Libération
Partie 1

Inspirant profondément pour se calmer, il marcha dans l'ombre du chemin nouvellement découvert, incertain d'où cela le mènerait mais espérant ne pas commettre une terrible erreur. Bien que, il le pressentait, il soit déjà bien trop tard.

Ce fut un ballottement irrégulier qui réveilla le passager endormi, amplifiant la migraine déjà conséquente qu'il sentait battre à ses tempes. Pas que le soleil éblouissant et visible même sous ses paupières arrange la situation. Après une rapide analyse, il devint évident que son état n'était pas le meilleur, même en omettant ses courbatures, sa fatigue et quelques hématomes pulsant désagréablement. La route cahoteuse secouant son corps lui faisait ressentir une douleur lancinante dans les côtes. Ses mains étaient liées. Il était Prisonnier.

Comment en était-il arrivé là, déjà ? ... Il ne s'en rappelait pas. Déjà, le songe s'éloignait de son esprit, n'en laissant que ses derniers éléments. Son dernier souvenir remontait à une partie de chasse où il allait abattre un cerf. Mais rien au-delà, ce qui avait de quoi faire froid dans le dos. A quand remontait la dernière fois où il avait été à ce point surpassé qu'il n'avait même aucune idée de qui était son agresseur ? Comme le reste, il ne s'en souvenait pas, quoique pour des raisons différentes.

Comme si cela ne suffisait pas, il se sentait... épuisé. Harassé jusqu'à l'os, en fait. Ce qu'il trouvait assez ironique compte-tenu du fait qu'il venait tout juste de se réveiller, mais n'était pas certain de jamais pouvoir rouvrir un jour les yeux s'il cédait à la tentation du sommeil. Mais... c'était étrange. Aucun après-midi à chasser l'ours ne devrait le faire se sentir dans un tel état.

Peu décidé à se laisser faire, il essaya d'analyser son environnement, récupérant toutes les informations possibles sans ouvrir les yeux et risquer de se départir d'un avantage potentiel.

Il pouvait d'ores et déjà dire qu'il était en extérieur. Le vent humide et l'odeur végétale l'entourant ne laissaient que peu de place au doute. En train de se déplacer aussi. Les bruits de sabots et le craquement du bois lui évoquaient l'usage d'une charrette. On lui avait aussi pris ses possessions. Toutes à l'exception de son collier. Bizarre, car l'argent a une certaine valeur, mais il ne s'en plaignait pas. En fait, il pourrait même réfléchir à accorder une mort rapide à ses ravisseurs pour récompenser leur flair.

Ou plutôt, non. Pas de question. Ce n'était pas parce que son bien le plus précieux lui avait été laissé qu'il allait tolérer le vol de ses autres affaires ! Au moins, il pouvait ressentir l'air délicieusement frais de Bordeciel sur une grande partie de son corps au travers d'une tunique ancienne (car rêche contre sa peau) et peu adaptée à sa morphologie. Donc il n'était pas nu (ça de pris) et son évasion se révélerait plus aisée que face à des boyaux souterrains tortueux ou les barreaux d'une cage. Testant discrètement ses liens, il fut satisfait de constater que les cordes n'étaient ni enchantées, ni particulièrement résistantes.

L'humidité dans l'atmosphère indiquait qu'il avait plu récemment. Or, dans ses souvenirs, cela s'était produit la veille. Et il ne ressentait pas trop fortement l'envie de se sustenter, ce qui était heureux car, à l'exception de son pendentif et son corps, il n'avait rien à échanger. Peu de temps devait donc s'être écoulé, ce qui lui apporta un certain soulagement.

Il n'était pas d'humeur à tenter de se prostituer, même pour des soins.

De plus, il n'était pas seul. Les respirations lourdes autour de lui et les odeurs de sueur et de terre le confirmaient. Il y avait aussi un peu de sang, une odeur qu'il connaissait intimement et de bien des façons de par son expérience comme mercenaire et autres occupations. Et si ceux qui l'entourant étaient blessés et ses mains prisonnières... des otages ou kidnappés pour de sombres desseins ? Dommage que l'absence de conversation autour de lui ne l'aide pas à mieux évaluer sa situation.

Conscient qu'il ne servait à rien de feindre l'inconscience plus longtemps, il ouvrit les paupières pour constater de lui-même ce qui l'attendait.

Plissant ses yeux bleus en amande sous le soleil qui martelait sa peau, il finit par distinguer des personnes assises avec lui dans ce qui était effectivement une charrette. Toutes nordiques et au nombre de trois. Un blond bien bâti aux cheveux mi-longs, un brun aux cheveux courts dans des haillons semblables à ceux qu'il portait et un autre blond massif en armure rutilante et cape de fourrure avec une expression agacée partiellement dissimulée par un bâillon. Un noble, son garde du corps, un autre prisonnier et lui-même. Voilà un chargement des plus insolites pour une prise d'otages ou capturée d'esclaves.

Mais, avant d'avoir pu pousser son inspection, le blond capable de parler l'interrompit en dépit d'une légère hésitation, la méfiance se reflétant dans ses yeux.

- Tiens, vous avez fini par vous réveiller ? Vous avez essayé de traverser la frontière, pas vrai ? Et vous avez foncé tête baissée dans une embuscade des impériaux... tout comme nous et ce voleur, là.

Le ton, bien qu'un peu raide, était celui du constat. Comme s'il savait ce qui s'était produit aussi bien que son interlocuteur qui, dans le doute, hocha la tête en consignant soigneusement les informations nouvellement acquises.

La frontière ? Probablement près de Faillaise, alors.

Son interlocuteur ne semblait pas effrayé, bien que fatigué et résigné. L'autre homme en haillons était un voleur et, le plus important et inquiétant, leurs « ravisseurs » n'étaient pas des bandits, mais la légion impériale, mobilisée dans la région pour combattre les insurgés nordiques. Un coup d'œil sur la charrette les devançant et ses prisonniers tous habillés en bleu lui tira un soupir.

Dans quoi s'était-il encore fourré ?

Il ne savait ni où il se trouvait, ni comment il en était arrivé-là mais, dans tous les cas, il n'aimait pas cette situation.

- Maudits Sombrages. Bordeciel allait bien avant votre arrivée. L'empire était calme et nonchalant. Si la légion n'avait pas été à votre recherche, j'aurais pu voler ce cheval et serais déjà arrivé à Lenclume, maugréa ledit voleur avec une rancoeur amère avant de s'intéresser à ce qu'il espérait être un meilleur interlocuteur. Vous, là-bas. Vous et moi, nous ne devrions pas être ici. Ce sont ces Sombrages que l'Empire veut.

Sans doute, oui. Mais qu'est-ce que ça changerait ? Le voilà dans une situation délicate bien que gérable. Le problème le plus urgent étant de comprendre ce qui l'avait mené là. Peut-être que l'un de ces deux bavards savait autre chose. Devrait-il leur demander directement ?

Visiblement fatigué d'argumenter en vain, le blond sur la gauche finit par secouer la tête avant de répondre avec réprobation :

- Nous sommes tous des frères et soeurs liés.

A cela, le voleur se retourna simplement pour toiser celui qui leur faisait face avant de se retourner et regarder à nouveau le nordique, les sourcils haussés. Celui-ci grimaça légèrement avant de hausser les épaules et de dire :

- Oui, bon... vous comprenez l'idée. Nous sommes dans la même galère.

Ils n'avaient pas tort là-dessus. L'un comme l'autre. En tout cas, se lier pourrait l'aider si jamais une occasion de s'évader devait se présenter. Dans cette optique, il laissa un sourire redresser ses lèvres tout en inclinant la tête en reconnaissance du point, ce qui sembla satisfaire le blond. Face au regard incrédule du voleur, le seul non-nordique lui fit remarquer :

- Il a raison sur ce point, en fait. Nous sommes tous dans la même situation peu enviable et désigner un coupable n'y changera rien. Alors pas la peine de nous sauter mutuellement à la gorge, tournons-nous plutôt vers ce qui nous attend. Sauf si tu as une meilleure idée ?

Surpris, il ouvrit et referma la bouche avant de finalement se décider à répondre.

- Pas vraiment, non. Mais, en même temps, ce n'est pas en sympathisant avec les rebelles que nous pourrons convaincre l'empire de notre innocence.

Clignant des yeux, il ne parvint pas à retenir le reniflement incrédule qui lui échappa. Depuis quand l'Empire se souciait-il de ce genre de bagatelles ? Il se savait hors de la boucle mais, à ce point ? C'était ridicule.

-Innocence? A ce mot, le sombrage perdit son air satisfait et se tourna vers son voisin avec agacement, alors que le bâillonné fixait le voleur avec un léger mépris. Pour rappel, n'est-ce pas toi qui te lamentait de ne pas avoir pu mener ton larcin à son terme ?

- Si, bien sûr, répondit le nordique en haillons sur le ton de l'évidence. Mais essayer, sans même y parvenir, de voler un cheval et soutenir une rébellion dans une province impériale sont quand même deux choses très différentes et je compte bien le faire remarquer !

Mentalement, le dernier éveillé lui souhaita bonne chance. Il en aura bien besoin.

Plutôt que de se joindre à leur échange, il préféra observer le paysage autour de lui. Il n'avait pas fait attention auparavant, trop préoccupé par le nordique en uniforme bleu, mais ils suivaient une petite route de terre entourée d'arbres. Les pâles lueurs du soleil lui permettaient de distinguer les différentes nuances de vert. C'était assez beau à voir. En tout cas, certainement plus agréable que ses compagnons d'infortune.

Ils se trouvaient au bout d'une courte file de quatre misérables chariots, le dernier étant le plus vivable... à cause du noble peut-être ? Un noble de Vendeaume à qui Ulfric aurait prêté un détachement ? Au moins, ils ne s'entassaient pas à six. Cependant, ça restait un convoi vraiment risqué, les impériaux semblaient pressés. Le noble était probablement le plus important des prisonniers et, pourtant, il se trouvait à l'arrière du dernier chariot avec un unique et misérable cavalier pour empêcher un sauvetage rapide. Rassurant, vraiment. Après tout, tout le monde savait que la légion impériale était du genre à faire correctement son travail lorsqu'elle était sous pression.

... A ce rythme, il n'aurait même pas l'occasion d'entamer la moindre négociation avant de finir en prison, n'est-ce pas ? Pff, qu'est-ce qu'ils étaient chiants !

Le chariot continua, imperturbable, lui ruinant un peu plus le dos et les côtes à chaque cahot. Une secousse particulièrement brutale le fit siffler, une grimace tordant brièvement ses traits. Il ne sentait pas encore d'humidité contre son côté en dépit des brises constantes, ni d'odeurs ferreuses, mais si ce voyage continuait ce ne serait qu'une question de temps, la douleur le lui garantissait. D'ailleurs, il devrait y jeter un oeil. Il n'avait aucune idée de comment il s'était causé ça mais, même si son ravisseur lui avait donné des soins rudimentaires, il préférerait de loin s'en charger lui-même.

Heureusement qu'il y avait des plantes pour le distraire. Il aimait observer la pleine nature comme ça. Elle avait le don de l'apaiser. Et le vent, ce dernier s'amusant à ébouriffer quelque peu les mèches des passagers, à l'exception de leur conducteur, les siennes étant retenues par son casque réglementaire.

- Et tu es vraiment assez naïf pour croire qu'ils t'écouteront bien gentiment et te libéreront sur parole ?! Et pourquoi pas des excuses tant qu'on y est ! railla l'homme du nord en rejetant ses mèches blondes en arrière.

- Oh non, ils ne me libéreront pas comme ça, je ne suis pas si bête. Mais peut-être que je peux raccourcir ma peine ? Après tout, entre vos crimes et le mien, il y a une grande différence d'échelle ! En tout cas, voilà qui prouve mon point comme quoi nous ne devrions pas être ici. Ni lui, ni moi. Après tout, c'est vous, sombrages, les véritables cibles de cette opération.

Si seulement ces deux-là pouvaient se taire ne serait-ce qu'une ou deux minutes. Le Prisonnier pouvait jurer qu'aucun d'eux ne s'était arrêté depuis qu'ils avaient commencé. Voulaient-ils donc tant remporter la joute verbale ?! Sérieusement, ils n'y gagneraient rien et, en plus, ne paraissaient pas ennemis à la base, donc pourquoi prendre le risque de s'antagoniser un allié potentiel pour une histoire d'orgueil ? C'était un mouvement pour le moins imprudent.

... Bien. C'était riche de sa part de penser ça, il l'admit au moins à lui-même.

- Raccourcir ta peine ? s'exclama le blond en secouant légèrement la tête d'un air incrédule. N'as-tu donc vraiment aucune idée de la situation ? A ce rythme-là, c'est autre chose qui va être raccourci, oui !

