Titre : Hope There's Someone
Auteur : lovePOEPLEandCOWBOY
Avertissement : contient certains sujets sensibles comme la dépression, le stress post traumatique, l'abus d'alcools et de drogues, l'homophobie, le viol.
L'idée m'est venue après avoir regardé le documentaire de Karl Zero : « un sur cinq »
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L'orphelinat est très grand. Certains enfants y sont depuis toujours, d'autres ne font que passer.
Shun a 13 ans la première fois qu'il rencontre Mime.
Mime est aussi discret et calme que Shun. Les enfants plus turbulents lui cherchent misère et il n'a pas de grand frère pour le protéger. Il passe la plupart de son temps à voler sous les radars ce qui n'empêche pas Shun de le remarquer. Mime est comme un aimant.
Shun le trouve magnifique et il ne se lasse pas de le regarder jouer du piano sur le vieil instrument du salon.
Un jour pourtant, Mime se fait insulter.
« Tu peux arrêter nous emmerder avec ta musique de merde ! » Crie un sale gosse. Mime obéit en rougissant, toute colère contenue puis il part furtivement avant que les choses puissent dégénérer.
Ayant assisté à toute la scène, Shun fulmine alors son frère tente de l'apaiser mais ça ne fonctionne pas. Shun a mal pour Mime car il devine son sentiment de solitude. N'y tenant plus, il choisit d'emprunter la même direction que le blond et il finit par le retrouver.
« Moi, j'aime bien t'entendre jouer. »
« Merci. »
« Je m'appelle Shun. »
« Je sais. Moi, c'est Mime. »
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Un matin, alors que Shun quitte son domicile, il remarque que la porte de chez Hyoga est grande ouverte. Il s'approche timidement et ose lancer un coup d'œil à l'intérieur.
« Hyoga ? » Appelle-t-il. Il entre un peu plus dans l'appartement. Hyoga est penché sur un énorme meuble et le cœur de Shun manque un battement.
« Shun ? » Hyoga se retourne. Il transpire et il essuie une partie de son visage sur le haut de son épaule avant de se lever pour aller vers la porte.
« Qu'est-ce que tu fais ? » Demande Shun en observant l'énorme meuble. « Tu as besoin d'un coup de main ? »
« Heu… Non, ce n'est pas la peine. Des amis sont venus m'aider. »
Shun jette un coup d'œil dans l'appartement vide et Hyoga comprend sa confusion : « Ils sont partis chercher des outils dans la voiture de Seiya. »
Les yeux de Shun s'écarquillent au prénom évoqué. Bien sûr que Hyoga a gardé le contact avec les autres. C'est évident.
Seiya, Shiryu, Hyoga, Ikky et lui formaient un petit groupe d'amis à l'orphelinat. Ils se disputaient parfois mais ils aimaient passer du temps ensemble. Shun imaginait parfois qu'ils étaient une famille.
« Ils savent que…je vis juste en face de chez toi ? » Demande Shun sans pouvoir cacher sa surprise et son appréhension. Il n'est pas très fier de son parcours, ni de son manque d'ambition. Il n'a pas fait d'étude. Il travaille dans une librairie et sa seule satisfaction est qu'il peut lire les ouvrages qui lui plaisent.
« Pas encore. Je voulais leur faire la surprise. » Hyoga à l'air sincère.
Shun baisse la tête, plutôt embarrassé. « Je ne sais pas si c'est une bonne idée. De toute façon, je dois aller travailler. »
Hyoga regarde Shun s'enfuir dans les escaliers en devinant qu'il prendra la sortie de secours. Il n'a pas manqué les non-dits lisibles dans le regard de Shun. Ses yeux ont toujours parlés.
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Un samedi, tard dans la matinée, Shun est assis sur le lit de Mime. Ils sont seuls dans le dortoir. Mime a simulé un mal de ventre quelques heures plus tôt, et Shun se retrouve à veiller sur le faux malade.
Sans que cela s'explique, à un moment donné, leurs lèvres sont scellées.
Mime caresse tendrement le visage de Shun qui se noie dans le goût du baiser.
C'est son premier baiser.
Ça pourrait ne jamais finir, seulement des bruits de pas se font entendre derrière la porte du dortoir qui s'ouvre. Shun et Mime ont juste le temps de s'éloigner l'un de l'autre avec des yeux écarquillés par la peur.
