appel.
L'évocation du sujet de la nourriture en remit un autre au-devant de l'esprit de l'humaine de la tablée : le vampire ne s'était pas nourri correctement depuis un moment – et par correctement, elle pensait bien sûr à elle-même. Les Terres perverties par les Ombres avaient tué toute faune et la seule vie qui restait reviendrait pour Astarion à boire de la ciguë. Il n'avait pas bu de vrai sang depuis la nuit chez druides il était sûrement en manque. D'ailleurs, l'elfe pâle devait être en train de penser exactement à la même chose que sa partenaire assise face à lui ; l'œillade fixe et pénétrante à l'étincelle intimiste dont il la gratifia pendant presque tout le repas en disait long sur ce qui titillerait volontiers ses papilles... et plus encore.
Silesta déglutit lentement le cidre léger qu'elle buvait. Elle avait donc une idée de ce qui l'attendrait plus tard dans la soirée.
Autour d'eux, l'auberge vibrait d'une énergie nouvelle qui avait de quoi alléger les cœurs. Les tieffelins qui avaient retrouvé les leurs célébraient leurs retrouvailles avec autant de joie que nos amis profitaient de leur repas. Alfira vint même divertir la salle de ses talents de barde et offrit un récital aux réfugiés qui s'autorisèrent à délaisser leur fardeau le temps d'une belle chanson. Les aventuriers savourèrent pleinement leur soirée sans oublier la suite des événements. Dès le lendemain, ils se rendraient au mausolée des Thorm pour retrouver Chantenuit.
« Chantenuit. Ce nom... murmura Ombrecoeur entre ses pensées. Avec une telle résonance, je ne peux que l'associer malgré moi à Dame Shar, bien qu'il ne me dise rien.
_ S'il y a effectivement un lien, alors nous avons de la chance d'avoir une disciple de Shar avec nous, admit Lae'zel. Je reconnais avoir fait la même association d'idées.
_ C'est étrange. Je sens quelque chose en moi, comme un pressentiment. »
Silesta dévisagea la cléresse éperdue de doute. Sans le lui avouer pour ne pas accroître son trouble, la saltimbanque pensait aussi que quelque chose se tramait car beaucoup d'éléments se rapprochaient dans de drôles de coïncidences : la malédiction qui n'affectait pas aussi durement Ombrecoeur, son souvenir qui décrivait à s'y méprendre un rituel sélunite, la bénédiction d'Isobel sur son ennemie par essence et pourtant bien acceptée par cette dernière...
« Que l'on aille juste détruire une idole magique ou que l'on aille détrôner Shar elle-même, en attendant, je suis exténué, déclara Astarion en se levant de table. Bien le bonsoir. »
Les autres le regardèrent repartir à l'étage et un autre coup d'œil aux nombreux plats dénués de restes et à la taverne qui se vidait petit à petit leur rappela que l'heure avait bien tourné. Maintenant qu'ils avaient relâché leur concentration de leur repas ou de leurs discussions, les attablés restants sentaient poindre l'engourdissement que provoquait un dîner copieux. Ils décidèrent d'un commun accord de s'en tenir là pour ce soir et s'en retournèrent vers leur chambre. Pas de tour de garde à assurer pour cette nuit, tout le monde pourrait dormir de tout son saoul.
Gayle, Ombrecoeur et Lae'zel allèrent directement se coucher, contrairement à Silesta qui comme bien souvent la nuit venue, restait éveillée plus longtemps. C'était d'ailleurs étrange pour elle de toujours avoir cette petite phrase qui lui revenait lorsqu'elle se surprenait à être encore debout quand les autres dormaient profondément :
« Vivons la nuit car nous mourrons un jour. »
La jeune femme dépassa la porte de sa chambre et remonta un peu plus le couloir de la mezzanine pour se poster sur une petite terrasse avec balcon. Elle prit appui sur le rebord contre ses bras et se perdit dans le paysage qui s'étalait sous ses yeux.
Par-delà le filtre opalescent du dôme d'Isobel s'étendait le fleuve baigné des rayons d'argent de la lune. Silesta s'égara dans la rondeur brillante de l'astre clair et l'attente de soumettre sa mémoire perdue à sa magie lui revint, toujours plus impatiente. Et redoutée.