Quoi ? Subrepticement, il jeta un rapide coup d'œil à l'homme en uniforme qui, il s'en rendait compte, lui était familier. Son visage sombrement resigné n'était pas non plus de bon augure. Déglutissant dans une tentative de se débarrasser du regain de nervosité que ses paroles avaient provoqué, il fut consterné de remarquer que Lokir semblait le seul confus.

Non, vraiment, pourquoi avait-il l'impression tenace que sa situation ne faisait qu'empirer ?

Fronçant encore plus fortement les sourcils, le voleur ne se priva pas de répondre vertement :

- Que veux-tu dire ? Je ne suis pas à mettre au même niveau que vous qui passez votre temps à courir après une cause perdue. La moitié de vos revendications ne tiennent pas la route d'ailleurs. Si vous réussissiez, nous perdrions tout lien avec l'Empire. Ce serait notre perte !

- Cesse de parler comme si notre cause était sans valeur. Bordeciel ne devrait pas être réduite au rang de simple province pour une bande de buveurs de lait impériaux passant leur journée à-

- Silence, derrière !

Il semblait que leur conducteur ait finalement perdu patience. Que ce soit à cause de l'antagonisme de ces deux-là, qui ne semblaient pas en être à leur première dispute, ou des propos injuriant les impériaux, c'était un mystère. Cependant, il le remercia silencieusement, ces deux-là n'arrangeant guère son mal de tête.

Néanmoins, l'être aux yeux bleus repéra un léger trémolo. Couplé au dos raide du soldat, il semblait que, pour une raison ou une autre, il n'était pas très à l'aise, non plus.

Savourant le silence enfin retrouvé qui faisait du bien à sa migraine, il ne retint pas son froncement de sourcils lorsque la voix du brun reprit, bien qu'à un volume plus bas. Était-il donc impossible d'obtenir un peu de paix ? En fait... Sans doute, oui. Du moins, tant que ces deux-là se trouveraient ensemble.

Devrait-il en tuer un ? Si oui, lequel ?

- Et lui, pourquoi il est là ?

Sa voix désintéressée montrait bien qu'il ne trouvait pas ça si important et qu'il ne faisait ça que pour combler le silence, au plus grand agacement de l'homme en haillons et du blond d'en face, bien que pour des raisons très différentes.

- Un peu de respect ! s'offusqua le sombrage en jetant un regard colérique au voleur. Vous parlez à Ulfric Sombrage, le vrai Haut-Roi.

Ulfric Sombrage ? Au moins, il n'avait pas tort dans son évaluation de sa noblesse mais... le chef de la rébellion lui-même ? Ici ? Merde. Ils n'étaient pas en route vers une quelconque prison ou séance d'interrogatoire. Ce qui signifiait que sa marge de manœuvre était bien moindre que ce qu'il avait espéré. Il serait surprit s'il n'avait pas l'habitude de voir la chance lui cracher au visage dans les pires moments. Encore une fois, comment s'était-il retrouvé là ? Il n'avait pourtant rien fait pour mériter ça cette semaine, et on était un Sundas !

Eh bien... peut-être ? Pour tout ce qu'il en savait, il aurait pu rester inconscient plus longtemps à cause de sa blessure et rester comateux un jour de plus, voire deux. Mais ce n'était pas une raison !

Ignorant le goût amer dans sa bouche causé par la révélation, il se réarrangea avec un souffle audible dans une tentative de soulager son côté. Ce qui ne fonctionna que partiellement, aigrissant davantage son humeur. S'il avait été en pleine forme, il n'aurait pas été dérangé... mais dans cette situation ? Il n'aimait pas ça du tout.

Par curiosité, il dévisagea leur quatrième compagnon d'infortune resté en arrière-plan jusque-là, le soleil approchant de son zénith lui compliquant un peu la tâche. A en juger par son regard dur et la façon dont il ne fixait obstinément le plancher plutôt que de tenter de communiquer avec son subordonné, on aurait dit qu'il faisait tout son possible pour occulter son environnement. Peut-être également à cause des disputes des deux autres ? Si c'était le cas, ça leur ferait un point commun.

Son bâillon servait sans doute à contenir le Thu'um, si les récits étaient véridiques. Si seulement leurs geôliers avaient pu y penser pour les deux autres pipelettes...

D'ailleurs, en parlant d'eux... le voleur, remis de sa stupéfaction, se para d'un air horrifié. Tout en réprimant à grand-peine un mouvement avec ses mains liées, il fixa intensément le fameux Ulfric comme s'il espérait que celui-ci nie les paroles de son compère.

Bien évidemment, ça n'arriva pas. L'homme se contenta de lui renvoyer un regard neutre et tout à fait sérieux, peut-être même plus sombre que ceux qu'il adressait au vide quelques instants auparavant. Finalement, le voleur laissa échapper d'une voix tremblotante qui traduisait une compréhension naissante de sa situation par association :

- Ulfric ? Le jarl de Vendeaume ? Mais... c'est vous qui menez la rébellion ! Mais puisque vous vous êtes fait prendre... par les dieux, où nous emmènent-ils ?!

- Aucune importance, Sovngarde est au bout du chemin, répondit l'autre bavard avec une nonchalance quelque peu forcée qui n'eut aucun effet sur l'agité.

- Non, c'est impossible. C'est impossible... murmura l'homme en haillons, blanc comme un linge, tout en secouant vaguement la tête comme s'il tentait de se réveiller.

Alors qu'il semblait vouloir ajouter quelque chose, il fut coupé par un petit bruit. Un gloussement pour être exact. Celui-ci provenant du seul non-nordique présent. Légèrement courbé en deux et un sourire évident aux lèvres, il tentait à grand-peine de réprimer son amusement sous les regards incrédules des témoins.

- Il a perdu la tête, souffla le sombrage avec consternation.

Le brun acquiesça pendant que le chef de la rébellion se désintéressait du spectacle. Loin de se vexer, les gloussements qui avaient commencé à se raréfier reprirent de plus belle, parfois entrecoupés de léger éclats plus forts et d'une respiration haletante. Arrivé à ce point, même le conducteur y prêtait attention, au cas où l'hystérie du Prisonnier le mènerait à la violence.

Mais il n'avait pas à s'inquiéter. Même si le rire était cathartique, tant qu'il ne se mettait pas à crier ou blasphémer, c'est qu'il avait encore une marge jusqu'à sa limite. Se redressant finalement, plus calme mais toujours un sourire aux lèvres, le rieur décida de fournir une explication, la voix craquant quelque peu de nervosité, non sans s'essuyer rapidement les yeux pour en retirer la gêne.

- Navré. Je n'avais pas prévu de faire ça. Je dois juste être un peu sous le choc mais après cette révélation, je me suis rappelé de la conversation tenue jusqu'ici et je me suis dit ''ah, c'est donc ce qu'il entendait au sujet de nous faire raccourcir autre chose'' et c'est sorti tout seul. Et alors que j'essayais de me calmer, voilà que vous recommencez à parler de perdre la tête et... eh bien, disons que ça m'a quelque peu compliqué la tâche.

A ces mots, les regards prudents se changèrent en incrédulité pendant que le conducteur de chariot pestait et qu'Ulfric haussait un sourcil. Mais avant que le voleur ait pu condamner sa folie, le sombrage l'interrogea, la surprise laissant place à la curiosité :

- Vous vous rendez compte de ce qui nous attend ?

- J'ai une assez bonne idée, oui, acquiesça-t-il avant d'enchaîner avec humour, même si je ne pensais pas que Bordeciel serait le lieu où l'on tenterait de me raccourcir, vu votre réputation de géants.

Amusé et légèrement impressionné, il décida que, finalement, cet étranger n'était pas si désagréable à côtoyer en dépit de sa race et, ignorant les regards vaguement outrés du voleur et attentifs de son jarl, il enchaîna avec sa propre évaluation :

- Alors vous êtes soit l'une des personnes les plus courageuses que j'aie rencontrées, soit l'une des plus folles.

- Vraiment ? N'est-ce pas quelque peu réducteur ? Je veux dire, l'une des options doit-elle forcément exclure l'autre ?

- En effet, l'ami, agréa le blond. Tant qu'on ne fait pas preuve de lâcheté, alors peu importe que le courage soit motivé par la raison ou la folie. Il permet toujours de faire l'impossible.

- C'est également mon avis, surtout que la folie est un concept relatif. De plus, je doute que supplier changera notre situation alors, foutu pour foutu, autant rester fier jusqu'au bout et regarder le bourreau droit dans les yeux avant la fin.

- Bien parlé ! Si vous aviez été nordique, je vous aurais proposé de boire une pinte ensemble une fois parvenus en Sovngarde.

- Et j'aurais accepté l'invitation avec plaisir, répondit tranquillement son interlocuteur.

Le sombrage voulut renchérir, mais fut coupé par un reniflement peu discret provenant de son voisin geignard. Celui-ci avait laissé tomber sa tête dans ses mains et paraissait affligé par tous les maux du monde. Il ne prononça pas un mot, mais cela suffit à ramener la réalité de leur situation au premier plan et ternir la conversation à peine née.

Avec un léger soupir, l'homme laissa l'échange s'arrêter là, préférant profiter du cadre les entourant. Le vent souffla à nouveau dans ses cheveux, l'obligeant à secouer la tête pour dégager les agaçantes mèches blanches collées à son visage. Autant le sombrage lui était sympathique, autant la socialisation n'avait jamais été son fort et, avec l'ambiance assombrie, il ne se sentait pas de chercher un nouveau sujet de conversation.

Cependant, ce n'était pas l'avis de tout le monde car, au bout de quelques minutes de silence supplémentaires, le causeur relança une énième fois l'échange. En fait, le non-nordique commençait à avoir une théorie sur le sujet. Plus précisément sur le fait que le soldat sombrage tentait de faire bonne figure face à un sort peu enviable et que le silence lui était insupportable. Soit ça, soit il était assez gentil pour vouloir distraire leur autre camarade d'infortune. Comme dans le cas du courage, l'un n'excluant pas l'autre. Si c'était le cas, il pouvait comprendre. Dans ce genre de situation sans issue possible, il aurait éventuellement fait pareil. Du moins, ça lui était déjà arrivé. Vint alors une question lasse adressée au voleur :

- Hé, de quel village venez-vous ?

- En quoi ça vous intéresse ? rétorqua-t-il agressivement.

- Les dernières pensées d'un nordique devraient aller vers son foyer.

Ou pas. A moins que la tentative ne soit sincère mais maladroite ? Toujours est-il que, étonnamment, ça semblait fonctionner. Un peu. La réponse eut le don de calmer le voleur. Un petit exploit mais un exploit tout de même.

- ... Rorikbourg. Je suis de Rorikbourg.

Le chuchotement plein d'émotion fut entendu par tous et, pour la première fois, les deux pipelettes semblèrent se mettre d'accord sur un silence pensif. Il fut rapidement remplacé par la résignation alors que le coin de la lèvre de Lokir s'abaissait. Puis les deux hommes s'installèrent à leur place avec un regard nostalgique.

Pendant ce temps, il ne pouvait pas s'empêcher de s'interroger sur les rumeurs à moitié étouffées qui lui étaient parvenues. Rorikbourg n'était-il pas soupçonné de pratiquer le sacrifice humain pour... certaines raisons non spécifiées ? C'était sans doute un simple mensonge mais, s'il s'avérait, alors ça en ferait un bien étrange endroit pour être nostalgique. Enfin bon, qui était-il pour en juger ?

Plus loin, le premier chariot atteignait deux portes en bois qui s'ouvrirent rapidement tandis qu'une voix formelle se faisait entendre jusqu'à eux.

- Général Tullius ! Chef ! Le bourreau attend.

La réponse n'attendit pas, portée par une voix forte de l'autorité naturelle d'un leader et de ceux habitués à être obéis sur le champ. Un général impérial... il était très probablement le plus haut gradé de toute leur procession. Tullius? N'était-ce pas le nom du gouverneur impérial récemment nommé ? Avait-il vraiment mis moins d'une semaine pour soumettre Ulfric Sombrage ?

Il avait pensé que le conflit durerait plus longtemps. En plus de lui faire ressentir un malaise persistant, cette mésestimation n'était pas une bonne nouvelle. Quelque chose n'allait pas, mais quoi ? Si l'impérial était si compétent, alors il ferait mieux de planifier soigneusement ses prochains mouvements.

Ignorant son malaise, il pesa le pour et le contre de tenter le tout pour le tout tant que les portes n'étaient pas fermées. Pour, il pourrait s'échapper relativement facilement et l'Empire ne le suivrait probablement pas avec Ulfric et ses rebelles comme la grande priorité. Contre, il se retrouverait dans une situation délicate sans même un début de piste pour remettre la main sur ses affaires et connaître l'identité de celui qui l'avait à ce point offensé. De plus, essayer de partir immédiatement en usant d'un soldat comme bouclier humain (peut-être l'impérial à l'arrière ?) ne se finirait pas bien du tout pour lui, pas alors que tous les regards étaient braqués sur eux, qu'il était désarmé, épuisé et... eh bien, à peu près dans les pires conditions possibles pour tenter quelque chose d'aussi audacieux.

