Thranduil n'avait presque pas dormi de la nuit. Il avait eu du mal à oublier la fin de soirée. Il n'avait pas comprit la réaction de la jeune femme, elle n'avait rien d'une elleth hormis son physique qui correspondait aux critères de beauté elfique. Elle était malpolie, incapable de gérer ses émotions, n'avait aucun filtre, disait tout ce qu'il lui passait par la tête. L'elleth était tellement.. humaine.

Voilà le qualificatif lui correspondant le mieux. Une humaine. À l'intérieur d'une elleth. Ils avaient pourtant passé une soirée très agréable. Le roi était ravi de voir son invitée manger avec autant d'enthousiasme. Avoir de l'appétit signifiait être à l'aise et de bonne humeur. Il l'avait trouvé adorable et avait beaucoup aimé échanger sur son monde et le sien. Il ne le lui avait pas dit mais il avait admiré sa façon de tout gérer toute seule.

Il comprenait mieux pourquoi cette position de servante la dérangeait à ce point, mais elle réaliserait vite qu'il lui faisait là un honneur.

Le souverain était en train de réaliser qu'il n'arrêtait pas de penser à la jeune femme.. avant de se coucher, pour le peu qu'il ait dormi, ainsi qu'en se levant. Il se devait d'occuper son esprit autrement. Thranduil devait s'occuper des invités de la fête à venir. Mirkwood n'était plus et avait fait place à Eryn Lasgalen, et ce n'était pas encore officialisé. Il devait faire préparer les chambres afin de pouvoir y accueillir les quelques personnes, importantes ou moins importantes.


Giselle sortait de sa salle d'eau. Elle avait la tête ailleurs depuis qu'elle s'était levée. Se repassant la scène d'hier soir, elle avait réalisé que c'était elle qui avait merdé. Le roi ne lui avait rien dit de méchant et effectivement, ce n'était pas une corvée si horrible que ça de le servir, surtout qu'il n'était pas sur son dos toute la journée, il la laissait tranquille la plupart du temps. Elle pouvait plus ou moins faire ce qu'elle voulait, toujours sous la surveillance d'Edwen. L'elleth blonde ne la suivait pas partout mais Giselle savait qu'elle l'avait à l'œil. Probablement sous ordre du roi.

À dire vrai, le roi avait été très charmant la veille, il n'avait rien fait pour la mettre mal à l'aise. Ils avaient d'ailleurs eu une discussion très intéressante, elle avait aimé échanger avec lui, sans s'en rendre compte le temps était passé très vite et c'est là qu'elle realisa qu'elle ne s'était pas ennuyée une seule fois de la soirée. Elle avait tout gâché, elle devait se rattraper.

Giselle enfila la robe qu'on lui avait apportée et descendit aux cuisines. Daeron était en train de préparer les derniers petits déjeuners.

– Giselle ! Fit le cuisinier. Je suis content de vous voir, allez-vous mieux ? S'inquiéta-t-il.

– Oui, merci. Je voulais m'excuser pour hier soir, je n'ai pas été correcte et ce n'était absolument pas contre vous, j'étais simplement fatiguée et ne voulait parler à personne, s'excusa-t-elle, se triturant les mains. Je voulais vous féliciter pour votre cuisine, je n'ai jamais aussi bien mangé de ma vie, vous avez de l'or dans les mains, lui dit-elle avec un sourire.

Daeron rit légèrement, flatté.

– Plaisir partagé mademoiselle, lui dit-il sincère. Cela fait des années que je n'avais pas vu revenir mes plats vides, vous n'imaginez pas la joie que cela m'a procuré. Dit-il d'un air enfantin.

Giselle le trouvait adorable et pensait que c'était un crime que Thranduil n'apprécie pas les plats du cuisinier à leur juste valeur.

– Puis-je vous demander un service puisque vous avez encore les mains dans la pâte ? S'essaya-t-elle. Après tout, qui ne tente rien n'a rien.

Il ne dit rien et la laissa continuer, d'un air curieux.

– Je voudrais faire une pâtisserie pour le roi. Je me suis mal conduite et je voudrais m'en excuser… Et j'ai pensé "quoi de mieux que l'une de vos douceurs". Souffla la jeune femme d'une voix angélique.

Daeron afficha un franc sourire et fut flatté une nouvelle fois.