Le son de pas discrets sur le plancher dans son dos la fit émerger de ses songes. Sans vouloir troubler la quiétude du moment, Astarion vint s'accouder près d'elle pour observer à son tour le reflet de lune. Après un long moment de silence partagé, un sourire intéressé ourla ses lèvres.
« N'avions-nous pas prévu quelque chose à notre retour ici ? »
Une intense réminiscence de leurs regards entremêlés dans cette chambre d'auberge étreignit Silesta. Hélas, son compagnon ne lui laissa pas l'occasion de répondre tout de suite car une autre question le pressait :
« À ce propos, une question me taraude : j'ai remarqué que vous ne veniez jamais ouvertement vers moi de votre propre initiative, pourquoi ? Nos petites entrevues ne sont pas à votre goût ? »
Le vampire devait s'avouer qu'il mourrait d'envie de savoir. Il savait qu'il tenait Silesta au creux de sa main et pourtant, sa proie faisait preuve d'une retenue qui n'avait rien à voir avec de la méfiance ou de la pudeur et cela l'intriguait au plus haut point.
La chaleur qui avait commencé à monter aux joues de la jeune femme rousse lors de la première question se mua en une tiédeur plus timorée. Son premier réflexe fut d'abord de garder son sens de la représentation actif mais elle abandonna tout de suite cette idée. Astarion savait comme elle qu'il l'attirait comme un aimant et prétendre le contraire ne servirait à rien.
Silesta baissa un peu les yeux avec un sourire serein.
« Loin de là. Si j'attends votre invitation, ce n'est pas une question de fierté ou de timidité. Simplement... je veux juste que cela soit une volonté réelle de votre part. Vous avez assez été privé de votre libre-arbitre. Alors, même si j'aime être en votre compagnie, je ne veux pas vous imposer la mienne. »
Quand elle tourna la tête vers lui avec ce sourire naturel désarmant, quelque chose se craquela en lui. Astarion comprit qu'il avait perdu sa noble confiance lorsque Silesta fronça un peu les sourcils, intriguée.
« Astarion ? Quelque chose ne va pas ? »
Se raccrocher, reprendre son personnage, vite. Sauf que les mains tièdes qui enserraient son cœur ne faisaient que l'enliser au plus profond de lui-même.
« Oh, rien de bien méchant, c'est juste que... » Sa flamboyance avait perdu en intensité à chaque syllabe jusqu'à devenir hésitation. « En fait, peut-être est-ce tout de même un peu méchant. »
L'inquiétude de son interlocutrice vrilla aussitôt au maximum de son potentiel. Même au soir de sa première demande de morsure, jamais Astarion n'avait montré tel visage fuyant, pas plus que sa voix n'avait sonné si peu assertive.
Lui était en proie à une lame de culpabilité qui commençait à éplucher une à une toutes ses couches de fierté, de confiance, d'insolence et de représentation qui formaient le mille-feuille de son âme brisée et le pire pour lui était qu'il se sentait impuissant contre cela. Cette dernière manifestation de bonté de cœur de Silesta avait fini de donner le dernier coup de burin dans la brèche de son être et avait fait voler en éclat son masque de manipulateur qu'il croyait fait en diamant, savamment facetté pendant des décennies.
Il fallait qu'il évacue ces décombres qui le brûlaient de l'intérieur :
« Écoutez, j'avais un plan. Un plan simple et efficace : vous séduire, coucher avec vous, manipuler vos sentiments pour vous avoir à la bonne... »
L'esprit de Silesta la lâcha une fois que ces paroles furent agencées dans le bon ordre, ce qui lui prit quelques secondes. Avait-elle quand même pu percevoir ce faible rire dévoisé et sans joie qui avait entaché cette voix faussement fière ? La jeune femme eut à se faire violence pour écouter la suite.
