Chapitre 1:

Le nouveau barman

La Nouvelle Orléans. Un mois qu'il s'y trouvait maintenant. Un endroit vraiment plaisant pour lui. C'était un peu par hasard que Harry Potter, Evan Griffin de sa nouvelle identité, s'était retrouvé dans cette ville. Il avait trente ans ans maintenant. Trente ans et douze ans que la guerre contre Voldemort était terminée. Après la dernière bataille, il avait terminé ses études tant bien que mal. Devenu héros du monde sorcier, il s'était vu accaparé de toute part. La fin de la guerre lui avait enfin permis de voir plus loin en regardant aussi derrière. Cela lui avait permis d'y voir plus clair, d'analyser. Indéniablement, tout cela l'avait profondément changé. Ses études à Pourdlard terminées, il avait, comme tout le monde le voulait, suivit la formation des Aurors qu'il avait intégré sans problème après les deux ans requis. Les deux années suivantes, il les avait passé au bureau britannique puis à celui de la Confédération qui l'avait embauché avec grande joie alors qu'il s'était révélé très efficace, excellent combattant, sa puissance aidant beaucoup comme son expérience de la guerre. Il avait été envoyé à l'internationale sur des missions plus dangereuses et mouvementées les unes que les autres. Au final, il avait eu l'impression d'être retombé dans la guerre mais au départ, il n'y avait pas fait attention, trop habitué aux combats.

Seulement, la guerre avait laissé de nombreuses traces sur lui, comme les tortures qu'il avait par deux fois subis en se retrouvant dans les mains de Voldemort. Cela plus les dégâts d'une enfance et d'une vie difficile. Il y avait eu les cauchemars lui prenant sommeil et appétit et il y avait eu les séquelles physiques dont personne ne se doutait si ce n'était Hagrid, Poppy et Minerva. Les deux dames et le garde chasse étaient certainement les plus fidèles de son entourage, les seuls peut-être même. Ils étaient encore les seuls aujourd'hui à encore être auprès de lui sans arrières pensées. Les autres, avaient tous finis par faire défection d'une façon ou d'une autre. Il n'y avait qu'eux qui savaient à quel point il avait été touché dans la guerre. Pour tenir le rythme des Aurors, il s'était mis à prendre potions sur potions. Pour dormir, pour la douleur, surtout pour la douleur, pour l'énergie, pour combler le manque de nourriture qu'il n'avalait pas... Tant et si bien qu'il avait fini par être dépendant à ces breuvages. Entre cela, sa célébrité qu'il ne supportait pas et gérait avec mal et les missions suicides qu'on lui donnait à la chaîne, il n'avait fait que tomber dans un autre enfer sans s'en apercevoir.

Ce n'était qu'après plus de quatre ans dans les forces de la Confédération qu'il avait eu comme un électrochoc. On l'avait envoyé lui et son équipe dans une mission en Afrique pour contrer un groupe de sorciers qui avaient établi une véritable petite dictature sur une région magique. Ce qu'on ne lui avait pas dit était qu'il s'agissait d'un vrai traquenard. Il avait réussi sa mission mais il y avait perdu ses hommes et s'était retrouvé très gravement blessé. Il avait eu beau appeler au secours, personne n'était venu le récupérer et il n'avait pu s'en sortir que grâce à l'aide des gens qu'il avait libéré. Il avait manqué de mourir, il avait perdu ses hommes et on l'avait laissé tomber pour il ne savait quelle raison. Lorsqu'il était rentré plus tard, on lui avait dit que ses messages d'alertes n'étaient pas parvenus au bureau et il savait bien qu'on lui mentait. Cet épisode l'avait secoué et réveillé. Poppy avait terminé de le soigner lorsqu'il avait eu la force de revenir en Angleterre. Il était dans un état lamentable mais pour la première fois depuis longtemps, il avait eu l'impression d'avoir tout ses esprits.

Il avait mis un stop à tout ça, soutenu par Hagrid, l'infirmière et la directrice de Poudlard où il était venu vivre en secret. Il se sentait bien à l'école et ici, il n'y avait ni journalistes, ni politiques, ni gens d'influences ou non, ni fans hystériques, ni ex-amis ou connaissances intéressées pour venir l'importuner. Enfin, tant qu'il ne se montrait pas aux élèves. Il vivait donc en secret au château sous les soins des deux dames et du demi géant heureux de l'avoir avec eux. Il avait donné sa démission à la Confédération et il avait décidé de prendre du temps pour lui et pour se remettre les idées en place. La première chose avait été de se sevrer des potions qu'il prenait. Se rendre compte qu'il était devenu un véritable drogué avait été un coup dur et une honte incomparable pour lui mais cela avait permis de commencer à y remédier. Le sevrage avait été une épreuve terrible et il louait Poppy, Hagrid et Minerva pour ne pas l'avoir lâché d'une semelle chaque jour pour le soutenir et l'aider. Cela plus sa volonté lui avait permis de passer l'épreuve. Il avait dû réapprendre à vivre avec les séquelles que la vie lui avaient infligé sans se droguer pour supporter. Pour cela, il avait dû admettre qu'il ne pouvait plus se permettre une vie d'Auror, de combattant. Son corps ne pouvait plus le supporter et rien qu'arrêter cela l'avait beaucoup soulagé.

Après tout ça, il avait fait le point et il s'était rendu compte qu'il n'avait jamais vécu comme lui le voulait, mais plutôt comme les autres l'attendaient. Et il était passé plus d'une fois en enfer à cause de ça. Réaliser tout ça lui avait mis un choc. Il voulait vivre, il voulait vivre sans avoir à se battre chaque jour. Il voulait arrêter de survivre et vivre enfin pour lui. Comme Minerva le disait, il en avait bien le droit après tout ça. Il avait fallu deux bonnes années de soins et de réflexion, en sécurité à Poudlard pour se remettre d'aplomb. Il avait alors fait ce qu'il rêvait de faire depuis tout petit: il s'était mis à voyager. Et il l'avait fait à la manière moldu, dans le monde moldu. Il avait besoin de s'éloigner des sorciers, de la magie, de son passé. Alors il avait décidé de laisser ses pouvoirs de côté sauf cas d'extrême nécessité, et il s'était glissé dans le monde moldu pour une vie moldue. Grâce à l'héritage de ses parents et de son parrain, géré par les Gobelins qui le faisaient fructifier pour lui, il savait bien qu'il pourrait vivre dix vies sans manquer de rien alors l'argent n'était pas un problème. Il avait donc tout loisir de faire ce que bon lui semblait. Il s'était construit une identité d'empreint, Evan Griffin, pour être tranquille. Ayant fuis les médias depuis quelques temps et veillé à ce qu'on ne le prenne pas en photo, le monde magique avait encore de lui son image d'adolescent. Il avait pourtant changé. Ses cheveux noirs d'encre, tombaient maintenant sur ses épaules bien qu'ils soient toujours aussi indomptables. Il n'était toujours pas très grand, un peu moins d'un mètre soixante dix, mince mais finement musclé. Sa cicatrice légendaire s'était faite quasiment invisible après la destruction du horcruxe, sa peau avait un peu plus de couleur aussi. Il s'était débarrassé de ses lunettes et avec le temps, sur les dernières années de sa croissance, son visage avait continué à changé. Il ne ressemblait plus autant à son père, tirant plus vers sa mère, les traits fins et gracieux malgré leur masculinité claire. La plus part du temps, on ne le reconnaissait plus dans la rue d'autant plus qu'il ne sortait que rarement en se faisant infiniment discret. Il n'avait donc pas trop de problème pour passer inaperçu aux yeux des quelques sorciers qu'il pouvait croiser.