– Bien sûr, je vais vous montrer, cela ne sera pas long si vous vous concentrez. Il s'attela à la tâche et fit participer Giselle à la réalisation de la pâtisserie aux myrtilles.


Toute fière de son œuvre.. bon disons l'oeuvre de Daeron avec un peu de sa participation, elle amena la pâtisserie dans un petit panier jusqu'à la porte des appartements du roi. La porte était entrouverte et Giselle allait rentrer quand elle entendit une voix féminine.

– Cela vous convient-il mieux, mon seigneur ?

La brune vit une robe atterrir sur le dos de la méridienne, elle ne put voir ce qu'il se passait dans la pièce ni ne comprendre ce qui se disait. Elle avait cependant reconnu la voix d'Edwen et avait peur de comprendre ce qu'il se passait dans les appartements du roi. Elle n'avait pas besoin de voir les silhouettes pour en venir à la conclusion suivante: Edwen et le roi étaient occupés à quelque chose dont la robe d'Edwen n'était pas requise.

Serrant les poings et laissant tomber le panier devant la porte, la jeune femme partit dans sa chambre et claqua la porte.


La matinée avait été rude pour Thranduil. Il avait dû s'occuper de tout mettre en place afin d'accueillir le monde à venir pour la soirée et la nuit. Il avait fait venir Edwen. Les bras chargés de plusieurs robes et divers bijoux, la jolie elleth les avait posées devant elle sur la petite table. Le roi avait tenu à choisir la tenue que porterait Giselle ce soir, il voulait qu'elle soit présentable devant les invités qui ne la connaissait pas encore, d'autant plus que certains étaient de la haute société.

Celle-ci, Aran nîn ? La blonde tenait une robe d'un gris presque argent. Évasée et fluide aux reflets pailletés sur la longueur, aux épaules dénudées, les manches transparentes et serrées aux poignets.

Le souverain considéra un instant la robe, impassible.

– Montres-moi celle-ci. Désigna-t-il du menton une autre robe posée sur la table.

Edwen posa la robe qu'elle tenait, plus loin derrière elle, sur la méridienne. Elle attrapa la seconde robe d'un rouge profond, fendu sur l'une des jambes et épousant le corps. Entièrement pailletés, celle-ci avait un décolleté en v assez plongeant et de jolies bretelles sur les épaules.

– Cela vous convient-il mieux, mon seigneur ?

D'un air satisfait, il hocha la tête en signe d'approbation.

Il avait été moins exigeant sur les bijoux et lui montra simplement le collier qu'il voulait que Giselle porte pour la soirée. Il congédia Edwen, satisfait qu'un autre problème soit derrière lui.

Au moment de sortir, Edwen avait remarqué un panier laissé devant la porte et le prit. Il n'y avait qu'une pâtisserie, rien ne l'accompagnait. Elle trouva cela curieux mais le remit au roi lui expliquant qu'elle venait trouver cela devant sa porte. Le souverain haussa l'un de ses épais sourcils et prit le panier, l'examinant curieusement.

– Merci Edwen, ce sera tout. Il se retourna, faisant voler légèrement sa chevelure et posa le panier sur la table.


– Connard. Salaud. Il me traite comme sa bonne à tout faire et il m'envoie sa.. maîtresse pour me surveiller toute la journée. Moi qui pensait Edwen de mon côté… elle s'est bien moquée de moi. Ils ont dû bien se marrer à me torturer ! S'énerva Giselle.

La colère de la jeune femme était à son paroxysme. Non pas qu'elle soit jalouse en quoi que ce soit, elle s'en fichait royalement, elle pensait simplement avoir été prise pour une conne. Voilà ce qui la dérangeait, se persuadait-elle.

Giselle décida de partir faire un tour dans les jardins, le calme y régnait et elle n'avait pas à affronter tous les regards en coin des autres elfes. Elle n'était pas stupide, elle savait qu'elle était la bête de foire du royaume. "L'elleth étrange ne parlant même pas la langue des premiers nés". À chaque fois ou presque, qu'elle passait dans un couloir ou entrait dans une salle, des chuchotements et des regards hautains voire moqueurs se dirigeaient contre elle.

L'elleth brune s'en fichait royalement… enfin en tous cas cela ne l'atteignit pas tant que ça, elle trouvait cette situation désagréable mais ne voulait en aucun cas leur donner satisfaction, le mieux était d'ignorer.