« C'était si simple, instinctif même. La faute à deux siècles passés à me servir de mon corps pour attirer de belles proies, expliqua Astarion dans une indolence forcée qui se brisa peu après en contrition. Tout ce que vous aviez à faire était de vous laisser prendre. »
Elle n'avait aucune idée de l'expression qu'elle lui renvoyait. Seul l'affaissement de la beauté parfaite du vampire vers de moins en moins d'espièglerie accaparait ses pensées bloquées.
« Et tout ce que j'avais à faire était de ne pas m'éprendre... conclut-t-il avec un faible sourire coupable. Ce fut donc là que mon plan simple et efficace tomba à l'eau. »
Il marqua un temps de silence. Elle n'avait pas remué d'un cil.
Maintenant qu'il avait déblayé les débris de son personnage détruit, Astarion ressentait le besoin de verbaliser ce qui l'avait poussé à tout déballer.
« Ce que vous venez de me dire... plus le fait de ne pas m'avoir jeté en pâture à cette drow à Hautelune m'ont fait quelque chose. Vous auriez pu passer outre ma décision mais vous l'avez respectée. Et je vous en suis reconnaissant. La mordre aurait été facile pourtant. J'aurais pu faire comme j'ai toujours fait : je me force un peu, je prends sur moi et voilà, passons à autre chose. »
Silesta sentit aussitôt ses pupilles se dilater lentement d'horreur. L'anesthésie qui la paralysait jusqu'à présent s'évanouit tout à coup pour lui permettre d'assembler l'horrible puzzle qui était en train de s'imbriquer dans son esprit : pourquoi il s'était rapproché d'elle en particulier et pas des autres, pourquoi l'avoir choisie elle comme calice, ses mots de velours, ses yeux rieurs, ses petits jeux de séduction, pourquoi ses grandes flatteries avaient fait naître en elle une sensation bancale, cette nuit dans ses bras chez les druides...
Une douloureuse brûlure lui monta soudainement aux yeux alors que le pire détail lui retournait le cœur : quand il lui avait avoué au matin de leur nuit ensemble qu'il s'était retenu. Non pas par risque de la mordre. Mais parce qu'il était dégoûté de ce qu'il faisait.
Quand la jeune femme rencontra à nouveau les yeux d'Astarion, elle crut faire face à une autre personne. Il se tenait là, magnifique statue de marbre, à la guetter impuissamment, conscient du mal qu'il infligeait. À moins que le mal en question ne l'étreignait plus, lui.
Les mots mirent une éternité à franchir ses lèvres. Elle s'entendit à peine quand elle put enfin s'exprimer :
« Alors ce qui nous lie ne représente rien à vos yeux ? »
Elle voulut se gifler d'avoir utilisé le présent. Ce temps était pour exprimer quelque chose qui se passait à l'instant T, quelque chose de réel qui situait des faits au moment de l'énonciation.
« Bien sur que si, répliqua aussitôt l'elfe avant de se reprendre, plus réservé. C'est là le problème. Du moins en partie. »
Il chercha ses mots et le moyen de transmettre au mieux son état d'esprit.
« Être proche de quelqu'un... être intime... c'est là une comédie que j'ai appris à jouer dans le seul but de lui ramener des proies. Mon instinct me hurle que rien n'a changé et que je suis toujours cet... outil au service de Cazador. Vous m'avez permis de réaliser que je n'ai jamais cessé de me considérer comme sa chose, alors même que j'avais acquis ma liberté. Je ne sais que me comporter ainsi avec quelqu'un. » Il eut un silence amer. « Et ce peu importe à quel point j'aimerais faire autrement. »
Pour la première fois depuis bien longtemps, Astarion sentit son âme, son esprit et son corps parfaitement alignés. Ses mots, le timbre de sa voix, son regard, tout était à nu et en accord. Aussi dégoûté de lui-même était-il en ce moment, il était aussi en paix.
La brûlure dans ses yeux était insoutenable et pourtant Silesta ne parvenait pas à s'en défaire. Elle se haït de penser en cet instant très précis que la voix sans artifice d'Astarion était sublime. Sublime et désarmante.
Elle était encore en train de faiblir. Encore en train de se laisser prendre.
