Chapitre 30 : Le Palais du Désert

Le trajet vers le Palais du Désert prend plusieurs jours, et il est plus difficile que ce que j'espérais : nous n'essuyons pas de tempête, cette fois, mais en longeant les rives du Continent Extérieur, nous devons éviter une quantité phénoménale d'écueils qui n'existent pas dans le jeu. Heureusement, Antiope tient le gouvernail d'une main experte, et nous conduit à bon port, mais en voyant les rochers acérés frôler la coque de notre navire, parfois à moins d'une dizaine de centimètres, j'ai plusieurs fois cru ma dernière heure venue.

Avant que le groupe ne débarque, je prends Djidane à part. J'ai longuement réfléchi, et je pense que je lui dois de lui apprendre la vérité sur ses origines, ne serait-ce que parce que nous risquons de bientôt affronter Kuja : après tout, celui-ci est un peu comme le frère de mon ami comme lui il vient de Terra, et comme lui il a été créé par Garland pour apporter la destruction sur Héra. Ce serait injuste de ma part de laisser mon ami faire face au mage noir maléfique sans savoir d'où il vient. Mais au moment où j'ouvre la bouche, je plonge mon regard dans ses beaux yeux bleus, et je me retrouve comme muette. Je croyais pourtant avoir réussi à dompter mes hormones, à oublier les sentiments que j'avais pour Djidane !

« Qu'est-ce que tu voulais me dire ? me demande l'adolescent à queue de singe en jetant un regard incertain vers la plage, où Dagga nous attend.

-Je... Si jamais Kuja parvenait à nous prendre au piège et qu'il t'envoyait à Euyevair, il faut que tu prennes des guerriers avec toi, d'accord ? j'explique avant d'enchaîner sans pouvoir m'arrêter : la magie ne fonctionne pas là-bas, donc Bibi et Eiko feraient mieux de rester derrière. En général, j'intègre Steiner et Freyja dans l'équipe par contre, je me disais qu'il vaudrait peut-être mieux que Dagga t'accompagne. Ses sorts de soin ne marcheront pas, mais je pense qu'elle voudra rester avec toi, et je vous laisserai assez de Potions pour qu'elle soigne tout le monde. Après tout, il y a des monstres pas mal dangereux là-bas, sans compter la créature qui protège le Roc de Goulg : Arkh. C'est une espèce de Chimère, qui utilise des attaques de Vent et qui peut infliger Folie et vous forcer à vous attaquer les uns les autres, donc assure-toi que vous êtes bien protégés, ok ? Steelskin devrait être là-bas, alors n'hésite pas à lui demander de l'aide pour tout ce qui est remède. Par contre, je pense qu'il vaut mieux que je reste au Palais du Désert pour aider le reste du groupe à se repérer : c'est un vrai labyrinthe si on ne sait pas où aller. »

Il y a des jours où je me déteste vraiment. Je voulais bien faire les choses, être honnête et sincère, ne pas tout saboter comme d'habitude. Et encore une fois, je n'ai pas eu le courage de faire ce qu'il faut.

« Ne t'inquiète pas, rétorque le voleur avec un sourire assuré. Ça va aller, tu vas voir, Kuja n'a aucune idée de ce qui va lui tomber dessus... Tu es sûre que c'est tout ce que tu voulais me dire ?

- Je... Non, tu as raison. Je veux dire, bien sûr, je pense que prévoir la suite est important, mais... Je sais que tu as cherché d'où tu venais toute ta vie. Et j'imagine que tu as deviné que j'avais probablement la réponse à la plupart de tes questions, et que tu t'es demandé pourquoi je ne t'en parlais pas. Et en vrai, je ne sais pas quoi faire, mais je te dois au moins de décider par toi-même si tu veux que je t'en parle. Je crois ? »

J'entends ma voix commencer à trembler alors que je parle, malgré mes efforts, et je maudis ma sensiblerie.

« Hé là, du calme, sourit Djidane en posant une main rassurante sur mon épaule et en me regardant dans les yeux. Ce n'est pas la peine de paniquer pour ça, tu sais ? Je sais que c'est... compliqué entre nous. Je veux dire, je suis amoureux de Dagga, plus que je ne l'aurais cru possible, et je ne ferais rien qui pourrait la blesser. C'est juste... Je ne sais même pas pourquoi je te dis ça. Ce que j'essaie d'expliquer, c'est que je t'ai fait confiance jusque-là, et tu ne m'as jamais donné la moindre raison de le regretter. Alors ouais, depuis que tu nous as dit d'où tu venais, je me suis demandé si tu savais qui j'étais et quelles étaient mes origines. Mais je sais que si tu penses que c'est important, tu m'en parleras.

- Même si ça risque de profondément te blesser ? je demande d'une petite voix.