Assise sur un banc, les yeux fermés et le visage dirigé vers le soleil, elle apprécia la douce chaleur de celui-ci sur sa peau et le vent dans ses cheveux.

– Giselle ! Cria une voix familière, trop familière.

Elle ouvrit les yeux et dirigea son regard en direction de la voix.

– Je te cherche partout, s'arrêta Edwen quelque peu essoufflée. "Tu m'étonnes qu'elle est essoufflée" se moqua intérieurement Giselle.

– Me laisser seule quelques heures ne te tuera pas tu sais, j'ai besoin de tranquillité quelques fois. Annonça Giselle, une amertume dans la voix.

– Je suis sûre que ce que je vais t'annoncer va te plaire. L'elleth n'avait pas remarqué le ton sarcastique de la brune.

– Ça m'étonnerait mais je t'écoutes, continua Giselle en détaillant ses ongles. Évitant de croiser le regard d'Edwen.

– Ce soir, une fête sera donnée en l'honneur d'Eryn Lasgalen. Nous célébrons la fin du mal qui rongeait notre belle forêt ! Il y aura beaucoup de monde, des elfes de grande importance seront présents. Annonça l'elleth blonde, des étoiles plein les yeux.

– Et ? Giselle attendit la suite de cette histoire, un air désintéressé.

– Et tu es invitée évidemment ! Il y aura de beaux ellons dont le cœur est à prendre, lui intima la blonde, le roi souhaite que tout le monde soit présent. Toi y compris.

Alors c'était ça ? Il voulait qu'elle se trouve un elf durant cette soirée pour qu'il la ramène dans son bled et qu'elle ne soit plus dans les pattes de Thranduil ? Et bien si c'est ce qu'il souhaitait, il allait être servi. Elle aussi cherchait à partir de ce royaume plein de faux semblants. Et puis, il y avait longtemps qu'elle n'avait pas fréquenté un homme, encore moins un elf, ça lui manquait.

– Une robe à été posée dans ta chambre ainsi que des bijoux, choisis par le roi lui-même, lui affirma-t-elle. Comme si c'était un honneur.

Giselle leva les yeux au ciel. "En plus il décide de ce que je porte, vivement que je me barre d'ici".

– Super, répondit Giselle en se levant sans un regard pour Edwen. À ce soir j'imagine, dit-elle en partant sans se retourner.

L'elleth blonde fronça les sourcils d'incompréhension. Elle ne comprenait pas l'attitude de Giselle, encore moins la froideur dans sa voix. Elle lui demanderait ce soir, lorsqu'elle sera plus détendue, ce qui lui arrivait.


La soirée arriva et Giselle se regarda dans le miroir. Elle devait s'avouer que la robe était magnifique, elle ne pouvait croire que le roi avait choisi une telle robe pour elle. "C'est pas un peu trop osé ?" Entre la fente sur la jambe, commençant au milieu de la cuisse, et le décolleté plongeant… elle serait gênée toute la soirée. Sa poitrine était peut-être modeste mais cette robe la mettait grandement en valeur, sans pour autant la rendre vulgaire.

Elle avait décidé de ne pas porter le collier choisi par Thranduil. Elle n'avait pas le choix pour la robe, c'était la seule qu'elle avait sous la main, mais elle devait montrer au roi qu'elle n'était pas à sa merci. "Pas de bijoux, c'est ma petite rébellion contre le grand manitou. Oui, c'est peut-être pas fameux comme rébellion mais on fait avec les moyens du bord." Sur ces pensées, la jeune femme sortie de sa chambre avec la ferme intention de s'amuser et d'oublier le roi pour ce soir.


Thranduil était présent depuis maintenant plus d'une heure à cette célébration qui avait commencé depuis presque deux heures. Il n'avait pas personnellement accueilli chaque invité tant le monde affluait, mais il avait pu saluer quelques personnes de haut rang, notamment l'un de ses anciens amis d'enfance. Un elf Noldo du nom de Tárion.

Thranduil et lui s'étaient éloignés lorsque Thranduil, encore prince, s'était attelé ardemment à sa future fonction de roi. Il était plus sérieux, moins drôle selon Tárion et une rivalité était née entre eux. Tárion étant un « simple » seigneur sous les ordres du défunt roi Gil-Galad, il avait toujours secrètement jalousé la position de Thranduil. Le Noldo comme le Sinda savaient parfaitement feindre leur contentement lors de leurs entrevues.

