Chapitre 20 - Drago Malefoy le garçon de course, un récit de vie

Drago n'aurait pas dû s'inquiéter de l'attention de Granger. C'était le problème avec les Guérisseurs ; ils en avaient trop vu et un problème mineur comme une envenimation mortelle n'avait vraiment que peu d'intérêt quand il était en voie de guérison.

Granger ouvrit la porte, observa son cou à une distance polie, se déclara heureuse qu'il guérisse si bien, puis lui demanda ce qu'il voulait.

Il n'y avait pas de romantisme chez Granger. Pas question qu'elle s'adonne à des suggestions timides ou des suppositions en battant des cils. Elle était terriblement pragmatique.

"Hé bien ?" demanda Granger. "Y a t'il un problème ?"

Drago fit apparaitre les fleurs.

"Oh !" s'exclama Granger, avec une expression de ravissement surpris que Drago commençait à trouver plutôt addictive.

"Et non - elles n'ont pas poussé par dessus les restes du corps de McLaggen."

"Bien sûr que non," dit Granger, acceptant le bouquet. "Elles sont bien trop belles."

Drago lui fit un petit salut. "Avec les compliments de ma mère. Elle y a joint une lettre pour toi. Je dois aussi te transmettre mes exubérants remerciements, pour m'avoir sauvé la vie. S'il te plait, dis-lui que je l'ai fait, si elle te pose la question."

"Ton exubérance m'a presque fait tomber à la renverse."

"Parfait."

"Dois-je les mettre dans de l'eau ?" demanda Granger, tenant le bouquet flottant doucement devant son visage.

"Je crois que ma mère l'a enchanté pour qu'il dure - mais je suppose que ça ne peut pas faire de mal."

Granger disparut dans le cottage. "Tu peux rentrer, si tu veux." dit-elle. "Si tu n'as rien de prévu ?"

"Mon seul autre plan consiste à me faire étouffer par les elfes."

Granger claqua la langue avec désapprobation. "Pauvre chéri."

C'était la deuxième fois qu'une femme taquinait Drago à propos de ses difficultés aujourd'hui et il se sentait plutôt humilié.

"Je peux t'offrir une tasse de thé standard," dit Granger. "Est-ce que ça te changera suffisamment, après toutes les attentions que tu as subi ?"

"Assez. Fait le plutôt mauvais, même."

"Je vais oublier de faire bouillir l'eau."

"Excellent," dit Drago, s'asseyant sur une chaise de la cuisine.

Granger métamorphosa un verre en vase. Le bouquet qui flottait et bruissait fut mis à l'honneur sur le plan de travail de sa cuisine. Son chat bondit à côté et toucha les pétales en mouvement d'une patte curieuse.

"Adorable !" dit Granger. "Je vais devoir trouver comment l'enchanter pour qu'il me suive dans la maison, pour que je puisse l'admirer tout le temps."

"J'en informerais ma mère. Elle sera flattée."

Granger découvrit l'enveloppe. "Dois-je lire la lettre maintenant ou plus tard ?"

"Plus tard, s'il te plait," dit Drago. "J'en ai entendu assez à propos de son soulagement et de son trésor de fils toujours en vie."

Granger écarta donc la lettre. "Elle veut que tu démissionnes du bureau des Aurors, tu sais. Cette affaire l'a dégoûtée."

"Je sais. Elle n'a jamais aimé ça de toute façon. L'incident avec le Nundu est celui où je suis passé le plus proche de la mort. Ça lui a fait un choc."

Granger, qui était en train de caresser négligemment les jacinthes colibri, se tourna vers lui avec une grimace de culpabilité. "Je me sens très mal à ce propos."

"Toi ? Pourquoi ? Tu m'as sauvé."

"Oui, mais si je n'avais pas fait foirer ta première occasion d'attraper Talfryn, rien de tout cela ne serait arrivé."

"C'est vrai," condéda Drago. Puis il ajouta, "Je voudrais des excuses de ta loutre."

