« Qu'est-ce qu'il se passe ? » siffla-t-il, alors qu'une violente embardée le projetait contre la porte du cockpit.
« Je ne sais pas ! » paniqua le Génie, tâchant frénétiquement de stabiliser le vaisseau.
« Arrêtez d'appuyer n'importe où ! » répliqua Rory, chassant la main du guerrier d'une tape.
Lisant à toute vitesse les statuts qui défilaient sur la console, il tendit son esprit vers celui de son ami. Heureusement, Zen'kan n'avait pas attendu son ordre pour sangler Joyau sur la banquette.
L'hyperpropulsion était instable et risquait d'exploser d'une seconde à l'autre. Il n'hésita qu'un instant.
« Accrochez-vous, ça va secouer ! » lança-t-il à la cantonade, avant d'aplatir du poing le bouton d'arrêt d'urgence.
La sortie d'hyperespace fut brutale, et il s'écrasa douloureusement sur le tableau de bord avant d'être projeté plusieurs mètres en arrière.
A moitié sonné, il se rassit prudemment. Du sang lui coulait dans l'œil gauche et il avait mal aux côtes et à la tête. Il se tâta prudemment. A priori, rien de cassé, mais son arcade saignait abondamment.
Il jura.
« Tout le monde va bien ? » s'enquit-il dans l'Esprit.
Quelques bleus et bosses, pour les malchanceux qui comme lui, avaient volé, mais rien qui ne serait vite régénéré. Sauf dans son cas...
Il soupira, et se servit de la manche de sa veste pour absorber le sang.
« Pilotes, au rapport. » grogna-t-il, s'appuyant contre le chambranle derrière lui alors qu'une vague de nausée le traversait.
Ce n'était pas bon. Il avait sûrement une concussion.
« Trajectoire stable. L'hyperpropulsion est hors service. Pas d'autre casse. » déclara la Flèche.
Rory soupira. Quelle guigne !
« Essayez de contacter des secours. Je... je vais voir si on a une chance de réparer... » soupira-t-il, guère optimiste.
Il était – et de loin – le plus érudit en la matière, et ses connaissances provenaient des programmes universitaires terriens. Ses chances d'être capable de réparer l'hyperdrive étaient probablement aussi bonnes que celles d'un bonobo de réparer une horloge. Mais il se devait d'essayer.
Se redressant, il partit en titubant vers l'arrière du vaisseau.
Arrivé au milieu, il croisa la petite, toujours sanglée sur sa banquette, qui pleurait, terrorisée, sous le regard perdu de ses quatre gardes.
« Rassurez-la, faites un truc ! » siffla-t-il, ne prenant même pas le temps de s'arrêter.
C'est à peine s'il ralentit pour ordonner à deux des guerriers de repos de le suivre. Il allait avoir besoin de gros bras pour ouvrir les trappes techniques.
Arrivé à l'arrière, une épaisse fumée noire et suffocante lui apprit que les choses étaient pires que ce qu'il pensait. Il y avait le feu aux moteurs !
Priorité, l'éteindre avant que ça ne se propage. Il fit reculer les guerriers, et ferma le sas de la zone technique.
« La Flèche, dépressurisez le compartiment arrière. Tout de suite! On a un incendie moteur. »
« D'accord... D'accord... Je vais trouver... » paniqua le guerrier.
Rory eut le temps de constater que son arcade saignait toujours abondamment, puis il y eut un bruit sourd, le son caractéristique du vent, puis plus rien.
Il décompta une minute dans sa tête puis ordonna la repressurisation de la soute technique. Lorsque enfin il rouvrit la porte, le spectacle qui s'offrait à lui le fit gémir.
Le tableau de contrôle des hyperpropulseurs avait cramé, laissant une bouillie de circuits fondus et de cristaux carbonisés. Aucune chance de réparer ça.
« Restez ici et assurez-vous que le feu ne reprenne pas. » siffla-t-il avant de repartir dans l'autre sens.
Zen'kan et les autres guerriers étaient en train d'essayer de rassurer la gamine. Résultat : maintenant, elle pleurait de terreur.
Il les ignora. Il avait plus urgent à faire, comme trouver un moyen de les mettre tous en sécurité. Il revint au cockpit.