Il se saluèrent poliment, un faux sourire plaqué sur leurs deux visages.

Bonsoir, Aran Nín, quelle joie de vous voir ! Fit le Noldo d'un ton empreint d'ironie.

De même cher ami, j'espère que cette soirée vous sera agréable. Répondit le roi dans un quenya parfait.

Oh je vois déjà des demoiselles qui pourront égayer ma soirée, tu as toujours su t'entourer. S'amusa Tárion, soufflant la deuxième partie de sa phrase à l'oreille du Sinda.

Ce dernier ne répondit rien, il venait de remarquer l'entrée d'une certaine elleth brune. Il laissa son regard se balader sur Giselle plus qu'il ne l'aurait voulu. Elle était magnifique, sa robe épousait parfaitement ses formes, sa jambe droite apparente la rendait si élégante. Bien sûr, elle aurait pu paraître quelconque au milieu de toutes ces elleth plus belles les unes que les autres, mais son tempérament et son aura la fit sortir du lot, selon lui.

"Elle ne porte pas le collier" avait-il remarqué. Connaissant la jeune femme, cela n'était pas un simple oubli, elle continuait de défier son autorité, elle le cherchait constamment. Ses cheveux lui arrivaient juste en dessous des épaules, elle les avait laissés libres, tel quel, lui donnant ce côté sauvage qu'il appréciait. Il imaginait sa chevelure avec plusieurs centimètres en plus…

Tárion suivait le regard de son homologue, curieux de savoir ce qui pouvait tant retenir l'attention du souverain. Impossible de savoir qui il regardait exactement, la salle était bien trop pleine, mais il finirait par le découvrir. La soirée s'annonçait encore plus amusante qu'il ne l'aurait pensé.


Giselle était accoudée à un bar, sa tête appuyée sur l'un de ses poings, elle s'ennuyait et surtout, elle s'était cachée derrière la foule lorsque Edwen avait essayé de l'interpeller. La jeune femme ne savait pas quoi faire, elle en était à son deuxième verre de vin. Elle n'appréciait pas le goût plus que cela, mais elle se dit qu'il valait mieux se saouler un peu pour s'amuser un minimum ici. La musique était beaucoup trop douce et coincée pour la jeune femme pour qu'elle n'ose aller sur la piste de dance.

Ses yeux se posèrent malencontreusement sur un certain elf blond. Elle ne pouvait ignorer la classe et l'élégance de ce dernier. Ses cheveux d'argent étaient libres, seule une tiare était posée sur le sommet de sa tête. Il était vêtu d'une tunique gris anthracite aux reflets d'argent, des bottes noir ainsi qu'un long manteau d'un rouge profond, balayant le sol. Le rouge lui allait si bien, il portait souvent du vert ou du bleu ciel, pourtant le rouge faisait ressortir sa magnifique chevelure et ses yeux de glace… Elle secoua la tête lorsqu'elle réalisa que son esprit divaguait. "Non Giselle, c'est un con, il se fout complètement de toi, vas te trouver un autre elf. Ça regorge de beaux gosses ici, ce sera pas dur de le remplacer" pensa la jeune femme.

Elle se balada dans la foule, elle avait surpris deux ou trois regards appréciateurs sur sa personne et s'en délecta. La jeune femme comptait jouer sur ses charmes ce soir. Ce ne serait pas une tâche aisée, tout le monde était beau ici.

"Pas un seul moche, j'avais encore jamais vu ça. J'espère ne pas être la moche de service".

– Bonsoir, jeune demoiselle, votre soirée est-elle agréable ?

La jeune femme se retourna, surprise, haussant les sourcils.

– Bonsoir, je vous arrête tout de suite, vous êtes très charmant mais je ne parle pas Sindarin désolé.

L'ellon afficha un sourire amusé et rit légèrement.

– Cela n'était pas du Sindarin mademoiselle, mais du Quenya. Rit-il.

Il va arrêter de se foutre de moi ?

– Ah.. pardon. Ben je comprends ni l'un ni l'autre. Avant que vous ne posiez quelconque question, non je ne suis pas une elleth comme les autres, je ne connais rien à vos coutumes et encore moins votre.. vos langues.

– Il n'y a aucun problème, j'ai entendu parler de vous. Fit-il, ce sourire toujours affiché sur le visage. Je dois avouer que c'est ce qui m'a amené à vous, j'espère ne pas être impoli, si cela est le cas je m'en excuse. Fit-il une main sur le cœur, les yeux clos durant un court instant.

