CHAPITRE 5 :
Juillet 2007
Dehors s'abattait une averse comme on n'en avait pas encore vu cet été là ; mais, à l'intérieur du café, c'était Hermione que Draco n'avait jamais vu aussi soucieuse.
- Bordel, mais qu'est-ce qu'il t'arrive encore ?
Elle ne lui prêta pas attention, continuant de chercher de plus en plus profondément dans son sac à main.
- Oh non, non, non, c'est impossible que je n'en ai pas pris, murmura-t-elle.
Les gens qui entraient dans le café devaient se faufiler entre eux, alors qu'Hermione continuait de fouiller frénétiquement dans son sac et que Draco soufflait d'impatience.
- Oh j'y crois pas, j'ai oublié mon parapluie !
- Attends, tu veux dire que tu as la moitié de ta maison, de ton bureau et d'une librairie fourré là dedans mais pas un simple parapluie ? Dit-il avec un sourire narquois. Eh bien, bonne chance, ça tombe fort dehors.
- Oh la ferme !
Elle abandonna ses recherches, regardant craintivement la tempête à l'extérieur et leva des yeux pleins d'espoir vers lui.
Le sourire de Draco ne fit que s'élargir d'avantage.
- Aucune chance, Granger.
Elle tapa le sol de son petit pied, comme une enfant.
- Allé Malfoy ! Prête moi ton parapluie, j'ai une présentation de traduction de rune devant l'agent de liaison du peuple Mer à faire dès que j'arrive au travail !
- Pas moyen ! Ce n'est pas de ma faute si tu ne t'es pas correctement préparée ce matin pour faire face aux éléments.
- Quel gentleman ! N'as-tu pas eu des leçons d'étiquette durant ta délicate et aristocratique enfance ?
- Deux fois par semaine. Mais ça ne change rien au fait que j'ai besoin de mon parapluie parce que, comme je te l'ai déjà dit, j'ai une réunion très importante avec les représentants du Ministère et les hauts placés de mon agence ce matin. Une réunion à laquelle tu vas me faire arriver en retard, alors bonne chance Granger.
Draco ouvrit son parapluie et sorti sous l'averse, mordant l'intérieur de sa joue pour se retenir de rire. La petite Madame Je-Sais-Tout était face à une énigme : il y avait trop de moldus autour d'elle pour faire apparaître un parapluie ou dupliquer celui de Draco.
Confortablement au sec sous son parapluie noir, il se retourna pour observer le spectacle. Hermione ouvrit la porte avec précaution, se décalant pour laisser passer un couple qui entrait, et resta figée sous le auvent. C'était son dernier rempart avant l'imminent déluge et Draco se délecta de son visage passant de la peur à la résignation. Elle commença à déboutonner sa veste grise et il réalisa avec une horreur grandissante qu'elle comptait utiliser cette légère petite veste pour couvrir ses cheveux – ce qui signifiait que sa chemise blanche en dessous allait être complètement trempée en quelques secondes et devenir totalement transparente. Une vision de pure désolation.
Maudissant son soudain appel pour la chevalerie et mettant ça sur le fait qu'il ne voulait pas être en retard, il s'avança vers elle.
- Oh ne soit pas ridicule Granger, viens là !
Il la tira par le bras et la plaqua contre son flanc, sous la sécurité de son parapluie. Elle eu un petit glapissement et dû s'accrocher à lui – un bras autour de sa taille et l'autre dans son dos – pour retrouver son équilibre.
Aucun d'entre eux ne dit mot alors qu'il les faisait avancer le long de la rue. Draco comptait ses inspirations tout en essayant de ne pas respirer trop fort – depuis quand devait-il autant se concentrer pour respirer ? Je suis en contrôle.
Il n'avait pas remarqué qu'elle était aussi petite avant. Si elle avait été face à lui pour l'étreindre, le sommet de sa tête lui arriverait à peine au menton. Ce qu'ils n'étaient pas du tout en train de faire. Ils ne s'enlaçaient pas. Il escortait simplement une demoiselle vers son lieu de travail. Poli et convenable. Ce n'était foutrement pas sa faute si elle avait choisi ce matin en particulier pour être tête en l'air.
Hermione ajusta légèrement son allure pour suivre sa longue foulée et resserra sa prise autour de lui. Surpris par ce mouvement, Draco inspira une bouffée d'air et respira l'odeur de ses cheveux. Je. Suis. En. Contrôle.