Le claquement sonore du bois mit fin à cette réflexion, le faisant hausser mentalement des épaules. Tant pis, alors. Ce n'était pas vraiment handicapant.

Devrait-il provoquer une panique de masse ? Ce serait certainement bien plus efficace quoiqu'un peu trop direct à son goût. Peut-être juste se faufiler ? Si sa situation avait été plus clémente, oui. Mais là ? Il détonnait au milieu de tous ces nordiques. Tenter d'influencer les autorités pour que son cas soit examiné ultérieurement ? Non, certainement pas. Il devrait être écouté pour ça et la présence d'Ulfric garantissait qu'ils tenteraient d'en finir au plus vite. Avec de tels enjeux politiques et militaires, la vie d'un ou deux miséreux, dont un criminel confirmé, ne compterait pas.

Donc... comment allait-il récupérer ses affaires ?

- Bien. Dépêchons-nous d'en finir.

Ne pouvant plus fuir la réalité de la situation, le voleur se recroquevilla en position de prière, sa voix désespérée trahissant une telle terreur que son camarade de chariot soupira. Pour quiconque un tant soit peu familier avec les méthodes expéditives de l'empire, en dépit de toutes leurs prétentions vis-à-vis de la ''procédure'', il était évident que son attitude ne l'aiderait pas. Fauché et sans soutien d'importance pour influencer les soldats, s'il ne décidait pas de gagner son droit de vivre par lui-même, alors rien de moins qu'une intervention divine ne le sauverait.

- Shor... Mara... Dibella... Kynareth... Akatosh... divins, s'il-vous-plaît, aidez-moi.

Ce qui semblait être son plan. Bien. Il ne remettrait pas sa foi en question mais, sans nier l'existence des dieux, il doutait fort que l'un d'eux intervienne réellement pour leur sauver la vie. Car, bien que certaines divinités puissent être miséricordieuses, c'était davantage l'exception que la règle.

Allez, avec un peu de chance, Kyne, mère des Nordique, ou Akatosh, père de l'Empire, serait de bonne humeur ?

... Pff. Comme si.

L'Empire piétinait volontiers les voies de Julianos sous quelque prétexte fallacieux les jours de grand soleil, alors autant ne pas trop en attendre de
leur part.

- Regardez, c'est le général Tullius. On dirait que les Thalmors sont avec lui. Satanés elfes... je parie qu'ils ont quelque chose à voir dans tout ça !

Un signe de tête du sombrage, en direction de l'homme à cheval et en armure militaire rutilante qui n'avait clairement pas connu de bataille depuis un moment, l'arracha à ses pensées. Trop heureux de trouver une distraction, il détailla l'homme de race impériale, d'un certain âge et au corps mince. Sa barbe et sa chevelure courte, poivre et sel, ombrageaient un visage aux traits durs et sérieux, laissant présager un homme avec qui il serait idiot de plaisanter. Exactement le genre avec qui il aimerait plaisanter, donc. Son armure richement décorée et sa monture le distinguaient de la masse de soldats comme étant effectivement le plus gradé.

Distraitement, il écouta la présentation que Ralof faisait de Tullius mais, n'entendant rien qu'il ne savait déjà, il s'en désintéressa rapidement, non sans remercier le sombrage d'un hochement de tête. Faisant glisser son regard, il observa la ville dans laquelle ils venaient d'arriver, aux maisons de bois et aux hautes tours de pierres. Un village typiquement nordique situé dans le Sud, ni en bois comme Falkreath, ni fortifié comme Blancherive, mais assez grand et développé. Pas non plus de traces d'arbres aux couleurs automnales en dépit d'une température modérée, excluant ainsi Faillaise et Pierre-de-Shor. Ils étaient donc probablement à Helgen.

- Bien, nous voilà donc à Helgen, confirma le sombrage J'y ai courtisé une fille autrefois... hn ! Je me demande si Vilod met toujours des génies dans son hydromel. C'est amusant... quand j'étais petit, les remparts et les tours des impériaux me donnaient un sentiment de sécurité.

Helgen, donc. Cela aurait pu être pire. Aux dernières nouvelles, Falkreath était d'allégeance impériale tout en partageant une frontière avec un territoire Sombrage et celui, neutre, de Blancherive, ce dernier étant d'ailleurs relativement proche. Quand il s'échapperait, le temps que mettrait la légion à le poursuivre là-bas (à condition qu'ils daignent même le faire) lui donnerait largement l'occasion de disparaître. Les arbres, les montagnes, les rivières, les grottes... il ne manquait pas d'options et parierait que sa connaissance du terrain surpassait la leur. Il pouvait donc encore se considérer en relative sécurité.

Bien que cela pose la question sur ce que faisait le chef de la rébellion en territoire impérial, surtout aussi proche de la frontière de Cyrodiil. Alors qu'il était évident qu'il n'avait pas été capturé par ici, on pouvait s'interroger quant au choix du lieu pour mener la décapitation. Normalement, selon les coutumes de l'Empire, ils auraient dû se diriger vers la frontière puis rejoindre la Cité Impériale pour une exécution en grande pompe. Il était surprenant que le général Tullius laisse passer l'occasion de faire une telle démonstration de force. Surtout au vu de l'affaiblissement de l'Empire depuis ces dernières décennies.

Ou alors...

Pensivement, le regard du Prisonnier glissa sur le général pour s'intéresser à ses interlocuteurs. Alors que les gardes restaient parfaitement immobiles, la femme thalmor qui échangeait avec Tullius semblait vaguement contrariée par quelque chose. Cela devait être dû au lieu où elle se trouvait. Voire à l'identité de son interlocuteur. Peut-être même que le temps était trop froid à son goût. Les possibilités se multipliaient, mais il n'était pas impossible que le général impérial lui mène simplement la vie dure pour une quelconque raison.

- Général Tullius, arrêtez-vous ! Par l'autorité du Thalmor, je prends la garde de ces prisonniers, déclara l'altmer d'un ton impérieux.

Obtenir la garde de deux convois de prisonniers... avec seulement elle et quatre hommes comme escorte qui privilégieraient sa sécurité à la pacification des captifs ? Soit elle était folle, soit elle était stupide. Soit... elle mijotait quelque chose.

- Ambassadrice Elenwen. J'ai deviné que vous ne voudriez pas manquer une exécution. Répondit le général sans se laisser impressionner avant de continuer. Connaissez-vous mon invité, Ulfric Sombrage, jarl de Vendeaume, autrefois candidat au trône de Bordeciel, et traître à l'Empire ?

Les couilles de l'homme, s'interposant aussi nonchalamment entre une représentante du Concordat et sa cible. Intrigué, le mer se pencha et se concentra pour mieux entendre quand les deux baissèrent la voix :

- Si vous voulez Ulfric en vie, vous devrez le prendre de force ! chuchota Tullius avec férocité.

- Vous faites une terrible erreur... grinça son ennemie avec un mécontentement visible.

- Je mettrai fin à cette rébellion ici et maintenant, à juste titre en tant que général de la Légion ! affirma-t-il pour faire valoir sa légitimité.

- Votre empereur entendra parler de cela. Selon les termes du Concordat de l'Or Blanc, j'opère avec la pleine autorité impériale ! Persifla l'ambassadrice, furieuse de se voir ainsi contrariée.

- Très bien, qu'il en soit ainsi. Allons-y.

Clôturant la conversation avec brusquerie, et plus tendu qu'il ne l'était auparavant, le général dirigea son cheval pour dépasser les prisonniers.

Oh. D'accord, ça pourrait être un léger problème. Alors que l'échange était intéressant par ce qu'il sous-entendait, il était plus inquiet à l'idée de finir aux mains du Thalmor. Surtout que son apparence attirerait obligatoirement leur attention. S'ils commençaient à user de contraintes magiques ou d'alertes, s'échapper serait plus compliqué. Toujours faisable, bien évidemment. Surtout si, comme il le soupçonnait, les altmer voulaient qu'ils s'échappent. Non pas qu'il accepterait un autre résultat de toute façon. Mais ce serait plus difficile quand même. Or, il comptait bien survivre à cette journée, ainsi qu'à toutes celles qui suivraient, et n'était pas d'humeur pour les jeux politiques.

Pour s'échapper, il lui faudrait se montrer rapide. De prime abord, les nombreuses habitations auraient pu fournir diverses cachettes intéressantes, sans compter les otages potentiels, mais, avec autant de mages talentueux et de guerriers dans les parages, trouver une alternative plus sûre ne serait pas un luxe. S'il courait rapidement et usait intelligemment de son environnement, les archers ne seraient pas (trop) un problème mais, s'ils fermaient toutes les portes, cela l'obligerait à user de magie pour passer au-dessus de la palissade.

Peut-être de la cryomancie pour se créer un escalier sans déclencher d'incendie généralisé ? Ou un sort de saut de l'école d'Altération pour augmenter ses capacités physiques ? Non, mieux valait éviter ce qui mettrait son corps à rude épreuve pour l'instant. Avait-il assez de temps pour tromper des adversaires de ce niveau ? Rien n'était moins sûr. Il se sentait mieux à présent, mais s'évanouir de sa blessure au côté ne lui rendrait pas service. Sans parler de sa jambe qui palpitait encore à chaque mouvement. Bon sang, c'était tellement frustrant ! Quand il choperait le responsable, celui-ci prierait pour une mort rapide !

Sauf qu'avant ça, recouvrer ses effets personnels ne serait pas de trop. Heureusement, son amulette était toujours là, ce qui était curieusement sélectif en soi. Mais récupérer cette armure bosmeri, sa dague et son anneau serait vraiment génial au vu du temps qu'il avait fallu pour les concevoir et les enchanter. Surtout le second. Sans parler du coût des matériaux.

- C'est qui papa ? Ils font quoi ?

Du coin de l'oeil, il identifia l'auteur de l'exclamation comme un enfant, peut-être une dizaine d'années tout au plus. Visiblement en bonne santé, celui-ci observait les soldats avec admiration et eux-mêmes avec curiosité. A un moment leurs yeux se croisèrent et il lui adressa un petit signe de tête parce que, pourquoi pas ?

Le garçon écarquilla les yeux avant de rendre le geste, un peu hésitant. Malheureusement, l'instant fut brisé lorsque le père s'interposa, semblant enfin se rendre compte que ce qui allait suivre n'était pas une scène appropriée pour les enfants.

- Rentre à l'intérieur.

A l'entente de la commande, son fils le regarda avec une indignation qui se fondit rapidement dans une bouderie caractéristique de ceux de son âge.

- Pourquoi ?! Je veux voir les soldats moi ! protesta-t-il, d'une voix parfaitement audible tant que le reste du village était silencieux, fixant les prisonniers avec des yeux tantôt accusateurs, tantôt désespérés.

De rares villageois les regardaient avec pitié et cela seul fit ramper la peau de l'homme. S'il n'avait pas déjà voulu s'évader, il l'aurait fait sur le principe général de leur renvoyer leur condescendance. La pitié ne lui était utile que tant qu'il était un minimum en contrôle.

- A l'intérieur. Immédiatement ! claqua la voix plus sèche de l'homme, usant de toute son autorité
sans se laisser attendrir.

- Oui papa...

Vaincu, l'enfant battit en retraite non sans jeter un dernier regard en arrière, droit vers le dernier chariot. Intérieurement, le prisonnier approuva. Ce qui allait suivre n'était pas un spectacle pour les enfants.

Une fois arrivés sur la place du village, des soldats faisaient déjà descendre ceux du premier chariot. Un homme massif habillé en noir et au visage dissimulé se tenait debout face à un rondin et une caisse de bois, armé d'une grande hache aiguisée dont le tranchant reflétait le soleil matinal. Ça allait être joyeux.

Même si bon... les soldats ne pensaient quand même pas qu'un si petit contenant parviendrait à retenir toutes les têtes des condamnés, n'est-ce pas ?

- Sortez-moi ces prisonniers des chariots, allez !

Une voix autoritaire parvint à couvrir le bruit ambiant, provenant d'une soldate gradée aux cheveux bruns. Alors qu'elle semblait compétente, elle n'avait pas le même charisme que l'autre militaire et son armure bien plus sobre démontrait un rang hiérarchique moindre. La voix effrayée et vacillante de leur camarade de voyage en haillons se fit alors entendre :

- Pourquoi nous arrêtons-nous ?

Le ton interrogatif l'interpella. Même après les explications du sombrage et la présence du bourreau, il n'avait pas encore compris la situation ? Cela lui paraissait pourtant évident. Ou alors, il refusait juste d'y croire, ça aussi c'était tout à fait possible.

- À votre avis ? C'est la fin du voyage. Allons-y, ne faisons pas attendre les dieux, annonça leur autre compagnon en se levant, descendant de sa propre volonté sans que les soldats ne doivent l'y forcer. Comportement typiquement nordique...