Il avait commencé par l'Asie puis l'Océanie avant de se diriger vers l'Amérique. La Nouvelle Orléans, il y était passé en éclair lors d'une mission mais il avait adoré cette ville, se promettant d'y revenir. Ce qu'il avait fait. Et finalement, il y était resté, appréciant l'endroit autant qu'il se l'était imaginé. Il s'était trouvé un petit appartement modeste mais tout à fait à sa convenance dans un quartier sympas. Non loin de chez lui, il y avait un bar de bikers qui l'avait intrigué suffisamment pour qu'il s'y rende rapidement et il avait adoré au point de finir par s'y rendre tout les soirs. Il aimait cette ambiance simple et agréable où on s'amusait en buvant un verre avec ses amis. Il appréciait la musique et il se plaisait à observer les gens. Il avait rapidement sympathisé avec le gérant, Gavin, un grand biker assez baraqué, dans la cinquantaine, aux longs cheveux poivres et sels toujours attachés dans sa nuque, sa barbe entourant sa bouche et descendant un peu sur sa poitrine. Un grand ours impressionnant mais au grand cœur. Il l'avait tout de suite apprécié. Aussi lorsqu'il lui avait dit qu'il cherchait un serveur, il s'était proposé. Il n'avait pas besoin de travailler mais cet endroit lui plaisait et il se voyait bien rester un moment dans le coin. Un petit job au bar l'occuperait. C'était comme ça qu'il avait commencé à travailler là, s'y plaisant particulièrement. Il avait même fini par changer un peu de look sur le modèle de l'endroit.

Cela faisait maintenant trois semaines qu'il travaillait et il se sentait plus apaisé que jamais. Loin des sorciers, loin de la magie, loin de l'Angleterre. Il avait une vie normale et simple ici, sans prise de tête et ça faisait du bien. On était samedi soir et il y avait une bonne ambiance comme toujours dans le repère de bikers. La musique raisonnait en fond, un peu de fumée planait sous le plafond, les bruits des discussions étaient présents partout et le claquement des boules de billards se faisaient entendre régulièrement. Evan revenait poser son plateau sur le bar après avoir servi une table et il vit Sarah, la barmaid le rejoindre en souriant alors qu'elle essuyait un verre de bière.

- Tu veux un verre? demanda-t-elle gentiment. Tu n'as pas encore pris ta pause.

- Non ça va merci, répondit-il.

- Tu sais que les filles n'arrêtent pas de te reluquer, s'amusa-t-elle. En même temps elles ont raison, rit-elle devant son soupir à fendre l'âme. Tu dois bien être l'un des rares à ne pas profiter d'être un beau gosse pour prendre du bon temps.

- Je ne suis pas de ce genre là, remarqua-t-il.

- Je sais, c'est à se demander ce qu'un gentleman comme toi fait dans un repère de brutes, taquina-t-elle.

- Je ne suis pas un gentleman, les gentlemans ne portent pas de pantalons en cuir, sourit-il en la faisant rire.

Comme souvent maintenant, il portait l'un de ses pantalons de cuir noir et ses rangers. Une ceinture à la boucle d'argent en forme de dragon ceignait sa taille, une chaîne argenté pendant sur sa hanche. Une chemise blanche dont les premiers boutons restaient ouverts était couverte d'un gilet de costume court en cuir noir qu'il ne fermait pas. Bracelets de force aux poignets, grosse montre d'argent, chevalières aux mains et petites boucles d'oreilles en diamant, il avait de l'allure et cela ne passait pas inaperçu. Mais c'était on ne peut plus banal ici. Leur discussion fut interrompue par un groupe de clients entrant. Ils étaient six, tout à fait dans les tons du lieu mais ils étaient aussi tout à fait impressionnant. Grands et baraqués, sauf un plus petit et menu que les autres, c'était à se demander comment ils passaient encore la porte mais ce que Evan remarqua surtout fut leurs regards. Des combattants à n'en pas douter mais aucun ne lui semblait être un danger par instinct. Ils se dirigèrent vers une table libre et il attrapa de nouveau son plateau pour aller s'occuper d'eux. Ils étaient installés lorsqu'il arriva près de leur table:

- Bonsoir les gars, salua-t-il gaiement comme il était d'habitude ici. Qu'est-ce que je vous sert? demanda-t-il.

- Eh, un petit nouveau, s'amusa le black de la bande.

- Ouais et n'embêtez pas mon petit nouveau bande de grosses brutes, s'amusa une voix approchant.

Evan se retourna pour voir Gavin qui le rejoignait avec le sourire. Il fut chaleureusement accueilli par la bande et ils échangèrent quelques poignées de mains avant que le gérant ne se tourne vers son serveur.

- Les gars, je vous présente Griffin, commença-t-il. Il travaille ici depuis peu et c'est un nouvel arrivant en ville. Soyez gentils, s'amusa-t-il. Griffin, je te présente la plus belle bande de bras cassés de cette endroit, rit-il en vexant certains pour en amuser d'autres. Quand ils ne disparaissent pas pour une durée indéterminée, ils passent leurs soirées ici. Alors tu as Hale Caesar, dit-il en désignant le black, Yin Yang, Toll Road, Gunnar Jensen, Lee Christmas et Barney Ross.

- Enchanté, sourit-il alors qu'ils lui rendaient de signes de têtes.

- Ne t'approche pas trop d'eux Griffin, ce sont des tarés dans leur genre, s'amusa le patron en le faisant sourire.