A l'époque où ils étaient à l'école, Draco avait souvent imaginé que les cheveux d'Hermione sentaient le foin. Il réalisait à présent que c'était un avis stupide et puéril et venait de se voir prouver le contraire. Les cheveux d'Hermione avaient l'odeur d'une fleur qu'il ne reconnaissait pas. Rien de semblable à ce que sa mère faisait pousser au Manoir, rien qu'il ne fasse pousser chez lui et certainement pas quelque chose qui aurait poussé dans les serres de Poudlard. Alors qu'est-ce que c'était ?
- Je-euh... Je crois que je peux faire le reste du chemin sereinement maintenant.
Elle retira lentement ses bras autour de lui alors qu'ils approchaient de l'entrée du Chaudron Baveur. Elle prit l'un de ses objets à écrire moldu de son sac et le métamorphosa en parapluie.
- Merci Malfoy, à demain, murmura-t-elle avant de pratiquement courir dans la direction opposée à lui sans attendre sa réponse.
Alors qu'il tapotait sa baguette à la base de son col pour transformer son costume en robes de sorcier, il se demanda pourquoi aucun d'entre eux n'avait pensé à courir sous la pluie pour ensuite simplement réaliser une série de Sort de Séchage.
Draco essayait d'être attentif, il essayait sincèrement. C'était un privilège que son patron le laisse, lui et quelques uns de ses collègues, participer à ce projet en tant que consultant. Mais ce n'était pas sa faute si l'employé du Ministère actuellement en train de parler avait une voix si ronronnante que son esprit était obligé de vagabonder pour rester éveillé. Et évidemment, son esprit ne voulait pas vagabonder ailleurs que sur un chemin en particulier.
Hermione Granger et sa masse de cheveux à la couleur de miel et à l'odeur de fleurs, collés contre lui ce matin. Ses bras fermement agrippés autour de son dos et de son abdomen. S'il se concentrait sur son souvenir, il pouvait encore sentir ses mains chaudes froissants sa chemise alors qu'elle se serrait contre lui pour trouver l'équilibre. Il connaissait à présent la sensation des mains d'Hermione sur son corps. Je suis en contrôle.
Par la putain de barbe de Merlin, il avait besoin de s'envoyer en l'air. Si le simple fait d'avoir une femme qui le tenait pendant quelques minutes devenait une telle distraction, il avait désespérément besoin de tirer un coup. C'était sans doute lié à la nouveauté. Il n'avait jamais été aussi prêt de Granger de sa vie, c'était donc la surprise d'avoir ses bras autour d'elle qui lui embrouillait l'esprit. Rien de tout ça n'avait d'importance dans tous les cas, parce qu'il n'y avait aucune chance que Granger soit assise à son bureau, obsédée par ses bras qui l'enlaçait.
Le visage de Draco retourna son attention vers son patron, Bellamy Wright-Johnson, lorsqu'il mentionna son prénom. Repoussant toutes ses pensées concernant son étreinte matinale avec Granger, il l'écouta lui donner le signal pour présenter le point finance de ce matin.
Pendant les années où il n'y avait pas de Coupe du Monde de Quidditch, de nombreux pays d'Europe organisaient des matchs de démonstration pour récolter des fonds pour divers œuvres de charité. Cette année, l'Angleterre rencontrerait la France et l'entreprise de Draco était toujours appelée pour sélectionner les joueurs de l'équipe britannique. C'était la troisième année que ses supérieurs demandaient à Draco de rejoindre le comité de sélection et qu'il apportait son atout principal: être un riche héritier de Sang-Pur qui savait gérer un large montant d'or. Draco était doué pour jongler avec un budget. Depuis que ces matchs étaient un événement international et que la fierté anglaise était sur la table, les joueurs avaient besoin de véritables uniformes ainsi qu'un model de balais particulier pour tous. Sans compter le cout de la sécurité, des médicomages, des vendeurs et autres équipes d'enchantement du Ministère pour travailler sur les stades sélectionnés.
Une fois que Draco eu finit son rapport devant les membres de son cabinet, le Département des Jeux et Sports Magiques, le Département de la Coopération Magique Internationale ainsi que quelques attachés de presse du Ministère, il retourna s'asseoir et Bellamy lui lança un bref hochement de tête d'approbation.
- D'autres questions au sujet du budget ? Demanda Bellamy.
Une sorcière aux cheveux auburn du Département International – qui était vaguement familière à Draco – leva la main depuis l'autre bout de la table de conférence.
- Le budget conviendra à nos besoins et je ne vois pas de raisons pour lesquelles mon département n'approuvera pas ce plan. Je souhaiterais tout de même suggérer l'ajout d'un interprète à nos négociations avec la délégation française. La traduction des sorts est assez mauvaise lors des réunions en personne et j'aimerais un véritable traducteur cette année.