« Je venais voir comment tu allais. » Dit simplement le directeur de l'orphelinat. Un homme froid mais attentionné. Il s'approche des deux garçons avec un air suspicieux. Mime devient très rouge et Shun le regarde avec le cœur battant, sans rien dire.
« Je vais mieux. » Mime évite le regard de l'homme. Le directeur soupire d'aise.
« Je suis heureux de l'entendre. Je crois que je vais te laisser avec ton ami. » Dit l'homme âgé avant de se focaliser sur Shun : « Tu diras à ton frère qu'il a mon accord pour les cours d'athlétisme. »
Shun hoche vivement la tête, trop apeuré pour se réjouir de la bonne nouvelle. Ikky a du potentiel en sport, en particulier la course et c'est une opportunité qu'il ne peut pas manquer.
Le directeur finit par s'en aller et Shun se retourne vers Mime qui n'a pas bougé. Il ne regarde nulle part en particulier et quand Shun lui touche le dessus de la main, il sursaute.
« Tu devrais partir. » Demande Mime sans le regarder.
Shun comprend qu'ils ont fait quelque chose de mal. Il veut s'excuser. Il veut que Mime reste son ami.
C'est peut-être mal mais il ne regrette pas ce baiser.
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Après la troisième invitation, Shun se sent obligé d'accepter la demande de son voisin.
Il se sent nerveux, très anxieux car il ne sait pas à quoi s'attendre.
Hyoga a proposé la présence de Seiya et Shiryu, et Shun a accepté à l'unique condition de ne pas être un point d'attention durant la soirée.
Shun a des souvenirs de sa vie à l'orphelinat mais il a des lacunes de mémoire après son départ. C'est tellement flou et il n'ose pas en parler avec son frère. Une distance s'est installée entre eux. Il ne sait pas dire avec certitude quand elle a commencé mais ça gâche sa vie au quotidien.
Avant ce souper, Shun a croisé ici et là Hyoga dans les couloirs de l'immeuble. Shun a appris que Hyoga avait repris ses études sur le tard grâce à l'argent que sa mère lui avait légué. Il est devenu kiné. Shiryu est un expert de la médecine chinoise et il tient le meilleur cabinet d'acuponcture de la région. Seiya est éducateur dans un centre pour enfant polyhandicapé.
Alors, bien évidemment, c'est l'estomac noué qu'il frappe à la porte de Hyoga.
« Bonjour. »
« Bonsoir. »
Shun rougit légèrement en se demandant si Hyoga est aussi nerveux que lui mais il est trop tard pour fuir à présent. Shun n'a pas le temps de faire un pas en avant qu'un ouragan se jette sur lui pour le serrer dans ses bras.
« Ha ! Shun ! Je n'en crois pas mes yeux. Tu es plus grand que dans mes souvenirs -»
Shun s'écarte de l'étreinte avec une impression de ralenti. Une sonnerie incessante déferle dans ses oreilles et il n'entend plus rien. Seiya remue les lèvres en face de lui. Ses mains bougent en même temps qu'il parle mais Shun n'entend rien. Il voit Shiryu se rapprocher d'eux avec prudence mais il n'entend toujours rien. C'est comme s'il n'était plus là.
C'est la voix de Hyoga qui le ramène. « Ça va ? »
« Très bien. » Sourit Shun sans convaincre son voisin. « Le travail m'a fatigué. » Ajoute-t-il.
« Dans ce cas, va t'asseoir. J'en ai presque fini avec le repas. Et toi Seiya, laisse-le un peu respirer. »
« Je vais nous servir du vin. »
C'est la première fois que Shun entre dans l'appartement de son voisin. L'espace semble identique au sien mais avec un effet miroir. Tout est inversé. L'endroit est sobre et chaleureux, sans aucune babiole inutile. Juste des photos de leur enfance, ce qui est assez étrange pour Shun qui n'a pas un seul cliché de cette époque. Des photos de la vie à l'orphelinat, puis de quand leurs chemins s'est séparé.
Emu, Shun saisit une photo de groupe. Hyoga est assis sur le dos de Seiya qui semble vociféré en direction de Shiryu pour lui demander de l'aide. Ce dernier sourit en faisant mine de lui tendre la main, alors qu'Ikky semble se réjouir du malheur de son ami. Shun est caché derrière son frère.