« Alors, les secours ? »
« Négatif. On est hors de portée, et il n'y a aucun relais à proximité. On ne peut même pas envoyer de message subspatial, l'antenne est morte. »
« Et merde ! »
Il se laissa tomber dans un siège vide. Pour récapituler : ils étaient coincés quelque part – ils ne savaient pas où –, dans l'impossibilité de communiquer leur position, et totalement sous-équipés pour ce genre de catastrophe.
Dans le meilleur des cas, les secours partiraient à leur recherche dans environ douze heures, quand il deviendrait évident qu'ils n'allaient pas arriver sur la planète de la pseudo-rencontre diplomatique. Mais lesdits secours ne pourraient pas savoir à quel moment exactement ils avaient quitté l'hyperespace et donc, où ils se trouvaient sur le trajet. Et ça, c'était à condition qu'ils n'aient pas dérivé lorsque les propulseurs avaient commencé à défaillir.
Statistiquement, il allait falloir des semaines ou des mois à d'éventuels sauveteurs pour les retrouver.
Ouvrant un inventaire sur la console, il étudia leurs ressources. Cinquante guerriers wraiths, aucun moyen de s'alimenter pour eux, pas de pods de stase à bord, deux personnes capables de manger de la nourriture solide, et à peine de quoi les nourrir dix jours s'ils se rationnaient durement. L'eau et l'oxygène ne seraient pas un problème. Ils allaient tous mourir de faim bien avant.
Ils devaient trouver une planète, et vite !
« Scannez la zone la plus large possible et trouvez-nous une planète habitable. »
« T'es sûr, l'Immature ? On devrait pas rester sur zone pour faciliter les recherches des secours ? » siffla la Flèche.
« Et crever de faim à bord ? Les secours vont avoir des milliers d'années-lumière de trajectoires à examiner. S'ils nous trouvent, ce n'est pas avant longtemps. Notre meilleure chance, c'est une planète habitée, ou mieux avec une porte. »
Les guerriers opinèrent gravement et se mirent au travail.
Avec un soupir, Rory se releva, se rattrapant de peu à la console alors que le monde tournoyait.
« Va te soigner, l'Immature. Ce serait con que tu crèves comme une merde. » gronda Moustache.
Avec un hochement de tête, il opina.
Revenir au centre du vaisseau fut un périple pénible. Il parvint finalement à se laisser tomber sur une des banquettes molletonnées.
« Zen, ça ressemble à quoi ? » gronda-t-il, la tête renversée en arrière.
Son ami vint l'examiner, lui arrachant un grondement de douleur lorsqu'il tripota son arcade sourcilière.
« T'as un beau trou. Et peut-être l'arcade cassée. En tout cas, faut recoudre ça, sinon tu vas pisser le sang à mort. »
« Joie... » ironisa-t-il. « Trouve de quoi recoudre, et me désinfecter. M'en fous si c'est de l'alcool. Je veux juste nettoyer ça... »
Son ami s'empressa de s'exécuter, partant fouiller les bagages, avec l'aide des autres fils de Silla.
Avec un gémissement piteux, Rory remit sa manche détrempée de sang sur son front. Le cuir n'était définitivement pas idéal pour absorber.
« Pourquoi tu guéris pas ? » s'enquit une petite voix, alors qu'un doigt inopinément planté dans ses côtes le faisait sursauter.
« Je ne régénère pas encore. Pour l'instant je ne suis guère plus qu'un humain télépathe. » grogna-t-il sans se redresser.
Qu'est-ce qu'il avait mal à la tête !
« Oh... »
Il sentit vaguement la petite qui grimpait sur la banquette à côté de lui. Entrouvrant un œil, il la découvrit qui le fixait avec attention. Quel âge avait-elle ? Six, sept ans ? Huit peut-être ? Pas plus en tout cas.
« C'est pas joli. » constata-t-elle avec le plus grand sérieux.
« Non, en effet. »
« Tu as mal ? »
« Mmmmh. »
Le silence revint un moment.
« J'ai peur. » murmura la petite.
« Je sais que c'est effrayant, mais on va s'en sortir. » assura-t-il avec une certitude qu'il n'avait pas.
« J'ai trouvé ! »
C'est non sans plaisir qu'il vit revenir Zen'kan, son butin en main.