Alors que la jeune sorcière mentionnait le « véritable » traducteur, le sorcier à droite de Draco étouffa un rire. Draco lança un regard furieux à Cormac McLaggen, se demandant ce que ce crétin avait bien pu trouver de si drôle.
Quelqu'un à la tête d'un autre département répondit à la sorcière et il y eu un débat pour trouver un candidat adéquat. Draco leva les yeux au ciel.
- Je peux le faire.
Toutes les têtes se tournèrent suspicieusement vers lui. Draco les fixa en retour, imperturbable.
- Toi ? Tu parles français ? Demanda la sorcière.
- Je ne proposerais pas si je ne parlais pas couramment, dit-il le plus poliment possible.
La sorcière l'examina pendant quelques seconde et hocha la tête.
La réunion se termina et tous rassemblèrent leur notes et retournèrent à leur bureau respectifs. Draco suivit Bellamy et le reste de ses collègues pour sortir de la salle de conférence mais une voix l'appela alors qu'il atteignait la porte.
- Eh ! Malfoy !
C'était la jeune sorcière aux cheveux auburn qui avait demandé un traducteur français. Alors qu'elle s'approchait de lui, Draco réalisa qu'il la connaissait. Elle lui tendit la main.
- Susan Bones, on était dans la même promotion à Poudlard.
Oh. C'est vrai. Merde. Des Mangemorts ont tué sa tante, Amélia Bones. Génial.
- Mh. Salut.
Il lui serra la main maladroitement.
- Désolée de t'avoir posé la question comme ça devant tout le monde, c'est simplement qu'après l'incident de l'année dernière avec la Russie j'avais besoin d'être sûre.
- Que s'est-il passé l'année dernière ?
A cet instant, McLaggen passa à côté d'eux avec des sourcils relevés et fit un clin d'oeil à Susan.
- Ravi de te revoir Bones, ronronna-t-il en lui lançant un sourire coquin alors qu'il quittait la pièce.
Draco leva les yeux au ciel mais ce ne fut rien comparé au mépris qu'affichait ouvertement le visage de Susan.
- Ca. McLaggen. Ce con m'a dit qu'il parlait russe couramment.
- Ce n'est pas le cas ?
- Absolument pas, renifla-t-elle. Il était introuvable aux réunions et j'ai du me débrouiller toute seule, c'était dur. Quand je l'ai confronté il a à peine haussé les épaules et m'a dit qu'il n'avait jamais spécifiquement dit qu'il parlait russe, seulement qu'il avait un don avec les langues, si je voyais ce qu'il voulait dire.
- Je ne comprends pas vraiment –
- Il voulait juste me mettre dans son lit, dit-elle sans détours.
- Oh.
Draco rougit, ne sachant comment répondre. Susan haussa simplement les épaules.
- C'est un blaireau. Bref, merci de t'être proposé comme interprète. Je suppose qu'on travaillera ensemble le mois prochain.
Elle lui serra de nouveau la main et quitta la pièce.
Hermione n'avait pas raconté à Ginny « l'Incident du Parapluie ». Elle n'était pas certaine de savoir comment formuler correctement les évènements. « Eh bien, il m'a prit par le bras et, franchement, je n'avais pas d'autre choix que de l'agripper par la taille et oui, j'ai senti à quel point il était fin et musclé sous son costume hors de prix et oui, il sent plutôt bon, et il a du penser que j'avais la grâce d'un babouin bourré à la façon dont j'ai tiré sur sa précieuse chemise pour ne pas m'écraser la tête la première par terre ».
Hermione grogna et enfouie sa tête dans ses mains. C'était ridicule, même dans sa tête. Il n'y avait aucune chance que Draco Malfoy ai passé son week-end entier à penser à ses bras autour de sa taille donc elle devait arrêter et oublier.
Mais évidemment, l'énervante Ginny et ses pensées indélicates du week-end dernier ne cessaient de résonner dans sa tête. Peut-être « qu'indélicates » était un terme trop pompeux mais, Ginny trouvait-elle réellement Malfoy attirant ?
Objectivement parlant, oui, Hermione devait admettre – baguette sous la gorge – que la majorité des gens pouvait considérer Draco Malfoy comme un homme attirant. Il avait un physique atypique – avec ces cheveux d'un blond-blanc indécent, sans parler de ses yeux gris argentés et de sa peau pâle qui lui allait étrangement bien, au lieu de lui donner l'air d'être un vampire sous alimenté. Il était agréablement grand et son visage avait les angles saillants et la mâchoire de ses ancêtres aristocratiques, et il ne se déplaçait jamais sans ses costumes sombres et bien taillés. Maintenant, Hermione pouvait même dire que sous ses chemises se trouvait une attrayante musculature...
Non. Stop. Ce n'est pas convenable.