– Euh.. non.. du tout. Elle fut assez charmée par l'elf aux cheveux longs et noir. Ses yeux étaient d'un marron foncé, rendant son regard hypnotisant. Mais pour une raison qu'elle ne comprenait pas, elle sentit qu'elle devait se méfier de cet elf.

– Veuillez m'excuser, je ne me suis point présenté, je me nomme Tárion. L'elf aux cheveux d'ébène attrapa l'une des mains de Giselle et y posa un chaste baiser.

– Giselle.. moi c'est Giselle. La jeune femme retira timidement sa main, ses joues rosies, elle fit passer l'une de ses mèches de cheveux derrière l'oreille. Ce sera facile à retenir, j'imagine que vous n'en avez pas beaucoup ici.

Tárion ria, un peu trop fort au goût de la jeune femme. Ainsi qu'au goût d'un autre elf.

Thranduil, posté quelques mètres plus loin, ne ratait pas une miette de la scène. Ses sourcils s'étaient froncés sans même qu'il ne s'en rende compte. Il savait que Tárion l'avait vu en train de surveiller Giselle, ce fourbe a profité de la situation. Il ignorait encore la stratégie du Noldo mais le surveilla de très près.

Giselle avait bu deux autres verres que lui avait gentiment offert le Noldo. Sa tête commençait à tourner. Elle avait besoin d'évacuer. La musique était maintenant bien plus rythmée qu'en début de soirée et la jeune femme avait rejoint la danse, essayant de reproduire les pas. Le brun ténébreux l'encourageait de loin, il n'en fallait pas plus à la jeune femme pour accélérer la cadence. À son plus grand étonnement, les autres elfes la suivirent et la musique se fit encore plus entraînante.

Tárion admirait le spectacle et tourna son regard vers un Thranduil qui n'appréciait visiblement pas ce qu'il voyait. Voir sa petite protégée se déhancher de la sorte avec d'autres elfes ne le ravit point. Le Noldo se délecta de l'expression qu'affichait le visage de Thranduil, de la colère mêlée à ce qui semblait être de la jalousie.

Au milieu de la danse, la jeune femme manqua de se casser la figure avant qu'un bras fort ne la rattrape. C'était le brun ténébreux, Turion ? Torion ? Elle ne savait plus. Mais elle le remercia intérieurement. Tomber devant tout le monde n'était pas dans ses plans, surtout qu'elle avait apparemment gagné des points ce soir.

Confuse, elle se prit la tête dans les mains en riant.

– Sans vous je me serais pris la honte de ma vie je ne sais pas comment vous remercier. Ria-t-elle encore plus fort.

– Je vais vous raccompagner à votre chambre. Il s'était rapproché d'elle pour le lui souffler à l'oreille, la musique étant plus forte qu'à l'accoutumée. Venez.

La jeune femme se laissa faire, se disant que c'était plus sage.

Ils arrivaient enfin dans le couloir où se trouvait la chambre de la jeune femme mais furent interpellés.

– Giselle, j'ai a te parler, de suite ! Rugit le souverain de sa voix grave. Le tutoiement étant venu naturellement.

– Ça ne peut pas attendre demain ? Je suis fatiguée, j'allais me coucher et ce gentil monsieur me raccompagnait à ma chambre.

– Tárion, laisse nous.

Le noldo afficha un sourire victorieux et se tourna vers la jeune femme.

– Giselle ce fut un plaisir, à très bientôt j'espère. Il lui fit un dernier baise-main et se tourna vers le roi. Il s'inclina légèrement, ce sourire toujours affiché sur son visage et disparu au détour d'un couloir.

Thranduil s'approcha de Giselle, le visage impassible et lui attrapa le bras, l'entraînant dans la chambre de la jeune femme. Il claqua la porte et la lâcha.

– On peut savoir ce qu'il vous prend ? Dit-elle en se massant le bras. "C'est qu'il serre fort ce malade".

– Que comptais-tu faire au juste ? Lui demanda-t-il le plus sérieusement du monde.

– On se tutoie maintenant ?

– Réponds ! Tonna le roi.

– Je comptais me coucher ! Avant qu'un fou furieux ne m'attrape violemment le bras pour me gueuler dessus sans raison. Elle fronça les sourcils, la colère montant en elle.