Elle serra fort la rambarde du balcon. Non. Elle ne devait pas plier. Elle devait répliquer, retrouver sa place d'être humain au profit de ce statut de « moyen de survie » dont il l'avait affublée. Lui crier à quel point ses mensonges la tuaient. L'agonir de reproches d'avoir osé utiliser son amnésie pour profiter de sa faiblesse. Le crucifier de cette déception qui la torturait. Lui dire qu'elle le haïssait.
Elle inspira.
« Je tiens à vous. Sincèrement. »
Serait-ce cette larme le long de sa joue qui venait de renverser ses pensées ? Non. Car rien de ce qu'elle projetait de lui jeter au visage une demi-seconde auparavant n'était ce que son cœur ressentait au plus profond de lui. Sa rancœur allait bien plus loin derrière le triste tableau en face d'elle. Là où Astarion lui présentait un acteur déchu, elle avait regardé le décor, l'arrière-plan discret.
Elle ne voyait qu'un homme brisé par une éternité de traumatismes qui avaient déconstruit chaque parcelle de son essence pour la remodeler en un simulacre saboté qui ne cherchait qu'à survire... car il ne savait plus ce qu'était de vivre. Tout ce sur quoi Cazador avait fait fermer les yeux à Astarion, elle le voyait.
Secoué par les paroles de la jeune femme, le vampire voulut garder ce mot qu'il jugeait ne pas avoir le droit de prononcer.
« Vraiment ? »
C'était sorti tout seul. Il n'avait pas de droit de la retenir alors qu'il l'avait dupée de la pire façon. Pourtant, une part de son cœur fragmenté voulait savoir si cette clarté qui s'était insinuée pouvait encore l'éclairer.
Silesta pinça un sourire. Par les dieux, comment cet homme faisait-il pour mettre son cœur à genoux aussi facilement ?
Elle cligna des yeux. La pensée informe qu'elle retenait dans un coin de sa tête depuis sa dernière entrevue avec Astarion dans sa chambre revint au premier plan et s'ouvrit lentement à son esprit comme une fleur : elle l'aimait. Elle aimait ce gentleman roublard à la fois félin et doué. Elle aimait ce vampire au charme dévastateur et dangereux. Elle aimait Astarion et voulait qu'il vive à nouveau.
Le vampire eut un mouvement de recul quand elle s'avança et fut encore plus décontenancé lorsqu'elle lui enlaça la taille pour se blottir contre lui. Il resta un instant figé, le cerveau matraqué de milles messages pendant que sa taille s'électrifiait de fourmillements.
Elle le serra comme elle voulait serrer la partie de lui qui n'était plus depuis deux cent ans. Elle voulait atteindre le moindre petit morceau perdu qui pouvait encore exister quelque part pour lui faire comprendre que s'il le décidait, elle serait à ses côtés pour ne pas l'abandonner. Elle ne partirait pas tant qu'il ne comprendrait pas.
Il baissa les yeux sur le corps contre lui. Il se jugeait indigne de ce qu'elle lui donnait. Il ne méritait pas sa clémence. Et pourtant... comme il en avait besoin en cette seconde. Comme il voulait se rattraper.
Il hésita, le geste malhabile, et finit par accepter la rédemption qui lui était offerte. Ses bras se refermèrent doucement sur Silesta pour s'étourdir dans le parfum de mûre de ses cheveux cuivrés.
Astarion ne sut combien de temps il resta ainsi mais il lui sembla s'éveiller comme après un long rêve quand elle se sépara de lui. Il se demanda ce qu'elle voyait avec une telle tendresse au fond de ses yeux de pluie.
« Vous ne cesserez jamais de me surprendre, vous savez ? lui avoua-t-il encore chamboulé. Honnêtement, je n'ai pas la moindre idée de ce que nous sommes en train de faire. Ou ce qui viendra ensuite. »
La jeune femme fut surprise de cette main qu'il lui tendit. Elle y posa timidement le bout de ses doigts avant qu'Astarion ne scelle l'entièreté de sa main en y ajoutant la sienne par-dessus. Il baissa les yeux sur leur lien concrètement recréé.
« Mais je sais que ceci... » Le sourire qu'il lui offrit était apaisé. « Ceci est très agréable. »
Ils s'égarèrent dans les prunelles l'un de l'autre. Elle voulait l'extirper de ses ténèbres ; il voulait encore un peu de cette lumière bienveillante et salvatrice.