- Je veux dire, si tu sais des trucs sur moi, c'est probablement parce que dans ton jeu, je l'apprends à un moment de toute façon ? rétorque le voleur avec un sourire. Alors que tu me le révèles maintenant ou pas, ça ne fait pas tant de différence que ça, pas vrai ? D'une certaine manière, je trouve ça rassurant de savoir que je découvrirai qui je suis à un moment. Je m'étais un peu résigné à ne jamais savoir d'où je venais réellement. Bach a plus ou moins été comme un père pour moi, mais ce n'est quand même pas tout à fait la même chose... »

Je reste un long moment à le regarder, avant de prendre une longue inspiration en fermant les yeux pour affermir ma détermination. Je ne peux pas continuer de lui dissimuler la vérité, pas maintenant, pas après tout ce que nous avons vécu, tout ce qu'il m'a dit. Je ne vaux sans doute pas grand-chose, mais je dois la vérité à mon ami.

« Tu viens d'une autre planète qui s'appelle Terra, je commence en évitant de le regarder dans les yeux. Elle était vieille et mourante, et ses habitants ont décidé de la faire fusionner avec une planète plus jeune, pour la faire renaître. Cette planète, c'est la nôtre, mais j'imagine que tu pouvais le deviner tout seul. En attendant, ils ont laissé un gardien appelé Garland pour s'assurer que tout se passe bien, et ils se sont mis en stase, en créant des corps qui pourront les accueillir quand ils reviendront à la vie sur leur nouveau monde. Sauf que ça ne s'est pas passé comme ils le souhaitaient : il y avait trop de vitalité sur Héra, qui a rejeté le transfert. Garland a donc décidé d'utiliser l'un des corps artificiels des Terrans, et de le doter d'une âme. Il espérait qu'en semant la mort et la destruction ici, sur Héra, cela affaiblirait le réservoir d'âme de la planète, et que Terra pourrait ainsi s'emparer de cette énergie vitale. Cet ange de la mort, chargé de provoquer des guerres sur notre planète, c'est Kuja. Mais celui-ci s'est rebellé contre son créateur, a cessé d'obéir à ses ordres, et a commencé à prendre ses propres décisions. Alors Garland a construit un autre corps, un Génome, comme il les appelle, pour le remplacer et attaquer Héra à sa place.

- C'est... ce serait... moi ? souffle Djidane, les yeux écarquillés.

- Je suis désolée, je réponds en baissant la tête. Kuja était jaloux, alors il t'a abandonné à Lindblum, et c'est comme ça que... que tu as été élevé par les Tantalas. Je me doute que ce n'est pas ce que tu voulais entendre, mais... »

Je m'interromps pour chercher mes mots, mais je ne vois pas quoi dire. J'aimerais trouver des paroles rassurantes, expliquer à Djidane qu'il vaut bien plus que ça, qu'il est tellement plus que le projet que Garland avait pour lui. Je me souviens de la séquence du jeu où le voleur apprend la vérité sur son origine et perd tout espoir, jusqu'à ce que Dagga lui rappelle qu'il n'est pas seulement un instrument de destruction, qu'il est la somme de toute son histoire, de toutes ses expériences. Qu'il est défini par ses amis et tout ce à quoi il tient, bien plus que par ce pour quoi il a été conçu. Mais je suis incapable de lui dire tout cela : ce n'est pas à moi de lui donner confiance en lui, c'est à Dagga, la femme qu'il aime ! Et de toute façon, ça n'aurait aucun sens de juste le lui annoncer comme ça c'est le genre de choses que l'on comprend en les vivant, pas parce qu'une ado paumée vous l'a dit...

« Merci de m'avoir dit la vérité, finit par dire Djidane, me coupant dans mes pensées. Je... Je ne suis pas sûr de saisir toutes les implications de ce que tu m'as révélé, mais je suis heureux de le savoir, au moins. Enfin, je crois... »

Il m'adresse un sourire incertain avant de descendre du navire, visiblement secoué par ce que je lui ai révélé. Je fais un geste dans sa direction, mais je renonce aussitôt : qu'est-ce que je pourrais bien ajouter ? Je ne ferais que faire empirer les choses, encore une fois. Dagga s'approche de Djidane, visiblement inquiète, mais il fait de son mieux pour la rassurer. Je vois bien qu'elle n'est pas convaincue, mais elle n'insiste pas. Cependant, alors que nous nous mettons en route, elle s'approche de moi et me demande :

« Qu'as-tu dit à Djidane ? Il a l'air si... perdu... Je sais que tu ne lui causerais aucun tort sciemment, mais je ne l'ai jamais vu aussi... peu sûr de lui...

- Je suis désolée, je souffle, honteuse. Je voulais juste... Je lui ai dit d'où il venait, mais... Pardon, Dagga, je crois que j'ai encore fait n'importe quoi... Je voulais bien faire, je te le jure, c'est juste... Ah ! Pourquoi tout est si compliqué ?

- Calme-toi, Claire, m'interrompt la reine en posant une main sur mon bras dans un geste qui se veut sans doute rassurant mais qui ne fait que me perturber encore plus. Je suis convaincue que c'est moins grave que ce que tu affirmes. Que lui as-tu donc dit de si grave que cela vous mette tous deux dans un tel état ?

