Chapitre 8 : Ça tombe mal …
Il s'avéra que Miss Palmer n'avait gardé aucune séquelle de sa mésaventure. Il n'empêche que j'attendais avec impatience l'occasion d'avoir une explication privée avec Albus sur la façon dont il avait géré le problème de la poufsouffle avec sa petite bande, sans en rendre compte à personne ni avant ni après. J'aurais pu le convoquer dans mon bureau comme il s'y attendait sans doute, mais je préférais le laisser mariner un peu jusqu'à notre cours d'Occlumencie & Legilimencie du vendredi.
La veille au soir, alors que calé dans mon vieux fauteuil je réfléchissais à la façon dont j'allais aborder la discussion avec lui, la tête de Tinny apparut dans la cheminée.
« Le Maître doit savoir que des indésirables se sont introduits dans son domaine ! » couina-t-elle. « Le Maître doit dire à Tinny, ce qu'elle doit faire. »
« Tu ne fais rien du tout. » ordonnai-je en songeant qu'elle n'avait plus l'âge d'aller se confronter à quelque indésirable que ce soit. « J'arrive. »
Une poignée de poudre de cheminette plus tard, je débarquais dans le hall du Manoir des Prince.
« Où sont-ils ? » demandai-je à l'elfe qui roulait des yeux inquiets.
« Du côté des ancêtres. » répondit-elle.
Autrement dit, près du cimetière familial. Je n'avais que peu d'intérêt pour les sépultures de toutes les générations de Prince dont j'étais déjà obligé de supporter la présence encombrante sur les murs du Manoir qu'ils avaient tenu à décorer de leurs portraits. Mais Lily était enterrée là et ma mère aussi, et ces tombes là en revanche m'importaient beaucoup.
Les indésirables en question ne pouvaient pas être des moldus égarés, car les protections anti-moldus étaient en place comme d'habitude. Il s'agissait donc de sorciers ou d'autres êtres magiques.
« Je vais voir ce qui se passe, Tinny. Reste à la maison. » commandai-je.
« Le Maître doit faire attention. » s'inquiéta-t-elle.
A la vérité, je n'avais aucune crainte. J'avais avant tout à cœur de surprendre ces malfrats et de leur faire assez peur pour qu'ils regrettent de s'être introduits chez moi. Au lieu de faire à pied les quelques centaines de mètres séparant le Manoir des tombes situées derrière une colline, je transplanai à mon endroit habituel dans le cimetière.
« Endoloris ! Endoloris ! Endoloris ! Endoloris ! Endoloris ! »
Je n'étais pas plutôt apparu que les sortilèges avaient été lancés. Je me jetai au sol entre la tombe de Lily et celle de la mère, mais pas assez vite pour ne pas avoir essuyé deux voire trois Doloris. Mais sur quels dingues étais-je tombé pour qu'ils balancent directement des sortilèges impardonnables sans même savoir sur qui ?
Mais ce n'était pas le problème du moment. Je devais repousser la douleur, l'empêcher de m'envahir tout de suite pour rester capable de me battre et les mettre en fuite. Un Avada démangea ma baguette. Non, je n'étais plus ce sorcier-là, je ne pouvais pas faire ça. Pas tout de suite en tout cas. Sectumsempra non plus, ça risquait de revenir au même. Comme j'avais réussi à ne pas crier et que je ne me manifestais toujours pas, trois têtes apparurent au-dessus d'une pierre tombale probablement pour voir ce que je devenais.
Mal leur en prit. Je n'avais rien perdu de mes réflexes d'autrefois que les multiples duels avec Albus se chargeaient d'entretenir. Je gratifiais les deux premiers d'un Lashlabask qui leur arrachèrent quelques braillements quand les étincelles les brûlèrent, et le troisièmement d'un Doloris qui lui fit pousser des hurlements. Ce n'était probablement pas bien. Mais, premièrement, les années ne m'avaient pas transformé en poufsouffle bêlant, et deuxièmement, je les voyais assez mal aller se plaindre du traitement que je leur infligeais, sachant ce qu'ils avaient fait eux-mêmes. Quoi qu'il en soit ma réplique fut efficace, car elle fut suivie d'un certain nombre de pop de transplanage. Ils s'enfuyaient.