« Je me rappelle. Seiya pensait que je lui avais volé son dessert et il s'est mis à me pourchasser dans le parc pour que j'avoue mon délit. Tu m'en voulais tellement. »
« Et je t'en veux encore. » Plaisante Seiya qui lui tend un verre de vin blanc.
Shiryu rigole à son tour alors que Hyoga revient de la cuisine avec un plat dans les mains qu'il pose sur la table. « C'est le moment de dire la vérité. » Dit Shiryu en lançant un regard accusateur en direction de Hyoga.
Hyoga soupire, agacé. « Oh, d'accord. C'était moi. J'ai pris ce fichu gâteau…mais je pensais que c'était le dernier. Si j'avais su que -»
« Durant tout ce temps, j'ai cru… C'était toi ?! » Seiya le regarde jouant un air horrifié. « Je te considérais comme un frère. »
Shiryu et Hyoga rigolent suivi de Seiya et Shun qui doit se frotter les yeux. Il ne sait pas s'il est triste ou heureux. Ce qu'il ressent est étrange et nouveau. Il voudrait que son frère soit avec eux.
Shun va s'asseoir à table et dépose son verre devant lui alors que Hyoga sert les assiettes. Ça sent bon et Shun pense brièvement que c'est mieux que ses plats à mettre au micro-onde.
« J'ai vu qu'Ikky était devenu un athlète de haut niveau. »
Shun hoche la tête car il ne sait pas quoi dire. La vérité c'est que son frère lui parle à peine et qu'il passe souvent en coup de vent. Ils ne se voient pas autant que Shun le voudrait.
« Ça sent très bon. » Dit Shun pour changer de conversation en lançant un sourire à Hyoga.
« Tu as gardé le contact avec d'autres gamins de l'orphelinat ? » Demande distraitement Shiryu alors que Seiya hume son assiette.
« Non. Vous étiez mes seuls amis. » Dit Shun en baissant la tête sur la sienne, un peu honteux.
« Et on t'a retrouvé. » Se réjouit Seiya alors que Hyoga s'installe à table avec sa propre assiette remplie. Il sourit à Shun qui vient de relever la tête.
Personne ne lui demande ce qu'il s'est passé après qu'il soit parti avec Ikky. Pas de pourquoi, ni de comment. Il n'y a même pas l'ombre d'un reproche. La vérité, c'est que Shun se sent seul. Ce qui est paradoxal, c'est qu'il est incapable de s'attacher à qui que ce soit. Il est tellement mauvais avec les relations et puis les gens se lassent rapidement de lui.
Hyoga ne détourne pas les yeux, pas un instant. A part de légères cernes sous les yeux, il est magnifique. Des yeux aussi bleu qu'un ciel d'été, une peau colorée comme le caramel, une petite cicatrice sous l'œil, des épaules rondes, des bras sculptés.
« Bon appétit ! » Lance ensuite Seiya suivi des autres. Shun marmonne un 'bon appétit' en se sentant rougir et il baisse encore la tête pour cacher son embarras.
« Ça sent très bon. » Ajoute simplement Shun pour masquer le fait qu'il vient éhontément de mater Hyoga. Il se sent stupide.
« Hyoga s'est donné plus de mal que d'habitude. » Commence Seiya mais il n'a pas le temps de finir, Shiryu le coupe dans sa tentative de mettre le blond mal à l'aise. « De nous trois, c'est Hyoga le meilleur cuisinier. »
« Je ne sais pas cuisiner, » Dit Shun.
« Hyoga va te remplumer, » fait remarquer Seiya.
Shun secoue négativement la tête en mordant un sourire mortifié. C'est Hyoga qui le regarde à présent.
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Il se noie. Que ce soit dans l'eau ou l'immensité de l'océan. Il n'y a rien à part la violence des tempêtes qui érode lentement sa chair, le laissant à vif. Il n'a aucun répit. La sensation de ses cuisses l'une contre l'autre est devenu insupportable.
Parfois, il pleure en dormant.
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Il est certain que Shun a bu un peu trop de vin blanc. Il avait peur des retrouvailles mais ils sont adorables avec lui. En fait, c'est comme si rien n'avait changé.
« Tu es pénible ! »
« Tais-toi, Shiryu ! » Rétorque Seiya qui continue de plus belle car tout le monde rit. Shun les observe tour à tour et il réalise combien ça lui avait manqué. Il se sent bien pour a première fois depuis longtemps.
