Chapitre 9 : Chaud devant
Ce n'est que quand il toucha mon front que je compris qu'Albus était effectivement là.
Après avoir tenté vainement de me relever, Albus utilisa sa baguette pour me transporter jusqu'au canapé à l'aide d'un Mobilicorpus. Puis il sortit quelques instants de mon champ de vision, pour revenir avec une fiole de potion à la main.
« C'est celle contre la fièvre. » m'expliqua-t-il brièvement en approchant le flacon de mes lèvres.
Je me laissai faire. Il avait raison, il fallait faire tomber ma fièvre. Au goût, je vérifiai qu'il ne s'était pas trompé de potion. Je m'efforçai donc d'avaler tout le contenu de la fiole.
Il ne me fallut que quelques instants à me rendre compte que la potion n'agissait pas. Albus ne mit que quelques minutes de plus que moi à le comprendre aussi. L'angoisse gagna son regard. Je m'en voulais de l'inquiéter ainsi, mais j'étais incapable de prononcer le moindre mot pour le rassurer. Sans compter que la situation n'était pas rassurante, je m'en rendais bien compte moi-même. Il se releva et disparut à nouveau de mon champ de vision.
Je crus distinguer un Spero Patronum, mais avec la fièvre, le sang battait trop fort dans mes oreilles pour que je comprenne à qui il envoyait ainsi son patronus de serpent. Il revient brièvement vers moi le temps de dégrafer le col de ma robe et de poser une compresse froide sur mon front, à peine une goutte de fraîcheur dans un océan brûlant. Il repartit pour aller ouvrir la porte. Une seconde plus tard, le loup-garou, hirsute et portant une robe de chambre grise défraîchie, apparut à ma vue.
« Il faut lui donner de la potion contre la fièvre. » indiqua-t-il après avoir brièvement pointé sa baguette sur moi pour contrôler ma température.
Il prenait Albus pour un crétin de gryffondor ou quoi.
« C'est fait, bien sûr. » répliqua celui-ci. « Mais, ça ne marche pas. Sa température n'a pas baissé du tout. »
Lupin ramassa la fiole de potion qui traînait près de moi pour vérifier l'étiquette.
« Et puis, il ne bouge pas et il ne dit rien. » ajouta Albus avec une anxiété croissante dans le ton.
Lupin s'assit près de moi sur le rebord du canapé, rien ne me serait donc épargné cette nuit.
« Severus, c'est moi Remus. Allez dit moi quelque chose, une vacherie, pour me rassurer. » demanda-t-il.
Une vacherie ! Je n'étais même pas capable de le fusiller du regard.
« Tu as bien fait de m'avertir, » murmura le loup-garou à l'intention d'Albus. « Il ne vraiment va pas bien du tout. Qu'est-ce qu'il a fait pour se retrouver dans un tel état ? »
« Tinny, notre elfe, m'a dit qu'il a pris des Doloris. Plusieurs. » expliqua Albus.
Bien sûr, c'était Tinny qui avait prévenu Albus. Je ne savais pas comment, mais les elfes avaient leur propre magie.
« Qu'est-ce qu'il faut-il faire ? » reprit le gamin sur un ton angoissé.
« J'ai une idée. Un truc que j'ai vu faire chez les moldus. » répondit Lupin. « On va le mettre dans une baignoire avec de la glace pour essayer de faire baisser sa température. »
Le loup-garou pointa sa baguette sur ma table basse qui se transforma en baignoire. Avant qu'il ait eu le temps de dire ou de faire quoi que ce soit de plus, Albus avait conjuré un serpent de glace qu'il envoya se briser en petit morceaux dans la baignoire. Un instant, les traits de lupin reflétèrent une intense stupéfaction.
« On le met comme ça dans la baignoire ? » demanda Albus qui n'avait pas aperçu l'expression de son professeur de Défense contre les Forces du Mal.
« Enveloppé dans une couverture, ce sera mieux. » dit Lupin en m'enlevant mes chaussures et ma robe en deux coups de baguette.