Granger parut partagée entre l'hésitation et l'amusement. Drago soutint son regard avec un sourcil haussé.

Granger soupira, puis sortit sa baguette et lança un Spero Patronum.

Sa loutre flotta jusqu'à Drago et eut l'air aussi contrit qu'une loutre pouvait l'être.

"Je suis désolée," dit la loutre.

"Tu es pardonnée," dit Drago avec une grande mansuétude.

La loutre roula des yeux, s'il vous plait, puis disparut.

"Le culot absolu de cette créature," dit Drago. Il se tourna de nouveau vers Granger. "Tu sais, si tu n'avais pas fait foirer ma première tentative, je n'aurais attrapé que Talfryn. Il s'est avéré qu'on a attrapé vingt méchants. Peut-être que ça compense."

"Vingt ? Tonks doit être enchantée."

"Elle l'est. Elle m'a offert de me laisser choisir ma prochaine mission en récompense - et de me débarrasser de cette mission de protection."

Drago avait ajouté cette dernière partie sur le ton de la conversation, poussé par une sorte de curiosité, pour voir si Granger allait réagir de façon intéressante face à la nouvelle.

Granger, qui était occupée avec le thé, se raidit. "Vraiment ?"

"Oui."

Granger mit la bouilloire en route. Elle tournait le dos à Drago mais il y avait une tension dans ses épaules. "Et ? Qu'as-tu répondu ?"

"J'ai dit non."

Ses épaules se relachèrent. "Oh, vraiment ?" dit-elle avec une nonchalance étudiée.

"Oui. Es-tu contente ? Je n'arrive pas à dire."

Granger se retourna. Son visage était soigneusement neutre. "Je pense que c'est une bonne nouvelle," dit-elle, s'adressant à un endroit au dessus de la tête de Drago. "Je n'aurais pas à m'habituer à ce que quelqu'un d'autre débarque à toute heure, comme ça. Et en plus, tu es - tu es vraiment bon. Dans ce que tu fais. Non que je pense que tes collèges ne feraient pas un bon travail."

Ils furent interrompus par le chat sautant du plan de travail sur les genoux de Drago.

"Heu-" dit Drago.

Granger avait l'air amusé. "Pat', qu'est ce que tu fais, petit idiot ? Tu vas lui mettre plein de poils dessus."

Comme si cet impératif central dans sa vie lui avait été rappelé, le chat fit quelques pas vers le torse de Drago et se frotta contre sa robe noire. Sa queue passa sous son menton.

"Est-ce qu'il - est-ce qu'il ronronne ?" demanda Drago, sentant un vrombissement puissant émaner du chat.

"Oh - oui. C'est mesurable sur l'échelle de Richter, quand il fait ça."

"Puis-je le caresser, ou va t'il me mordre la main ?"

"Tu peux essayer," dit Granger, bien qu'il y ait un doute dans sa voix.

Le chat lui permit un bref grattement sous le menton. Puis il grimpa sur le torse de Drago, sur son épaule puis sur sa tête, qui servit de point de décollage pour une étagère au-dessus de lui. Il s'installa, comme une miche de pain, entre un pot de farine et quelques herbes séchées, et l'observa de ses yeux jaunes.

Drago arrangea ses cheveux, qui n'avaient jamais été utilisés de façon aussi ignominieuse.

"J'ai oublié d'oublier de faire bouillir l'eau," dit Granger, servant le thé dans deux tasses fumantes. "Et toi - es-tu content ? Je sais que cette mission de protection n'était pas un plaisir pour tous les deux. Je suis plutôt surprise que tu ais décidé de la garder."

Drago versa du lait dans son thé, ce qui lui donna le temps de réfléchir à une réponse aimable et neutre. "Je ne voudrais pas laisser la bague de ma famille à un autre Auror - ce qui est la seule façon de garder la protection peu intrusive pour toi."

"Oh - oui. J'apprécie beaucoup."