« On est parti voir Le monde de Dory au cinéma. A la fin, Shiryu ne voulait pas partir. On ne comprenait pas. On a attendu la fin du générique…et quand la lumière s'est allumée dans la salle, on a seulement vu ses yeux rouges. Il avait passé la moitié du film à chialer. »
« Tu exagères toujours tout. » Se défend Shiryu qui sait que la partie est perdue d'avance.
« Moi, aussi. J'ai pleuré. » Le soutient Shun.
« Ça ne compte pas. Tu as toujours été plus émotif que les autres. » Rabroue le brun.
« Je ne suis plus comme ça. » Répond Shun à Seiya qui roule les yeux en balançant un : « J'attends de voir. »
Shiryu remplit à nouveau les verres mais Shun décline quand il arrive au sien. « Non, merci. J'ai déjà trop bu. Je pense que je devrais rentrer.»
« Mais tu habites juste en face. » Le rassure Seiya.
« Peut-être mais je travaille demain. »
« Oh. Très bien, je comprends. Cependant, tu dois nous faire la promesse qu'on se revoit rapidement. Je ne veux pas te perdre une seconde fois. Tu es comme mon frère. » Le sermonne tendrement Shiryu. « Tu m'as tellement manqué. »
« Vous aussi. » Dit Shun en se levant. Hyoga fait de même. « Je vais te raccompagner. »
Son appartement est juste à l'autre bout du couloir mais Shun ne dit rien qui pourrait empêcher Hyoga de venir. Quand ils arrivent devant l'appartement de Shun, ce dernier ne fait pas le moindre mouvement pour rentrer. Il reste là, béatement à observer l'homme magnifique qu'est devenu Hyoga. Shun a l'impression d'avoir passé un agréable rendez-vous et que maintenant, ils sont tous les deux, là. Trop timides pour faire le premier pas. Shun se demande ce que ça ferait d'embrasser le blond. Comment sont ses lèvres ? Leurs goûts ?
« On se refait ça, alors ? » Demande Hyoga.
Shun acquiesce. « On dirait qu'ils ne veulent plus me lâcher. Je suis désolé. Je ne veux pas t'ennuyer. »
« Tu rigoles, j'espère, » intervient Hyoga.
Shun reste bouche bée ne sachant quoi répondre. Il n'est pas sûr de comprendre.
« Ce que je veux dire, c'est que j'ai hâte qu'on recommence. »
Shun rigole doucement sous sa main, totalement conquis par l'idée.
Ils se regardent tous les deux un moment et Shun a vraiment l'impression que Hyoga va l'embrasser quand il se penche légèrement. Seulement, ce dernier finit par se râcler la gorge et par ouvrir la porte pour lui.
« Bonne nuit, Shun. On se revoit bientôt. »
Shun sent un goût amer remonter dans sa bouche. « Bien sûr. A bientôt. »
Il lui fait un signe de la main du pas de sa porte avant de pénétrer dans son appartement. Hyoga traverse le couloir mais ne ferme pas sa porte avant que Shun n'aie refermé la sienne.
La porte close derrière lui, Shun sent ses jambes le lâcher soudainement.
L'alcool le rend totalement stupide. Il faut être complètement idiot pour s'imaginer que Hyoga veuille l'embrasser. Pourquoi en aurait-il envie ? Shun avait pourtant passé une bonne soirée, trop bonne à vrai dire. Être proche de ses amis. Avoir des amis. Se sentir à l'aise avec Hyoga.
Mais Shun n'est jamais à l'aise avec personne après tout.
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Un jour d'été, Mime quitte l'orphelinat. Il ne lui dit même pas aurevoir.
Shun ne le revoit plus jamais.
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Un gars qui s'appelle Kanon l'emmène en rendez-vous. Ils se sont rencontrés quelques jours plus tôt alors que Shun était sorti pour boire. Kanon était un peu ivre mais Shun l'était aussi, alors tout était ok.
Là, ils sont dans un restaurant un peu trop huppé pour Shun. Il ne s'y sent pas à sa place. Kanon, qui a choisi le restaurant, est habillé de manière correcte. Une belle chemise blanche avec un pantalon noir. Il donne l'impression de sortir d'une réunion importante. Et d'une certaine manière, ça ne doit pas être entièrement faux.