Hermione soupira et poussa la porte du café pour retrouver l'objet qui hantait ses pensées, assit dans une posture rigide, à leur table habituelle.
Etait-ce son imagination ou le coin de ses lèvres s'étirait imperceptiblement vers le haut quand il la voyait ?
- Bonjour.
Elle accrocha son sac au dossier de la chaise face à lui.
- Granger. Tu as coupé tes cheveux.
Surprise par ce commentaire sur son physique, son regard écarquillé rencontra le sien. L'impassibilité qu'elle y vit ne fit qu'augmenter son agitation.
- Oh ! Oui, je veux dire... J'ai... Hier, avant le dîner chez les Weasley. Juste un rafraîchissement.
Hermione détourna le regard et tripota la sangle de son sac.
- Je vais chercher mon thé, tu veux quelque chose ?
- Non, merci, murmura-t-il alors qu'Hermione tentait de ne pas penser au fait que la plupart des femmes trouvait son timbre de voix attirant aussi.
Elle évita de le regarder dans les yeux et se tourna vers le comptoir.
Ce n'était pas comme s'il avait dit qu'il aimait comment elle était coiffée – ou sa nouvelle coiffure tout court. Par Merlin, pourquoi était-elle si perturbée par un commentaire objectif sur ses cheveux ? Elle se comportait comme une idiote vaniteuse. Mais c'était étrange qu'il l'ai remarqué.
Une fois – quand ils sortaient encore ensemble – Ron lui avait demandé quel sortilège elle utilisait pour que ses cheveux restent toujours à la même longueur et elle l'avait regardé comme s'il avait eu trois têtes. Il y avait eu une autre fois mémorable, où elle avait volontairement trop raccourcit un côté dans l'espoir d'arracher un quelconque commentaire de sa part. Elle avait pratiquement dû lui hurler dessus et lui dire qu'elle revenait de chez le coiffeur et lui demander s'il ne remarquait rien de particulier à propos de ses cheveux avant qu'il n'hausse les épaules et dise qu'il n'y avait aucune différence selon lui.
La vieille dame derrière le comptoir retourna à Hermione ses joyeuses salutations mais, quand elle lui tendit son Chai Massala, elle lui glissa également une assiette avec un scone.
- Oh, excusez moi mais je n'ai pas commandé ça.
La femme lui fit un sourire complice.
- C'est pour votre petit ami, ma jolie. Il essaie peut-être de le cacher mais aucun autre de mes clients ne mange mes scones à la myrtille comme lui ! C'est comme s'il n'avait jamais goûté quelque chose d'aussi bon dans toute sa vie.
- Ce n'est pas mon petit ami, lui dit Hermione toute hébétée. Il est... Simplement... Je veux dire que nous ne sommes pas...
Elle balbutia mais le sourire de la femme ne s'effaça pas.
- D'accord, eh bien peu importe ce qu'il est pour vous, il donne de bons pourboires. Donc dites lui que c'est un cadeau de la maison.
Hermione senti son visage prendre une malheureuse teinte de rouge. Elle était simplement amie avec Draco. Mais ce n'est pas vrai, dit une voix narquoise dans sa tête. Quand t'a-t-il donné l'impression qu'il était ton ami ? Vous n'êtes que des espèces de connaissances, tout au plus.
Hermione soupira en s'approchant de la table et déposa l'assiette devant Draco. Il haussa l'un de ses pâles et parfaits sourcil vers elle. Arrête. D'admirer. Son. Visage.
- Tu as une admiratrice derrière le comptoir, dit-elle pour toute explication en agitant la tête vers la vieille dame.
Elle s'attendait à ce qu'il ait un sourire en coin. Elle s'attendait à ce qu'il fasse un trait d'esprit sur le pouvoir de son élégante beauté pour s'attirer les bonnes grâces des vieilles dames. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il ai l'air incroyablement mal à l'aise et qu'il pâlisse.
- Je n'ai pas besoin... Bon. Ce n'était absolument pas nécessaire, qu'est-ce qui ne va pas chez cette femme ?
Hermione haussa les épaules, troublée par son inconfort.
- Je pense que c'est parce que tu es un client fidèle et régulier, et que c'est une gérante avec de la jugeote. Elle a dit que tu donnais de bon pourboires.
Il se tourna sur son siège, ses yeux fixant la porte – la sortie.
- Eh bien, elle n'a vraiment pas besoin de donner des scones par pitié à des gens comme moi.
- Parce que c'est une moldue ?
L'expression sur son visage passa d'une gêne inconfortable à de l'affront.
- Bordel Granger, non ! Pourquoi es-tu toujours...
Il soupira et passa une main dans ses cheveux blonds.