En chemise et en pantalon, sans ma robe de sorcier, je me sentais infiniment vulnérable. Le temps de récupérer, j'allais lui faire payer cher ses familiarités au loup-garou. En attendant, pour garder un semblant de dignité, je m'abstiens de pousser le moindre gémissement pendant qu'à l'aide d'Albus, il m'emballait maladroitement dans une couverture. Pourtant le moindre heurt était une véritable torture, car la fièvre décuplait les souffrances dues au Doloris.
« Mobilicorpus. » prononça Albus pour me soulever du canapé pendant que, à en juger par le bruit, Lupin creusait une tranchée dans la glace pour m'installer au milieu.
La fièvre céda rapidement
« Ça marche ! » se réjouit Albus.
Pour ma part, je ressentais un vrai soulagement, en dépit d'un bruit bizarre qui me cassait les oreilles. Ce n'est que lorsqu'Albus s'inquiéta auprès de Lupin du fait que maintenant j'avais froid, que je compris que c'était moi qui claquais des dents. Lupin insista pour me maintenir quelques minutes supplémentaires dans la baignoire, avant de me soulever en demandant à Albus de me sécher. Albus s'exécuta et le loup-garou me redéposa sur le canapé. J'arrivais enfin à prononcer une parole intelligible pour réclamer à boire.
« Tu t'en occupes, Albus ? Je vais chercher des couvertures et des oreillers pour mieux l'installer. » dit Lupin.
Je fus pris d'un doute, mais Albus avait déjà acquiescé et attiré un verre à lui. Il le remplit d'un Aguamenti, avant de m'aider à boire. Calé par deux oreillers et recouvert d'un plaid, j'essayais de sommeiller un peu, quand Albus et Lupin commencèrent à s'organiser pour la nuit. Ils avaient décidé de rester tous les deux dans mes quartiers pour surveiller mon état.
« La baignoire prend trop de place. » expliqua le loup-garou « Il faut la retransfomer en table basse et la coller contre le mur. Est-ce que tu peux t'en charger, Albus ? »
Cette fois, le doute n'était plus permis, Lupin voulait tester ses capacités magiques. Albus lui objecta que puisque c'est lui qui l'avait créée, il lui serait plus simple de la retransformer, ce en quoi il avait raison.
« D'accord, mais vide la au moins. » demanda sans se retourner le loup-garou qui arrangeait un endroit pour se coucher.
Son ton était neutre, apparemment indifférent. Mais comme d'habitude chez les gryffondors, sa stratégie était cousue de fils blancs. Le gamin prit une seconde pour réfléchir avant de prononcer distinctement « Evanesco », lui dit d'habitude marmonnait ses sorts, histoire de bien faire comprendre à son professeur qu'il n'était pas dupe de son stratagème. Le temps que Lupin se retourne pour en vérifier le résultat, Albus s'était détourné lui-même pour arranger son couchage.
J'arrivai à me reposer quelques heures en dépit de la douleur qui peinait à se dissiper, jusqu'à ce que ma fièvre remonte en flèche. J'ouvris la bouche pour prévenir Albus de ce qui se passait, mais seul un gémissement pathétique s'échappa de mes lèvres. L'effet fut heureusement le même. En m'entendant, il bondit sur ses pieds et eu tôt fait de prendre la mesure de la situation.
« Il est brûlant. A nouveau. » s'écria-t-il en se retournant vers Lupin qui avait bien du mal à émerger.
Ils recommencèrent. Baignoire. Glace. Me déposèrent dans la glace jusqu'à ce que ma température redescende. Puis me séchèrent avant de redéposer sur le canapé. Ils avaient à peine fini qu'on frappa à la porte. Lupin alla ouvrir, McGonagall et Madame Pomefresh entrèrent. Impeccables comme d'habitude, elles offraient un contraste saisissant avec Lupin qui paraissait plus épuisé et plus dépenaillé que jamais. Quant à Albus, ses traits tirés le faisaient paraître bien plus que son âge, ce matin ses treize ans en valaient bien quinze ou seize.
Madame Pomefresh commença par leur demander de sortir pour pouvoir m'examiner.
« Moi, je ne vais nulle part. » articula Albus d'un ton définitif.