« J'ai pas de fil, mais on doit pouvoir récupérer celui de ce tissu, et c'est un peu épais, mais ce truc devrait pouvoir faire une aiguille, et je sais pas ce que c'est que ce machin, mais ça sent l'alcool... » expliqua-t-il, désignant tour à tour un torchon – que Rory devina arraché à une robe de rechange de Joyau –, un minuscule bout de métal, et un petit jerrycan organique.
Il attrapa ce dernier et renifla. Ça sentait effectivement l'alcool. Ou le kérosène. Ça devrait suffire.
« Dis-moi que t'as un briquet. » lâcha-t-il.
Zen'kan verdit, mais sortit un Bic bleu de sa poche intérieure.
« Stérilise l'aiguille. » grogna-t-il, déchirant en deux le tissu, dont il imbiba une moitié de la mystérieuse substance avant de prudemment se tamponner l'arcade.
Avec un sifflement, il attendit péniblement que la brûlante sensation reflue, pendant qu'accroupi devant lui, son ami passait soigneusement le métal par le feu.
Lorsque Zen eut fini, il lui tendit le torchon imbibé d'alcool et de sang afin qu'il y pose l'aiguille pendant qu'il se procurait un fil.
« Emmenez la petite derrière, pas besoin qu'elle voie ça. » marmonna-t-il ensuite, alors que le sang recommençait à lui couler dans les yeux.
Heureusement, aucun des guerriers présents n'eut l'idée de protester, et il resta seul avec Zen'kan qui, ayant trempé le fil dans l'alcool, s'en était généreusement arrosé les mains.
« Prêt ? »
« Nan, mais j'ai le choix ? » grogna-t-il, se déplaçant un peu pour que son ami ait la meilleure lumière possible.
« J'y vais. Bouge pas, j'ai pas envie de t'crever un œil. »
« Moi non plu... oouuuaillle... »
Haletant, les dents serrées à se les fendre, agrippé de toutes ses forces à la banquette, Rorkalym lutta pour ne pas bouger, alors que le jeune guerrier le recousait à vif.
Enfin, ce fut fini et, déchirant en lanières une autre robe de l'enfant, Zen lui confectionna un bandage pour protéger sa plaie.
« Ça va ? » lui demanda ce dernier, une main compatissante sur son épaule
« Non. Mais ce n'est pas important. »
Zen'kan le prit dans ses bras, le serrant fort contre lui.
Rory sourit. Ils étaient ensemble dans cette merde, et c'était étonnamment réconfortant.
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« Alors ? » s'enquit Zen'kan, passant la tête par la porte du poste de pilotage.
« On arrive bientôt. Réveille les autres, qu'ils s'attachent. Je ne sais pas comment va être la descente. » répondit son ami.
Il opina. D'un commun accord, tous ceux qui n'avaient pas une tâche précise à accomplir s'étaient mis en demi-stase pour économiser leurs forces.
Il leur avait fallu quatre jours de voyage subluminique pour atteindre la planète habitable la plus proche, dans le système voisin.
Il n'y avait pas de Porte, ni de trace de civilisation technologique. Cela ne voulait pas forcément dire que le monde était inhabité, mais les statistiques n'étaient pas en leur faveur.
Il réveilla ses frères, puis partit s'assurer que la gamine, insupportable hors des moments d'urgence, était bien sanglée à sa banquette.
Il ne fallut pas longtemps avant qu'il ne bénisse les cieux de s'être attaché. Des pilotes inexpérimentés, un vaisseau abîmé et des vents de haute altitude féroces : un combo parfait pour faire un milk-shake!
Ils finirent toutefois par toucher le sol. A la violence du choc, Zen n'aurait su dire s'ils s'étaient posés, ou crashés.
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Rorkalym aurait voulu jurer, mais Zen'kan était déjà en train de s'en charger.
De tous les endroits possibles pour un atterrissage d'urgence, il avait fallu qu'ils finissent dans un coin de toundra gelée.
De la pierre grise, du lichen et de la neige de tous les côtés. Et une température frisquette alors qu'ils étaient en plein milieu de la journée.
En plus de lutter contre la faim, ils allaient devoir combattre le froid !
Laissant au jeune guerrier le soin d'exprimer leurs sentiments partagés, Rory escalada tant bien que mal le flanc du vaisseau, afin d'avoir une meilleure vue des environs.
Plissant les yeux, il crut deviner une fine ligne sombre à l'horizon. Une forêt ?
Il redescendit et, ignorant Zen'kan, rejoignit le poste de pilotage.