Surtout que ''la fin du voyage'' était effectivement très approprié à leur situation et ce, peu importe qu'ils aient renoncé ou choisissent de se battre.

Décidant de l'imiter en essayant d'attirer aussi peu l'attention que possible, le Prisonnier se releva et descendit en ignorant les cris de plus en plus hystériques du voleur. Ce dernier s'était dirigé vers les soldats, essayant de les raisonner alors qu'eux-mêmes restaient de marbre. Ne voyait-il donc pas que ça ne servait à rien ?

Avec la décadence impériale, si tu n'as ni bourse remplie, ni grand nom, ni allié puissant, tu ne vaux rien. D'autant plus que leur devise, récurrente à chacune de leur dynastie, est de considérer comme coupable ceux qui ne peuvent prouver leur innocence. Une soudaine bouffée de haine envers les Marukhatis le surprit. Il pensait pourtant s'être résigné à ce sujet mais d'une façon ou d'une autre, cette rage brûlait avec plus d'intensité que... depuis un bon moment.

Peut-être à cause de la présence du Thalmor juste à côté ?

- Non, attendez ! Nous ne sommes pas des sombrages ! Vous devez leur dire ! cria le voleur tout en se tournant vers les rebelles.

La plupart l'ignorèrent, à l'exception de celui avec qui il avait passé le voyage à se disputer. Le Prisonnier, lui, se contenta de rester en retrait, observant silencieusement les événements.

- Tu as conscience que ça ne sert à rien, voleur ? Quoiqu'il arrive et peu importe notre crime, à la merci de ces chiens impériaux, nous sommes déjà morts.

Il n'avait pas tort.

- À l'appel de votre nom, dirigez-vous vers le billot, entonna un soldat d'une voix professionnelle et appuyant involontairement les propos du sombrage.

Quoique... le soldat semblait assez mal à l'aise. Plus encore que le conducteur du chariot. Et leur camarade d'infortune le foudroyait du regard au point où, si cela pouvait tuer, l'autre nordique serait sans doute déjà raide mort. La haine évidente de l'homme, qui ne l'avait montrée à cette intensité pour aucun autre impérial, et l'inconfort du soldat sentait l'histoire personnelle, même s'il y avait peu de chance que ce soit utilisable à ce moment-là.

Tandis qu'il égrenait sa liste de noms en prenant garde à les épeler distinctement, les hommes de l'autre chariot se rassemblèrent progressivement face au billot.

- Hn, l'Empire et leurs satanées listes, marmonna le sombrage dans sa barbe sans se soucier d'être ou non entendu.

- Ulfric Sombrage, jarl de Vendeaume.

Donc Ulfric était toujours officiellement considéré comme un jarl par l'empire en dépit de son statut de criminel ? Surprenant. Ou pas, en fait. Puisqu'il était le seul de sa classe sociale et lignée à pouvoir occuper cette place. Pour l'instant en tout cas.

Oh non, attendez. En fait, il y avait sans doute autre chose à ce sujet. Après tout, s'ils reconnaissaient un noble comme criminel, cela donnait à l'empire un point de pression contre la classe dirigeante au cas où elle nourrirait des velléités. Il leur suffisait de souligner et d'entretenir le précédent créé par Ulfric.

Le chef de la rébellion s'avança, amenant sur lui les regards attentifs et nerveux de ses hommes. Curieusement, ils semblaient moins effrayés à l'idée de leur sort qu'à celle de voir leur meneur disparaître. Ulfric était donc non seulement le chef et fondateur du mouvement mais semblait considéré comme irremplaçable... parce qu'il était leur seul candidat potentiellement légitime au trône ? En tout cas, aucune rumeur de remplaçant possible n'avait couru depuis les territoires sombrage, contrairement à l'Empire où il se murmurait que l'alliance par mariage de Vittoria Vicci avec l'une des plus puissantes familles de Faillaise pourrait lui accorder une potentielle légitimité, au vu de son ascendance royale.

Ce qui était une plaisanterie répugnante au mieux, sachant que la dame en question n'avait pas une goutte de sang nordique dans les veines. Sans parler d'être attachée par lignage à la noblesse de Bordeciel mais bon... ce n'est pas comme si l'Empire, dans son arrogance, se souciait de telles bagatelles pour une vulgaire province.

Bah. Tant pis. Il n'était pas venu en Bordeciel pour y rester après tout, donc les diverses magouilles politiques existantes ne le concernaient absolument pas.

- Ce fut un honneur, jarl Ulfric, déclara le sombrage qui avait partagé leur chariot, rapidement soutenu par ses camarades. Et, peut-être était-ce une illusion d'optique, mais il sembla qu'Ulfric se tenait encore plus droit qu'avant, affrontant les regards sans faillir.

- Ralof de Rivebois.

Le sombrage, à présent identifié comme étant Ralof, s'avança, les épaules droites et la tête comportement avait changé depuis qu'ils étaient descendus du chariot. Sans doute essayait-il de ne pas laisser voir son désespoir à ceux qui voulaient les tuer. Une attitude respectable envers soi-même si rien d'autre.

- Lokir de Rorikbourg.

Et avec ça, il connaissait le nom de ses camarades de voyage. Ulfric Sombrage, chef de la rébellion et meurtrier du haut-roi. Ralof de Rivebois, un soldat suffisamment haut-gradé pour avoir fait partie de sa garde personnelle. Et Lokir, un voleur de chevaux originaire de Rorikbourg qui semblait vouloir fuir en direction de Lenclume pour une obscure raison... Un instant. Lenclume n'était-elle pas la terre la plus aisément accessible ayant fait sécession avec l'Empire ? Bien, cela expliquait certains de ses choix de vie. En tout cas, c'était une brochette d'individus sacrément disparates.

-Non ! Je ne suis pas un rebelle. Vous n'avez pas le droit ! cria le natif de Rorikbourg, submergé par la peur.

Il ne semblait pas comprendre que l'Empire ne se souciait certainement pas de respecter la procédure à la lettre alors qu'ils tenaient le chef de la rébellion ayant déchaîné le pays.

En cela au moins, mener l'exécution à Helgen était un avantage pour eux. A la Cité Impériale, ils auraient été contraints de respecter les usages pour ne pas rendre une mauvaise image de l'armée et de l'empereur exploitable par le Thalmor. Mais ici ? Quand bien même les villageois le remarqueraient et décideraient de le mentionner (ah !), il serait aisé de les réduire au silence d'une façon ou d'une autre puisqu'ils ne valaient rien ou presque.

L'atmosphère pleine de défiance et de méfiance se brisa lorsque Lokir, ayant perdu tout sens commun, bouscula la soldate gradée et tenta de fuir. Les mains liées, en plein dans la grande-rue et en restant en pleine ligne de tir. Mauvaise, très mauvaise idée.

- Halte-là !

Tout en criant son ordre, la capitaine tendit le bras en position raide. En réponse, les archers bandèrent leurs arcs.

- Vous n'arriverez pas à me tuer !

Hurlant avec une terreur hystérique, Lokir ne se rendit pas compte du danger. Cherchant manifestement une sortie du regard, il commit l'erreur de ralentir. Sa dernière erreur.

-Archers!

La gradée fit un geste sec. Instantanément, la flèche partit, s'enfonçant dans le crâne de Lokir, le tuant sur le coup. Se retournant, elle toisa les autres d'un air sévère, son regard s'arrêtant sur la personne qui se trouvait derrière Lokir avant de poser une question, probablement rhétorique, avec toute son autorité menaçante.

- Quelqu'un d'autre à envie de s'enfuir ?

Oui. Plus que jamais, même. Après tout, bien que ce ne soit pas une surprise, ils venaient de démontrer qu'ils n'étaient absolument pas ouverts aux négociations. Cependant, bien que vouée à l'échec, la tentative lui avait fourni quelques précieuses informatIons. Ces archers étaient redoutables et sans doute des soldats d'élites. Atteindre une cible mouvante n'était déjà pas simple... mais le faire sur une cible aux déplacements erratiques et l'atteindre en pleine tête en un seul coup n'était pas à la portée du premier venu. Sans compter qu'ils faisaient partie du détachement mené par un général, bien entendu. Sauf qu'à présent, il connaissait la position d'au moins trois d'entre eux.

Lentement, le silence reprit ses droits et les soldats recommencèrent leurs rondes, quelque peu satisfaits de la démonstration de force. Du côté des condamnés, si tous essayaient de maintenir une façade brave, la peur commençait à flotter dans l'air comme un poison.

- Attendez... vous, là ! Avancez.

La voix le sortit de son observation seulement pour constater que c'était désormais son tour. Approchant du soldat et de sa liste de noms, il attendit la question inévitable, n'ayant pas été identifié jusqu'ici.

- Qui êtes-vous ?

Plongeant son regard dans celui de l'impérial, il inspira, goûtant l'air sur sa langue alors que l'oxygène descendait remplir ses poumons. Ses cordes vocales vibrèrent quand, sans faillir, le Prisonnier annonça d'une voix claire sa revendication sur lui-même, se nommant avec une certitude absolue.

- Je suis Syraël Varion, un érudit itinérant.

Le reniflement de Ralof en arrière-plan fut résolument ignoré.

Le soldat relut rapidement sa liste avant de regarder de nouveau le prisonnier et, pour la première fois, l'hésitation fit jour sur son visage, couplée à une vague culpabilité.

- Capitaine, que fait-on ? Il ne figure pas sur la liste. Et... sauf votre respect, j'ai du mal à croire qu'un elfe, sans parler d'un altmer, puisse être un rebelle sombrage. Tout comme il ne semble pas faire partie de l'ambassade du thalmor.

Malheureusement pour le magelame, la soldate ne prit qu'une demi-seconde pour prendre sa décision.

- Votre avis importe peu, soldat. Vous oubliez la liste. Il va au billot.

Eh bien... à en juger par son regard, la gradée semblait avoir quelque chose contre lui. Ou les altmer en général, plus probablement. Du coin de l'oeil, il capta une agitation dans les rangs des envoyés du Dominion Aldmeri, mais les ignora résolument. Pas question de se rapprocher de ce genre de racaille.

- A vos ordres... capitaine. Désolé... nous nous assurerons que votre cadavre soit renvoyé à l'Archipel de l'Automne pour y recevoir tous les rites funéraires nécessaires, murmura le soldat, semblant sincèrement navré, avant d'ajouter plus fortement, suivez le capitaine.

Non merci. N'en déplaise à certains, il était un autochtone et le resterait quoiqu'ils en disent. Mais ce soldat avait l'air si coupable que, après une brève tergiversation, Syraël se rapprocha de lui et le gratifia d'un signe de tête en lui chuchotant :

- Merci d'avoir essayé de m'aider.

Ceci fait, il rejoignit les autres sans plus se préoccuper du soldat qui le fixait avec surprise et une vague confusion.

Lui tenir rancoeur serait probablement exagéré étant donné qu'il ne faisait que son travail. Sa supérieure en revanche...

- Elle a ses règles ou quoi ? murmura le condamné entre ses dents, se permettant cette indulgence suite à son agacement et faisant s'étouffer son voisin attentif avec sa salive... de surprise ou de rire, impossible à dire.

L'insulte à peine murmurée d'une voix féminine non loin de lui le fit grimacer. Oups ? D'accord, ce n'était pas sa réplique la plus brillante... mais pour cette fois, il se le permettrait. De toute façon, cette gradée ne s'en sentirait pas plus mal.

Finalement, le général Tullius s'approcha d'Ulfric et entama un discours sur la justice de sa cause et l'ignominie de son ennemi. Syraël profita que l'attention de tous soit sur eux pour commencer à geler les cordes aussi lentement et discrètement que possible pour les fragiliser.

- Ulfric Sombrage... certains ici à Helgen vous prennent pour un héros. Mais un héros n'utilise pas un pouvoir comme celui de la Voix pour assassiner son roi et usurper son trône ! Il fit une brève pause, s'assurant que ses paroles avaient bel et bien été entendues avant de reprendre d'une voix encore plus féroce et convaincue qu'auparavant sans tenir compte de l'onomatopée de protestation de sa cible. Vous avez commencé cette guerre, plongé Bordeciel dans le chaos... désormais l'Empire va vous abattre et rétablir la paix !

Bof. Il aurait pu faire mieux. Premièrement, les héros ne le sont que dans le regard des autres et s'il ne peut pas les convaincre du contraire, rien ne changera. Deuxièmement, il en faut deux pour se battre et l'un commençant ne veut pas dire que l'autre est justifié de renchérir. Troisièmement, si les nombreuses rumeurs de ces dernières années disaient vrai, alors Bordeciel était déjà dans le chaos bien avant la rébellion ouverte d'Ulfric. Quatrièmement, rétablir la paix impliquerait qu'au-delà des sombrages, l'Empire soit aussi prêt à aider les locaux à pacifier les terres sans pour autant les surtaxer. Or, entre la surveillance extrême du thalmor et la décadence impériale, c'était plutôt mal parti...