- Je... Est-ce que tu es sûre que je devrais t'en parler ? Je veux dire, ça concerne avant tout Djidane, est-ce que ce n'est pas à lui de décider à qui il veut en discuter ? »

La reine me lance un long regard songeur, mais elle finit par hocher la tête et m'adresser un sourire qui fait battre mon cœur un peu plus vite. Je sais bien que je n'ai pas le droit de ressentir quoi que ce soit pour eux, surtout maintenant, mais quand je suis avec elle ou Djidane, rien à faire, je perds tous mes moyens. Mais je parviens à rester forte, en me rappelant que j'ai eu ce que je voulais : ils sont ensemble, et rien de ce que j'ai fait ne les a empêchés de s'aimer. C'est tout ce qui compte.

Je passe à l'avant du groupe, que je guide en silence vers les montagnes où devrait se trouver l'entrée du Palais du Désert. Dans le jeu, le groupe est happé par un tourbillon de sables mouvants, et ils sont capturés. Mais lorsqu'ils sortent du repaire de Kuja, ils découvrent qu'il y a une autre voie d'accès, bien plus sûre : c'est ce que je suis en train de chercher. Je finis par repérer le promontoire qui devrait signaler l'entrée. Du moins, je l'espère. Nous commençons à escalader la paroi rocheuse, avec bien plus de facilité que ce à quoi je m'attendais : rien à voir avec mon expérience traumatisante lors de l'ascension du tronc de Clayra. Il y a assez de prises pour que même une grosse nulle comme moi puisse grimper sans risquer de se casser le cou à chaque instant.

Lorsque nous arrivons en haut, le groupe s'aperçoit que le promontoire où je nous ai conduits dissimule en réalité ce qu'il faut bien appeler une caverne, où un aéronef bleu est amarré.

« Est-ce que... Dis-moi que j'hallucine, souffle Djidane en reconnaissant le vaisseau.

- Tu ne rêves pas, c'est bien l'Hildegarde, l'aéronef de Cid, je confirme en hochant la tête avec un sourire. Kuja voulait s'en emparer pour pouvoir se déplacer entre les continents sans avoir à dépendre de la Brume, et ce vaisseau est le seul à le lui permettre. Il en a profité pour kidnapper la femme de Cid après qu'elle est partie de Lindblum. J'ai toujours soupçonné que c'était en partie parce qu'il n'était pas entièrement insensible aux charmes de la reine, mais c'était peut-être pour pouvoir faire pression sur Cid, ou juste parce qu'il avait envie d'avoir quelqu'un à qui parler librement, je n'en sais rien. En tout cas, avec un peu de chance, on pourra peut-être la trouver aussi et la ramener à Cid, voir si elle ne veut pas lui rendre son apparence humaine. »

Nous longeons les flancs de l'aéronef en silence. Pour mon plus grand soulagement, je ne vois aucun Mage noir alentour : je ne sais pas ce que nous ferions si l'un d'eux nous apercevait et tentait de nous arrêter... Je veux dire, on ne peut pas quand même pas les tuer, pas après tout ce qu'on a appris et le temps qu'on a passé avec eux, si ?

Comme dans le jeu, un petit éboulement bloque l'accès au téléporteur, mais au lieu de devoir le contourner, ici, nous pouvons simplement escalader les quelques rochers qui nous barrent la route pour passer de l'autre côté. Mes amis regardent la dalle de pierre circulaire ornée sur laquelle nous nous tenons avec un air circonspect. J'explique que c'est un mécanisme activé par magie, et je suggère à Bibi de voir s'il peut le faire fonctionner. Celui-ci se concentre en levant les bras, et j'ai l'impression que mon corps s'étire brutalement, tandis que ma vision devient floue et indistincte. Mais cet état ne dure pas : tout redevient normal presque instantanément, et nous nous retrouvons dans une chambre richement décorée, mais qui n'est éclairée que par quelques bougies et un brasero. Des tentures son accrochées aux murs et le sol est recouvert d'une mosaïque que je distingue mal. Tout un pan de mur est occupé par des bibliothèques remplies à ras-bord de livres ainsi que par des bureaux recouverts de parchemins variés, et un recoin a été aménagé en laboratoire, tout aussi peu rangé que le reste. Un homme à la silhouette élancée et à la longue chevelure argentée y est attablé : Kuja. Le mage maléfique se redresse dès qu'il nous voit, mais sa surprise n'est que de courte durée, et il éclate d'un rire cristallin :

« Décidément, entre mon échec à Alexandrie et votre arrivée impromptue ici, dans un lieu que je croyais secret, il semblerait que je vous ai considérablement sous-estimés ! Je me demande à quoi ces imprévus sont dûs... »

C'est peut-être ma paranoïa, mais j'ai l'impression que c'est moi qu'il fixe. Mais ce n'est pas possible, il n'a aucun raison de soupçonner que j'en sais plus que je ne devrais, n'est-ce pas ? Il ne m'a croisée qu'à Bloumécia, et on ne peut pas dire que j'ai particulièrement brillé à ce moment-là (ni depuis, pour être honnête). Alors que je fronce les sourcils en essayant de démêler les implications des paroles de notre ennemi, mes amis se sont mis en garde et s'apprêtent au combat, et je m'empresse de les imiter en encochant une flèche. Je doute d'être très utile, mais on ne sait jamais. Kuja nous lance un sourire malveillant et projette sans une seconde d'hésitation une boule de feu dans notre direction. Bibi intercepte le sort, et les guerriers partent à l'assaut. Malheureusement, ils ne sont pas encore très coordonnés, et ils se gênent plus les uns les autres qu'ils ne s'aident, si bien que notre ennemi parvient à éviter et à contrer toutes leurs attaques. De plus, l'espace restreint dans lequel nous combattons empêche Dagga et Eiko de tirer partie du pouvoir dévastateur de leurs Chimères.