Enfin, le vampire retrouva son sourire bien à lui, quoique plus humble qu'auparavant.
« Nous disions donc que nous avions prévu quelque chose. »
Silesta ploya malgré elle sous un faible rire. Il restait lui, avec tout l'attrait et la tristesse que cela pouvait procurer.
« Astarion... Vous savez, tant que vous en ressentirez le besoin, nous pouvons être ensemble sans forcément coucher.
_ Ha, pourquoi est-ce que ça sonne comme une épreuve à mes oreilles ? » rit-il faiblement entre le doux et l'amer.
Ce demi-aveu subtilement glissé fit manquer un battement de cœur à son interlocutrice.
« Est-ce vraiment... »
Elle s'interrompit, capturée par l'intensité du regard sur elle. La dernière fois qu'elle avait vu cet éclat, c'était sous le clair de lune de cette clairière au Bosquet d'Émeraude.
« … ce dont j'ai envie ? anticipa son compagnon d'une voix posée mais assertive. Oui. J'ai envie de vous. »
Elle aurait juré que le rebond de son cœur ressortait directement au-travers de sa peau et que ses doigts restés entre les paumes de l'elfe laissaient pulser toute la fièvre de la course de son sang dans ses veines. Apparemment oui car Astarion semblait amusé. Il pencha un peu la tête de côté.
« Et vous ? Que voulez-vous ? »
Ce n'était pas un jeu pour faire monter la température comme lors de leur première nuit mais une demande sincère. Elle bloqua un instant sa respiration, tiraillée et dévorée de culpabilité. Serait-elle une horrible personne si elle avouait égoïstement, comme si elle n'avait rien écouté de la peine exposée de son compagnon ? Vaudrait-elle aussi peu que tous ces autres avant elle alors que eux avaient eu l'excuse de ne pas savoir ? Serait-elle blâmée pour ressentir ce que lui ne savait plus éprouver ? Serait-elle punie d'être faible face à lui ? Face à ce qu'elle désirait ?
« Je veux... Je voudrais vos mains sur moi. »
Astarion fut satisfait. Pas tant parce que cette réponse rejoignait son désir mais parce que l'objet de ce même désir avait su s'exprimer ouvertement pour la première fois. Oh, il était bien conscient du conflit de conscience qui agitait Silesta, il fallait être aveugle ou ne pas la connaître pour ne pas l'avoir vu et ce fut d'ailleurs ce qui termina d'achever le roublard. Quoi qu'elle en pensait, c'était elle qui avait gagné pour ce soir.
La porte se referma sans un bruit et le silence les entoura. Aussitôt, les doigts d'Astarion entreprirent de s'attaquer aux cordons de soie dorée qui scellaient le corset de Silesta. Il avait la même patience et minutie qu'un maître joaillier sur un ouvrage précieux ou que le voleur qu'il était face à une serrure récalcitrante. Ses gestes étaient lents mais précis.
Quand les lacets glissèrent du dernier passant et que la pièce de cuir brocardé tomba au sol, la jeune femme déploya ses poumons sous une inspiration nouvelle. En fait, elle ne pouvait plus respirer. Elle ne savait plus très bien. Quand il la regardait ainsi, les notions de sa propre anatomie se faisaient floues. Le frôlement de ses mains fraîches qui remontaient depuis sa taille lui fit lever les bras pour l'aider à lui retirer sa chemise.
Elle retint d'une main sur son buste le mouvement qu'il eut vers elle pour se pencher et alla ramener sur une même épaule toute sa chevelure cuivrée. Le vampire ne prit conscience de son autre faim que lorsque la courbe du cou de son calice se tendît par son mouvement de tête pour lui faciliter la tâche.
« Si vous ne craignez pas de mourir dans une explosion », prévint Silesta avec une pointe de malice.
Il lui rendit un sourire incisif. Comment osait-elle le soumettre à tel dilemme entre cette veine palpitante et ce corps transi de désir ? Il se pencha.