A nouveau, je repoussai la douleur qui menaçait de m'engloutir, tout en sachant que les conséquences des Doloris risquaient d'être encore pire, si je les repoussais plus longtemps. Malgré mes efforts, mon corps commençait à répondre moins bien que ma magie. Je dus appeler Tinny pour qu'elle m'aide à me relever et à aller constater les dégâts. D'un Defodio, ils avaient entamé la besogne pour laquelle ils étaient venus en ouvrant une tranchée près des tombes les plus anciennes.
« Le Maître devrait rentrer tout de suite au Manoir pour se soigner. » couina l'elfe.
Je refusai préférant poser immédiatement des protections magiques autour du cimetière. Tinny pourrait toujours s'occuper de boucher le trou le lendemain. Je lui imposai de me transporter aux quatre coins du cimetière pour que je puisse lancer des sorts de protection avant de la laisser me ramener au Manoir.
« Le Maître doit rester ici pour se soigner et se reposer. » supplia Tinny en me voyant faire un pas en direction de la cheminée.
Mais je voulais rentrer directement à Poudlard, car j'étais parti sans prévenir personne de mon départ.
« Ne t'inquiète pas, Tinny, tout ira bien. Je n'aurais que trois pas à faire pour rejoindre mon canapé. » murmurai-je.
« Le Maître n'y arrivera pas. » s'écria-t-elle à l'instant même où je jetais dans la poudre de cheminette.
Il s'avéra malheureusement qu'elle avait raison et que j'avais tort. Arrivé dans mes quartiers, je m'effondrai juste devant la cheminée. Je payais cher d'avoir tant repoussé les effets des sortilèges, car une fièvre énorme s'était brutalement emparée de moi. Une fois, une seule fois, cela m'était arrivé auparavant après un Doloris. Cette fois-là Voldemort tenait la baguette, il s'en était pris à moi et à un autre mangemort, pour rien, simplement parce qu'il était mécontent pour une raison quelconque. Je n'y avais plus repensé depuis des années, mais avec la fièvre chaque détail de cette scène me revenait soudain en mémoire.
Cela s'était passé au Manoir Malefoy, en bas, dans les sous-sols. Après la crise de rage de Voldemort qui s'était acharné contre moi et contre l'autre à coup de Doloris, personne n'avait osé nous venir en aide. Trop contents que ce ne soient pas tombés sur eux ce jour-là, les mangemorts présents avaient quitté les lieux sans se retourner. J'étais resté là sur le sol froid et humide terrassé par la douleur et dévoré par la fièvre. J'avais failli me laisser mourir. Rien n'aurait été plus simple, j'étais déjà presque mort. Mais alors que j'étais prêt à me laisser glisser dans l'autre monde, Lily m'étais apparue et elle m'avait reproché d'abandonner notre fils. « Mais il me déteste de toutes façons. » m'étais-je défendu. « Bien sûr qu'il te déteste, tu as tout fait pour ça ! » avait répliqué l'apparition. Elle avait raison. La Lily de mes souvenirs avait toujours raison. « Il a besoin de ton aide. Tu n'as pas le droit de renoncer. Pour lui, tu dois vivre. » avait-elle insisté. Alors j'avais recommencé à me battre malgré la souffrance et j'avais survécu. Au bout de quelques heures, j'avais retrouvé assez d'énergie pour me remettre debout. L'autre ne bougeait plus, il devait être mort, mais je ne m'étais même pas penché sur lui pour vérifier. J'avais rassemblé mes forces pour arriver à me traîner hors des cachots et jusque dans le jardin pour pouvoir transplaner en direction de Poudlard. J'imagine qu'au bout d'un moment, Lucius Malefoy était redescendu dans ses sous-sols pour faire le ménage, mais en réalité, je n'en savais rien, car jamais je n'en avais reparlé avec lui.
Aujourd'hui, je n'avais plus besoin de convoquer mes souvenirs pour trouver des raisons de survivre. J'avais assez de raisons dans le présent. J'invoquais ces raisons de toutes mes forces pour ne pas perdre connaissance : Albus, Harry, Albus, Abus, Albus … Je m'accrochai tellement fort à son image pour ne pas sombrer que je crus le voir entrer dans la pièce. Ce n'est que quand il toucha mon front que je compris qu'Albus était effectivement là.