- Laisse tomber, cracha-t-il avec résignation.
Par Merlin, qu'est-ce qu'il pouvait être lunatique ! Changeant. Un peu comme la couleur de ses yeux.
Ils marchèrent silencieusement vers leur lieu de travail et il lui lança un « à bientôt Granger » de manière bourrue quand ils se séparèrent. Elle pouvait dire, à la manière dont il carrait les épaules en se retournant, que quelque chose le préoccupait. Ses belles, larges et formelles épaules...
Hermione gronda son subconscient et se renfrogna tout le long du chemin jusqu'à son travail. Peut-être devait-elle accepter l'offre de Ginny et Padma et qu'elles lui organisent un rendez-vous arrangé si ses hormones agissaient de façons aussi ridicule au sujet de ce foutu Draco Malfoy.
Le temps était doux et plaisant pour la mi-juillet. Draco marchait le long du Chemin de Traverse à la pause déjeuner. Il venait de finir son rendez-vous mensuel avec le Guérisseur Browning et se sentait vidé. Il prit une route plus longue qu'à l'accoutumée, espérant qu'un peu d'air frais le ranime suffisamment pour le reste de sa journée de travail.
Ça avait été un rendez-vous particulièrement éprouvant, surtout parce que sa conversation de la semaine passée avec Granger l'avait rendu aigri.
Ce qu'il avait vainement tenté d'articuler, c'était l'horreur qu'il avait ressentit quand cette femme moldue avait été bienveillante envers lui. Cette femme qui ne lui devait rien, qui ne connaissait rien de son passé honteux. La bile était remontée le long de sa gorge quand Draco avait imaginé qu'elle pensait qu'il était un client régulier et gentil alors qu'il avait été en faveur de l'extermination de personnes comme elle. C'était ce qu'il avait essayé de lui dire en soulignant « quelqu'un comme moi ». Quelqu'un de malveillant. Quelqu'un d'infâme. Quelqu'un de corrompu.
Evidemment, Granger avait cru qu'il n'était qu'un connard de Sang-Pur, élitiste et rempli de préjugés. Non pas qu'il lui en veuille pour ça, même si la douleur était cinglante.
Browning avait de nouveau demandé à Draco des nouvelles de son « amie » durant la séance. Draco avait senti une désagréable sensation dans sa poitrine à ce mot. Il n'était pas sûr que Granger et lui soient amis. Quoi qu'il se passait entre eux chaque matin, cela restait innomé et sans définition. Draco ne ressentait pas le besoin de mettre une étiquette sur tout .
Comme toujours, parce qu'après tout c'était la raison pour laquelle il le payait, Browning le poussa dans ses retranchements.
- Pourquoi penses-tu que vous n'êtes pas amis ?
- Elle a plein d'amis, dit-il en haussant les épaules. Je ne pense pas qu'elle me considère comme tel.
Browning l'observa par dessus ses lunettes, mains jointes.
- Pourquoi pas ? Vous passez du temps ensemble cinq jours par semaine, par choix, n'est-ce pas ?
C'était plutôt vrai. Et c'était d'ailleurs la meilleure partie de sa journée. Il se demanda si Granger pensait la même chose.
- Je ne crois pas qu'être amie avec moi soit quelque chose qu'elle souhaite.
Gratte, gratte, gratte fit la plume flottante contre le parchemin.
- Et toi?
La question de Browning le prit au dépourvu.
- Etre ami avec Gr – avec elle ?
Il avait presque craché le morceau. Etait-ce sage de continuer de mentir à son guérisseur ? Peut-être pas, songea Draco, mais il ne voulait pas reconnaître que la sorcière avec qui il passait la plupart de ses matinées, s'avérait être l'ancien objet de son harcèlement verbal ainsi que de torture physique sous son propre toit. S'il devait regarder Browning sortir les longs parchemins des séances des années précédentes, durant lesquelles il avait eu des véritables crises de panique – jusqu'à en vomir – à propos d'Hermione Granger, il n'y aurait pas de quantité suffisante de whisky ou de Philtre de Paix pour le calmer.
Browning laissa sa question en suspend. Par Salazar ! Cet homme ne le laisserait jamais tranquille.
- Je ne sais pas. Je n'ai pas besoin de plus d'amis.
C'était une réponse pathétique et Draco su que son guérisseur voyait clair dans son jeu.
- Parce que tu as beaucoup trop d'amis, c'est ça ?
Oh va te faire voir.
Draco fit en sorte de garder son insulte pour lui même, mais formula une réponse tout aussi froide et dédaigneuse, qui traduisait ses sentiments de la même manière.
- Je n'ai pas besoin de plus.