« Le plat est bon, » commente Shun et Kanon approuve.
« J'avais l'habitude de venir ici avec mon ex-femme. »
Le sourire de Shun se fige. Il a du mal à avaler son poisson, et il doit prendre quelques gorgées d'eau pour faire descendre le tout.
« Sympa, » dit-il.
Kanon lance un coup d'œil dans le restaurant avant de déposer sa fourchette.
« Sinon Shun, » dit-il en croisant les mains, « Que fais-tu dans la vie ? »
Shun fait mine de ne pas voir comment Kanon scrute ses vêtements. Ce n'est pas juste. Ses vêtements sont tout ce qu'il y a de plus normaux. Il ne pouvait pas deviner que Kanon était riche.
« Heu… » Cherche Shun, sentant déjà le rouge lui monter aux joues. « Je travaille dans le commerce. »
« Intéressant, » répond Kanon. « Le marketing ? »
« La vente. » Le coupe Shun.
Kanon lui fait un petit sourire. « Ah. Quel département ? »
Shun chipote dans son assiette. « Littéraire. »
Shun a trop honte pour lui dire la vérité et Kanon semble le comprendre.
« C'est adorable, » Se moque doucement Kanon et Shun a franchement envie de l'envoyer se faire voir mais il finit par se dégonfler. Il continue de chipoter dans son assiette.
« Mouais. »
« Donc, tu n'as pas fait d'étude ? » Demande Kanon. Shun n'a vraiment plus faim et pourtant il n'a même pas entamé la moitié de son plat. Pourquoi ce type se montre-t-il aussi odieux ? Il ne sait pas non plus pourquoi mais il se met subitement à penser à Hyoga.
« Bien sûr, » ment-il en se réjouissant de surprendre l'autre homme.
Shun ravale l'énorme boule dans sa gorge. « La communication. »
Kanon semble un peu impressionné.
A la fin du rendez-vous, Shun a suffisamment bu pour rigoler aux plaisanteries de Kanon, pour lui sourire poliment et même pour papillonner des yeux quand l'autre lui demande de passer la nuit avec lui.
Honnêtement, Shun n'en a pas vraiment envie et ça le fatigue de prétendre le contraire mais il finit par accepter.
Alors qu'ils sont allongés dans le lit de Kanon qui est au-dessus de Shun, ses lèvres le dévorent en mordillant la peau de son cou mais Shun ne ressent absolument rien. Il fixe le plafond en laissant la stupeur l'emparer, réprimant sa révulsion quand Kanon le prépare juste avant de le pénétrer un peu trop rapidement.
C'est tellement pathétique.
Kanon est rude et impatient, juste comme Shun l'imaginait. Il n'y a rien de doux ou tendre. Et comme à chaque fois que ça arrive, Shun ne comprend pas pourquoi il se sent si mal.
Kanon est allongé sur le lit, la sueur recouvre sa peau et il essaie toujours de reprendre son souffle. Shun est en train de s'essuyer avec un essui que lui a pointé Kanon juste après qu'ils aient fini.
« C'était bien, » exalte Kanon. « Carrément bien. »
Shun lui lance un regard du coin des yeux.
« Tu as des fesses incroyables. Je pourrais te baiser pendant des heures. »
Jamais il ne mentionne à Shun qu'il pourrait passer la nuit avec lui, et tant mieux. Kanon lui a déjà payé un resto et Shun s'imagine qu'il ne doit pas en demander davantage. Alors il se lève pour se rhabiller et Kanon ne fait rien pour l'en empêcher. Shun s'autorise simplement à utiliser la salle de bain près de la chambre. Quand il revient, son regard se pose sur une photo positionnée sur un meuble dans le hall de nuit. Kanon dans un costume de cérémonie, probablement à côté de sa femme.
Shun revient dans la chambre et il ouvre l'immense dressing où se trouve les vêtements de Kanon, mais aussi des vêtements féminins. Des chaussures de femme.
« Tu as dit que tu étais divorcé, » Il ne sait pas quoi dire.
« Hein ? » Kanon relève à peine la tête de son oreiller.
Shun regarde autour de lui, et il trouve une autre photographie de la femme mais dans la chambre cette fois-ci. Il prend le cadre dans ses mains et il va se rasseoir sur le lit.