- Eh! se vexa faussement le dénommé Barney. On n'est pas tarés, ils sont tarés, rectifia-t-il en désignant le reste de sa troupe.

- T'es plus fêlé que n'importe lequel d'entre nous, répliqua Christmas en faisant acquiescer les autres.

- Et donc, qu'est-ce que je peux servir à cette bande de barges? demanda Evan sur le ton de l'amusement en leur tirant des sourires.

Il prit leur commande avant de se diriger vers le bar, Barney reportant son attention sur le gérant.

- Tu recrutes des jeunots? rit-il.

- Il a trente ans, ce n'est plus vraiment un gosse, c'est vous les vieux et les filles l'adorent, remarqua-t-il. C'est un bon gars, dit-il en reprenant son sérieux. Il fait du bon travail. Je suis sûr que vous allez l'apprécier.

Et ce fut en effet ce qu'il se produit. Dans les temps qui suivirent, Evan revit chaque soir la bande au bar et chaque soir, il leur faisait le service. Il devait avouer qu'il les appréciait. Ils étaient sympas, marrant bien qu'un peu tarés comme annoncé mais ce n'était pas pour lui déplaire. Sous leurs airs bourrus, ils étaient des types biens et simples, sans prise de tête et il devait avouer que ça faisait du bien d'avoir des gens comme ça autour de soi après l'intéressement et les manipulations qu'il avait vu. La bande quand à elle, s'était aussi mise à apprécier le jeune homme toujours souriant et de bonne humeur avec une belle répartie. Aucun d'entre eux ne l'impressionnait malgré qu'ils fassent tous au moins le double de sa petite carrure et il n'hésitait pas à les rembarrer à chaque fois qu'ils le taquinaient. Il avait un sacré caractère. Au fils des semaines, ils en vinrent à devenir bons amis, Evan désormais systématiquement réquisitionné au service de leur table lorsqu'ils venaient. Et il était aussi devenu courant pour eux de l'accueillir à leur table et de lui offrir un verre quand il prenait sa pause.

Evan quand à lui, en venait à attendre avec impatience de les voir venir. Il avait aussi rencontré Tool, un tatoueur ami de la bande qui les rejoignait au bar quelques fois, engageant parfois des duels de lancés de couteaux avec Christmas. Il aimait passer du temps avec eux, cela le détendait et lui changeait toujours les idées. Son changement de vie et son installation ici lui avait fait changer d'air mais il y avait tellement de fantômes dans son passé qu'il était encore très loin d'avoir tourné la page, hanté, le sommeil agité en plus de ses séquelles se rappelant régulièrement à lui. C'était aussi pour cela qu'il avait pris un travail: cela l'occupait et lui évitait de trop penser. Cette bande lui faisait du bien. Tous étaient bien plus âgés que lui mais il se sentait avec eux comme avec de proches amis. Il s'était particulièrement rapproché de Christmas et Barney. Et puis dans un sens, avec ces paires de gros bras et loin du monde magique, pour une fois, il se sentait loin d'être le plus fort ou puissant comme il l'était magiquement dans son ancien monde et il savait qu'aucun d'entre eux ne lui demanderait de se battre pour eux. Non pas qu'il pensait que cela arriverait mais c'était tout ce que son entourage d'autrefois lui demandait ou plutôt exigeait de lui. Avec eux, c'était la sensation inverse qu'il avait et ça faisait du bien. Cela sans parler qu'il se sentait en sécurité avec eux. Ils n'en n'avaient jamais parlé mais il avait deviné tout seul que ces hommes étaient des combattants et qu'ils savaient ce que c'était que de se battre vraiment sur un champs de bataille. Il le sentait. Il en était venu à croire qu'ils pouvaient être militaires ou ex-militaires mais il ne les avait jamais interrogé là dessus.

Au contraire du jeune homme, la bande elle, n'avait aucune idée de ce qu'avait pu être Griffin avant d'arriver à la Nouvelle Orléans. Tout ce qu'ils savaient était qu'il était sympa, peu ordinaire, très mature pour son âge, le regard plus âgé qu'il ne l'était, avec du caractère et sans prise de tête. Il était toujours de bonne humeur et énergique et il était aux petits soins lorsqu'il leur faisait le service. Ils l'appréciaient et il n'y avait rien de plus à dire pour eux. D'ailleurs, Barney semblait s'intéresser de plus en plus à lui, cela ne passant inaperçu pour aucun d'entre eux sans qu'ils ne sachent pourquoi.

Cela dura quelque temps, une routine s'installant pour eux chaque soir. On était vendredi ce jour là et comme à l'habitude quand ils n'étaient pas sur une mission, la petite bande se retrouva dans leur bar favoris. Et comme à l'habitude, il ne fallut pas longtemps pour que leur serveur attitré et ami ne les rejoigne. Seulement ce soir là, tous tiquèrent en le voyant. Evan était plus pâle qu'à la normale, les yeux un peu cernés, l'air fatigué voir exténué alors qu'il avait le corps entièrement tendu.

- Salut les gars, salua-t-il la voix bien moins enjouée en forçant un sourire.

- Salut Ev', rendit Barney. Est-ce que tu vas bien?

- T'as une sale tête, renchérit Gunnar.

- Un peu fatigué, répondit-il simplement. Je vous sers comme d'hab'?

- S'te plaît, répondit Christmas. T'es sûr que ça va?

- Ouais, sourit-il avant de se détourner pour partir vers le bar.

- Non ça ne va pas de toute évidence, remarqua Caesar pour les autres qui acquiescèrent alors que leur ami s'éloignait en traînant presque les pieds.

- Eh Gavin! interpella Barney en voyant passer le gérant qui les rejoignit. Qu'est-ce qu'il a Ev'?

- Ah, il n'est pas en forme depuis deux trois jours, répondit-il l'air un peu inquiet en jetant un coup d'œil à son serveur. Je lui ai dit de prendre quelques jours de repos mais il a refusé. Et puis pour tout arranger, il y a cette bande de motards, dit-il en désignant un groupe d'une dizaine d'hommes bruyant dans un coin. Ils sont de passage dans le coin et ça fait deux soirs qu'ils viennent et qu'ils sont sur son dos dans un style très déplaisant si vous voyez ce que je veux dire. J'ai déjà dû les remettre en place tout à l'heure pour qu'ils lui fichent la paix. Il est déjà pas en forme, ces gars l'ont épuisé.

- Tu veux pas lui donner une petite pause pour qu'il s'assoit avec nous un moment? demanda Barney.

- Avec plaisir, je préférerais qu'il rentre chez lui se reposer un peu. Si vous pouvez le convaincre, faîtes le, il peut partir quand il veut.