Gratte, gratte.
- Tu n'as pas mentionné Théo Nott depuis un moment, quand était la dernière fois que tu l'as vu ?
Touché*, vieux bougre.
Draco grimaça en sachant qu'il s'était fait avoir.
- Il y a un mois et quelques. Je crois que son travail l'occupe beaucoup.
Browning dirigea son attention vers le parchemin suspendu devant lui pendant que Draco mordait l'intérieur de sa joue. Il ne parvint finalement pas à retenir la question qui lui brûlait les lèvres.
- Comment savoir si nous sommes amis ? Comment savoir si elle en a envie ?
Draco détestait entendre l'insécurité dans sa voix. Les Malfoy n'avaient pas besoin d'amis. Ils formaient des alliances, travaillaient en réseau et jouaient un jeu si sournois qu'ils n'avaient pas besoin d'une chose aussi banale que de l'amitié. C'était ainsi que Draco avait été élevé, de toutes façons. Et regarde jusqu'où cette attitude t'a mené...
- Eh bien, d'après ce que tu m'as dit, vous vous retrouvez volontiers avant le travail. Certains jours vous êtes pris dans des débats spirituels, parfois vous vous disputez. Vous parlez de vos week-ends autant que de vos carrières. Elle te met au défi mais tu as l'air d'apprécier discuter avec elle. Elle t'a correctement aidé pendant une crise de panique et a l'air heureuse d'être vue en ta compagnie à l'extérieur, même si c'est dans le monde moldu. Tu as dit que tu l'avais harcelée au collège, mais Draco, tu ne penses pas que si elle avait toujours de la rancoeur envers toi, elle ne te l'aurait pas dit, depuis le temps ? Ça fait plusieurs mois, non ? Ça ne ressemble pas à de l'amitié pour toi ?
Draco pencha la tête d'avant en arrière et lutta contre un sentiment étrange qui émanait du plus profond de lui. Cela faisait très longtemps qu'il n'avait plus ressenti quelque chose pareil, et il lui fallu quelques minutes pour réaliser qu'il s'agissait d'un sentiment que l'on pourrait qualifier d'espoir.
- Tu ne la vois que le matin pour un café, correct ?
- Oui, mais je l'accompagne jusqu'au travail aussi.
Gratte, gratte.
- Si ça t'intéresse de cultiver cette amitié au delà des bornes du café, pourquoi ne l'invites-tu pas pour une autre activité. Un soir ou un week-end ? Allez dans un bar ou dînez, comme tu le ferais avec Théo.
Draco blêmi et fixa le sol du bureau.
- Je ne suis pas sûr qu'elle en ai envie, murmura-t-il au plancher.
Est-ce j'en ai envie ?
Un rire familier ramena Draco à l'instant présent. Le rire de Granger. Il aurait pu jurer l'avoir entendu venant de quelque part près de lui. Scannant les rues alentours, ses yeux se posèrent sur les boucles à l'arrière de son crâne.
Elle était assise à une table en terrasse, au Glacier de Florent Fortarôme. Et face à elle se tenait quelqu'un qui fit se glacer le sang de Draco : Ron Weasley.
Draco siffla entre ses dents et se précipita derrière le coin du bâtiment en brique le plus proche. Pendant une minute, il hésita à faire demi tour et retourner dans le bureau de Browning pour exiger une séance d'urgence. Il évitait souvent l'artère principale du Chemin de Traverse, en raison des dégâts qu'elle avait subit par les Mangemorts pendant la guerre. Draco ne se risquait pas à entrer dans certains commerces de peur d'être jugé ou maudit – le Glacier de Fortarôme était l'un de ces établissements.
Il observa Granger et Weasley depuis une distance suffisamment sûre et fut ébahi que le rire de Granger porte aussi loin. L'avait-il déjà fait rire si fort ? Bien sur que non. Ils n'étaient pas amis. Il avait l'amitié personnifié devant les yeux : deux personnes partageant une table en publique, regardant le monde entier avec insouciance, heureux et remplis d'adoration pour leur pure et belle relation.
Draco brûlait de curiosité à présent, continuant d'observer le duo. Pourquoi ces deux là n'étaient-ils pas mariés ? Ils jouaient bien leur rôle. Tout, dans leurs façon d'être et expressions faciales, démontrait une profonde chaleur et affection l'un pour l'autre. Ça avait l'air si naturel. De quoi avait l'air Draco avec Granger ? Certainement rien d'aussi simple et naturel. Il les observa se lever et s'étreindre avec force. Weasley déposa un baiser sur le haut de sa tête avant qu'ils ne se séparent.