Madame Pomefresh sembla s'apercevoir de sa présence. Elle interpela McGonagall et Lupin qui se dirigeaient seuls vers la porte après avoir échangé un coup d'œil :
« Madame la Directrice, vous pourriez peut-être m'expliquer, ce que fait ici cet élève et pourquoi vous semblez accepter qu'il puisse rester. »
McGonagall se retourna en soupirant :
« Il faut vous dire Pommy que ce jeune homme se trouve être le … petit-fils de Severus. »
Entre mes yeux mi-clos, je vis la stupéfaction se peindre sur les traits de Madame Pomefresh.
« Vous voulez dire qu'Albus Potter, le fils d'Harry Potter, est le petit-fils de Severus. » s'écria-t-elle.
« Voilà, c'est ça. » confirma notre Directrice avant de préciser que cette information n'avait pas vocation à être rendue publique.
« Je crois qu'il faut que je m'assoie un peu. » murmura Madame Pomfresh en tombant dans le fauteuil dans lequel Albus avait dormi.
Elle resta là un moment, son regard faisant la navette entre Albus et moi. Le gamin affichait une mine agacée qui aurait suffi à convaincre les plus incrédules de notre lien de parenté. Lupin et McGonagall s'éclipsèrent. Madame Pomefresh sortit sa baguette pour procéder à son examen, mais la surprise n'avait pas quitté son regard. Albus répondit à ses questions sur ce qui s'était passé, car pour ma part j'étais toujours incapable d'articuler normalement. Au bout de quelques instants, elle rappela notre Directrice et le loup-garou qui patientaient dans le couloir. Elle approuva l'initiative de ce dernier avait prise de me mettre dans la glace, tout en lui reprochant de ne pas l'avoir appelée plus tôt. Sortant d'une des poches de sa robe un flacon, elle indiqua qu'il faudrait m'en donner deux gouttes une fois par heure précisément pour empêcher la fièvre de remonter. Rapidement, elle repartit ensuite pour l'infirmerie où plusieurs patients l'attendaient.
« Je voudrais pouvoir rester ici avec mon grand-père. Comme ça je pourrais lui donner les gouttes. » demanda Albus en se tournant vers McGonagall.
« Vous n'avez pas cours ce matin Monsieur Potter ? » répliqua celle-ci.
« Si. Mais c'est Métamorphose. » répondit Albus en haussant les épaules.
« Et alors ? Ce n'est pas intéressant. » s'offusqua Minerva, manifestement vexée de voir son ancien cours traité avec aussi peu de déférence.
« Si mais on va étudier les transformations des végétaux en métaux. Je sais le faire. » expliqua Albus manifestement très soucieux de continuer à me surveiller pour se découvrir ainsi.
« Ah oui ? Eh bien, montrez-moi ! » prononça McGonagall sur un ton dubitatif en conjurant un bout de bois qu'elle lui tendit.
Albus attrapa le bout de bois, sortit sa baguette, marmonna un premier sort qui transforma le bout de bois en une fourchette rutilante, puis un second sort qui transforma la fourchette en une rose blanche qu'il offrit à notre Directrice. Celle-ci fit de son mieux pour ne pas montrer son étonnement.
« Très bien, je dirais au Professeur Eole que vous êtes excusé pour ce matin. Si vous avez un devoir à lui rendre confiez le à Monsieur Malefoy en même temps que vous irez vous changer. » reprit-elle. « Mais, je crois que vous avez cours de runes cet après-midi, et il n'y a pas de moyen magique pour les apprendre, vous devrez donc y aller. »
Lupin intervint pour proposer de relayer Albus à midi, sachant qu'il n'avait pas cours lui-même l'après-midi. Ce fut entendu ainsi sans que j'aie mon mot à dire faute d'être capable de m'exprimer.
Une fois Albus sortit pour aller donner son devoir à Scorpius Malefoy et prendre la douche dont il avait bien besoin, Minerva porta la rose à ses narines pour en humer le parfum.
« N'empêche qu'il doit quand même drôlement s'ennuyer. » murmura-t-elle.