- Ok, approuva Christmas, on s'en charge.

L'homme approuva et partit rejoindre son serveur qui remplissait justement son plateau des habituelles bières qu'ils commandaient. Il demanda visiblement à la serveuse de rajouter un soda pour Evan avant de lui glisser quelques mots à l'oreille, certainement pour lui donner sa pause. Le jeune homme acquiesça et il vint dans leur direction déchargeant son plateau sur leur table. Barney tapota la banquette où il était assis pour l'inviter à s'asseoir et il le fit en souriant doucement, pourtant inhabituellement raide.

- Dure semaine? demanda Toll.

- Non, pas tellement, répondit-il. Juste un coup de barre.

- Tu travailles toujours tout les jours? demanda Yin.

- Ouais, approuva-t-il en prenant une gorgée de son soda.

- Besoin de blé? supposa Gunnar.

- Non, de distraction, répondit-il en les étonnant un peu. Et j'aime cet endroit.

- Tu devrais peut-être rentrer pour ce soir, remarqua Barney, t'as l'air d'avoir besoin d'une bonne nuit de sommeil. Gavin a dit que ça ne le dérangeait pas au contraire.

- Non ça va. Il me reste juste un peu plus de deux heures de service et je vais pas le laisser en plan comme ça, y a du monde ce soir. Et vous quoi de neuf? demanda-t-il pour changer de sujet.

Aucun n'insista et ils répondirent plutôt à sa question, engageant une discussion légère en se chambrant les uns les autres, comme toujours. Evan sourit devant ce spectacle, cela le détendant. Cela faisait trois jours qu'il était dans ce que Poppy appelait « une crise de résurgence », une crise qui pouvait varier en intensité et en temps pendant laquelle une ou plusieurs vieille blessures magiques se rappelaient à son bon souvenir, comme les séquelles laissés par le doloris trop souvent subi. C'était à cause d'elles qu'il avait commencé à se gaver de potions décontractantes et antidouleurs. Lorsqu'il était Auror, les efforts qu'il demandait à son corps et sa magie favorisaient largement ces crises qui se faisaient fortes et fréquentes. Depuis qu'il s'était sevré, qu'il évitait la magie et qu'il avait adopté une vie simple et tranquille, elles s'étaient beaucoup espacées mais elles revenaient toujours. Parfois, elles ne duraient que quelques minutes et parfois, une semaine entière. Certaines n'étaient que crampes, d'autres le clouaient au lit en lui tirant des cris de douleur. Cette fois-ci, elle avait commencé relativement petit mais elle s'était entêtée et prenait de l'intensité au fil du temps. Il n'était même pas sûr de pouvoir sortir de son lit demain au rythme où cela allait.

Il préféra donc se concentrer sur la discussion qui avait lieu autour de lui pour tenter de ne pas penser à la douleur. Il ne participa pas beaucoup, écoutant simplement. Il tenta de faire bonne figure mais il ne pouvait s'empêcher de se tendre de plus en plus et de serrer les dents. Cette fois, c'était sa jambe et sa hanche droite qui s'étaient réveillées, ses os et ses muscles autrefois mis en miettes par Voldemort à cet endroit. Il sentait d'ailleurs sa jambe se bloquer de plus en plus et il se dit qu'il devrait peut-être se lever et marcher un peu pour éviter de se retrouver avec un membre paralysé et trop douloureux. Au plus les choses avançaient au plus il se disait qu'il n'arriverait pas à terminer la soirée. À ce rythme, il devrait penser à rentrer rapidement ou il ne le pourrait plus. Il décida de se remettre au travail pour marcher un peu et voir ce que cela donnait.

- Il faut que j'y retourne les gars, dit-il finalement. Faîtes signe si vous avez besoin de quelque chose.

Ils acquiescèrent en lui signalant qu'ils gardaient sa place libre s'il voulait revenir s'asseoir un moment. Il leur sourit en réponse, se levant avec une difficulté visible et aucun ne rata le fait qu'il avait du mal à marcher.

- Il boîte, remarqua Lee.

- Ouais et il a mal aussi. Il serrait les dents de toute ses forces, posa Barney l'air inquiet. On garde un œil sur lui, dit-il alors que tous approuvaient.

Ils gardèrent donc un œil sur le jeune homme qui boitait de plus en plus. Ils virent d'ailleurs rouge lorsque Evan passa près de la bande d'énergumènes dont Gavin leur avait parlé et que ceux-ci l'interpellèrent peu poliment. Ils l'appelaient « mon mignon », enchaînant les sous-entendus graveleux. Ils n'étaient pas les premiers. Après tout, Griffin avait une carrure bien plus menue que la majorité des hommes entrant ici, il était mince et félin et il avait cette élégance délicate. Il n'était pas du tout efféminé mais il semblait un peu fragile comparé aux colosses passant par ici. Il n'était pas rare que quelques uns, saouls ou non, lui fassent des avances pas vraiment galantes, ne tentent de le tripoter ou de l'attirer vers eux. Sauf qu'habituellement, Evan avait l'énergie pour les remettre vertement en place de répliques cinglantes, ce qu'il n'avait pas ce soir de toute évidence. Ils le virent se faire agripper le bras par l'un de ces imbéciles et Barney et Christmas amorcèrent un mouvement pour se lever et aller l'aider. Seulement, ils n'en n'eurent pas le temps que leur ami se dégageait de la prise, lançant un regard noir à l'homme en lui ordonnant de ne plus le toucher. Celui-ci râla, lui disant que ce n'était pas gentil de bien vouloir boire un verre avec une bande de babouins mais de ne pas le faire avec eux. La dîtes bande de babouins, ayant parfaitement entendu, grogna de colère, certains sortant un couteau comme si cela les démangeait de s'en servir. Ils virent Evan s'en aller sans plus et la bande sembla laisser tomber aussi, Barney demanda à tout le monde de se calmer et de rester tranquille, se réinstallant.

Quelques minutes encore et ils aperçurent le jeune homme derrière le bar, dans l'entrée de l'arrière boutique, discrètement appuyé sur un mur à l'abri des regards. Ils grimaçaient d'une douleur flagrante, transpirant légèrement et plus pâle encore. Gavin le rejoignit d'ailleurs, posant une main sur son épaule et lui parlant sans qu'ils puissent entendre. Evan approuva finalement d'un signe de tête et Gavin attrapa la veste du jeune homme pour lui passer, le groupe comprenant qu'il l'avait certainement convaincu de rentrer chez lui. Le gérant lui amena un verre d'eau, restant un instant avec lui alors qu'il semblait respirer profondément. Le jeune homme finit par se redresser, enfilant sa veste de cuir avant de saluer l'homme. Il traversa le bar en boitant sans un regard pour eux, l'air pressé de partir en serrant les dents. Il sortit et ils se regardèrent, inquiet pour lui.