Désolé Guérisseur Browning, mais après avoir été témoin d'une scène aussi dégoulinante de tendresse, il n'y avait pas moyen que Draco mette sa fierté en jeu s'il risquait un refus. Je suis en contrôle.
Il n'y avait pas la place dans la vie d'Hermione Granger pour quelqu'un comme Draco, jamais.
Août 2007
- Lis ce titre et dis moi ce que tu en penses.
Draco leva les yeux de son café pour voir Hermione lui brandir l'édition du jour de la Gazette du Sorcier. Il accepta le journal et lu : « Nombre record de Né-Moldu prêts à entrer en Première Année à Poudlard ». Rien ne lui sauta aux yeux.
- Je ne vois pas ce que je suis censé chercher... C'est assez concis.
Hermione exprima son désaccord par des « tututut » et lui arracha le journal des mains.
- Tu ne vois pas de problème à ce que ce journal attire l'attention sur le statu de sang de ces nouveaux élèves ?
Draco fronça les sourcils, toujours dubitatif quand à la réponse qu'elle attendait de lui.
- Est-ce que tu connais le concept d' « altérité » ?
Draco secoua la tête et essaya de ne pas se sentir idiot.
Elle déposa le journal sur la table entre eux et prit une profonde inspiration. Et voilà, un nouvel exposé d'Hermione Granger. Il ravala son sourire en coin pour ne pas qu'elle pense qu'il se moquait d'elle.
- C'était une tactique que Voldemort – Draco tressailli à ce nom mais elle continua – que Voldemort maniait extrêmement bien. Non pas qu'il soit le premier sorcier ou même la première personne à l'exercer, mais on en ressent encore les effets aujourd'hui. En gros, ça revient à placer un groupe de personne comme un standard idéal. Dans le cas des sorciers, ça signifie les Sang-Pur. Toute personne qui n'appartient pas à ce standard doit aspirer à le devenir le plus possible. Avoir leurs valeurs, les mettre sur un piédestal, réaliser leurs souhaits et porter leurs traditions comme si c'étaient les meilleurs souhaits et les meilleures traditions. La seule chose qui vaille.
» Maintenant, toute personne qui ne rentre pas dans ce moule, dans notre cas les Né-Moldu ou les Cracmols, est un « autre ». Ils sont différents. Et puisqu'ils sont différents, ils ont moins d'importance. Et personne ne veut être différent. Donc, le système et les lois soutiennent les Sang-Pur, et parfois ces attitudes sont adoptées par des gens dont le sang n'est même pas considéré comme tel, par simple peur, fatalisme ou avarice. Maintenant, ce n'est pas toujours aussi dramatique que de légaliser quelque chose de barbare comme la chasse aux moldus par exemple – elle fit une pause pour frissonner - parfois l' « altérité » est aussi innocente que la Une d'un journal.
Elle passa son doigt sur le texte.
- Pourquoi est-ce que le fait que ces enfants soient nés moldus a de l'importance ? Quel est le but de cette étiquette, d'un point de vu journalistique ? Ils ont autant de magie que n'importe quel autre enfant avec des parents sorciers. Donc oui, c'est une Une concise et qui paraît assez innocente, en plus. Mais ça ne fait que diviser. Ça dit à ces enfants : « tu es différent, tu appartiens à une classe différente ». Peu importe à quel point tu aiguises tes talents magiques, tu ne seras jamais considéré comme un vrai sorcier ou une vraie sorcière aux yeux de la société. Tu auras ce surnom de « Né-Moldu » qui te suivra pour toujours. Un rappel constant que, peu importe ce que tu accomplis, ça ne sera jamais assez. « Oh tu es doué en sortilège ? C'est super. Pour un Né-Moldu ». Il y aura toujours cet astérisque suspendu au dessus de toi, à chacun de tes accomplissements.
Hermione soupira et rangea le journal dans son sac. Draco n'était pas sûr du genre de réponse qu'elle attendait de sa part, mais elle n'avait pas l'air d'en attendre du tout alors qu'elle regardait pensivement dehors par la fenêtre du café.
- Je pensais juste qu'après toutes ces années, après tout ce pourquoi on s'est battus, que peut-être nous avions dépassé ce genre de réflexions à présent, dit-elle doucement, une pointe de tristesse dans la voix.
Ça, Draco ne pouvait pas le supporter. Il pouvait gérer une Granger grincheuse ou acerbe ou guindé ou ennuyante ou intello ou même quand elle était furieuse contre lui. Mais putain ! Une Granger triste et abattue ? Ce n'était pas normal.
- Change leur façon de penser alors, déclara-t-il.
- Pardon ?
Draco leva les yeux au ciel mais poursuivi.
- Tu m'as bien entendu Granger. Change leur analyse. Commence une croisade dans l'éducation. C'est ton truc.