– Tu ne sais pas ce que tu fais ! Cet ellon n'est pas pour toi, ne t'avise plus de rester seule avec lui, c'est bien compris ?

La jeune femme éclata de rire. Il était sérieux ? Alors lui avait le droit de coucher avec qui il voulait et elle… devait lui rendre des comptes sur qui elle voyait ?

– De quoi je me mêle ? Je vous signale que vous avez une maîtresse dont il faut vous occuper, et vous perdez votre temps avec une simple servante sans importance, ironisa-t-elle. C'était plus fort qu'elle, il fallait que ça sorte, elle n'avait pu en parler à personne jusqu'ici. Elle devait laisser exploser sa colère, et tant pis si ça tombait sur le roi lui-même.

– Comment ? De quoi parles-tu ? Fit-il, incrédule.

– Ne vous moquez pas de moi. Et de toute façon je m'en fiche, laissez-moi dormir.

– Tu as trop bu, tu ne dis que des sottises. Je te laisse dormir, nous aurons cette discussion lorsque tu auras l'esprit clair. La voix du souverain était ferme mais sa colère semblait s'être atténuée, il lui tourna le dos et se dirigea vers la sortie.

– C'est ça… l'appel d'une elleth en chaleur a dû te parvenir aux oreilles.. murmura-t-elle pour elle-même.

Thranduil s'arrêta net.

– Tu apprendras que les elfes ont l'ouïe très fine, j'ai tout entendu, lacha-t-il, je ne prendrais pas en compte ta stupide remarque. Il tourna simplement la tête et rencontra son regard. Je te ferai regretter ces paroles dès ton réveil, savoure cette nuit. Il afficha un sourire sinistre et ferma la porte derrière lui, laissant l'elleth seule et confuse.


Le réveil de Giselle fut des plus rudes. La couverture enlevée énergiquement, des rideaux tirés laissant entrer le soleil directement sur son visage lui firent cligner des yeux promptement. Deux servantes, dont l'une n'était autre qu'Edwen, s'activaient à faire la chambre et poussaient Giselle à se préparer rapidement.

– Le roi veut que tu t'habilles de ce pas. Nous allons commencer ton apprentissage plus tôt aujourd'hui et le finirons plus tard. Debout ! Dit l'elleth blonde en s'activant. Lave toi et habille toi. Nous avons du pain sur la planche.

Giselle fronça les sourcils et s'exécuta sans un mot. "La revanche a commencé". Elle ne se rebellerai pas aujourd'hui, elle ne lui donnerai pas cette satisfaction.

Giselle avait passé la matinée à « apprendre » le Sindarin, elle devait avoir appris deux ou trois mots tout au plus. Elle a dit qu'elle ne se rebellerait pas, pas qu'elle obéirait au doigt et à l'œil.

L'ambiance entre l'elleth brune et Edwen fut des plus froides. Edwen était dans l'incompréhension la plus totale sur le comportement de Giselle, et Giselle lui en voulait. Elle ne savait pas pourquoi la savoir avec le roi la dérangeait, mais c'était comme ça. Elle aurait au moins pu le lui dire.

L'après-midi fut plus calme, elle devait lire quelques livres sur l'histoire de la terre du milieu et spécifiquement sur celle des elfes. Cela ne lui déplaisait pas, au contraire elle aimait apprendre, et puis ça lui évitait de devoir parler ou encore de croiser le regard d'Edwen.

La fin de l'après-midi arriva, Giselle était fatiguée, elle ne souhaitait qu'une chose: se vautrer sur son lit et y dormir durant deux jours. Edwen l'accompagna sur le chemin du retour.

– Tu ne vas probablement pas aimer ce que je vais t'annoncer, voilà pourquoi j'ai attendu la fin de journée pour te le dire. Elle marqua une courte pause, de l'appréhension se lisait sur son visage. Ta chambre n'est plus ta chambre, tu devras désormais partager les appartements du roi. Annonça-t-elle sans regarder Giselle dans les yeux.

– Pardon !? Mais ça va pas ? outrée, Giselle ne put s'empêcher de tout lâcher. C'est quoi votre problème à tous les deux ? Vous vous liguez contre moi ? Lui encore c'est un sale con imbu de sa personne, je peux comprendre, mais toi ? Qu'est-ce que j'ai bien pu te faire pour que tu me prennes autant pour une conne ?