"Et- Je pense que j'aime bien mener les choses jusqu'au bout," dit Drago. "Maintenant que je suis arrivé si loin."

"Un complétiste."

"Occasionnellement."

"La fin pourrait être dans très longtemps." Granger l'observait par dessus son thé avec une sorte d'anxiété voilée. "Encore six mois, si tout va bien."

Drago haussa les épaules. "On est en juillet. Pourquoi pas six autres mois ?"

"Ça fait vraiment déjà la moitié d'une année ?"

"Oui. J'ai commencé la mission en janvier."

Granger prit son menton dans sa main. Elle avait l'air songeur. "Six mois complets. Où est passé tout ce temps ? Et nous n'avons essayé de nous entre-tuer que deux ou trois fois. On s'en sort très bien."

"Ta dernière tentative a été la plus fructueuse à ce jour," dit Drago avec un geste vers son cou.

"Si ça avait été fait exprès, tu serais tout à fait mort, je te l'assure," dit Granger.

"Comment m'as-tu soigné ? Mère dit que tu as fais des trucs moldus."

Granger le regarda comme si elle évaluait à quel point elle allait devoir simplifier son explication. "Hé bien. Dès que tu as mentionné qu'il y avait un Nundu sur le sol anglais, j'ai pensé qu'il serait utile de faire quelques recherches."

"Evidemment."

"Aucun hôpital magique au Royaume-Uni, ni même en Europe, n'est équipé pour gérer le venin de Nundu - et encore moins notre vieille Sainte Mangouste. Je ne pensais pas que les choses allaient nécessairement mal tourner, mais je savais à quel point on était mal préparés si c'était le cas. Donc j'ai fait importer un échantillon de venin."

Drago plissa les yeux. "Est-ce que cet échantillon est arrivé alors que j'étais dans ton bureau ?"

"Oui."

"Projet personnel, mes fesses."

"C'était un projet personnel. Pour autant que je sache, ça ne mènerait nulle part. Il n'y avait aucun antidote connu, après tout."

Granger, qui était assise à la table, s'en éloigna, agita sa baguette et commença à s'échauffer pour son cours. Des diagrammes, des fioles et des molécules s'animèrent autour d'elle.

"Le venin de Nundu est une puissante neurotoxine connue sous le nom d'Alorectine - ce violet, là. Quand je me suis renseignée sur ses effets, ils avaient l'air presque identiques à ceux d'une biotoxine non magique appelée Phenytoxine - ce orange, là. C'est le venin d'un prédateur. J'ai fait quelques expériences de laboratoire pour confirmer leurs similitudes."

"Quelques expériences de laboratoire ?"

"Mon laboratoire s'avère être exceptionnellement bien équipé pour étudier ce genre de choses. Et j'étais curieuse. Les deux étaient remarquablement proches - elles sont presque indiscernables. Ces toxines opèrent toutes les deux - pour simplifier terriblement - en bloquant les canaux de sodium dans les nerfs moteurs. Elles causent une paralysie motrice presque complète et un arrêt respiratoire dans les minutes suivant l'injection."

"Un des Magizoologues nous a dit qu'un seul milligramme de venin de Nundu pouvait tuer un adulte en quelques heures."

"Correct. Tu as eu de la chance que ton équipe t'amène à Sainte Mangouste aussi rapidement. Enfin - il y a des traitements expérimentaux moldus en place pour la Phenytoxine et, hé bien, étant donné que c'était ça ou ta mort imminente, je te les ai administrés. Neostigmine, inhibiteurs de Cholinesterase, agonistes Alpha-adrenergic."

Granger conjura d'autres diagrammes à l'intention de Drago. Puis un minuscule personnage le représentant apparut, avec des cheveux platine. "Ce n'est pas techniquement un antidote, mais ton corps a pu contrer l'action de l'Alorectine jusqu'à ce que le venin cesse de faire effet et soit excrété de ton corps.

Le minuscule Drago transpira et -

"Est-ce qu'il fait pipi ?" demanda Drago.