« Tu vas payer pour les crimes que tu as commis contre sa Majesté ! » s'exclame Steiner en repartant à l'attaque.

Kuja s'esquive avec agilité et le repousse d'un sort, mais il se retrouve aussitôt face aux lames doubles de Djidane. Cependant, le jeune voleur a un moment d'hésitation, dont le mage maléfique profite : il lui envoie un sort de Glacier, qui propulse mon ami contre le mur. Dagga pousse un cri d'effroi et accourt à ses côtés pour le soigner. J'essaie de trouver une ouverture pour tirer une flèche, mais Kuja tournoie autour de Freyja, de Tarask et de Kweena, qui s'efforcent de l'encercler sans y parvenir, et je n'ose pas tirer, de peur de les toucher. Notre ennemi parvient à se débarrasser de la Kwe, qui s'est trop avancée et exposée, mais le mercenaire en profite pour l'attraper par un bras et lui planter dans le ventre les griffes qui sont fixées sur son gant. Kuja pousse un cri de surprise et de douleur en s'effondrant au sol, alors qu'une tache rouge s'étend sur sa chemise habituellement blanche. Djidane, qui s'est remis de sa blessure, s'avance et crie à Tarask :

« Qu'est-ce que tu as fait ?

- Il va survivre. » répond le mercenaire avec flegme en s'asseyant au sol pour nettoyer son arme, gluante du sang du mage maléfique.

Celui-ci gît au sol, la respiration courte, sous le regard visiblement paniqué du jeune voleur à queue de singe. Je grimace en réalisant que ce que je craignais s'est réalisé : j'ai fait une erreur en révélant la vérité à mon ami : comme dans le jeu, il considère Kuja comme son frère. Il se dit que si leurs rôles avaient été inversés, c'est lui qui aurait semé la destruction sur Héra, et lui que nous aurions combattu. À sa décharge, il n'a pas entièrement tort : Kuja aurait sans doute pu être très différent s'il n'avait pas été manipulé par Garland toute sa vie, s'il avait pu grandir avec des gens comme les Tantalas. Je veux dire, ce ne sont pas des citoyens modèles, mais leur générosité et leur loyauté auraient pu l'empêcher dans le nihilisme.

Mais ce n'est pas ce qui s'est passé : Kuja a tué et détruit tout ce qu'il a touché, et il y a pris plaisir. Comment est-ce que je pourrais même imaginer de lui pardonner ? Quand bien même il deviendrait parfaitement gentil et ne tenterait pas de détruire le monde, je ne pense pas être capable de faire comme s'il n'était pas le responsable principal de la destruction de Bloumécia, de Clayra, de Lindbum et d'Alexandrie. Cependant, je ne dis rien de tout ça, et je me contente de regarder Eiko soigner notre ennemi sous le regard inquiet de Djidane. Alors que Kuja paraît reprendre ses esprits, Freyja déchire un des rideaux qui bloquent la lumière des fenêtres pour lui attacher les bras dans le dos.

Je m'approche d'Eiko pour m'assurer qu'elle va bien, même si j'ai conscience que l'inquiétude que j'éprouve a quelque chose de profondément irrationnel. C'est juste que je revois Pile et Face la capturer dans le jeu pile à cet endroit, et que je n'ai aucune envie que ça se produise ici.

« Qu'est-ce qu'on va faire de lui ? finit par demander Freyja en pointant Kuja du doigt.

- C'est un ennemi, commente Tarask. Vous auriez dû me laisser l'achever, ça nous aurait simplifié la vie.

- On ne peut quand même pas l'abattre comme ça, alors qu'il est prisonnier ! s'exclame Djidane avec colère.

- Il doit être jugé pour ses crimes, l'interrompt Steiner d'une voix sans appel. Nous le ramènerons à Alexandrie, où il sera condamné pour les souffrances qu'il a infligées à tout le continent. »

Je fronce les sourcils, mal à l'aise. Les événements divergent bien trop de ceux du jeu, et ne plus pouvoir anticiper quelles peuvent être les conséquences de nos actions me terrifie, maintenant que je suis confrontée à l'inconnu. Je veux dire, les choses ont l'air de tourner mieux que ce à quoi je m'attendais, mais comment en être sûre ? J'aurais dû réfléchir plus longtemps à la suite des opérations, au lieu de conduire mes amis dans cette situation.