Raaargh

Le puissant rugissement retentit avec une force étonnante, semblant se réverbérer dans l'environnement et compliquant la localisation de l'émetteur. Néanmoins, ce n'était pas ça qui préoccupait Syraël mais bien lui-même. Ce son était familier. Il savait qu'il l'avait déjà entendu. Mais impossible de se rappeler où, malgré que son corps n'ait pas ce problème.

La bouche sèche et les mains tremblantes alors qu'un filet de sueur qui n'avait rien à voir avec le soleil coulait dans son dos étaient d'assez bon indicateur de son envie soudaine et instinctive de fuite. Pour la première fois depuis un long moment, si l'on exceptait les souvenirs absents qui l'avaient amené dans cette situation, il avait peur.

En alerte, Syraël imita son entourage et se mit à scruter les alentours d'un air méfiant bien que cela lui semble étrangement incorrect, indécis sur la marche à suivre. Pas de certitudes, juste une démangeaison dans son esprit. Un malaise persistant. D'un côté cela pouvait lui être utile pour s'échapper... de l'autre, désarmé et sans protection comme il l'était, il n'avait vraiment pas envie de se retrouver face à l'auteur de ce vacarme.

- Qu'est-ce que c'était que ça ? demanda Ralof en regardant autour de lui, ne semblant pas comprendre ce qu'il se passait.

Il n'était pas certain d'où ça venait mais quelque chose n'allait pas, il le savait. Sa docilité décontractée renvoyée en pleine figure, il jura dans son souffle. Il n'aimait pas la situation, mais cela valait-il d'abandonner ses affaires ainsi qu'une piste sur comment s'était retrouvé là ? Sa tête criait non mais son coeur hurlait oui.

Regardant autour de lui, il constata que, loin de donner l'ordre à ses subordonnés de se mettre en position, le plus haut gradé se contenta d'un vague geste de la main dédaigneux.

- Ce n'est rien, continuez.

La voix ennuyée de l'homme sembla plus claire dans l'air froid, à moins qu'il ne s'agisse que de sa propre paranoïa, poussant sa magie à ses oreilles dans l'espoir de localiser le danger. Car, quoique ce soit, c'était dangereux. Et connu. Mais pas identifié.

- Oui, général Tullius. La capitaine qui en voulait à sa vie obéit sans plus poser de question.

Pas un animal sauvage quelconque, ils lui étaient intimement familier. Pas un troll, ses pas lourds l'auraient fait repérer rapidement. Pas un draugr, ce n'est pas assez sifflant et il se trouvait en extérieur. Pas un vampire, l'astre s'approchait du zénith. Pas un loup-garou, le bruit était trop grave en dépit de sa bestialité. Pas un géant, ils grondent plus qu'ils ne rugissent en plus d'être relativement pacifiques et de ne pas habiter ces forêts. Pas un chaurus ou une givrépeire, ils s'exprimaient par cliquetis.

Mais alors quoi ?!

Sa série de questionnements frénétiques fut interrompue par la voix de l'impériale gradée qui reprit le déroulement de l'exécution en main. Accrochant le regard d'une femme en robe de prêtresse, elle lui fit signe d'avancer d'un air tout aussi autoritaire que pour les prisonniers. Syraël en conclut que ça devait être sa façon d'être au naturel. Pauvres femmes. Les deux.

La réflexion, incongrue et inappropriée, ne lui arracha qu'un faible redressement des lèvres, loin de son amusement habituel. Il était bien trop inquiet pour ça. La certitude qu'un danger assez grand pour déclencher une peur instinctive et instantanée chez lui approchait, sans savoir quoi exactement, le mettait sur les nerfs d'une façon que leur tentative d'exécution n'aurait jamais accomplie.

- Accordez-leur leurs derniers rites.

- Nous recommandons vos âmes à l'Aetherius. Que les Huit Divins vous bénissent car vous êtes le sel et la terre de Bordeciel- commença la prêtresse avant d'être grossièrement coupée par une voix sur la droite de l'elfe.

- Pour l'amour de Talos, taisez-vous et finissons-en, interrompit un condamné aux cheveux roux et à l'air provocateur en se dirigeant en direction du billot.

Une défiance futile mais impressionnante. A coup sûr, cet homme n'était pas un lâche bien que son geste ne révèle rien d'autre de lui. Trop préoccupé, il y fut à peine attentif.

- Comme vous voudrez, lâcha la prêtresse visiblement offensée.

- Allez, je n'ai pas toute la journée, continua le sombrage avant que la gradée ne l'oblige à s'agenouiller sur le billot, ce qui ne l'empêcha pas d'en rajouter une couche. Mes ancêtres me sourient, impériaux. Pouvez-vous en dire autant ?

Peut-être. Peut-être pas. Tout dépendait des ancêtres et de leurs convictions. Mais, au final, n'y a-t-il pas plus important que de chercher l'approbation des morts ? Cela ne les fera pas revenir et ce n'est pas comme si on pouvait plaire à tout le monde. Vivre dans le passé n'amène que la désillusion, l'amertume et la mort.

Tout en gardant un visage impassible, Syraël vit la hache du bourreau s'élever dans les airs avant de s'abattre sur le cou vulnérable qui fut tranché net. La tête roula dans un cageot de bois prévu à cet effet tandis que le corps convulsant s'écroulait, le sang jaillissant du cou tranché sous les acclamations des villageois qui résonnaient en arrière-plan.

Le point positif, il n'avait pas eu besoin de plusieurs coups. Ces cas de figure, peu communs mais pas exactement rares, peuvent être un spectacle assez terrible à regarder... et, sans doute, encore plus à subir.

- Chiens d'impériaux ! hurla une femme placée sur sa gauche, semblant terriblement affectée. Peut-être une amante, une amie proche ou une soeur ?

Malheureusement, son cri se retrouva rapidement noyé sous la clameur vindicative des citoyens alors que les soldats restaient froidement impassibles.

- Justice! cria un homme.

- Mort aux sombrages ! renchérit une femme.

- Aussi courageux dans la mort que pendant toute sa vie, commenta Ralof, juste à côté de lui, d'un air affligé.

- Et maintenant à vous, le haut-elfe ! commanda la gradée en le désignant, aussi imperturbable que si elle était simplement partie faire ses courses.

Vraiment, ça ne lui aurait pas pris longtemps. En fait, il était raisonnablement certain que si le sombrage roux ne s'était pas porté volontaire, il aurait été le premier désigné d'office.

Cette femme devait vraiment faire attention à qui elle s'attaquait. Non seulement, laisser ses sentiments personnels prendre le dessus est indigne d'une soldate mais, en prime, antagoniser sciemment quelqu'un n'est jamais une bonne idée. Bien entendu, cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas le faire. Juste que si ça revenait la mordre par la suite, elle ne serait pas en droit de se plaindre.

Sans compter l'image qu'elle renvoyait en ciblant de façon partiale, le seul prisonnier dont la culpabilité n'était pas prouvée. Bien sûr, il en faut beaucoup plus pour desservir l'armée impériale mais en ne respectant pas la procédure, elle lui donnait un argument en or à faire valoir si on lui reprochait sa future légitime défense. Pour cela, il lui suffisait de démontrer que tout ce qu'il se passait n'était qu'un malentendu, ce qu'un simple détour par Faillaise permettrait aisément.

C'est-à-dire si la Guilde des Voleurs n'avait pas déjà falsifié les registres, puisque ses propres papiers lui avaient été naturellement confisqués. Pff. Qu'est-ce qu'ils étaient chiants !

Raaargh

Encore. Il sentit sa respiration s'accélérer et le reste de son corps se recouvrir de sueur. Cette fois-ci,le rugissement était bien plus proche. Et ses maigres efforts pour se calmer venaient d'être réduits à néant. Sans plus se soucier des soldats, il se mit à tourner sur lui-même, traquant la menace, tous ses sens aux aguets.

Pour autant, il ne parvenait pas à trouver ce qui clochait, à part que le danger semblait venir du nord. Environ.

- Ça recommence, vous avez entendu ? L'impérial à la liste, peu rassuré, se mit lui aussi à regarder autour de lui avec une méfiance grandissante.

- Ça arrive.

Le murmure échappa à Syraël alors qu'il corrigeait inconsciemment sa position, prêt à esquiver à tout moment alors que les regards de Tullius et Ulfric s'aiguisaient en comprenant qu'ils avaient au moins été partiellement joués. Sans compter les thalmors qui s'agitaient légèrement. Obnubilé par la recherche du véritable danger, il le remarqua à peine, prenant tout juste le temps de noter que ça n'avait plus d'importance.

- Hum ? Que dites-vous ?

La demande du bon soldat impérial attira brièvement son attention et, après une courte hésitation, il répondit. Tant qu'à faire, autant qu'il ne soit pas le seul sur ses gardes.

- J'ai dit que ça arrivait. Quoi, je l'ignore mais je sais que c'est dangereux et que ça se rapproche.

A ces mots, l'agitation se répandit à la fois parmi les impériaux et les sombrages alors que les villageois spectateurs échangeaient des regards incertains. Progressivement, la nervosité gagnait tout le monde.

- Peut-être que c'est Talos qui manifeste sa fureur ? La proposition mi-incertaine mi-pleine d'espoir du sombrage fut reçue par une solide quantité de scepticisme. Comme il se devrait.

- Assez de ça. Il me paraît évident que cet homme essaie juste de gagner du temps.

Il semblerait que la capitaine autoritaire venait d'atteindre les limites de sa faible patience et, décidément, la tête de Syraël ne lui revenait pas. Ironique, quand on savait qu'elle voulait la lui prendre. Et puis, gagner du temps ? Il pouvait la tuer avec ses deux mains liées dans le dos et toujours s'échapper après. Sans compter que s'il avait voulu faire ça, il se serait manifesté au premier rugissement. Rien de ce qu'elle disait n'avait de sens.

- Madame, avec tout le respect que je vous dois, peut-être que ses paroles devraient être prises en considération. Nous avons tous entendu ce rugissement sans que personne ne l'ait encore identifié. Se concentrer sur ce danger potentiel paraît-

Le soldat teneur de liste profita de la situation pour intervenir, sans doute plus par réelle inquiétude du danger que pour lui, mais ça n'empêchait pas Syraël de l'apprécier.

- J'ai dit, au billot !

Dommage que sa supérieure ne soit pas aussi raisonnable.

Jetant un dernier regard circulaire autour de lui, le mer finit par détendre à regret sa position et se diriger vers le bourreau, non sans un regard plein de défiance pour la capitaine. Une chose était certaine, il ne descendrait certainement pas sans combattre. Et, si le visage de ceux qui l'entouraient étaient une indication, ils semblaient en prendre progressivement conscience.

- Allez, au billot. Et dans le calme. La voix du soldat à la liste résonna dans la cour, alors que ses yeux et ceux de sa supérieure se détournèrent de leur joute pour le fixer. Néanmoins, il obtint le résultat escompté lorsque le prisonnier se détendit lentement avant de se placer près de la souche en bois.

Ignorant totalement la gradée, Syraël fixa ses yeux sur le soldat à la liste. Ce dernier avait eu le temps de se recomposer et de reprendre un visage plus professionnel. Pourtant, sous le poids du regard du condamné, il serra sa mâchoire suffisamment pour la faire blanchir.

Visiblement, il était tout à fait conscient de l'injustice qui se déroulait ici et ne l'appréciait pas du tout, sans pour autant laisser ses sentiments personnels prendre le dessus. Le mer pouvait être en colère, mais il respectait sa foi en ses croyances et son professionnalisme (certes ennuyeux) au même titre que le courage des sombrages face à la mort et leur loyauté envers leur jarl.

Pour autant, cela ne signifiait pas qu'il allait renoncer à son projet, même si c'était dommage pour ce soldat. Au moins, contrairement à certains de ses supérieurs, celui-ci semblait ne pas avoir compris sa petite duperie, ce qui le rendrait plus facile à neutraliser. En fait, peut-être était-il celui qu'il kidnapperait ?

... Non. Clairement, il n'avait aucune information pertinente à lui transmettre et se tenait trop près de lui. Avant de prendre un soldat en otage, il devait d'abord s'éloigner du gros des troupes.

Idéalement, autant éviter le combat dans la mesure du possible. Il n'aimait pas l'idée, trop risquée à son goût, mais l'éventualité de se laisser abattre comme un vulgaire animal était si répugnante qu'il refusait même de la considérer. Alors s'il devait se battre en plein jour et sans rien dans son dos contre toutes ces élites ? Eh bien, c'était exactement ce qu'il ferait !

Son regard se raffermit alors que la capitaine, à bout de patience, se dirigeait vers lui. Il appela sa magie, ignorant la façon dont la main de Tullius se crispait près de son arme tandis que l'air se troublait autour de ses poignets. Une seconde suffirait. Répondant facilement, l'énergie mystique se dressa, prête à être relâchée à la première occasion alors que l'air ondulait légèrement autour de ses mains, se refroidissant drastiquement...