"Oui," dit Granger.

Une minuscule infirmière arriva et tapota le minuscule Drago sur la tête. Il se leva et fit une minuscule danse de la joie. Ils disparurent tous les deux.

Une molécule d'Alorexine de lumière violette tournait toujours doucement à côté de Granger. Ses doigts étaient posés sur ses lèvres alors qu'elle l'étudiait. "Encore une autre intersection fascinante entre les approches thérapeutiques moldues et magiques. Ces entre-deux ne sont malheureusement pas explorés. Mais bon, il n'y a qu'une seule moi. Mais quand même - peux-tu imaginer un antigène artificiel qui combatte le venin de Nundu ? Un sérum antitoxique. Cela servirait les deux mondes-"

Elle se perdit dans ses pensées. Puis elle cligna des yeux, semblant se souvenir que Drago était dans la pièce, et se rassit sur sa chaise. "J'ai laissé des notes sur le protocole de traitement à Sainte Mangouste. Ils vont les partager avec nos collègues de Tanzanie. Cependant - j'espère que les envenimations par Nundu sur le sol anglais resteront anecdotique."

"Tu es vraiment unique en ton genre," dit Drago, l'observant avec son menton posé sur ses phalanges.

Granger leva les yeux de sa tasse et croisa son regard. "Arrête de me regarder comme ça."

"Comme quoi ?" dit Drago, adoucissant encore son regard et s'autorisant un vague sourire pour accentuer son expression.

"Comme si tu étais tout - tout ébloui."

"Pourquoi ?"

"Ça me perturbe."

"Tout le monde n'est-il pas ébloui par toi ?"

"Si, mais venant de toi c'est perturbant."

"Mais je suis ébloui. Hypnotisé, même -"

Granger lui jeta un regard ennuyé.

"- Professeur."

Avec un bruit irrité, Granger se leva et partit remplir sa tasse.

Drago pensa qu'elle avait l'air troublé. Ce qui était intéressant.

"Au final, tu auras marqué l'histoire comme le premier Auror qui a combattu un Nundu et survécu." dit Granger par-dessus le bruit de l'eau qui coulait.

"Je crois que je mérite de recevoir un trophée. Ou une plaque d'honneur." Drago fit une pause, puis ajouta. "Non - si quelqu'un doit recevoir une plaque d'honneur, ça devrait être toi. Je n'ai vraiment pas fait grand chose à part me tenir sur la trajectoire d'un flot de venin tout frais."

"J'ai tellement de plaques que je ne sais plus quoi en faire. Un petit malin a appelé ma collection une mosaïque une fois, tu sais."

"Quelle observation intelligente et amusante," dit Drago.

"Il le pensait aussi."

Ayant apparemment décidé que le regard perturbant de Drago avait suffisamment faibli, Granger revint à la table.

"Je dois te demander si tu as des orphelins ou une autre cause à soutenir," dit Drago. "Ma mère et moi souhaitons ajouter notre considérable participation à la résolution d'un problème que tu as à cœur."

"Ce n'est absolument pas nécessaire," dit Granger avec une fermeté qui aurait offensé Narcissa. "Je ne faisais que mon travail."

"Mauvaise réponse. Réfléchis à quelque chose."

"Héberger une réunion d'information sur les Fléreurs."

"Soit sérieuse."

Granger le regarda, vit qu'il était lui même sérieux et soupira. "Je réitère que je ne faisais que mon travail."

"C'est vrai. Mais peut-être un peu plus que ça," dit Drago, faisant écho aux paroles de Granger dans un lointain lobby.

"Tss."

"Non ? Pas du tout ? Avec ces petites recherches supplémentaires que tu as faites ?"

"Peut-être un peu," dit Granger, retenant un sourire. "Je vois que je dois surveiller mes paroles avec toi, ou mes propres mots seront retournés contre moi."

"Moi de même," répondit Drago, parce que c'était vrai. "Alors, qu'est ce que ça sera ? Nous serions enchantés de contribuer à financer tes recherches. J'ai entendu dire que ça coûtait la peau des fesses de faire tourner un laboratoire."