« Elle est belle, » La voix de Shun est à peine audible et il se demande pourquoi il se sent blessé alors qu'il n'avait même pas envie de tout ça de prime abord.
Kanon l'observe sans bouger. Shun dépose la photographie avant de se relever.
« Je n'ai jamais étudié la communication. Je n'ai fait aucune étude. » Dit-il simplement avant de s'en aller pour de bon, pas sans regarder Kanon une dernière fois.
« Merci pour le resto. »
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Shun passe de nombreuses nuits à pleurer le départ de Mime, sans pouvoir en parler à personne. Il se demande ce qu'il a fait de mal. Il se demande s'il est une mauvaise personne car il aime les garçons. La douleur de n'être que lui-même ne s'en va pas. Il ne veut pas faire de mal à son frère ou à ses amis, surtout pas Hyoga.
Puis un jour, Scylla le remarque. Il est à peine plus âgé que son grand frère mais ce dernier le déteste pour des raisons nébuleuses. Ikky lui a toujours conseillé de l'éviter, en particulier quand il n'est pas là pour veiller sur lui.
Seulement, Shun se sent seul et il a l'impression de traîner son cœur comme une vieille casserole. Personne ne lui ressemble, et personne n'est comme lui.
« Tu es souvent seul. Est-ce que les autres t'ennuient ? » Demande le garçon plus âgé.
Shun hoche la tête pour dire non. « J'aime parfois profiter du calme, » répond Shun en posant un livre sur ses genoux. Scylla n'a pas l'air méchant.
« Hum. Je pensais que tu étais triste à cause du départ de ton ami. Je vous ai vu. »
Shun baisse la tête en rougissant furieusement.
« Ne t'inquiète pas. Je ne dirai rien. » Rassure le beau garçon.
« Mon frère dit que je ne dois pas en parler. Que c'est dangereux. Les autres se moquent déjà de moi. Ils disent que je ressemble à une fille. »
« Ils sont jaloux. Je te trouve très beau, moi. »
Shun hoche nerveusement la tête pour dire qu'il n'est pas d'accord mais il le remercie quand même.
Pour la première fois, quelqu'un l'apprécie dans son entièreté. Pour la première fois, il se sent compris. Pour la première fois depuis longtemps, Shun pense qu'il n'est peut-être pas une mauvaise personne.
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Shun n'a plus aucune nouvelle de Kanon. Le contexte de leur rencontre importe peu au final car ça se serait passé de la même manière de toute façon. Que Kanon soit marié ou non, Shun n'était rien de plus qu'un plan cul.
Shun se demande si sa vie ressemble à celle des autres. Aller à des rendez-vous, juste pour baiser pour ensuite ne plus jamais les revoir. Quelle perte d'argent quand on y pense. Mais qu'elle est la bonne solution ? Fréquenter des bars ou des boîtes nulles à chier et puis se faire ramener chez un inconnu, ce n'est pas une bonne idée non plus quand on y pense.
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Shun est sur le point de sortir quand on sonne chez lui. Il est près de 20h et il n'attend personne.
Personne ne vient jamais chez lui.
Quand il ouvre, Il ne s'attend pas à trouver Hyoga.
« Oh, » il ne sait plus aligner un mot.
« Salut. » Hyoga se frotte l'arrière du cou comme il le fait parfois quand il est nerveux. Son t-shirt est couvert de plâtre ou de farine ? « Heu…en fait, je venais voir si tu avais du sucre ? Je…cuisine…et je n'en ai pas assez. J'aurais dû vérifier avant de me lancer là-dedans. »
Shun hausse les épaules pour lui signifier que ce n'est pas grave. « Bien sûr, » le coupe Shun. « Je dois en avoir quelque part. Tu fais quoi ? »
« Des cookies. »
Une drôle de chaleur parcours la poitrine de Shun. « J'reviens. »
Il disparait dans sa cuisine et il se met à chercher dans ses armoires. Il sait qu'il y en a quelque part.
« Et voilà, » dit-il en revenant vers Hyoga qui lui sourit timidement en secouant la tête pour le remercier. Juste avant de s'en aller, il regarde Shun des pieds à la tête.
« Tu es…bien habillé. Heu, tu as mis du…gloss.