Hermione le regarda avec des yeux ronds et ouvrit puis referma la bouche à plusieurs reprises. Quand elle retrouva enfin sa voix, Draco fut ravi d'entendre qu'elle était pleine d'une indignation légitime.
- Et comment tu proposes que je m'y prenne, au juste ? Je devrais peut-être écrire un courrier à faire publier dans la Gazette par l'éditeur en chef sur : pourquoi cet article a offensé ma délicate sensibilité de Né-Moldu tout en essayant d'expliquer correctement la théorie sociologique –
- Par Merlin Granger, tu ne vas jamais obtenir ce que tu veux en envoyant une foutue lettre à l'éditeur en chef.
Le regard qu'elle lui lança était venimeux. Il devina que la plupart des gens n'osaient pas interrompre Hermione Granger en pleine phrase. Non, la plupart des gens, ses tendres amis Potter et la Belette inclus, laissaient leurs yeux devenir vitreux et devenaient des observateurs passifs de la conversation. Il avait été témoin de ce comportement à plusieurs reprises de la part de ses colocataires moins intelligents de Gryffondor à l'école, et s'était toujours demandé pourquoi elle s'entourait d'amis à l'intellect visiblement plus faible.
- Qu'est-ce que tu proposes, alors ?
Draco reprit son tic et laissa glisser son index sur le bord du mug qu'il tenait pendant qu'il choisissait ses mots avec soin.
- Ne vaudrait-il pas mieux partir de la racine du problème ? N'es-tu pas d'accord que ce genre de rhétorique visant à changer les états d'esprits devrait commencer dès le plus jeune âge ?
Draco n'arrivait pas à croire que Granger n'avait pas envisagé cette idée avant.
- Commence à Poudlard. Va re-dynamiser les Etudes Moldues ou... Je ne sais pas, commence une espèce de sensibilisation culturelle que tous les Premières Années devraient suivre. Soyons fous, fait en sorte que les Etudes Moldues soit un cours obligatoire.
La mâchoire d'Hermione s'ouvrit. Draco cessa de caresser le rebord de sa tasse et se pencha vers elle, se sentant déborder d'idées.
- Ne te plaignais-tu pas que ce cours soit une vaste blague ? La majeur partie du manuel consistait à apprendre aux sorciers des choses comme le lave vaisselle et les hélimotos.
- Hélicoptère, corrigea-t-elle doucement.
- Exactement ! Ta passion et ta fureur ne conviendraient-ils pas mieux à l'éducation de nouvelles générations d'enfants à propos de... à propos de... de je ne sais pas, toute cette merde que tu as dit avant ? Le truc d'altérité ?
Elle avait l'air abasourdie. Granger cligna des yeux doucement plusieurs fois en le fixant et Draco commença à être gêné. En avait-il trop dit ? L'avait-il offensé d'une certaine façon ? Elle le regardait comme si elle ne l'avait jamais vu avant.
- Malfoy, commença-t-elle doucement. Je ne peux pas quitter mon boulot et devenir professeur. Je ne suis pas qualifiée pour enseigner.
Il se moqua de son excuse ridicule.
- Je t'en prie, bien sur que tu peux. McGonagall est toujours aux commandes, non ? Elle virerait certainement toute son équipe si ça voulait dire avoir son élève favorite dans le corps enseignant.
- Non, sourit Granger en secouant la tête, ça n'a rien à voir avec McGonagall. C'est simplement que je ne suis pas faite pour enseigner à des élèves. Je suis beaucoup trop impatiente et parler devant des hordes d'enfants tous les jours me donne des sueurs froides. Et j'aime ma carrière !
- Oui, se moqua de nouveau Draco, eh bien ce que je voulais dire c'est que tu peux te plaindre de l'attitude des gens ou tu peux faire quelque chose pour le changer. Mais un seul combat à la fois pour toi, j'imagine, sinon qui d'autre dans ce vaste monde se battrait pour les droits des Niffleurs et des Kelpys ?
Granger leva les yeux au ciel mais son sourit ne disparu pas.
- En parlant de ça, on devrait y aller, j'ai de nouvelles déclarations à bricoler ce matin.
Elle termina son thé et se leva.
- En plus, je ne voudrais pas donner de faux espoirs à McGonagall. Je dois refuser son offre pour le poste de professeur de Défense contres les Forces du Mal chaque année.
* N.d.T : en français dans le texte.
J'espère que ce nouveau chapitre vous plaît et j'attends vos retours en commentaires ou par message! N'oubliez pas que le moindre commentaire, like, souscription ou partage veut dire beaucoup pour les auteurs.
A bientôt!