Loin de cela, Evan lui, n'avait qu'une idée en tête: rentrer chez lui avant de ne plus tenir sur ses jambes alors qu'il se sentait de plus en plus mal. Il fila donc sans penser à aller saluer ses amis. Il ne vit pas non plus que ceux qui lui avaient pourris ces deux dernières soirées l'avaient suivis en le voyant sortir. Il ne s'en rendit compte que lorsque la dizaine d'hommes l'entoura, lui bloquant le chemin à quelques mètres du bar alors qu'ils n'avaient eu aucun mal à le rattraper. Il faisait nuit, il était tard et la rue était déserte, faiblement éclairée par quelques lampadaires et les lumières des bâtiments.

- Eh mignon, interpella celui qui semblait être le chef en posant une main lourde sur son épaule, t'en vas pas comme ça.

- Ne me touchez pas, gronda-t-il en se dégageant.

Il manquait cependant de force ce soir et il n'y parvint pas, sa tête tournant et sa vue se troublant.

- Oh mais je suis sûr que tu adorerais mignon, sourit-il en raffermissant sa prise et en faisant rire ses amis autour d'eux. Tu n'as pas été très gentil avec nous, dit-il doucereusement. Il faut réparer ça, dit-il en venant le coller et glisser sa main dans son dos pour aller vers ses fesses.

- Pour la dernière fois: Ôtez vos sales pattes sur le champs! gronda-t-il en sentant sa colère enfler.

- Certainement pas mon mignon, rit-il en l'empoignant plus fort. Ne t'inquiètes pas tu vas adorer, susurra-t-il.

- J'espère que toi aussi gros porc, rétorqua-t-il en le sentant le tripoter.

Hors de lui, il ignora sa faiblesse pour balancer un puissant coup de poing dans la mâchoire de l'homme qui recula en titubant avant de relever un regard furieux vers lui. Il y eut un moment de flottement alors que tous avaient été surpris par le coup avant que le chef se jette sur lui, en rage. Evan esquiva habillement son assaut, ses réflexes de combattants se réveillant sans mal. De deux coups bien placés, il l'envoya au sol mais cela ne lui apporta pas de répit alors que tout les autres se jetaient sur lui. Habitué à s'être battu dans des états pitoyables, sa crise ne l'empêcha pas de se défendre très efficacement. Il ne lui fallut pas très longtemps pour envoyer au tapis huit des dix gars, mais il fut un moment déstabilisé par un violent éclair de douleur dans sa jambe. Elle céda, lui tirant un cri de souffrance et il fut surpris par un violent coup de pied qu'il reçut en plein visage. Sa tête tourna et sa vue se troubla complètement, son ouïe assourdie alors que la douleur fusait dans sa mâchoire et que le goût du sang emplissait sa bouche. Cela ne l'arrêta pourtant pas et il profita de sa position basse au sol pour faucher les jambes de son assaillant le faisant tomber avant de lui asséner un bon coup dans le dos pour s'en débarrasser. Il bondit ensuite sur ses pieds mais il se figea en voyant le chef qui avait sorti un pistolet qu'il braquait contre son front à présent. Il ne fut pourtant pas ému une seconde et il bougea sur le champs, sa réactivité surprenant visiblement son ennemi. Il avait dû croire que la vue de l'arme l'arrêterait, grosse erreur. D'un geste vif, il attrapa l'arme, calant son doigt derrière la gâchette pour l'empêcher de tirer avant de lui tordre le bras pour lui faire lâcher. Un bon coup de pied retourné envoya l'homme au tapis et il se redressa, essoufflé, la vue trouble et la douleur de plus en plus forte dans son corps et surtout sa jambe.

De quelques gestes habiles, il démonta le pistolet et vida son chargeur, laissant les pièces tomber au sol. Un violent malaise le prit alors et il tituba, lâchant un cri de souffrance en agrippant sa jambe, tombant sans même s'en apercevoir. Il vit vaguement plusieurs de ses agresseurs se relever en souriant en le trouvant dans cette position de faiblesse, s'approchant de nouveau. Ce fut la voix de son patron qui fut son salut alors qu'il se retrouvait incapable de se défendre davantage.

Lorsqu'ils avaient vu Evan sortir précipitamment sans venir leur dire au revoir, Barney et les autres surent sur le champs que ça n'allait pas. Ce n'était pas dans ses habitudes. Ce fut Gunnar qui une minute plus tard avait fait remarquer que ceux qui avaient ennuyé leur ami étaient sortis à sa suite. Sentant les ennuis de loin, ils s'étaient tous levés pour aller s'assurer que le jeune homme allait bien, suivi de Gavin qui avait vu cela aussi et qui avait attrapé son fusil au passage. Sortant, ils avaient trouvé Griffin un peu plus loin, cernés par la dizaine d'hommes dont un le tripotait outrageusement, le retenant fermement par le bras.

- Alors lui je vais m'le faire, avait grondé Barney furieux.

Comme les autres d'ailleurs prêt à aller mettre une bonne raclée à ces moins que rien. Seulement, ils n'avaient pas eu le temps d'y aller qu'ils avaient tous assisté à une scène qui les avait surpris. Evan avait donné un coup de poing d'une force improbable pour sa carrure à son agresseur, le forçant à reculer. Il y avait eu un moment de flottement surpris avant que tous ne se jettent sur lui et une fois de plus, ils restèrent figés en voyant le frêle jeune homme envoyer au tapis la grande majorité de ses assaillant sans le moindre problème, sans prendre un coup et avec une habilité plus que certaine. À n'en pas douter, il savait parfaitement se battre et pas simplement comme n'importe qui mais comme un vrai combattant. Il n'en restait plus que deux lorsqu'il lâcha un cri de douleur qui les surpris, tombant et recevant un violent coup de pied en plein visage. Cela ne l'arrêta pourtant pas une fraction de seconde et rapidement, le responsable se retrouvait à manger le bitume. Ce fut alors qu'il se relevait qu'ils virent de dernier sortir une arme, avançant alors du même mouvement pour intervenir. Mais là encore, ils n'en n'eurent guère le temps. Le pistolet ne sembla ni perturber ni freiner Evan qui le neutralisa bien vite avant d'en faire de même avec son porteur. Il démonta ensuite l'arme avant d'en lâcher les morceaux, s'assurant ainsi qu'elle était inutilisable.