Un immense dragon noir surgit alors juste derrière les montagnes proches, survolant le village et arrachant des cris à tous. Interrompant son sort en préparation, il se retourna en un éclair, prêt à se battre contre l'assaillant. Du moins, le pensait-il.

- Qu'est-ce que c'était que ça ? beugla Tullius, sa voix dénuée de toute arrogance et de tout sang-froid.

- Sentinelles, que voyez-vous ? Le cri de la gradée derrière lui semblait aussi peu assuré et pressé que celui de son supérieur, même si elle tentait de reprendre les choses en main.

- Il est dans les nuages ! un homme paniqua alors que le dragon noir atterrissait sur la tour la plus proche de Syraël.

Abasourdi et gelé au plus profond de son être, l'elfe fixa la créature, paralysé de terreur. Quelque part dans son esprit vide de choc, il lui semblait que celle-ci le fixait tout particulièrement avec un mépris non-dissimulé.

- Non. Non... c'est impossible, murmura-t-il avec horreur, le désespoir gonflant sa cage thoracique et retirant toute capacité de fuite ou de lutte de ses membres.

- Par les dieux ! Un dragon ? Comment est-ce possible ?! Demanda une voix féminine pleine d'ahurissement, pas loin de lui.

Sans perdre un instant, le monstre aux yeux de braises rougeoyantes ouvrit la gueule et, ignorant faible cri de supplication de sa cible, rugit avec une grande puissance.

Sous la force pure déployée, les personnes les plus proches furent jetées à terre, dont le bourreau qui se fracassa le crâne sur le billot et Syraël qui ne chercha même pas à se ressaisir, balayé comme une poupée de chiffon. Dans le même instant, le ciel se tordit avant de se changer en un entonnoir orageux (ou était-ce sanglant ? Non, ça, ce n'était qu'un souvenir. N'est-ce pas ?!) alors qu'une pluie de feu commençait à s'écraser dans les alentours comme si l'Oblivion même se déchaînait.

- Ne restez pas plantés là, tuez cette horreur ! hurla Tullius.

Perdu dans son esprit, Syraël réalisa trop tard que le prédateur le fixait. Mais avant qu'il n'ait pu véritablement essayer de se lever en dépit de son corps tremblant, un cri avorta tous ses projets :

FUS RO DAH

A peine le hurlement eut-il quitté la gueule bardée de crocs menaçant que Syraël, le bourreau, son arme, la tête décapitée et le corps allant avec, ainsi que tous les soldats alentour, furent propulsés. Volant comme si une bourrasque de Kynareth elle-même leur avait foncée dessus ou un mur de pierre, l'atterrissage manqua de lui rompre la nuque .

- Gardes ! Conduisez les villa-

Le monde devint un flou confus de couleurs et de sons dénués de sens pendant un temps qui lui sembla durer des années. Sa vision finit par s'éclaircir suffisamment pour lui permettre de voir son environnement de façon vague, bien que sa migraine explose derrière sa tempe, l'aveuglant à moitié alors que ses oreilles sifflaient un bruit aigu.

- Utilisez tout ce que nous av-

Prostré à terre, l'envie folle de se rouler en boule et de se laisser mourir lui traversa l'esprit en même temps qu'un sanglot nerveux s'échappa de sa gorge. Tout plutôt que d'affronter ce cauchemar qui lui faisait face. Pourtant, au son des hurlements du dragon noir, une partie de lui se réveilla et le poussa à se relever pour lui répondre. Fugacement, se laisser faire l'insupporta et lui donna envie de vomir de lui-même. L'impression disparut aussi vite qu'elle était apparue, mais parvint au moins à l'extirper de son désespoir apathique.

- Il arrive !

Redressant difficilement la tête, il aperçut une forme jaune et bleutée qui lui faisait signe, désignant une tour à peine visible pour lui.

- Hé vous ! Debout, allez ! Les dieux ne nous donneront pas d'autre chance ! Par-là ! indiqua le bleu avant de se diriger lui-même vers la porte grande ouverte.

Sans plus réfléchir, il se remit difficilement sur pied et courut en trébuchant à moitié dans la direction prise par l'ombre. Au milieu des cris paniqués ou agonisants, des rugissements féroces et des chocs provoqués par les pierres atterrissant tout autour de lui, l'odeur atroce de bois brûlés et de chaires calcinées lui montait au nez. Il était quasiment arrivé lorsqu'un rocher atterrit sur les marches qu'il devait grimper, explosant en plusieurs éclats meurtriers qui manquèrent de prendre sa vie plus efficacement que n'importe quelle hache de bourreau. S'il parvint à se jeter à terre à temps pour en esquiver la plupart, il lui sembla que l'un d'eux l'effleura tout de même, à en croire la vive douleur ressentie à son avant-bras gauche. Celle qui explosa à ses côtes, en revanche, lui coupa le souffle.

Redoublant d'efforts, il poussa sur ses jambes pour se remettre debout et réussit à gagner la sécurité provisoire de la tour. Ralof ferma la porte derrière lui avant de s'adosser au mur, visiblement bouleversé.

- Qu'est-ce donc que cela ?! Les légendes auraient-elles dit vrai ?

- Les légendes n'incendient pas des villages entiers ! rétorqua Ulfric dans un rugissement, visiblement tout aussi choqué que ses hommes.

Le silence régna pendant quelques instants alors que tous ceux présents essayaient de comprendre ce qu'il se passait au nom des dieux ! Cependant, ces préoccupations secondaires furent mise de côté quand la tour trembla fortement. Tous comprirent qu'elle ne tiendrait pas longtemps avant de s'effondrer et de les écraser, poussant le chef sombrage à l'action :

- Il faut y aller maintenant !

- Par la tour, allez ! proposa Ralof en montant les escaliers.

Prenant un instant pour lutter contre les liens qui entravaient toujours ses mains et les déchirer de sa force, il finit par arriver près d'Ulfric qui resta silencieux, perdu dans ses pensées. Alors que la peur avait progressivement menacé de le submerger, il se sentait à présent presque calme. Enfin, autant que possible. Le danger était révélé et il devait s'échapper. Clair et précis. Surtout, il ne devait pas y réfléchir davantage pour l'instant. Néanmoins, il savait avec certitude que ça ne durerait pas et que dès que l'adrénaline et les effets de sa commotion cérébrale se dissiperaient, il sombrerait probablement dans l'hystérie.

- Ils sont blessés, mais ils vivront. Encore une seconde avec le dragon et ils seraient morts tous les deux. Constata un sombrage blond, la peur tout aussi présente dans sa voix que dans celle de ses camarades.

Les sombrages en question étaient étalés à même le sol, certains en position assise et un couché, fixant le toit d'un air vide ou douloureux selon les cas. Une femme aux cheveux blond pâle, adossée à un mur, appuyait sur une entaille à sa jambe assez profonde pour laisser voir la viande en dessous avec détermination, tentant de stopper l'hémorragie.

- Montez vite ! Avant que le dragon ne fasse s'écrouler la tour sur nous ! ordonna Ralof en faisant signe à ses camarades de le suivre.

Prendre de la hauteur leur permettrait d'anticiper le danger à venir plus aisément ainsi que repérer des voies de sorties potentielles. Sans compter que si la tour devait s'effondrer, ils mourraient rapidement plutôt que brûlés vif ou lentement étouffés, voire partiellement écrasés à mort. Non pas que cela lui arriverait, mais connaître ses options était toujours utile.

Le suivant difficilement, Syraël ne réussit pas à stopper les soubresauts nerveux qui agitaient son corps, empirant la douleur de son côté. Il reconnut vaguement un état de choc, bien que la réalisation vienne de très loin, tout comme les cris des autres autour de lui auxquels il ne donnait que peu de sens. Comme s'il n'était pas vraiment là. Ce qui lui convenait très bien.

Il ne voulait rien avoir à faire avec ce cauchemar.

- Lui, il faudra que nous le ramenions sur notre dos, estima un autre homme d'Ulfric dans le silence
pesant.

Alors que sa loyauté était une bonne chose, se faire tuer tous les deux ne rendrait service à personne.

Une fois en haut, il eut à peine le temps de traiter la présence d'un sombrage tentant de dégager un chemin vers le toit en dépit de l'escalier impraticable, que le mur de pierre explosa littéralement pour laisser passer la tête de leur attaquant. Celui-ci ne perdit pas de temps à les toiser et ouvrit immédiatement la gueule pour déverser les mots censés les condamner à mort :

YOL TOOR SHUL

L'elfe sauta en arrière juste à temps pour éviter d'être brûlé vif, mais perdit l'équilibre et dégringola dans les escaliers, entraînant Ralof sur lequel il atterrit. Heureusement, le sombrage ayant amorti sa chute, il n'en tira que des égratignures mineures, à l'exception d'une vague de douleur brûlante qui descendit dans son bras et son côté. Dès qu'il aurait un instant, il devrait vraiment vérifier ça. Ralof, protégé par son armure, s'en sortit indemne, juste un peu sonné.

- Oof! Par les dieux... il a démoli ce mur de pierre comme si ce n'était rien...

Jetant un bref coup d'œil à son épaule droite, l'elfe s'étonna d'y trouver une méchante entaille qui régurgitait un peu de sang, teintant son bras de carmin. Rouge... comme son sang, comme celui des autres étendus à terre et impuissants, comme le ciel, comme le feu craché par le monstre.

Une couleur intense et belle. Mais aussi dangereuse et mortelle. Un affichage qui lui donna le tournis, le surprenant.

Après avoir entendu le dragon déménager, Ralof remonta et Syraël le suivit beaucoup plus prudemment que la première fois. Jetant un coup d'œil dehors, il se retrouva soulagé par l'absence du dragon, mais aussi fasciné par la pure dévastation causée en si peu de temps. En dessous d'eux se trouvaient des bâtiments brûlés en cendres, leurs planches tordues s'évasant de tous les côtés alors qu'ils se consumaient sous la fureur pleuvant des cieux. D'autres, encore incandescents, résistaient vaillamment, mais un simple néophyte aurait su qu'ils ne tiendraient pas longtemps en dépit de leur ténacité. Alors que la fumée épaisse cachait une partie de la vue et du ciel, la pluie de météores continue para les rayons du soleil de teintes écarlates.

Le frisson du sombrage à ses côtés l'informa qu'il n'était pas le seul à l'avoir remarqué, à en juger par ses yeux horrifiés. Un puissant sentiment de peur et de traumatismes brutalement exhumés bien compris de l'elfe.

Il savait, sans même avoir besoin d'y réfléchir, que cette scène hanterait ses cauchemars pendant longtemps.

Heureusement pour eux tous, il n'avait pas à s'inquiéter. Se reprenant rapidement, un rapide regard sembla permettre à Ralof de se repérer et, un instant plus tard, il se tourna vers Syraël d'un air décidé.

- Vous voyez l'auberge de l'autre côté ? Sautez sur le toit et continuez !

S'accordant un moment pour jauger la situation, il parvint à la conclusion que le nordique ne voulait probablement pas l'utiliser comme appât, ce qui ne l'empêcha pas de grimacer lorsqu'il se rendit compte que l'auberge nouvellement détruite était ravagée par le feu et laissait échapper des vapeurs toxiques. Autant le gaz ne l'inquiétait pas trop, autant il aimerait grandement éviter de finir brûlé. Il détestait ça avec passion, tout comme son compagnon temporaire si la façon dont il évitait les flammes était une indication.

- Dépêchez-vous !

L'ordre impatient le sortit de ses pensées et il hocha la tête avant de reculer pour prendre de l'élan. Toutefois, juste avant de se lancer, il se tourna vers le Sombrage et lâcha :

- Si je meurs, je reviendrai vous hanter.

Ceci fait, il s'élança en avant avant de bondir vers la sortie improvisée. Les mots de Ralof lui parvinrent tout juste, à moitié étouffés sous les hurlements constants, à la fois du dragon et des damnés, prisonniers de la ville alors qu'ils étaient brûlés vifs :

- Pour ça il faudrait que je survive !

La descente s'avéra très longue et en même temps très courte. Laissé à la seule loi de l'apesanteur, un sentiment familier prit place dans ses tripes et, sans même y penser, il se positionna pour l'atterrissage qui fut à moitié loupé, la fumée opaque lui ayant dissimulé sa destination, à savoir un tas de bois noircis et de braises brûlantes. Le contact, déjà douloureux, ne fit qu'empirer la souffrance de son bras, sa jambe et son côté lorsqu'il s'arqua pour tenter d'y échapper. Criant de douleur, il sortit rapidement de là mais le mal était déjà fait, ses pieds, ses genoux et une partie de son torse étaient rougis par le feu et la douleur lancinante combinés à la fumée qui l'étouffait, brûlant ses poumons manquèrent de lui perdre faire connaissance.