« Je pense que je préfèrerais qu'on l'amène à Lindblum, je finis par déclarer d'une voix lente. La reconstruction d'Alexandrie prendra encore pas mal de temps, et je ne suis pas sûre qu'on pourrait garantir qu'il ne pourra pas s'enfuir là-bas. En plus, ces petites ordures de Pile et Face sont encore en liberté je ne sais où, et je soupçonne que ce sera plus facile pour eux de s'infiltrer à Alexandrie, où ils ont passé pas mal de temps, qu'à Lindblum. »

Je jette un regard inquiet en direction de Kuja, qui a repris conscience et qui est toujours assis au sol, le dos bien droit, à me fixer sans ciller. Il redresse ses lèvres en une parodie de sourire qui dévoile ses dents, mais ses yeux sont parfaitement froids et calculateurs. J'aimerais dire que je me laisse pas impressionner et que je ne montre pas la peur qui me saisit, mais je ne parviens pas à réprimer le frisson qui me parcourt le dos.

« C'est une excellente idée, affirme le mage maléfique sans me quitter du regard. Vous devriez écouter cette jeune fille, elle semble être de très bon conseil. »

Dagga et Djidane s'interposent aussitôt entre lui et moi, et la reine d'Alexandrie lui intime de garder le silence. Steiner s'approche alors de Kuja et le force à se lever sans ménagement. Avant qu'il ne sorte de la pièce, je trouve tout de même le courage de lui demander où se trouve Hilda. Le mage éclate de rire, comme si je venais de lui raconter la blague la plus drôle qu'il ait jamais entendue :

« Sa Majesté est dans la première chambre à gauche en sortant de cette pièce. La clef est dans le tiroir de la table de travail, explique-t-il en indiquant un des bureaux d'un signe de tête. Il semble qu'elle se soit lassée de mes conversations, de toute façon. Mais je pense que je trouverai bientôt une autre occasion de beaucoup m'amuser. »

Il a prononcé ces derniers en me regardant fixement, et je fais un pas en arrière sous l'effet de la terreur qu'il m'inspire. Steiner le force à se détourner d'une bourrade, puis le pousse jusqu'au téléporteur, suivi de Dagga et Djidane. Une fois que Kuja a disparu, Freyja s'approche de moi pour s'assurer que je vais bien. Je hoche la tête en tremblant légèrement, mais je sens la panique me gagner. Qu'est-ce que le mage a bien pu vouloir dire ? Qu'est-ce qu'il sait, qu'est-ce qu'il a deviné sur mon compte ? Je manque de pousser un cri d'effroi en réalisant que je me suis trahie : je n'aurais pas dû savoir que Kuja avait capturé Hilda ! C'est ça qui lui a fait deviner que quelque chose clochait, ou qui a confirmé les soupçons qu'il avait ! Les pensées déferlent dans mon esprit àtoute vitesse : est-ce que j'ai eu raison de suggérer de ramener le mage maléfique à Lindblum, ou bien est-ce que ça fait partie de son plan (au moins son plan de secours) ? Mais on n'allait tout de même pas le laisser nous accompagner pendant le reste de l'aventure, alors qu'est-ce qu'on aurait pu faire de lui ? Tarask avait peut-être raison quand il proposait de le tuer, mais je ne pense pas que j'aurais été capable de participer à un tel acte, ou même juste d'y assister. Je me rassure seulement en me disant que même si Kuja apprenait toute la vérité à mon sujet, je ne vois pas comment il pourrait s'en servir contre mes amis, mais cela m'aide moins que je ne le voudrais.

Je n'arrive à me reprendre que lorsque Dagga et Djidane reviennent, accompagnés d'Hilda. L'épouse de Cid est vêtue d'une longue robe nacrée et ornée de dorures, mais il est évident qu'elle a souffert de son séjour en captivité : ses vêtements sont bien plus ternes et sales qu'ils ne devraient, et déchirés en de nombreux endroits. De plus, de nombreuses mèches folles s'échappent du chignon qu'elle s'est fait, comme si elle n'avait pas pu se coiffer devant un miroir depuis longtemps. Je fais de mon mieux pour m'incliner devant elle, mais je dois avoir l'air passablement ridicule, car la reine m'arrête en souriant :

« Ma chère nièce Grenat m'a laissé entendre que vous n'étiez pas pour rien dans ma libération. Je vous en suis profondément reconnaissante, mademoiselle. Et je vous remercie tous d'avoir mis fin aux actions de Kuja. »

Je bafouille quelques mots, mais heureusement pour moi, la conversation dévie vers nos projets pour la suite :

« J'aimerais bien explorer un peu le palais, j'explique. Après tout, il devrait y avoir pas mal d'objets à récupérer ici. Et ensuite, on pourra prendre l'aéronef pour retourner à Lindblum. Si votre majesté est d'accord. »

Hilda fronce les sourcils à l'idée de revoir son mari, mais elle finit par hocher la tête. Je peux comprendre ses réticences, étant donné que la dernière fois qu'elle l'a vu, c'était pour le changer en puluche parce qu'il l'avait trompée mais ce n'est pas non plus comme si nous pouvions rester ici pendant des mois.

Nous escortons la reine de Lindblum jusqu'à l'aéronef, où Steiner nous explique qu'il a enfermé Kuja dans les cales du vaisseau.