« Présenté ainsi, si je n'étais pas aussi assoiffé... » Elle frissonna alors qu'il promenait son souffle et ses lèvres du bout de son épaule jusqu'à son oreille. « J'avoue que je préférerais sans hésitation me risquer d'abord à mourir d'épectase. »
Silesta laissa ses mains courir sous la chemise de son compagnon et suivit par effet miroir les caresses que lui-même opérait dans son dos dénudé. Elle descendit lentement le creux de sa colonne vertébrale et apprécia les reliefs de ses cicatrices. Elles faisaient de lui ce qu'il était, elle les acceptait comme le reste.
L'impulsion impatiente que le vampire mit dans sa morsure la fit reculer contre le mur. Prise entre le frais de la paroi et celle du corps d'Astarion contre elle, la jeune femme se laissa gagner par l'ivresse que lui procurait ce transfert vital. À mesure que se brouillait sa raison, l'étreinte de son amant se faisait plus animale. Elle s'était vraiment trop bien habituée ; peut-être n'était-elle pas différente d'Araj après tout.
Une fois que le vampire fut rassasié, Silesta le laissa récupérer, le temps pour elle de s'occuper de desserrer les lacets qui fermaient la chemise de son compagnon. La tâche étant bien plus simple que ce que lui avait dû affronter auparavant avec le corset, elle se hasarda à lever les yeux vers lui et rencontra une flamme nouvelle en train de danser avec vivacité au fond de ses yeux grenat. La course dans ses veines s'accéléra.
Elle se surprit à entrouvrir les lèvres quand elle regarda les siennes. Leurs pensées se rencontrèrent et Astarion fit de même en se penchant vers elle. Un faible arrière-goût de fer. Silesta interrompit le mouvement de ses mains sur les lacets quand il l'emporta dans ce baiser à la fois intense et hésitant. Cette vulnérabilité subite l'ébranla tout entière. Une part de lui avait peur.
Astarion frémit quand elle lui enserra la taille avec la même douceur que tout à l'heure. Il n'était plus dans la représentation et elle avait senti « qu'il n'avait plus son texte » pour le guider. Il la remercia en son for intérieur pour sa patience et glissa sa main dans la nuque de la jeune femme pour ne pas briser le contact.
Quand elle se résolut à se séparer un instant de lui, Silesta n'eut pas besoin de parler pour qu'Astarion comprenne ce qu'elle voulait lui demander. Même au seuil de l'abandon, là où la raison fermait les yeux au profit des sens bruts, elle arrivait encore à penser à lui. La réponse était pourtant aussi évidente que lorsqu'ils étaient encore au balcon de cette terrasse.
L'elfe hocha la tête avec confiance et dissipa les doutes de sa maîtresse en l'emportant vers le lit.
Le confort feutré d'une chambre éclairée à la lueur vacillante de bougies, l'atmosphère purifiée par le dôme d'Isobel, une forme de désir commun retardé, la découverte d'un sentiment profond longtemps tapi dans un coin du cœur, l'abandon difficile d'un costume porté depuis presque toujours et la fragilité qui en découlait, la simple envie de vouloir être vivants. Il y avait tant de choses qui pouvaient expliquer en quoi cette communion charnelle qui entrelaça corps et esprits fut aussi intense et délicieuse. La nuit au Bosquet d'Émeraude avait beau avoir été plaisante, celle-ci n'avait pas du tout la même saveur pour Silesta et encore moins pour Astarion. Ils goûtaient à une douceur dans les caresses et les soupirs qui dénotait que quelque chose avait changé.
Silesta accueillit son compagnon dans son entièreté et pas juste cette belle image parfaite constituée dans la douleur. Là où il lui avait révélé la part manquante de son être, elle-même se sentait à présent complète. Quand elle ferma les yeux dans l'ultime frisson, il lui sembla cueillir un fragment de cette âme cachée.
Astarion avait exécuté ces gestes, ces automatismes, un nombre incalculable de fois grâce à sa faculté d'éteindre sa volonté sur commande. Cette nuit cependant, accéder à nouveau à la part mise sous silence de lui avait transformé la donne et il découvrit ce qui lui passait au-dessus jusqu'ici : le plaisir spirituel. Même s'il était toujours surveillé par son spectre qui dissociait son esprit de son corps, Astarion put compter la tendresse des yeux et des bras qui l'embrassaient pour le tenir éloigné au maximum jusqu'à ce que ses craintes ne meurent dans la chaleur de ses reins.