"Fait une contribution à Sainte Mangouste, plutôt. Si tu y tiens vraiment."

"Pas à tes propres recherches ?"

"Non. Ça ferait plus de bien à Saint Mangouste dans l'immédiat, je pense."

"Une aile en particulier ?"

Granger réfléchit. "Quel genre de somme les généreux Malefoy ont-ils en tête ?"

"Grosse." dit Malefoy. "Tu m'as sauvé la vie."

"Quantifie grosse."

"Tu verras."

Granger plissa les yeux vers lui. "Alors dédiez-la à l'aile Janus Obavard, celle des résidents en hospitalisation longue-durée. Elle est terriblement vieille et sombre."

"Accordé."

"De manière générale, il serait sympa qu'il y ait plus de fenêtres."

"Très bien."

"Plus de suites privées, aussi. Une salle d'exercice. Un piano. Une petite bibliothèque. Une piscine ?"

Ce dernier item fut proposé avec une sorte d'hésitation interrogative.

Drago haussa un sourcil dans sa direction.

Granger leva les mains. "Quoi ? Tu as dis grosse sans me le définir."

"Je te promets que ma définition grosse ne te décevra pas."

"Je vais réserver mon jugement tant que je ne verrai rien de concret." dit Granger.

"Je sais - tu préfères voir les choses en vrai."

"Exactement."

Ils se regardèrent.

Drago demanda "Sommes-nous toujours en train de parler d'argent ?"

"Evidemment," dit Granger, l'air guindé. Pendant un moment, il crut voir passer l'ombre d'un sourire, mais si c'était le cas, elle l'avait vite contrôlé.

"J'ai noté toutes tes requêtes," dit Drago. "Excepté la foutue piscine ; je pense qu'ils n'ont pas la place. Pourquoi aurais-tu besoin d'une piscine ? Faire un plongeon avec les patients ?"

"Ce n'est pas pour moi," dit Granger. "L'hydrothérapie est merveilleuse pour de nombreux maux : douleur chronique, exercice postopératoire, traitement de lésions nerveuses ou de blessures à la colonne vertébrale. Et pour les résidents de longue durée présentant un déconditionnement important, c'est un excellent moyen de les aider à reprendre une activité physique, mais en douceur. Je sais que je rêve. Mais tu as dit grosse."

À présent, Granger s'enfonçait dans une rêverie, ses pensées parties loin, dans une sorte d'aile Janus Obavard idéale où des patients joyeux caracoleraient dans un studio d'exercices, joueraient du piano et feraient des plongeons dans des piscines. Elle avait les yeux pleins d'étoiles, les mains jointes sous le menton, un sourire aux lèvres.

Elle n'avait même pas accepté son offre de financer ses propres recherches. Avait-elle besoin d'être si bonne ? Si généreuse ? Si pure ?

Dans un moment aussi épiphanique que surprenant, Drago réalisa que ce n'était pas lui - ni aucun autre Sang-Pur - qui était pur. Granger était plus pure qu'eux dans tous les domaines qui avaient de l'importance. De cœur et d'esprit. Bien sûr. Pas d'arbre généalogique, ni de mariages endogames, ni de tapisseries, seulement une pureté d'intention.

Il regarda autour de lui, s'attendant presque à ce qu'un troupeau de licornes descende sur son cottage pour se faire caresser.

"Bien que, honnêtement, au point où ils en sont, même une nouvelle couche de peinture et un charme de Joie sur la Guérisseuse Crutchley serait une grande amélioration," dit Granger, revenant au présent. "Je devrais la piéger et le faire moi-même."

Elle remarqua le regard silencieux de Drago. "Quoi ?"

"J'attends que les licornes arrivent," dit Drago.

"Les licornes ?"

"Rien," dit Drago. "Oublie ça."