« Je ne suis pas certain que cela le retiendra longtemps, dit-il en réfléchissant à haute voix après que nous lui avons annoncé ce que nous avons prévu. Je pense préférable de rester ici avec lui pour monter la garde et m'assurer qu'il ne tente pas de nous jouer un nouveau tour pendable, avec votre permission, votre Majesté. »

Il s'incline en direction de Dagga, qui lui donne son assentiment. Le chevalier conduit alors Hilda jusqu'aux chambres les plus luxueuses ou plutôt, les moins miteuses, j'ai l'impression. Le navire n'a clairement pas été conçu pour le confort.

Le reste du groupe commence alors à explorer le Palais du Désert. Comme je m'y attendais, nous croisons bientôt des Mages Noirs, qui nous regardent sans savoir quoi faire : ils ont reçu l'ordre d'attaquer les intrus, mais ils nous reconnaissent, et n'ont clairement aucune envie de s'en prendre à nous. Bibi résout leur dilemme en s'avançant et en leur expliquant que nous avons vaincu Kuja et qu'ils n'ont plus aucune raison de lui obéir.

« De toute façon, il n'avait ni le pouvoir, ni l'envie de vous offrir l'immortalité qu'il vous a promise, j'ajoute. C'était juste un mensonge. Je suis désolée qu'on ne puisse pas plus vous aider, mais au moins, on va vous ramener chez vous, au moins, vous serez avec vos amis.

- Je... ne suis pas sûre que nous puissions ramener les Mages Noirs à leur village. » me coupe Dagga.

Je lui jette un regard interloqué, mais ce n'est rien à côté de la réaction de Bibi, qui se tourne vers elle, des éclairs dans les yeux (et étant donné sa maîtrise de la magie noire, ce n'est pas une métaphore) :

« Qu'est-ce que tu veux dire ? Bien sûr qu'ils doivent rentrer chez eux ! Où veux-tu qu'ils aillent d'autre ?

- Ce sont nos amis, je te rappelle, il est hors de question qu'on les laisse là ! j'ajoute, à peine moins en colère que le petit mage noir.

- Je vous comprends, répond Dagga avec un effort visible. Cependant, ce n'est pas parce que ce sont nos amis qu'ils ne doivent pas être jugés pour les crimes qu'ils ont commis. C'est peut-être ainsi que ma mère régnait, mais je ne souhaite pas être ce type de souveraine. Claire, je me doute que tu n'as pas lu les œuvres de Jean Verrou ou de Jules-Jules Seaurou, mais selon eux, la justice doit s'appliquer à tous de manière égale, noble ou pauvre, ami du roi ou parfait inconnu. Sans ce principe, ils affirment que le monarque se voit doté de tous les pouvoirs, et que cela le conduit aux pires excès, au point de causer la perte de son propre royaume. Nous avons pu en voir un exemple avec les actions de ma mère, et je ne commettrai pas la même erreur.

- Je n'ai peut-être pas lu tes gus, je réponds, un peu vexée, mais là d'où je viens, il n'y a même pas de roi, et les criminels sont jugés par des jurys de citoyens, et défendus par des avocats professionnels, donc je ne pense pas avoir besoin que tu me fasses la leçon. Mais ça ne veut pas dire que tu as le droit de condamner les Mages Noirs !

- Je ne veux pas les condamner, je dis juste qu'ils doivent être jugés, comme n'importe qui d'autre. Ne crois pas que cela me procure le moindre plaisir, soupire la reine. Cependant, si nous voulons que le royaume d'Alexandrie et ses voisins puissent envisager l'avenir avec sérénité, il faut que nous fassions face aux actes qui nous ont conduits à cette situation, et que les crimes qui ont été commis reçoivent un châtiment. »

Je fronce les sourcils, frustrée par ses propos. Je ne dis pas qu'elle a tort, mais comment la convaincre que ses arguments ne s'appliquent pas vraiment à la situation présente ? Je commence à me tourner vers Djidane, mais je renonce aussitôt : il se dandine sur place, plus mal à l'aise que jamais, et pour rien au monde je ne voudrais le monter contre Dagga.

« Les Mages Noirs ne sont pas responsables de ce qui s'est passé ! je finis par dire. C'est Kuja qui les a manipulés, c'est lui le coupable, et tu le sais bien.

- Il a aussi manipulé ma mère, me rappelle Dagga. Crois-tu qu'elle soit entièrement innocente pour autant ? Tu sais aussi bien que moi que les choses ne sont pas si simples que cela...