Il n'y avait rien sauf cette prenante sensation de sérénité qui flottait tout autour d'elle. Il n'y avait pas de sol pas plus qu'il n'y avait de ciel, juste une étendue infinie opaque et bleutée sans début ni fin. Elle se sentait bien. Elle se sentait bien et il n'y avait rien pour briser cet état de sécurité rassurant et pourtant, un bruissement inaudible la gardait en alerte, comme un pressentiment qui lui gelait lentement la colonne vertébrale jusqu'à se ramifier dans le reste de son corps.
Quelle était cette peur ? Ce n'était pas la sienne. Le bruissement devint murmure sans paroles. Il revenait. Encore cette mélopée aux notes anxieuses. Qui était-ce ? Elle força sur toutes les fibres de son être.
« Qui êtes-vous à la fin ! »
Tout à coup, ce fut comme si un voile se levait devant ses yeux. Un visage penché sur elle. Un garçon. Un elfe aux cheveux brou de noix et aux yeux tilleul.
Une voix de femme.
« Enfuis-toi vite. Silesta. »
Elle ouvrit brutalement les yeux dans la lumière discrète de flammes de bougies. Elle respira lentement, le temps pour elle de rassembler les parcelles de ses pensées éparpillées. Le frais dans son dos et sur ses jambes. Une surface inhabituelle contre laquelle reposait sa peau nue. Un parfum de romarin et de musc. Quelque chose qui lissait ses cheveux dans une caresse aérienne.
La jeune femme se redressa du buste d'Astarion contre lequel elle s'était assoupie tout en rejetant ses cheveux dans son dos. Elle fut agréablement surprise de découvrir que contrairement aux fois précédentes, son bel amant ne s'était déjà pas éclipsé.
L'elfe l'observa faire tout en laissant couler entre ses doigts la mèche de cheveux argile qu'il tenait. Les draps froissés à la naissance de ses reins, la blancheur de sa peau, le feu de ses cheveux retombant sur sa nudité sans la cacher complètement ; une scène similaire à d'autres qu'il avait vécues auprès de bien d'autres amants et maîtresses. Et pourtant. Quand elle l'accueillit par ce sourire timoré, il laissa malgré lui ses pensées s'écouler directement à ses lèvres :
« Par les dieux, vous êtes magnifique. »
Elle retint un rire, s'accouda et posa son menton contre ses poings pour profiter un peu elle aussi de ce qui se tenait devant elle. Lové dans le rebondi épais d'oreillers et de coussins, le corps pâle et parfait d'Astarion se perdait dans le blanc des draps. La lueur des bougies faisait ressortir la chaleur qui avait déposé son voile vaporeux sur sa peau. L'aura enjôleuse de l'elfe irradiait au sommet de son sex-appeal et la silencieuse spectatrice ne s'en offusqua pas. En dépit de sa fragilité bien cachée, Astarion resterait Astarion et ce manteau de mystère charmeur ferait à jamais partie de sa toilette. Elle sourit.
« Ne me dites pas ça, je risque de m'habituer. »
Le vampire lui prit une nouvelle mèche de cheveux roux et la porta à ses lèvres pour un baise-main par procuration avec un sourire entendu.
« Ne vous méprenez pas. Je ne suis pas un gentil garçon comme notre bon Gayle. Je ne caresse pas les lapins. Juste vous. »
Il avait vraiment le don de savoir jongler parfaitement entre le chaud et le froid et inversement. Ce n'était pas une réplique vénéneuse pour la remettre à sa place pas plus que ce n'était pour la faire rougir – quoique. Ce n'était qu'un constat, une vérité que Silesta savait déjà et avait accepté.
Elle se mordit la lèvre pour empêcher cette question au bout de sa langue, craignant de briser ce rêve éveillé qu'elle occupait. Néanmoins, après ce qui avait été dit, après avoir plongé si loin l'un dans l'autre, ce point d'interrogation longtemps contenu ne faisait que se renforcer.