Se mordant la lèvre inférieure jusqu'au sang, il résista de toutes ses forces à l'obscurité, sachant que s'il s'évanouissait, ce serait pour ne jamais se réveiller. Il ne voulait pas mourir. Certainement pas à cause d'un dragon. Rampant à même le sol avec ce qui lui restait de force, il finit par sentir un trou dans le plancher et ses yeux lui confirmèrent qu'il s'agissait de la sortie de l'étage. Lentement, il tendit son bras valide et parvint à s'accrocher au bois fragile qui grinça sous sa poigne, à moins qu'il ne s'agisse de la maison entière qui avertissait son occupant provisoire qu'elle ne tarderait pas à s'écrouler. Il se laissa tomber le plus prudemment possible dans son état.

Tentant de réutiliser son autre bras et ne se faisant pas confiance pour quoi que ce soit de plus complexe dans son état, il commença à utiliser ''Soin'' en continu. S'il y parvenait, il se concentrerait ensuite sur ses côtes. Le problème ne se résoudrait pas miraculeusement mais, à priori, ça n'empirerait pas la situation.

- Qu'est-ce que vous faites ?! Quittez la route !

- Hamming, venez par ici, tout de suite !

- Mais j'ai peur !

- Ne regarde pas en haut. Fais-moi confiance, tu peux y arriver !

Dénué de repères dans la fournaise, il courut en direction des voix, non sans prendre quelques secondes pour récupérer son souffle. La fumée n'aidait pas, mais c'était toujours mieux que rester confiné dans une ruine de bois et de flammes. Il finit cependant par repérer ceux qui avaient attiré son attention.

- Beau travail. Vous faites des merveilles.

Ils étaient quatre. Le soldat impérial qui avait voulu l'épargner, un vieux guerrier et... un homme et son fils. Le gamin qui l'avait salué quand ils étaient arrivés. Il semblait terrifié, les yeux écarquillés et fixant le vide alors que les larmes roulaient sur ses joues. Le soldat leur faisait signe pour qu'ils le rejoignent et, dès qu'ils le virent, l'homme entraîna l'enfant avec lui. Mais, avant qu'ils n'aient pu parcourir plus de quelques mètres, le dragon noir atterrit derrière eux, la cruauté visible dans ses yeux. Sans plus réfléchir, l'homme ramassa son fils et le jeta à Hadvar qui n'eut que le temps de l'attraper et de reculer avant que les flammes ne noient la rue.

- Torolf ! Le cri du soldat résonna avec assez de force pour sortir l'enfant de sa stupeur et le faire courir vers son père, seulement pour être stoppé in-extremis par l'adulte alors que son comparse guerrier regardait la scène avec impuissance. Par les dieux, reculez !

Cependant, une fois la bête repartie, les spectateurs constatèrent que la tragédie n'avait laissé aucun corps derrière elle. Et pour cause, puisque l'homme était plus ou moins indemne, bien que sonné, après que Syraël l'eut heurté et poussé avec force hors du chemin.

- Quoi ? Qu'est-ce que-Syraël coupa l'interrogation confuse de Torolf en le tirant sur ses jambes, pendant que des restes de cordes déchiquetées tombaient de ses poignets. Distraitement, il siffla de douleur à la blessure familière à l'intérieur de son poignet gauche, n'aimant pas du tout cette implication. Il traîna l'homme auprès d'Hadvar et, bien plus important, de son petit garçon, qui se jeta dans ses bras en pleurant, lui faisant oublier tout questionnement au profit de cette embrassade.

- Encore en vie ? Je suis impressionné. Surtout que vous avez sauvé Torolf alors que rien ne vous y obligeait. Hésitant brièvement, le soldat finit par pincer les lèvres avant de prendre une décision. Restez près de moi si vous voulez que nous nous entraidions pour vivre. Gunnar, occupez-vous du garçon et de Torolf. Je dois trouver le général Tullius et rejoindre les défenses.

- Que les dieux vous guident, Hadvar.

Acquiesçant avec brusquerie, le vieux guerrier entraîna les deux rescapés avec lui alors que le soldat et le prisonnier allaient dans une autre direction. Celui-ci ne se priva d'ailleurs pas pour l'interroger :

- La sortie n'est-elle pas censée se trouver par où ils sont partis ?

Le soldat lui jeta un rapide coup d'œil avant de reprendre sa progression, non sans lui répondre en louvoyant entre les débris et habitations détruites, bien qu'il doive se stopper un instant pour tousser.

- Si, mais mon devoir me dicte d'aller à la défense de la ville par tous les moyens. Même si nous perdons Helgen, tant que nous pouvons sauver ne serait-ce qu'un civil, alors cela aura servi à quelque chose. Et pour cela, il est nécessaire d'occuper le dragon pour qu'il ne les poursuive pas. Cependant, je compte bien survivre aussi si je le peux. Le donjon- attention !

YOL TOOR SHUL

Seuls les réflexes rapides de l'elfe leurs permirent de se réfugier contre le mur. Le dragon atterrit alors sur le toit sans les remarquer et incendia une cohorte d'impériaux qui périrent en hurlant, simultanément brûlés par le feu ainsi que le métal fondu de leur armure. Les peaux et orifices faciaux des malheureux qui portaient un casque ne furent pas épargnées. Pendant ce temps, il fallut aux deux hommes tout leur sang-froid pour ne pas craquer, bien que le soldat fasse un bruit étrange, comme si quelque chose était coincé dans sa gorge. Hadvar, à cause de la vue désolante face à eux, et Syraël, car l'aile (et plus généralement le monstre à écailles) était beaucoup trop proche de lui à son goût.

- Restez près du mur ! ordonna le soldat malgré que ce ne soit vraiment pas nécessaire.

Sans doute faisait-il surtout ça pour avoir quelque chose auquel se raccrocher. D'ailleurs, comme pour accréditer l'hypothèse de l'elfe, il reprit là où il en était précédemment, sans paraître se soucier de l'attention en chute libre de son interlocuteur :

- Je disais donc que le donjon ne devrait pas être trop loin et je sais qu'une voie d'évacuation souterraine se trouve là-bas. Les civils n'y ont pas été emmenés car cela nécessiterait de les faire passer en groupe devant le dragon, ce qui serait une folie. Mais pour quelques personnes, nous devrions pouvoir nous y réfugier et sortir de la ville par ce biais.

Si c'était là son plan, Syraël était tout à fait d'accord... sauf pour la partie où il venait d'admettre l'avoir emmener avec lui pour servir d'appât. Tant pis, ce qui est fait est fait. Les palissades en bois flambant comme des torches, il préférait éviter de grimper dessus. Léviter aurait attiré l'attention du dragon en le marquant comme une cible intéressante. En ce qui le concernait, tout ce qui lui éviterait plus de feu, de fumée ou autre source de chaleur en lui permettant de quitter les lieux serait le bienvenu. La cryomancie restait heureusement une option... mais si le soldat pouvait lui proposer une meilleure issue, il ne cracherait pas dessus.

Péniblement, Syraël, ses pieds brûlés mordus par les débris, et Hadvar, animé d'une toux incessante qui ne faisait qu'empirer progressivement, parvinrent à se rendre dans la rue où se trouvait la porte les ayant fait entrer dans cet enfer. Malheureusement, comme le pressentait Syraël, celle-ci était condamnée par des débris enflammés tombés devant. Les corps de quelques fuyards tués par écrasement, brûlure et empalement ajoutait à la vision d'horreur.

Distraitement, il ne put s'empêcher de suivre du regard les filets de sang encore humides (même si pas pour longtemps), admirant comment le rouge du liquide vital et celui des flammes se mêlaient dans un spectacle macabre mais d'une beauté aussi onirique que révoltante. La couleur était sublime. Les visages et corps des suppliciés beaucoup moins.

Superbe à en avoir la nausée, en effet.

À moins de vouloir se faire une cible de choix pour le porteur de mort aérien, ils n'avaient d'autre choix que d'essayer par un autre chemin... mais la seule autre sortie conventionnelle se trouvait au sud, de l'autre côté du village qu'ils venaient déjà de traverser. Devant, des impériaux acculés tentaient de défendre les quelques civils restants avec courage, mais il paraissait évident qu'ils étaient complètement dépassés, parvenant à peine à repousser les flammes menaçant de les consumer, sans même parler de leur créateur.

Hésitant une fraction de seconde, Syraël se décida et, d'un geste de la main, un brouillard humide et glacé se répandit sur les flammes, les éteignant brusquement sous les yeux impressionnés des villageois et des soldats. Ignorant les remerciements balbutiants et sanglotant, il rejoignit son accompagnateur.

- Général Tullius, par ici ! Le cri d'Hadvar attira l'attention de l'homme alors que l'elfe se tenait prudemment en retrait. A priori, ils avaient bien d'autres préoccupations que son exécution mais, au cas où, autant ne pas attirer l'attention.

- Hadvar ! Nous ne gagnerons pas contre cette chose ! Mais nous ne pouvons pas abandonner les civils sous notre protection. C'est risqué mais nous n'avons pas d'autre choix que de les faire passer par le donjon. Dans le fort, et dégagez-nous la voie. Allez !

Le cri du général eut des difficultés à se détacher dans le vacarme ambiant mais, comprenant l'essentiel, le soldat se précipita immédiatement avec l'elfe, passant devant l'un de ses camarades qui tendait le bras à un civil à terre.

- Allez, donnez-moi la main, je vous sors d'ici.

- Il est trop tard ! Laissez-moi et sauvez votre peau !

Cependant, avant même d'avoir pu formuler une réponse, le glas de la mort sonna pour les deux pauvres types en même temps qu'une ombre de grande taille les survolait.

YOL TOOR SHUL

Le déluge de flammes tomba sur les deux qui poussèrent des hurlements atroces, le corps de l'impérial se tordant et se renversant sur le dos, calcinés. Sa bouche s'ouvrit désespérément pour de l'air, l'argent brillant coulant sur sa peau presque noire et tressautante de souffrance, fournissant un contraste terrible alors que le métal en fusion glissait dans les orifices ruinés, un faible grésillement sonnant le glas de sa vie, expiré avec un râle rauque étouffé.

- Merde, Larrius est mort ! hurla l'un de ses camarades qui avait pu se réfugier à temps derrière un mur de pierre. Ne quittez pas cette chose des yeux !

A partir de là, la cohue ne fit qu'empirer alors que les soldats cédaient de plus en plus rapidement à la panique, au fil des minutes, perdant par-là même la cohésion qui était leur seul avantage.

- Bougez, bougez ! Tullius échoua lamentablement à dominer le vacarme.

- Il est immortel. Il revient sans cesse ! s'horrifia un mage de bataille, ne faisant que démoraliser davantage les troupes.

- Daar lein los dii, affirma le dragon noir en les survolant, se jouant de leurs tentatives de l'arrêter.

- Courez imbéciles !

Personne n'entendit le cri de la femme, mais tous comprirent son message grâce à la poutre d'une maison qui s'écroula sur elle, la tuant sur le coup.

- Par les Huits Divins, quelle est cette chose ?

Un archer finit par craquer complètement et, jetant son arc au sol, tourna le dos au combat avant de se mettre à courir. Malheureusement pour lui, après seulement quelques pas, une déferlante de feu s'abattit sur lui comme pour châtier sa lâcheté.

- Zu'u Alduin ! Zok sahrot do naan ko lein, affirma-t-il avant de fondre sur un mage situé sur le mur et le saisir entre ses serres pour le larguer depuis une hauteur mortelle.

- Nous sommes seuls maintenant. Ne vous éloignez pas ! commanda Hadvar en redoublant d'efforts, seulement pour être dépassé par son accompagnateur incongru une fois le fort repéré. Il entendit tout juste les paroles de Tullius avant que le vacarme ne dissimule le reste :

- Dans le Fort ! Soldats, civils et moins que rien ! Dirigez-vous dans le fort !

... Ce n'était pas lui, le ''moins que rien'', pas vrai ?!

Alors que le général Tullius donnait enfin l'ordre salvateur que tous attendaient, les deux passèrent sous une arche en pierre et s'engagèrent dans la cour, seulement pour qu'une autre silhouette passe par un mur écroulé et se précipite également en direction du bâtiment. L'uniforme bleu déclarant son allégeance ne fit que plonger Hadvar dans une terrible colère, sentiment amplifié lorsqu'il mit un nom sur ce visage.

- Ralof ! Espèce de traître. Hors de mon chemin !

Pris par surprise, le sombrage se retourna et ses traits s'assombrirent à leur tour sous le regard d'abord confus, puis outré de Syraël. Ils se trouvaient littéralement au milieu d'une pluie enflammée avec un fichu dragon au-dessus d'eux et ils voulaient s'entretuer ?! Doux Aedras ! Ils avaient tellement de chance qu'une alliance augmenterait drastiquement leur probabilité de sortir de là en vie.

- On s'enfuit Hadvar, vous ne nous arrêterez pas.