- Ce n'est pas pareil, s'interpose Bibi. Les Mages Noirs ne savaient pas ce qu'ils faisaient, ils découvrent à peine le monde qui les entoure, et ils ne le comprennent pas vraiment. C'est comme si tu envoyais des enfants en prison, ce n'est pas juste ! »

Dagga se passe une main sur le visage, visiblement lasse, mais déterminée à accomplir son devoir jusqu'au bout. Elle s'apprête à répliquer, lorsque l'un des Mages Noirs qui nous regardent nous disputer prend la parole :

« Excusez-moi, je ne sais pas si ça peut aider, mais depuis que Kuja est venu nous chercher au Village, nous n'avons rien fait à part conduire son vaisseau et garder ce Palais en tuant quelques monstres qui s'aventuraient trop près. Il disait qu'il ne nous faisait pas confiance pour des tâches plus complexes. Je... je suis heureux qu'il ne nous ait pas demandé de blesser des gens, ça m'aurait... rendu triste. Néanmoins, je ne peux pas être aussi catégorique pour la période avant que nous ne prenions conscience, quand nous étions de simples automates. Je n'en ai pas vraiment de souvenirs clairs, juste parfois des images qui me reviennent, brèves et floues. Je crois que j'ai fait des choses horribles, mais je n'arrive pas à mes les rappeler distinctement. Je suis désolé. »

Nous nous tournons tous vers le Mage, qui nous regarde avec ses grands yeux serviables. À côté de moi, Dagga pousse un long soupir tandis que ses épaules s'affaissent soudain. Elle a l'air incroyablement soulagée, et elle déclare, d'une voix légèrement tremblante :

« Merci pour votre témoignage. Vous avez raison, si vous n'avez rien fait, ce serait injuste de vous punir. Je... Nous vous ramènerons tous chez vous, je vous le promets.

- Mais ce n'est pas ce que j'ai dit... proteste le Mage Noir, mais il est aussitôt coupé par Bibi :

- Merci Dagga. Je sais que tu as pris la bonne décision. »

Il part ensuite avec les autres Mages pour continuer de rameuter leurs compagnons. La reine se tourne vers moi, les joues rouges d'embarras :

« Excuse-moi, Claire, souffle-t-elle d'une voix mal assurée. Je dois avoir l'air bien ridicule, à jouer à la souveraine ainsi. Je veux juste... je ne veux pas faire les mêmes erreurs que ma mère. Je suis désolée de ne pas t'avoir écoutée, tu sais que j'attache beaucoup d'importance à ton avis. Je n'aurais probablement pas dû me disputer avec toi ainsi.

- T'inquiète, je réponds très vite, aussi gênée qu'elle. J'ai assez prouvé qu'il m'arrivait plus souvent qu'à mon tour de dire et de faire des âneries. J'imagine que j'ai de la chance que tu ne décapites pas tous ceux de tes sujets qui contestent tes avis.

- Je ne ferais jamais ça ! s'exclame Dagga en relevant la tête, avant de réaliser que je me moque d'elle.

- Désolée, c'était une plaisanterie de mauvais goût. Par ailleurs, j'ajoute sur un ton plus contrit, je suis assez d'accord avec toi sur le principe. C'est juste que ce sont les Mages Noirs, quoi, ils sont tellement... innocents et démunis. Tout ce dont ils ont besoin, c'est qu'on les laisse en paix. »

Dagga hoche la tête et se détourne rapidement, les yeux baissés. Djidane lui passe un bras autour des épaules et lui murmure quelque chose à l'oreille. Je ne sais pas ce qu'il lui dit, mais cela a l'air de la rassurer un peu. Nous reprenons notre exploration, en combattant les quelques monstres qui errent dans les couloirs. Mais ils sont bien moins nombreux que dans mes souvenirs, et notre équipe est quasiment au complet, à l'exception de Steiner, qui est resté sur l'aéronef pour monter la garde, et de Bibi qui y a conduit les Mages Noirs. Au bout d'une ou deux heures, nous avons fait le tour de l'endroit et récupéré toutes les protections et accessoires qui étaient cachés dans le palais. Les plus intéressants sont probablement un bracelet N'kai pour que Bibi puisse apprendre le sort H2O et un Glacelier qui permettra à Freyja de contre-attaquer les ennemis. Mais cela me fait réaliser que notre équipement commence à être un peu obsolète et qu'il serait temps de le renouveler quelque peu.

Nous revenons à l'Hildegarde, que les Mages Noirs font décoller sans difficulté. Je profite d'être au calme pour faire l'inventaire de nos réserves d'équipement et de l'argent dont nous disposons. Quand j'ai fini, je m'assois au sol en fronçant les sourcils. À ce stade du jeu, ma priorité serait d'engranger autant de gils que possible, puis d'aller à Daguéréo pour améliorer notre équipement au maximum. Mais entre l'armurerie et la forge, il nous faudrait probablement plus d'une centaine de milliers de gils, et nous en sommes loin. De plus, l'inconvénient d'avoir évité le piège de Kuja, c'est qu'il n'a pas envoyé une partie de l'équipe à Euyevair, et que nous n'avons récupéré aucun des objets qui s'y trouvent (et nous n'y avons pas rencontré Steelskin, maintenant que j'y pense). Et comme Eiko n'a pas été kidnappée, nous n'avons pas non plus exploré le Pic de Goulg (dont j'ai soudain très envie d'entendre la musique). Ce n'est pas une mauvaise chose, bien sûr, mais...