Confuse, l'elleth blonde mit un temps à répondre.

– Moi ? J'espère que tu plaisantes ! Je te signale que c'est toi qui ne m'adresse plus la parole depuis deux jours sans aucune raison. Tu m'évites et tu ne m'en donnes même pas la raison. Fit l'elleth, un brin de colère dans la voix. Et une dernière chose, n'insulte plus notre roi ! Cela peut avoir de graves conséquences. Tout ce qu'il fait est pour le bien de son peuple.

– Excusez-moi mademoiselle je ne voulais point offenser votre royal amant ! Répondit Giselle, amère.

La bouche d'Edwen forma un O. Elle avait peur de comprendre les insinuations la jeune femme.

– Tu crois que.. le roi.. et moi ? Comment peux-tu penser une telle chose ?

Giselle leva les yeux au ciel.

– Je vous ai vu chez lui, vous avez laissé la porte entre ouverte, pas très malin si tu veux mon avis. Affirma-t-elle avec un air satisfait.

– Alors tu devrais faire plus attention la prochaine fois que tu fouines, ce n'était pas moi !

"Elle continue de me prendre pour une débile ou je rêve ?"

– J'ai reconnu ta voix ! Et je ne fouinais pas je te signale, je venais juste apporter une pâtisserie au roi pour me faire pardonner.

Edwen se repassa le moment et se souvint de ladite pâtisserie.

– Tu t'es méprise Giselle… ce que tu as vu c'est seulement moi montrant des robes au roi… pour toi ! Il m'a fait apporter deux robes afin de choisir ta tenue pour la soirée de célébration. Elle croisa les bras, les sourcils froncés, attendant une réponse de la jeune femme.

– Aïe… je vois. Fut tout ce que Giselle pu répondre.

– Tu aurais pu venir me parler avant de faire de telles suppositions. Son visage se détendit, elle posa sa main sur l'épaule de Giselle. Tu as été stupide de réagir de la sorte, ma chère amie. Un sourire sincère s'afficha sur le doux visage de la jeune femme.

– Je suis désolée… je pensais que.. enfin que toi et lui… enfin bref. Oui j'ai été stupide et je m'en excuses. Tu me pardonnes ? Je te ferai une pâtisserie à toi aussi. L'air innocent de l'elleth brune fit rire Edwen.

– J'aime la cerise, fit-elle, lui adressant un clin d'oeil.

– Vendu ! S'exclama Giselle, soulagée par la discussion.

Edwen apprit à Giselle que ses affaires avaient été déplacées dans les appartements du roi. Un lit lui serait attribué dans la pièce principale, séparé par un pare-vent afin d'avoir un minimum d'intimité.

Sur le chemin du retour, Edwen osa poser la question qui trottait dans son esprit.

– Dis moi Giselle, pourquoi savoir le roi et moi… dans une telle relation, t'as fait réagir de la sorte ?

Giselle se pinça la lèvre inférieure, ne sachant pas quoi répondre.

– Giselle… as-tu des sentiments pour le roi ? S'inquiéta l'elleth.

– Non ! Bien sûr que non je me fiche de lui. Nous ne sommes pas du même monde. Fit la jeune femme, désintéressée.

Edwen plissa les yeux.

– Tant mieux, parce que tu risques de rencontrer sa maîtresse de temps à autre, maintenant que tu vas vivre dans ses appartements.

Giselle tourna vivement la tête vers l'elleth blonde, ses yeux agrandis par la surprise.

– Sa maîtresse !? Alors il en a bien une ? J'en était sûr mais quel c-... elle garda la fin de sa phrase pour elle-même, se pinçant les lèvres.

– Je le savais. Lacha Edwen. Tu es jalouse ! Giselle…. la jeune femme secoua la tête.

– Attends c'était un test ? Alors il a pas de maîtresse ?

– Quelle importance cela a-t-il pour toi ?

– C'est que… bafouilla la jeune femme… je veux pas me retrouver dans des situations gênantes c'est tout !

Giselle se tritura les mains, regardant le sol.

– Il n'en n'a pas, si cela peut te rassurer. Et je tiens à te mettre en garde, fais attention avec le roi. Il peut se montrer très charmant mais tu sais qu'il n'est pas libre.. à proprement parler. Je crois t'avoir parlé des elfes et de leur union, de l'âme fëa.