L'avertissement du sombrage raisonna avec une note de finalité, celui-ci ne doutant visiblement pas de ses mots. Frustré, l'impérial s'approcha de quelques pas, hésita, puis se rendit à l'évidence bien qu'il finisse tout de même par cracher :

- Très bien, j'espère que ce dragon vous enverra tous en Sovngarde.

Cependant, avant que les deux n'aient pu théâtralement s'éloigner pour marquer la séparation définitive de leurs routes, une main surgit de derrière Hadvar pour empoigner son col avant de faire de même avec Ralof, les traînant jusqu'à la porte la plus proche d'un pas rapide. Bien lui en prit puisque, quelques secondes plus tard, un débris tomba sur le porche, le fracturant avant de dévaler jusque dans la cour.

Remarques de Fin de Chapitre :

➢ Ah là là... pauvre Lokir. Il n'avait pas tort sur la différence d'échelle de leurs crimes respectifs, bien sûr. Mais s'il avait tant voulu le soutien de Syraël, invoquer le concept d'innocence n'était pas exactement la chose intelligente à faire.

➢ Oui, l'évaluation de Ralof après la blague de Syraël est un clin d'œil à l'une de mes scènes préférées du jeu. Laquelle est-ce, à votre avis ?

➢ Petite anecdote : le dialogue entre Tullius et Elenwen ne vient pas de moi. Bien que supprimé des versions finales française (comme beaucoup d'autres choses...) et anglaise, il fait partie des fichiers originaux du jeu en versions anglaise ainsi qu'allemande et est donc canon. Enfin... aussi canon que possible pour les TES. Personnellement, je soupçonne qu'il avait pour but de nuancer les actes de l'Empire auprès des joueurs (anciens comme nouveaux) en illustrant dès le début que l'Empire se trouvait sous la pression constante du Thalmor. Pour les curieux, je l'ai trouvé sur la fiche UESP d'Elenwen. C'est en anglais et en bas de page mais, avec google traduction (ou mieux encore : DeepL), vous comprendrez l'idée générale sans peine.

Dans tous les cas, je l'aime bien car il est l'un des rares dialogues (outre les espoirs des pro-impériaux vis-à-vis d'une lutte future contre le domaine sans véritables preuves) montrant ouvertement que, même si la situation est désastreuse pour eux, l'empire refuse absolument d'abandonner la lutte contre le Dominion et compte bien se battre. En temps normal ça leur donnerait un bon point dans mon livre mais vu que, par la suite, les impériaux tentent de nous tuer puis essaient de se justifier en nous appelant des criminels quand on leur en reparle alors que notre personnage n'était même pas sur la liste... bref. Disons que la guerre civile est un sujet vraiment compliqué et, pour le moment, restons-en là.

➢ La capitaine a désigné Syraël en second car il est le seul elfe du groupe et qu'après la Grande Guerre, peu d'impériaux se sentent bien disposés envers eux. Du moins ceux qu'ils estiment être des collaborateurs potentiels. Elle a donc choisi la solution radicale. En plus, exécuter un homme en haillons, c'est commencer par le pire et finir par le meilleur (avec Ulfric). Tullius, lui, n'était pas très heureux de ce choix. Craignant un mauvais coup d'Elenwen et souhaitant porter un coup fatal au moral Sombrage pour éviter une bataille désespérée pouvant mettre les habitants et ses soldats en danger, il aurait voulu faire tuer Ulfric en premier. Il avait d'ailleurs espéré que son discours ferait passer le message mais c'était visiblement trop espérer. Entre le volontaire, le névrosé et les préjugés de sa subordonnée, il a estimé que s'y opposer ne ferait que renvoyer une image de désunion, quelque chose à éviter à tout prix. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'avait pas une sanction en tête pour elle au motif d'avoir négliger le véritable objectif de l'exécution.

➢ Si le Sombrage roux n'avait pas avancé et que Lokir n'avait pas été abattu, toujours dans cette logique de garder le meilleur pour la fin, c'est Syraël ou Lokir qui auraient été choisis. Probablement Lokir, ne serait-ce qu'à cause de son attitude et pour éviter qu'il ne tente quelque chose de malheureux... ce qui c'est produit de toute façon. Ironiquement, si Lokir ne s'était pas enfui, il aurait éventuellement pu survivre. Car le sombrage roux se serait probablement avancé malgré tout, irrité par ces simagrées et Lokir aurait été le deuxième. Ou parce que même s'il avait été désigné premier, il se serait tant débattu, aurait tellement essayé de se justifier que même quand les impériaux auraient fini par perdre patience, Alduin serait peut-être arriver en premier. Peut-être. Mais ça, on ne le saura jamais...

➢ Ayant compté les minutes de Skyrim avec le menu du joueur, l'exécution n'a pas duré tant de temps que ça. Environ une quarantaine de minutes depuis que le dovahkiin s'enregistre auprès d'Hadvar. Rien que le discours de Tullius, s'il nous paraît court, prend en réalité douze minutes et la suite jusqu'à l'interruption de la bénédiction de la prêtresse en prend six. Oui, ces quarante minutes sont vite passées.

➢ Juste pour préciser, si Syraël avait tenté de s'évader sans Alduin, ses chances de réussite n'auraient pas du tout été garanties. Il est puissant mais aussi hors de ses avantages habituels, à commencer par son équipement bien-aimé, alors que tout ceux l'entourant étaient des élites de leur propre camps (minus les civils) et, au moins certains haut-gradés comme Tullius, Ulfric et Elenwen (cette dernière lui ayant accorder une attention particulière à cause de sa race), avaient compris qu'il avait quelque chose derrière la tête. Ils sont bien trop familiers avec les combattants pour ne pas reconnaître que son corps et son positionnement n'avaient rien à voir avec ceux d'un inoffensif érudit comme il le prétendait et que son attitude n'était pas résignée.

Ils étaient donc tout à fait prêts à intervenir pour deux d'entre eux, bien que Tullius hésitait fortement afin de ne pas permettre à Ulfric d'utiliser la distraction fournie pour se libérer... comme celui-ci y pensait justement. Car entre un prisonnier inconnu et le chef de la rébellion, l'empire pouvait supporter l'évasion du premier mais pas la perte du second. De son côté, Elenwen était bien décidée à lui mettre la main dessus pour éclaircir sa situation et, peut-être, profiter de sa tentative pour faciliter l'évasion de masse qu'elle espérait. Sans compter, le point le plus important : est-il un altmer de sang pur ou non ? Des chances non-garanties, donc, mais plus grandes que dans toutes autres situations semblables. Hadvar, plus préoccupé par ses questionnements moraux, n'y a vu que du feu.

➢ Oui, Syraël a sauvé les villageois et les soldats par gentillesse et pitié. Mais ce n'était pas non plus dénué de calcul. Car, s'ils survivent, ils peuvent ensuite témoigner pour lui et aider ses affaires. S'ils ne le font pas, cela fait toujours des cibles supplémentaires pour le dragon afin de détourner son attention de lui.

➢ J'ai essayé d'être graphique avec la description d'Helgen et je pense que ça se voit. J'ai toujours été surprise et déçue de voir comment un tel bouleversement sanglant (de tout le jeu, il s'agit à la fois du coup d'envoi de la Crise Draconique mais aussi de leur plus grand massacre en une fois), son horreur et ses impacts potentiels sont souvent négligés par les autres écrivains. Alors qu'il s'agit d'une véritable tragédie.

Bonus parodique :

Syraël : Je suis entouré d'ennemis voulant me tuer ? Juste un Sundas normal et je vais m'échapper de toute façon. Donc, vraiment, pourquoi mes affaires ? J'y tenais !

L'auteur : Homme stupide, l'entourage en question est composé d'un général et de plusieurs escouades d'élites impériales et thalmor ! Tu as vraiment une haute opinion de toi-même, n'est-ce pas ?

Syraël : Tu m'as écrit comme ça. Qu'y puis-je si je suis doué ?

L'auteur : ... Bien. Le moment où mon personnage me fait taire est certainement celui où je dois prendre l'indice et m'engager à ne plus briser le 4ème mur.

Syraël : Sage de ta part. De mon côté, je compte bien survivre quoi qu'il arrive, alors faites de votre pire, vous tous ! Et toi le lézard, je te maudis sur dix générations ainsi que le pauvre con qui t'a engendré ! Mes affaires !

Akatosh : Je note la malédiction, enfant insolent. Je vais donc te prendre au mot. Et pour répondre à tes pensées précédentes, non, je suis de très mauvaise humeur depuis que tes frères ont décidé de recommencer à le bordel. Alors heureusement que toi et ton instinct de survie développé êtes là.

Syraël : ... Putain de merde. J'avais oublié que c'était vous, le paternel en question. Je me suis baisé tout seul, c'est ça ? Hé, une seconde ! Comment ça « mes frères » ? Je suis enfant unique ! Et, plus important encore, je ne suis pas un gosse !

Akatosh : ... J'avais oublié. Tu es amnésique. Quoi qu'il en soit, nous en reparlerons quand nos histoires de familles commenceront vraiment.

Syraël : Ah ! Donc vous aussi vous avez des problèmes de mémoire et, pourtant, vous critiquez les autres à ce sujet ? C'est vraiment- quoi ? Quoi ?! Mais vous allez où comme ça ? Vous ne pouvez pas dire ça, quoi que ça veuille dire, et partir juste après ! Revenez !

Lexique :

Il a été porté à mon attention que certains lecteurs moins au courant du lore - pas que je leur en tienne rigueur vu l'étendu de celui-ci - pourrait avoir du mal avec certains termes employés. Donc, quand je pense qu'il y en a, je les ajouterais dans cette rubrique.

Les Marukhatis : Une secte de l'Ère Première appartenant à l'Ordre Alessien. Fanatique de Marukh, l'homme/Imga à l'origine de la présomption de culpabilité présente dans le système judiciaire impérial. On retient surtout d'eux qu'ils sont à l'origine de la plus grande Cassure du Dragon de l'histoire, celle-ci ayant durée 1008 ans selon le calendrier lunaire Khajiit. Ils auraient tenté de séparer l'essence elfique d'Akatosh - plus connu sous le nom d'Auri-El - afin de faire du premier une divinité 100% humaine apte à soutenir leur dogme raciste de supériorité des Hommes sur les Elfes. Depuis ce triste événement aux conséquences majeures sur l'ensemble du continent, les Élus Marukhatis sont frappés du sceau de l'infamie, même, ou peut-être surtout, aux yeux de ceux qui ont vécu des siècles/millénaires après eux. Et, oui, si vous ne l'aviez pas compris, cette idée de supériorité raciale fait d'eux le miroir inversé du Thalmor, d'une certaine façon. Des gens charmants, vraiment.

Mer : Il s'agit d'un terme analogue pour dire ''Elfe''. Les Humains en ont un aussi et c'est ''Men'' qui est un mot anglais voulant dire... hommes. Au pluriel. Oui, je sais mais chaque grande licence a eu ses débuts, qu'on se le dise.

S'il y a d'autres mots que vous ne comprenez pas, faites-le moi savoir et je le mettrais à jour.

Liste de sorts utilisés :

Soin → Le lanceur concentre son pouvoir curatif en continu sur une zone précise. Il s'agit du sort de revitalisation le plus basique qui soit, s'occupant surtout d'égratignure. Néanmoins, il est possible, à condition d'être assez compétent, de s'en servir comme anesthésiant.

Droits d'auteur : De nombreux sorts ici sont tirés de divers mods de magie comme par exemple (mais sans s'y limiter) : Apocalypse et plus d'Apocalypse, Arcanum le Nouvel Âge de la Magie, Magie Astrale, Magie de Phenderix, Magie de Destruction Élémentale, Magie Oubliée, Mysticisme – Refonte de la Magie.

C'est pourquoi, je tiens à être claire dès le départ : une infime partie des sorts présents dans l'histoire sont mes créations originales. Pour les autres, ils ne sont pas identiques aux mods dont ils viennent et c'est voulu. Comme vous l'aurez remarqué, beaucoup d'entre eux ont des descriptions adaptées à un jeu vidéo mais pas à l'exercice de narration. Donc, j'ai dû les modifier en espérant ne pas offenser les créateurs d'origine. Si c'est le cas, faites-le moi savoir et je les supprimerais/modifierais.

Dovahzul :

Alors, je ne parle pas très bien anglais, ce qui signifie que je ne maîtrise pas couramment le Dovahzul, ou langage draconique, donc désolée par avance pour les fautes certaines qui s'y glisseront. Pour ce chapitre, ce ne sont pas mes créations, mais les deux des véritables dialogues IG d'Alduin donc, à priori, ils sont corrects.

Daar lein los dii : Ce monde est le mien !

Zu'u Alduin ! Zok sahrot do naan ko Lein : Je suis Alduin ! Le plus puissant de tout Mundus !

Jeu :

Fus Ro Dah : Force Équilibre Poussée → Force Implacable

Yol Toor Shul : Feu Enfer Soleil → Souffle Enflammé