« À propos de nous... commença-t-elle lentement.
_ Nous. Voilà un mot qui ne m'est guère familier, concéda Astarion, perdu dans le lointain pour apprécier tout le sens de cette syllabe à la fois unique et plurielle. Mais j'aime bien cette sonorité. »
En entendant cela, Silesta hésita encore plus à aller au bout de son entreprise. Elle délaissa son port de tête d'une main qu'elle posa sur Astarion comme si elle voulait matérialiser leur lien autrement que par leurs corps nus l'un contre l'autre.
« Que suis-je exactement pour vous ? »
Elle avait parlé aussi bas qu'elle l'aurait fait pour ne pas réveiller un bébé. La jeune femme fut heureuse de ne pas voir son compagnon se courroucer de la question mais le voir plutôt embêté ne la rassura pas.
« Eh bien, je ne sais pas, avoua-t-il, visiblement pris de court. Mais est-ce forcément une mauvaise chose de ne pas savoir ? »
Il comprit au regard qu'elle lui rendait que bien qu'elle ne fût pas fâchée de cette réponse, elle ne la satisfaisait pas non plus. Astarion soupira et secoua la main, à la recherche des mots à choisir.
« Ah... Vous n'êtes pas une proie, ni une victime. Pas plus qu'une conquête d'un soir à oublier au plus vite. Dans ce cas... » Sa nervosité disparut au profit d'un blanc qui le désarçonnait plus qu'autre chose. « Que pouvez-vous donc bien être ? »
Il se posait assurément la question. Jamais en deux cent ans il n'avait serré ainsi quelqu'un contre son cœur et ce nouveau concept d'être libre de décider lui était intimidant.
Silesta n'aurait jamais imaginé une grande déclaration d'amour en guise de réponse mais cette touchante maladresse en face d'elle lui fit le même effet. Qui aurait pu lui prédire au début de cette aventure qu'elle trouverait un jour Astarion aussi adorable ?
Voir l'elfe se passer nerveusement la main dans les cheveux et dévoiler ainsi ses oreilles pointues la fit tiquer. Une lumière s'alluma dans son esprit et le visage de ce garçon inconnu aux cheveux brou de noix dans cette salle sombre vint se placarder devant elle avec en fond l'écho de cette voix de femme.
« Silesta ? »
Elle papillonna des paupières et revint dans la chambre face à son amant intrigué.
« J'ai fait un rêve similaire à celui dans les Tréfonds, celui où je voyais quelqu'un. Et cette fois, je l'ai vu, ce quelqu'un.
_ L'avez-vous reconnu ?
_ Je n'ai pas la moindre idée de qui il s'agit. »
Est-ce que le fait d'avoir dédié un chapitre complet juste pour cette cut-scene laisse entendre que c'est ma préférée ? Si peu...
J'avoue, j'ai mis beaucoup de dialogues dispos, je n'arrivais pas à me décider et je ne voulais pas mettre le dialogue spécial « Araj pas croisée » que je jugeais trop facile. Et quand j'ai cru en avoir fini, je tombe sur cette vidéo où l'on voit ce qui se passe si on propose à Astarion de lui laisser le temps sans coucher. OMG, cette voix. Ce discret et faible rire entre la reconnaissance et la désolation. Ce regard... ç_ç
J'ai fangirlé sur Astarion lors de la scène chez les druides mais je suis vraiment tombée amoureuse de son personnage et sa personnalité pendant celle-ci. Tellement d'émotions... dédicace au talent de Neil.
Sinon, OK, Astarion a tombé le masque et est à présent sincère avec Silesta mais il ne s'agit pas du dernier cran de leur relation. La consolidation finale sera pour plus tard et après, ce sera open bar (je me rends compte que j'ai vraiment ouvert les vannes avec les deux dans l'acte 3) !
J'ai des... trucs en réserve avant d'en arriver là.
Pour les inquiets du OOC, rassurez-vous, pas question de sombrer dans la guimauve absolue non plus, je me flagellerai avec des orties en verre pilé.