Giselle se rappela malheureusement très bien de cette espèce de coutume bizarre.

– Oui oui vous êtes unis à jamais avec votre âme sœur, même dans la mort.. ça va j'ai compris. J'ai du mal à l'intégrer, mais j'ai compris.

– C'est bien, je vois que mes enseignements ne sont pas en vain finalement. Ce constat semblait ravir la jeune femme. Et pour te répondre, non, notre roi n'a pas de maîtresse.

Edwen ne manqua pas de remarquer le soulagement visible sur le visage de Giselle.

– De toute façon je m'en fiche, je voulais juste être au courant.. pour m'éviter d'entendre des gémissements et autres grincements de plumard à côté de moi quand j'essaye de dormir.

La jeune femme fronça soudainement les sourcils.

– Non mais attends qu'est-ce que je raconte moi, pourquoi il me fait dormir chez lui ce malade !? Je n'ai rien fait de mal, il me punit constamment comme une gamine.

Edwen s'arrêta un instant avant d'arriver devant les appartements du roi, loin des oreilles indiscrètes.

– Tu as été vu quittant la fête avec le seigneur Tárion. Le roi ne peut tolérer cela. Je ne sais pas si tu te rends compte des rumeurs qui auraient couru à ton sujet.

– Je ne vois pas le problème, il s'est montré gentil et m'a simplement escorté jusqu'à ma porte c'est tout.

– Tárion est un… il n'est pas fiable. Cet ellon court toutes les elleth qu'il voit et se détourne lorsqu'il n'y voit plus son intérêt. Affirma l'elleth blonde.

– Et qui te dis que ce n'est pas ce que je cherchais également ?

Edwen ouvrit de grands yeux, choquée par les propos de la jeune femme.

– Ben quoi ? Ça te semble si surréaliste qu'une femme ait les mêmes envies ? Même si j'avais voulu passer la nuit avec lui, ça ne regardait personne, encore moins monsieur je contrôle tout.

– Une elleth ne doit pas avoir de telles pensées.. s'offusqua Edwen.

– Parce qu'un ellon en a le droit ? S'énerva Giselle. J'aurais pu tomber dans n'importe quel monde parallèle intéressant mais non, il a fallu que je tombe dans un monde moyenâgeux. Elle se pinça l'arrête du nez. Si j'avais voulu coucher avec le brun ténébreux je fais ce que je veux, je me fiche de vos mœurs. Si ça m'aide à oublier– enfin peu importe.

Giselle reprit la marche, tête baissée. Elle espérait qu'Edwen ne s'était pas rendu compte de ce qu'elle avait failli laisser sortir.

Edwen lui emboîta le pas, lui lançant un regard à demi triste que Giselle ne put voir.

– Donc pour résumer, reprit Giselle, je dors dans les appartements du roi pour qu'il m'ait a l'œil ?

– En résumé… oui. Confirma Edwen d'un air embêté. Je sais que ce n'est pas la vie dont tu rêves mais je t'assure que le roi est quelqu'un de bon et juste, tu verras. Si tu apprends à le connaître et à lui parler, la cohabitation ne sera qu'un détail que tu oublieras vite.

– Bien sûr… marmonna Giselle pour elle-même.

Les deux jeunes femmes s'arrêtèrent enfin devant leur destination. La gigantesque porte du roi. Edwen donna de timides coups à la porte.

Entrez. Tonna la voix grave du roi.

Edwen poussa gentiment Giselle vers l'entrée, qui n'avait décidément pas envie de bouger.

– Courage Giselle. L'encouragea la douce voix d'Edwen.

Les deux elleths entrèrent dans les appartements du roi.

Monseigneur, s'inclina légèrement Edwen.

Giselle laissa balader son regard dans la pièce en se triturant les mains. "Fascinant ce plafond" se dit-elle.

– Merci Edwen, tu peux nous laisser. Je te libère pour la soirée.

– Merci Aran Nîn.

Elle se tourna vers Giselle.

– Bonne soirée Giselle. Elle la rassura du regard avant de la contourner et sortir.

Giselle restait là, plantée devant l'entrée, ne sachant pas quoi faire ni comment se comporter. Son quotidien ne serait plus le même à compter de maintenant. Elle allait "vivre" avec le roi, il n'y avait rien de plus angoissant. Comment survivre à une telle cohabitation lorsque leurs deux mondes étaient diamétralement opposés ?