Mais il n'avait pas l'air d'aller bien du tout. Plus pâle qu'un mort, les yeux troubles, le sang coulant de sa bouche alors qu'il se mettait à trembler, essoufflé et transpirant. Son visage se crispa bientôt dans la souffrance et il tituba. Un cri lui échappa alors qu'il agrippait sa jambe et il tomba lourdement. Ses agresseurs se relevèrent tant bien que mal, s'approchant de nouveau et ils n'eurent pas à se concerter pour s'avancer vivement, Gavin saisissant son fusil:

- Eh les merdeux! cria-t-il furieux en attirant ainsi leur attention. Je vous avais prévenu que si vous emmerdiez encore mon personnel, je me chargeais de vous offrir un deuxième trou du cul, rappela-t-il en chargeant son arme.

Tous reculèrent en voyant le patron armé et les six hommes baraqués s'avancer avec l'intention clair de les démolir. Ils commencèrent alors à s'éloigner pour rejoindre leurs motos un peu précipitamment.

- Dégagez et que je ne vous revois plus chez moi! ordonna le patron alors que les autres rejoignaient le jeune homme.

Griffin était au sol, serrant furieusement les dents en tenant sa jambe. Il tremblait de plus en plus fort, l'air au bord de la perte de conscience.

- Eh Ev', ça va? demanda Barney en s'accroupissant près de lui et en passant un bras autour de ses épaules.

Christmas se baissa de l'autre côté, observant le jeune homme qui les inquiéta davantage en lâchant un autre cri qu'il tenta d'étouffer dans son épaule, tenant fermement sa jambe. Il respirait avec force et il tanguait un peu.

- On le ramène à l'intérieur, lança alors Barney. Ev'? On va rentrer, tu peux te lever?

Il acquiesça mais il ne parvint pas à se lever aussi, Christmas et Barney l'aidèrent, le second le retenant lorsqu'il manqua de s'effondrer à peine sur ses pieds. Sans même y réfléchir, il le souleva dans ses bras sans mal, constatant qu'il était loin d'être lourd. Il se tourna ensuite vers le bar et tout le monde s'y dirigea à grands pas, Gavin annonçant qu'il allait fermer. Il les devança alors, demandant aux quelques clients restant de quitter les lieux, la nuit déjà bien avancée. Tous obtempérèrent en voyant Barney entrer avec le serveur chouchou du lieu dans les bras. Bientôt l'endroit fut vide et Gavin ferma avant de rejoindre les autres qui installaient Evan sur une banquette avec précaution.

- Il est brûlant de fièvre, remarqua Lee. Il doit être plus malade qu'on ne le pensait.

- Eh Ev', t'es avec nous? demanda Barney en prenant son visage entre ses mains pour tenter de capter son regard.

Le jeune homme semblait au bord de l'évanouissement pourtant, il entrouvrit ses yeux flous pour le regarder. Il le fixa quelques secondes l'air de retrouver un peu ses esprits avant de répondre:

- Ouais, bredouilla-t-il. Laissez moi une seconde.

L'homme lui sourit en réponse, le relâchant doucement et lui laissant de l'air alors que tous l'entouraient, le gardant à l'œil. Griffin se mit à respirer aussi profondément que possible pour se reprendre. Il sembla retrouver un peu ses moyens mais il était toujours aussi pâle et tremblant, tenant sa jambe, extrêmement tendu bien qu'il eut retrouvé un visage neutre. Gavin lui amena de quoi essuyer le sang coulant de sa bouche ainsi qu'un grand verre d'eau et de la glace. Griffin le remercia, essuyant son menton et ses lèvres d'une main tremblante avant d'avaler un peu d'eau. Il accepta ensuite un linge remplit de glace qu'il appliqua sur sa mâchoire bleuie qui gonflait déjà.

- Est-ce que ça va Evan? lui demanda-t-il alors.

- Ouais, répondit-il. Ces cons frappaient comme des fillettes, dit-il en les faisant pouffer.

- Tu leur a mis une bonne raclée, s'amusa Caesar.

- Quoi ça? C'était juste une petite mise au clair, remarqua-t-il la voix faiblarde. Je lui avais dis de ne pas me toucher à ce débile profond.

- Il aurait mieux fait d'écouter, s'amusa Yin.

- Moi j'écoute jamais ce qu'on me dit, remarqua Gunnar.

- C'est pour ça que t'es toujours célibataire, rétorqua Toll en faisant sourire le jeune homme et les autres.

- Qu'est-ce que t'as à la jambe? demanda Barney plus sérieux en le voyant tenir son membre.

- Vieille blessure qui m'asticote depuis quelques jours, répondit-il en les intriguant. Ça va passer.

- Tu devrais voir un médecin, remarqua Christmas, ça n'a pas l'air d'aller du tout.

- Nan c'est bon. Je vais rentrer dormir un peu et ça passera, assura-t-il en se redressant. Merci du coup de main les gars.

- On a fait si peu, ricana Lee.

- Je vais te ramener chez toi, posa Barney alors qu'il faisait mine de se lever. Tu ne peux pas rentrer à pied comme ça.

- Merci, sourit-il en réponse. Désolé pour le grabuge Gavin.

- C'est pas ta faute Griffin, j'aurais dû foutre ces cons dehors quand ils ont commencé à t'emmerder tout à l'heure. Prend un week-end de congé et repose toi. On se voit lundi ok?

- Ok, soupira-t-il en sachant qu'il ne serait pas en état demain.

- Aller on y va, lança Barney, t'as besoin te reposer.

Lorsqu'il fut évident que le jeune homme ne tenait pas sur ses jambes, Barney et Christmas vinrent le soutenir. Bientôt, il était installé à l'arrière de la moto de Barney, celui-ci prenant place devant. Evan agrippa ses épaules pour se tenir, saluant les autres avant de se laisser emmener. Il n'habitait pas loin mais parcourir le kilomètre le séparant de son appartement lui semblait impossible à pied ce soir. Il avait beau se contenir, il avait l'impression que sa jambe brûlait toute entière, retenant avec mal ses gémissement de douleur. Heureusement, ils furent vite à destination et il eut bien besoin de l'aide de l'homme pour monter chez lui. Il l'invita à entrer, allumant et Barney découvrit alors son modeste appartement, parfaitement propre et rangé mais très simple, sans vraiment de vie.

- Tu es sûr que ça va aller Ev'? demanda-t-il en reportant son attention sur lui.

- Ouais t'inquiète, sourit-il doucement en s'asseyant lourdement sur son canapé.