Shun rougit légèrement. « M-merci. J'allais sortir. »
« Un rendez-vous ? »
L'estomac de Shun se contracte. « Non. Je vais juste boire un verre. »
Hyoga le regarde, « ça ne me regarde pas vraiment. Je suis désolé. Amuse-toi bien. »
« Merci. » Shun regarde Hyoga partir avec une drôle de sensation dans le ventre. Les artifices sexy derrière lesquels il se cache, l'accable tout à coup.
« Attends. »
Hyoga se retourne.
Shun ne semble pas sûr de lui et ses mains tremblent légèrement. « Je peux venir chez toi pour t'aider avec les cookies ? »
Hyoga est déconcerté pendant quelques longues secondes où Shun gît comme un poisson hors de l'eau. « Bien sûr. »
Shun respire à nouveau et il traverse le couloir pour rejoindre son voisin sans plus se soucier de sa tenue. Quand il entre chez Hyoga, il se sent tout de suite à l'aise. Il y a de la musique rock en fond sonore et Shun pense aimer ça.
Hyoga a déjà fait une bonne partie de la préparation et il n'y a plus grand-chose à faire, à part pétrir la pâte, ce qu'ils finissent par faire ensemble. Shun l'a dit, il n'est pas doué en cuisine et il a franchement l'impression de s'y prendre comme un manche avec ses doigts maladroits mais il apprécie la proximité de son vieil ami.
« Seiya m'a prêté les emportes-pièces de Miho. Il a dit qu'elle ne remarquera même pas leurs disparitions mais j'en doute. » Rigole doucement Hyoga en cherchant après lesdites pièces dans un tiroir.
« Oh ! Je veux le cygne. » Dit Shun en saisissant l'emporte-pièce et Hyoga prend le sien sans rien dire, alors que Shun commence à couper son premier biscuit.
« Je me rappelle que tu adorais regarder les cygnes au parc quand on était petit. Il m'arrive encore d'y aller. Parfois, il m'arrive d'attendre…mais… »
Shun hausse les épaules sans terminer sa phrase. Hyoga sourit. Ils cuisinent ensemble l'un près de l'autre. C'est comme s'ils ne s'étaient jamais quittés. Shun a chaud, son cœur se serre et il se sent à l'étroit l'espace d'un instant.
« Je suis désolé…de ne pas avoir cherché à vous retrouver. » Il se rappelle de cette époque où il était beaucoup plus simple de fuir que d'être lui-même. Ce temps où il n'écoutait que son frère. Il a envie de pleurer.
« Ne sois pas désolé. » Répond simplement Hyoga sans décoller les yeux des cookies.
Shun sent l'émotion le saisir et il a l'impression qu'il va se mettre à pleurer quand Hyoga lui donne un petit coup d'épaule. Shun ne sait pas si c'est un accident, alors il essaie de se concentrer sur les cookies mais ses gestes sont de plus en plus maladroits, perturbés par un torrent d'émotions. Shun s'en veut d'être si émotif. Hyoga lui donne un nouveau coup d'épaule et il relève les yeux sur son ami. Hyoga le regarde avec le plus beau des sourires et il continue à lui rentrer gentiment dedans avec son épaule pour le réconforter.
« Seiya avait raison. » Fait simplement remarquer le blond et son sourire dévoile ses dents.
« Je ne veux plus être comme ça. » Boude Shun.
Ils continuent de travailler et Hyoga se repasse la phrase de Shun encore et encore. Il n'aime pas ce commentaire que Shun a fait à propos de lui, et ça lui parasite l'esprit jusqu'au moment d'enfourner les biscuits.
« Tu as tort. Vraiment ! » Conclut Hyoga.
Et peut-être que Shun n'aime pas la tournure sérieuse que prend cette conversation alors sans savoir pourquoi, il attrape une poignée de farine qu'il lance au visage de Hyoga.
Hyoga est tellement surpris qu'il reste pétrifié sur place et Shun ne peut contenir son rire. Son rire est si clair que les yeux de Hyoga s'écarquillent et il décide que c'est le plus beau son qu'il ait entendu à ce jour.
Shun se rapproche de lui avec une serviette et son fou rire incontrôlable. Il essaie de frotter le visage de Hyoga mais il a tellement mal au côte qu'il n'y arrive pas. Au contraire, la farine se disperse d'avantage et Hyoga est tout blanc. Shun tient à peine debout, un bras recouvrant ses flancs et Hyoga doit lui attraper l'autre bras pour ne pas qu'il vacille. Lui aussi, il s'est mis à rire.