« Alors, diagnostic ? »
Moustache verdit, piteux, tandis que les deux autres grondaient avec hargne.
« Ce débile a éjecté les surcapaciteurs de secours pendant la descente ! Il n'est même pas capable de différencier réacteurs secondaires et circuits auxiliaires ! » siffla la Flèche.
«Et qu'a-t-on perdu comme système ? » s'enquit Rory.
« Les systèmes de survie. Pour l'instant, ils fonctionnent encore sur batterie, mais comme on n'a plus moyen de les recharger, grâce à cet imbécile... »
« Et merde... »
Sans systèmes de survie, pas de chauffage. Ce qui n'aurait pas été un problème dans un autre endroit qu'une maudite toundra.
« Chier ! » explosa-t-il, donnant un coup de poing rageur dans le vide.
Son geste de colère sembla surprendre les trois guerriers.
Rory se força à se calmer, respirant à fond.
« Est-ce qu'on peut limiter la perte d'énergie en coupant l'alimentation partout sauf dans une ou deux salles et en la mettant au minimum ? »
Le Génie opina.
« On va trouver comment faire ça. Mais lui, il dégage ! » cracha-t-il à l'encontre de Moustache, qui sembla chercher du soutien auprès de lui et de son autre frère – en vain. Piteux, le coupable sortit.
Une fois seuls, la Flèche se tourna vers lui avec un rictus mauvais.
Rory recula. Est-ce que le guerrier allait se passer les nerfs sur lui ?
« Je déteste par avance ce que je vais dire, mais toi et le Nabot êtes ceux qui ont le plus d'expérience planétaire. On fait quoi en attendant les secours ? »
Rory soupira. Qu'est-ce qu'il en savait ?
« La priorité, c'est de conserver l'énergie qu'il nous reste, mais ensuite ? » s'enquit le Génie.
«Oui. Ça et une balise. Il nous faut une balise. Absolument ! » réfléchit tout haut Rory.
La Flèche eut un sifflement inspiré.
« Ce vaisseau a peut-être un système de recharge solaire. On sera jamais aux puissances nominales d'orbite stellaire, mais même à un ou deux pourcent, on pourrait prolonger la durée de vie des batteries ! »
Son frère le regarda, l'air de se demander comment il savait ça.
La Flèche verdit.
« J'aime bien ce genre de chose... » murmura-t-il.
Ce n'était pas Rory qui allait l'en blâmer.
« On a un plan pour le vaisseau. C'est votre priorité absolue. Vous prenez qui vous avez besoin pour le faire. Compris ? »
Les deux guerriers opinèrent.
Le jeune wraith ne put retenir un petit soupir soulagé. Il avait craint des discussions sans fin, mais les deux fils de Silla avaient accepté sans broncher ses propositions.
« Je vous laisse. Bon boulot. »
Deux grondements lui répondirent.
Il partit rejoindre Zen'kan, qui ayant fini de jurer sur tous les tons, furetait alentour.
« Alors ? » s'enquit-il.
« Rien. Pas une trace d'animal à trois-cents mètres à la ronde. Que dalle. Et y a pas d'habitation dans la région. Pas de fumée. Rien. Nada !»
« Il y a peut-être une forêt là-bas, tu crois que ça vaudrait la peine d'y aller ? »
Le jeune guerrier lui fit face.
« Rory, on va pas bouffer des lichens ! Si y a une putain de forêt, faut qu'on y aille et qu'on se trouve à grailler. »
« Tu sais qu'il n'y a probablement pas d'humains sur cette planète ? »
« Je sais ! Mais je sais aussi que même si ça fait plusieurs mois que j'ai rien avalé, l'atrophie complète du système digestif prend plusieurs années. Et si je digère encore un peu, c'est déjà ça de pris ! »
Il opina. Zen'kan avait raison, en plus d'avoir visiblement écouté les cours de Selk'ym au bon moment.
Son ami continua.
« Et qui dit forêt, dit bois. Moustache a pas été discret. On sait qu'y a plus assez d'énergie. Si on peut faire du feu, ce sera tout ça de gagné... Et des fourrures aussi... »
Une fois encore, Rory opina.