- Qu'est-ce qui s'est passé avec ta jambe? questionna-t-il en venant s'asseoir près de lui.

- Ce n'est pas une histoire intéressante, éluda-t-il. C'est juste une vieille blessure. Elle se réveille de temps en temps et ce n'est pas vraiment agréable.

- C'est à cause de ça que t'es malade?

- Ouais, ça devrait rapidement se calmer, j'ai l'habitude. Il faut juste qu'il n'y ai pas d'autres crétins pour venir réclamer une correction, s'amusa-t-il en le faisant sourire.

- Tu te bas bien, remarqua-t-il. Où est-ce que tu as appris?

- J'ai fait une sorte de formation de flic, dit-il vaguement.

- Et tu ne l'es pas devenu?

- Si, un temps mais ce n'était pas ce que je voulais vraiment alors j'ai arrêté y a un bon moment. Je suis mieux maintenant, dit-il bassement en se remettant à masser sa jambe.

- Accident en service? proposa-t-il alors en le regardant faire.

- Je crois qu'on peut dire ça.

Il y eut un moment de silence tranquille entre eux, Barney rechignant à laisser le jeune homme, auquel il s'était attaché sans qu'il ne se l'explique, seul dans cet état.

- Est-ce que tu compte rester vivre ici? Longtemps je veux dire, demanda-t-il.

- Pourquoi? Je t'ennuie?

- Si peu, s'amusa-t-il ironiquement. Nan, tu manquerais à Gavin si tu t'en allais.

- J'ose espérer que je te manquerais un peu aussi, remarqua-t-il la voix basse. Je vais rester longtemps je pense. Je suis bien dans cette ville. J'ai voyagé plusieurs mois avant de venir ici et je crois que j'ai trouvé un endroit où je resterais bien vivre, expliqua-t-il. Alors tu ne vas pas te débarrasser de moi si facilement.

- Tant mieux, sourit-il. Tu es sûr que ça va aller pour ce soir? demanda-t-il plus sérieusement.

- Ouais, je vais me reposer ce week-end et ça ira.

- Bon, je vais te laisser. Tu m'appelles si tu as un problème, pria-t-il.

- Ok, acquiesça-t-il.

- Bonne nuit alors, dit-il en se levant et en prenant la direction de la porte.

- Bonne nuit Barney.

Il regarda l'homme sortir et refermer soigneusement derrière lui, souriant pauvrement. Il aurait bien aimé qu'il reste encore un peu, se sentant bien avec lui. Il aimait sa présence forte et rassurante, son charisme et son grand cœur bien caché sous cette façade de gros dur. Il devait avouer que Barney Ross l'attirait beaucoup. En même temps, pour un gars comme lui qui n'était pas très regardant sur le sexe ou l'âge de ceux à qui il pouvait penser de cette manière, l'homme était tout à fait attrayant. Ce qui le surprenait davantage en lui même était qu'il ait ce genre d'attirance qu'il n'avait plus ressenti depuis Poudlard et ses béguins d'adolescent pour Ginny, Cho ou Cédric. Il avait été dragué de toute part par ceux voulant se marier avec le Survivant et vainqueur de Voldemort après la guerre et il s'était complètement fermé à la chose avant de ne plus y penser du tout. Jusqu'à récemment avec Barney. Mais il n'avait probablement aucune chance d'intéresser un homme pareil surtout avec leur différence d'âge. Ce ne fut qu'une fois certain qu'il devait être redescendu et même parti qu'il se laissa tomber sur le canapé, lâchant enfin le cri de douleur qu'il retenait dans sa gorge depuis un moment. Ce qu'il ne savait pas était que l'homme était toujours là et qu'il l'entendit parfaitement, serrant les dents. Cependant, il se força à s'en aller. Si Evan avait attendu de le croire parti, c'était qu'il ne voulait pas qu'on le voit ainsi et il pouvait respecter ça. Il partit alors, retournant vers le bar où il retrouva les autres encore là:

- Comment il va? demanda Christmas.

- Pas bien, répondit-il en s'asseyant avec eux et en acceptant une bière de Gavin. Il était vraiment mal en point. Ce serait bien de l'appeler demain pour voir si ça va, dit-il en regardant le patron.

- Je le ferais, approuva celui-ci en s'éloignant.

- Vous avez vu comment il se bat, remarqua Yin. Ce n'est pas un débutant.

- Je lui ai demandé, répondit Barney, il a dit qu'il avait fait une sorte de formation de flic et qu'il avait été en service un temps avant d'arrêter.

- Les flics n'apprennent pas à se battre comme ça, releva Lee. Les militaires oui et il était habitué aux combats et aux armes, ça se voit tout de suite.

- Et alors ? C'est sa vie, trancha Barney. Nous aussi on est de ce genre là. Il a dit qu'il était mieux maintenant ici.

- Tu lui as dit d'appeler s'il avait besoin? demanda Caesar.

- Évidemment. On aura qu'à repasser lundi soir pour voir comme ça va. Eh Gavin? interpella-t-il en se tournant vers lui. Si la bande de crétins revient l'emmerder, tu nous appelles on s'en charge, lança-t-il.

- C'est noté, répondit le patron.

Cette nuit là, Evan passa son temps dans son canapé à étouffer ses cris dans un coussin, priant pour que la crise passe vite. Elle s'éternisa pourtant jusqu'en fin de matinée le lendemain avant de s'apaiser enfin doucement. Au soir, elle le laissait enfin en paix et c'est lourdement qu'il s'endormit dans le canapé duquel il n'avait pas bougé. Ce ne fut pourtant pas pour longtemps, ses cauchemars de guerre revenant le hanter. Le dimanche, il lutta pour se lever, aller boire et manger un peu avant de gagner son lit où il s'effondra pour y rester toute la journée se reposer. Il retourna pourtant travailler dés lundi, Gavin l'accueillant joyeusement l'air pourtant inquiet en le trouvant fatigué, un beau bleu sur la mâchoire. Il le rassura avant de prendre son service et dans la soirée, il vit Barney, Christmas, Gunnar, Caesar, Lee et Toll débarquer et comme à l'habitude il alla prendre leur commande. Eux en profitèrent pour prendre de ses nouvelles, pas vraiment rassurés de le voir encore fatigué mais ils ne firent pas de remarques, le priant comme chaque soir de venir boire un verre avec eux lorsqu'il prendrait sa pause.