Shun est hilare encore un long moment avant de prendre conscience de la main de Hyoga sur son poignet. Ils sont si près l'un de l'autre. Leur visage l'un en face de l'autre. Lentement, Shun finit par se calmer. Depuis combien de temps sont-ils si proche l'un de l'autre ? Shun déglutit et tout à coup, il n'arrive plus à regarder Hyoga dans les yeux. Il regarde ses lèvres et ses doigts lâchent la serviette pour glisser inconsciemment sur les lèvres du blond.
Le temps est suspendu entre eux.
Et puis, la sonnerie du téléphone de Shun se fait entendre.
Ce dernier réagit instantanément en s'écartant de Hyoga. Il est littéralement mortifié. « C'est mon frère, » dit-il presque aussi surpris qu'apeuré. Hyoga ne sait pas très bien comment traduire sa réaction. Shun a toujours vénéré son frère, il était son roc.
« Grand frère, » répond Shun qui parait tout de même content. « Oh ! Tu aurais dû me le dire. Non, non. Je suis chez moi…non, pas chez moi mais juste en face. Attends, je vais sortir. Tu vas être surpris, je pense. » Dit Shun en gesticulant à Hyoga de le suivre dans le hall d'entrée. Shun raccroche en ouvrant la porte de l'appartement de Hyoga.
« Pars ici, grand frère. »
Ikky lâche son sac en apercevant Hyoga et il s'avance vers eux. « Waouh ! » Dit-il en serrant Hyoga dans une franche accolade qui le surprend. « C'est la reine des glaces. » Dit Ikky avant de le relâcher. « Le voisinage de mon hermite de frère s'est amélioré. Ça fait un bail, mec. » Dit Ikky avec une émotion contenue dans la voix.
« Arrête tes bêtises. » Le frappe gentiment Shun dans le bras avant d'être encerclé dans une étreinte d'ours.
Hyoga regarde les deux frères se saluer comme après une longue séparation et il est un peu mal à l'aise quand il propose à Ikky d'entrer pour boire un verre. « Tu veux entrer boire quelque chose ? »
« Oh ! Les cookies ! » S'écrie presque Shun qui entre dans l'appartement de Hyoga pour se diriger vers la cuisine.
« On cuisinait, » l'invite à entrer Hyoga en le poussant à suivre Shun.
« Je m'en doutais, ça sent la pâtisserie dans tout le hall. » Rigole Ikky en remarquant la farine sur Hyoga.
« On a encore un peu de nettoyage à faire. » Dit Hyoga en échangeant un regard avec Shun qui essaie de ramasser la farine qui jonche le sol. Shun se remet à rire tandis que Hyoga l'aide à ramasser les dégâts.
« Ça faisait longtemps que je ne t'avais pas vu rire, petit frère. » Constate Ikky en observant son frère.
Shun rougit, une sensation bizarre dans les entrailles. « Je ne savais que tu revenais. Hyoga m'a évité une soirée…navrante. Je devais sortir. » Shun jette les restes de farine qu'il a dans les mains à la poubelle ensuite il se dirige vers l'évier où il commence à les laver. Il repense à toutes ces fois où il est sorti parcequ'il n'avait rien de mieux à faire que se mettre la tête à l'envers en espérant tomber sur quelqu'un.
« Je vous offre une bière ? » Demande Hyoga.
« Mouais. »
« Je suis rassuré de savoir que tu passes ton temps avec Hyoga. » Dit Ikky en ouvrant sa propre bière. Il boit une gorgée et regarde Hyoga : « il n'est plus aussi sage qu'avant, tu sais. » Dit-il en parlant de Shun.
Shun oscille la tête pour marquer sa désapprobation mais la vérité c'est qu'Ikky n'est pas loin de la vérité.
OOO
Parfois, quand Shun ferme les yeux, il rappelle s'être débattu.
Il sent des mains sur sa peau qui lui ôte ses vêtements. Il entend sa propre voix faiblir, s'étouffer, se terminant par des gémissements que quelqu'un fait taire rapidement.
Il sent une bouche. Il goûte la sueur. Tout tourne autour de lui.
Rien n'a de sens.
Ça le démange. Juste là, sous sa peau, impossible à atteindre.
Ça ne le quitte jamais.
OOO
A suivre…