« On va monter une expédition légère. Quatre, cinq maximum. On y va, on inventorie les ressources à disposition, et ensuite, on décide quoi faire. Ça te va ? »
« Ouais. Et la teigne ? » demanda le jeune guerrier
« Joyau ? Tu connais mieux tes frères que moi. Lesquels sont le plus susceptibles de s'en occuper sans l'égorger ? »
« Le Rêveur, et peut-être Gambette. »
« OK. Et qui nous accompagne ? »
« Mmmh... Le Gros et la Balafre. Sont pas trop débiles et savent se faire discrets. »
« Parfait. Va les chercher, je m'occupe de prévenir les baby-sitters. Ah ! Et qui est responsable des autres en attendant ? »
Zen'kan réfléchit un moment.
« Sourde-oreille. Y fait peur à tout le monde. Personne osera broncher. »
« Parfait. Tous ceux qui n'ont rien à faire doivent impérativement rester en demi-stase et s'économiser. Assure-toi qu'ils l'aient bien compris. »
« Putain, Rory, c'est toi qui est censé être le commandant de mission, pourquoi c'est moi qui devrait aller donner des ordres ?! » s'agaça Zen'kan.
« Parce que tu les connais. Pas moi. »
« Je les connais, ça veut pas dire qu'ils me respectent, bordel de merde ! »
« Parce que tu crois que moi, ils me respectent ?! Je suis juste une larve d'intello faiblarde à leurs yeux ! La seule raison pour laquelle j'ai pas encore fini jeté par un sas, c'est parce qu'avec toute cette merde, ils ont pas eu le temps d'y penser ! » siffla Rory, la colère et la frustration qu'il ressentait trouvant soudain un exutoire.
« Tu es faible ! » cracha Zen'kan.
« Et toi, t'es con ! »
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« On fait quoi maintenant ? » songea le Puant.
« Y a le Génie et la Flèche qui s'occupent du message de détresse et du reste. » répondit d'une pensée Griffe.
« Merveilleux, mais nous on fait quoi, en attendant les secours ? » persifla la Balafre.
« On attend. Au pire, on bouffera la gamine et les deux larves. » nota Grande-gueule.
Quelques pensées outragées lui répondirent.
« Et bien quoi ? Allez pas croire que je vais me laisser mourir de faim pour sauver une larve d'adorateur et deux merdes humanisées ! »
« Tu faisais moins le fier quand une de ces « merdes humanisées » te démontait à l'entraînement, l'autre jour. » nota vicieusement Griffe.
Grande-gueule rugit et se serait jeté sur son frère si deux autres ne l'avaient pas solidement retenu.
« Je ne sais pas pour l'Immature, mais le Nabot, il sait pister et chasser. Et l'Immature mange toujours. Il doit pouvoir apprendre le don. Ça pourrait nous acheter du temps... » intervint la Flemme.
« D'autant plus que la petite aura aussi besoin de nourriture solide. Je doute qu'elle soit apte au don, mais en ce qui me concerne, l'exercice est toujours en cours. » nota le Rêveur.
Grande-gueule et quelques autres s'esclaffèrent.
« Tu veux protéger l'humaine ? T'es sérieux ? »
Le Rêveur se redressa, défiant son frère du regard.
« Bien sûr, imbécile. »
« Pourquoi, crétin taré ? » répliqua son frère, bombant le torse avec morgue.
« Pour deux très simples raisons... mon frère. C'est une enfant. Elle n'a pas encore atteint son potentiel. Un jour, peut-être, elle sera importante. »
Grande-gueule éclata d'un rire trop sonore.
« C'est une esclave ?! Les esclaves ne sont jamais importants !»
« Il n'y a plus d'esclaves ! Et au cas où cela t'aurait échappé, c'est la protégée d'un officier de très haut rang, elle a le droit de nous donner des ordres ! A nous, des guerriers qui n'ont même pas de nom ! On est rien, et tout le monde se fout de nous ! Mais pas d'elle ! On t'appelle Grande-gueule, parce que t'es tout le temps en train de l'ouvrir, elle s'appelle Joyau parce que son maître la considère comme un trésor. A ton avis, c'est qui qui va affréter en premier un vaisseau pour lancer des recherches ? Le vice-amiral Killor'reyn, ou Jurz'kan ? Hein ? » éclata le Rêveur, de coutume si discret et réservé.
Seul le silence lui répondit.
« T'as perdu ta langue ? » siffla-t-il mauvais, défiant toujours son frère du regard.
Comme rien ne venait, il se détourna.