En repensant à cet épisode, je réalise que j'ai oublié autre chose : lorsqu'Eiko est kidnappée par Pile et Face, cela force Moug à révéler qu'en réalité, elle n'est pas une Mog, mais une Chimère particulièrement puissante appelée Marthym, qui a pris cette apparence inoffensive pour pouvoir rester avec Eiko. Et maintenant que j'y pense, cela fait longtemps que je n'ai pas vu Moug, pas depuis que je suis revenue dans cet univers. Ou plutôt, pas depuis que j'ai révélé la vérité sur mon compte à tout le monde. J'imagine qu'elle a eu peur que je ne trahisse son secret...

Tout à coup, je sens que l'aéronef s'arrête soudain et je remonte sur le pont, pour constater que nous ne sommes pas du tout au Village des Mages Noirs, comme je le croyais. À la place, nous sommes amarrés à proximité du Narcisse bleu, dont une troupe d'Amazones sont descendues, prêtes à défendre le navire.

Djidane va à leur rencontre, suivie de Dagga, et il leur explique, au moins en partie, la situation, et les soldates se détendent immédiatement. Je m'approche du groupe et je demande au voleur ce que nous faisons là. Il me répond qu'il voyait mal comment nous pourrions manœuvrer l'Hildegarde une fois que les Mages Noirs ne seraient plus avec nous, alors il a préféré venir récupérer une partie de l'équipage du Narcisse bleu pour nous aider, avant de gagner le Village des Mages Noirs. Je n'y avais pas pensé, mais il a probablement raison. Je lui souris en le remerciant de sa prévoyance, et j'adresse un geste de la main à Antiope, qui fait partie de la troupe qui a débarqué pour protéger le navire. Elle me sourit très brièvement, avant de continuer à préparer le voyage de retour.

Grâce à l'aide des Mages Noirs, qui connaissent déjà le fonctionnement de l'aéronef, nous parvenons à trouver un bon compromis et à répartir l'équipage du Narcisse bleu entre les deux bâtiments, de sorte que la navire pourra rentrer à Alexandrie et que nous pourrons aussi diriger l'aéronef une fois que les Mages Noirs seront rentrés chez eux. Ceux-ci montrent aux quelques marins et Amazones (dont Antiope, pour mon plus grand plaisir) qui restent avec nous sur l'Hildegarde comment le contrôler. Nous repartons alors en direction de leur Village, et nous posons le vaisseau à l'extérieur de la forêt qui l'entoure lorsque le soir commence à tomber. Nous passons tous la nuit autour d'un grand feu de camp. Au départ, les Amazones étaient assez méfiantes vis-à-vis des Mages Noirs, en partie parce qu'il y avait une sorte de rivalité entre elles et eux quand ils combattaient ensemble, et en partie parce qu'elles trouvaient perturbant de les voir parler, alors qu'elles croyaient jusque-là qu'il ne s'agissait que d'automates. Mais elles ont très vite réalisé qu'ils étaient inoffensifs et de bonne compagnie, et elles se sont mises à les traiter comme d'anciens compagnons d'armes. Djidane s'est volontiers joint aux festivités, mais le reste de l'équipe s'est contenté de bavarder calmement, un peu à l'écart. Lorsque Hilda est sortie de sa chambre pour nous rejoindre, tout le monde s'est tout de suite tu, mais la reine de Lindblum a éclaté de rire en nous demandant de faire comme si elle n'était pas là. Elle s'installe à côté de moi et d'Eiko et nous adresse un sourire. Nous commençons à discuter toutes les trois, et j'essaie de faire en sorte que la souveraine de Lindblum se prenne d'affection pour la jeune Invokeuse. Après tout, le plan est que Hilda et Cid l'adoptent, comme dans le jeu, pour qu'elle retrouve une famille. Mais Eiko me jette des regards soupçonneux à plusieurs reprises, et elle finit par s'installer sur mes genoux en ignorant assez largement la reine. Sans réfléchir, je la serre contre moi et je commence à lui caresser les cheveux, avant de reprendre ma conversation avec Hilda, qui sourit avec tendresse en nous regardant. On va dire que c'est parce qu'elle apprécie Eiko et que mon plan est en train de marcher. Je crois ?

L'ensemble de l'équipage s'installe pour la nuit, en se répartissant entre les cabines de l'aéronef, et les tentes que nous avons à notre disposition. Le lendemain matin, nous disons au revoir aux Mages Noirs, qui nous remercient de les avoir libérés, et nous promettent qu'ils ne se laisseront plus jamais manipuler par Kuja ou qui que ce soit d'autres, avant de s'éloigner en direction de leur village. Je m'approche de Bibi, qui les regarde partir avec tristesse, et je lui prends la main. Il serre fort la mienne, et continue de fixer l'horizon où ses amis s'éloignent peu à peu pendant quelques minutes. Il finit par se tourner vers moi et hocher la tête :

« Merci pour tout ce que tu as fait pour eux, Claire. Je suis heureux qu'ils puissent recommencer à vivre en paix, loin de tous ceux qui voudraient les utiliser pour faire du mal. »

Je lui souris, et nous rejoignons le reste du groupe, qui nous attend avec une certaine impatience, même s'ils comprennent pourquoi nous avions besoin de temps. Steiner est probablement le plus pressé de repartir : le fait d'avoir Kuja à bord le met profondément mal à l'aise, et je ne peux pas le lui reprocher.