Ce fut avec soulagement que tous le virent reprendre du poil de la bête cette semaine là et retrouver son attitude et son énergie habituelle sans trop de mal. Les semaines se remirent à passer, la bande venant passer pas mal de soirées au bar apprenant toujours plus à connaître le jeune homme duquel ils se rapprochaient. Et après l'incident du début octobre, plus aucun n'hésitaient à faire savoir à ceux qui ennuyaient leur jeune ami que c'était une très mauvaise idée. Octobre passa, puis novembre avant d'arriver au début décembre. Cela faisait maintenant plus de cinq mois que Evan travaillait au bar, y ayant désormais toute sa place, plus de quatre qu'il avait fait la connaissance de cette bande de gros bras qui lui faisait du bien. Ils n'en n'avaient jamais parlé mais il savait qu'ils étaient des guerriers endurcis et avec eux, il se sentait normal et compris, ce qu'il n'avait jamais ressenti avec personne. Et il y avait Barney par lequel il était toujours plus attiré bien qu'il n'en montre rien. Il avait finalement accepté de prendre la journée de repos qu'il ne prenait jamais et il passait toujours cette journée avec eux. Que ce soit au bar ou ailleurs, une partie de la bande ou tous. Il était même parti pour une journée à moto avec eux et après ça, il s'était décidé à passer son permis. Il avait déjà son permis voiture bien qu'il n'ait jamais jugé utile d'en acheter une, ayant tout a porté de jambe autour de chez lui. La moto, il ne connaissait pas avant ce jour là mais il avait adoré, bien décidé à s'en offrir une rapidement, largement encouragé par ses amis.

On en était donc arrivé à la mi décembre et comme souvent, la bande passait une bonne soirée dans son bar favoris, tout juste servit par son serveur préféré qui repartait pour poursuivre son travail, suivit du regard par un certain Barney Ross qui ne le lâchait plus des yeux.

- Dit Barney, l'interpella Lee qui n'avait rien manqué comme les autres, il faudrait que tu te décides à lui dire.

- Dire quoi à qui? répondit-il en se tournant vers eux.

- Oh pitié, soupira son bras droit, tu crois qu'on n'a pas vu comment tu reluques Griffin depuis des semaines?

- Je ne le reluque pas, dit-il en attrapant sa bière.

- T'appelles ça comment alors? demanda Toll. Tu le lâches à peine des yeux quand il est dans le coin.

- Tu vas menacer de mort tout ceux qui lui cherchent des noises, nota Yin.

- Tu fusilles du regard toute les filles qui s'approchent un peu trop de lui, ajouta Caesar.

- Tu ne rates pas une occasion de le faire asseoir à côté de toi et quand il le fait tu passes toujours ton bras derrière lui depuis quelque temps, continua Gunnar.

- Tu ne rates non plus jamais l'occasion de le prendre sur ta moto avec toi ou de le raccompagner chez lui, termina Lee. On te connaît Barney. T'en pince pour lui et ça fait des semaines que ça dure.

- Vous avez tout faux, se défendit-il.

- Je me doutais pas que pouvais être de ce bord là Barney, taquina Gunnar. Mais c'est clair qu'il est mieux qu'une nana. Pas de caprice, pas de folie shopping, pas de crises de nerfs si t'oublies la saint valentin... Et au moins lui, c'est notre pote à tous sans problème.

- Et puis c'est un type bien Griffin, remarqua Caesar.

- T'as jamais mis aussi longtemps avant de tenter un truc, releva Christmas, et ça, ça veut dire que t'es vraiment accro.

- Arrête tes conneries, répondit-il sans le regarder.

- Oh allez Barney, on n'a qu'une vie, souligna Caesar. Y a aucun de nous qui te reprochera quoi que ce soit.

- Comme si j'en avais quelque chose à foutre de votre avis, fit-il remarquer.

- Donc c'est sa réaction à lui qui te fait peur, remarqua Lee.

- Tu devrais tenter, lança Gunnar.

- Ouais, il n'est pas du genre à trouver ça bizarre, lui. Griffin est hyper tolérant, remarqua Caesar. T'inquiètes pas. Au pire il te dit juste qu'il te voit comme un ami.

- T'as peur de quoi? demanda Lee. La différence d'âge?

- C'est vrai que tu pourrais être son père, s'amusa Toll.

- C'est pas un gamin non plus et on le sait tous, dit Caesar. Il a peut-être trente ans mais il est aussi vieux que nous tous dans sa tête et on l'a tous bien vu.

- Tu devrais aller lui parler, posa Lee avec sérieux. Franchement, je ne t'ai jamais vu focaliser comme ça sur personne. Et puis ce serait vraiment con de passer à côté abruti. Griffin est quelqu'un de bien et t'en pince pour lui, qu'est-ce qu'il te faut de plus? Et c'est évident qu'il t'apprécie beaucoup même si on ne pourrait pas dire jusqu'à quel point.

Il y eut un moment de silence à leur table, chacun observant leur patron en attendant sa réaction. Et Christmas reprit finalement.

- Tu devrais vraiment tenter ta chance Barney. On repart en mission demain et on ne sait jamais ce qu'il peut se passer. Tu pourrais regretter.

Barney soupira lourdement. Oui, il avait fini par tomber amoureux de Griffin même s'il avait eu du mal à s'en rendre compte. La dernière fois où il avait été attiré par un homme remontait quasiment à son adolescence mais ce n'était pas cela qu'il le dérangeait, comme leur différence d'âge ne le gênait pas. Il était attiré comme un aimant par le jeune homme, autant par son corps que par son esprit, son caractère. Et pour la première fois de sa vie, il sentait qu'il pourrait vraiment passer le reste de sa vie avec la même personne. Seulement, il ne voulait pas imposer la vie qu'il s'était choisi à qui que ce soit et surtout pas à Ev'. Sans parler de la réaction que pourrait avoir le jeune homme s'il lui disait. Pour rien au monde il ne voulait perdre la relation qu'il avait déjà avec lui, en tant qu'ami. Pourtant, dieu savait qu'il avait envie d'être plus pour lui et de percer tout ses secrets. Ce ne serait cependant pas ce soir qu'il démêlerait le problème. Il sourit largement lorsque Griffin revint vers eux avec une bière pour sa pause, et ce fut automatiquement qu'il se décala sur sa banquette pour l'inviter près de lui, le jeune homme ne se faisant pas prier sous les regards de toute la bande. Il passa son bras derrière lui sur le dossier dans un geste de protection et de possession auquel il n'avait pas fait attention avant qu'on ne lui fasse remarquer ce soir, mais il ne pouvait pas s'en empêcher. En même temps qui ne serait pas charmé par Ev'? Il était beau, il avait un caractère en or, de l'esprit et un cœur énorme qu'il se verrait bien prendre.