Granger se leva pour emmener leurs tasses vides jusqu'à l'évier, le regardant par-dessus son épaule avec méfiance. Drago se leva également pour apporter leurs cuillères, même s'il aurait tout aussi bien pu les faire léviter. Mais elle le faisait à la main, et il était chez elle, donc il faisait comme elle, et ce n'était pas du tout une excuse pour rester à proximité d'elle.

Ce beau raisonnement achevé, Drago aborda un nouveau sujet de conversation. "Est-ce que le livre s'est révélé utile ?"

C'était un sujet extrêmement bien choisi.

"Oui !" Granger tapa dans ses mains. "Très utile !"

"Hé bien, je suis content -"

Il avait ouvert les vannes à un flot d'enthousiasme. Granger le traîna jusqu'à la pièce principale avant qu'il ne puisse finir sa phrase. La nouvelle copie des Révélations était sur un socle, recouverte de charmes de stase et d'un petit inventaire d'alarme de protection.

À présent, Granger parlait rapidement, avec beaucoup d'excitation. "Tu avais vu à quel point ma propre copie était endommagée (ne ment pas, je sais que c'est le cas) - j'avais peut-être trente pour cent du texte dans sa forme intégrale. J'ai pu en tirer certaines conclusions, mais je me serais vite retrouvée dans une impasse."

Elle annula les charmes, jeta une sorte de sortilège de protection sur sa main et ouvrit le livre. "Dans cet exemplaire, la seconde moitié est presque entièrement intacte. Regarde. Regarde ! Spectaculaire. Je n'aurais jamais imaginé qu'un autre exemplaire existait, ni qu'il serait à moitié aussi bien conservé. Avoir tout cela à ma disposition a été un cadeau. Un cadeau ! Je ne pourrais jamais te remercier assez ! Je pourrais juste - je pourrais te presser comme un citron," termina-t-elle en se tordant les mains à la place.

Les mots franchirent les lèvres de Drago avant qu'il ne puisse les arrêter. "Tu peux, tu sais."

"Je peux quoi ?"

"Me presser comme un citron."

Il ne s'était pas attendu à la force de son assaut. Elle sauta pour atteindre son cou, l'entoura de ses bras et le serra dans une étreinte de sincère gratitude. Il l'entoura d'un seul bras poli - pour garder l'équilibre, ou quelque chose du genre. Elle sentait le thé et le sucre et la sentir contre lui était délicieux.

"Un jour," dit Granger quelque part dans son cou, "Je t'expliquerais pourquoi c'est si important."

Drago attendit que sa langue lui fournisse une réponse pleine d'esprit, mais il se retrouva confronté à un vide lexical absolu. Rien d'intelligent ne sortit. Rien d'insensé non plus. Il aurait tout aussi bien pu être Stupéfixé.

Il fit une erreur tactique en baissant les yeux, puis il vit son regard chaleureux, et son sourire, et - oh non. Maintenant, il avait envie de l'entourer de ses bras - pour de vrai, pas à moitié comme il le faisait bêtement - et de la soulever. En faire un véritable câlin, de tout son corps, un contact complet - c'était ce qu'il voulait. Et peut-être la déposer sur le dossier du canapé ; cela semblait être la bonne hauteur. Et puis - d'autres choses.

Il ne fit pas ces choses. Parce qu'il n'était pas un idiot. Et qu'elle s'enfuirait en hurlant. Et le giflerait probablement. C'était Granger.

Granger, satisfaire de son étreinte, le relâcha et retourna à son livre, absolument pas perturbée, pendant que Drago restait là, sans un mot, comme un crétin muet.

Elle reprit sa visite guidée enthousiaste du tome, désignant quelques marques sur les bords des pages. "Même les notes de marge ne sont pas endommagées - cela représente quelques centaines d'années de commentaires, tu sais. Des couches et des couches de commentaires. Fascinant. Regarde. Regarde. Malefoy, tu ne regardes pas."

"Je regarde," dit Drago.

C'était un menteur ; il flottait quelque part dans les confins de l'univers, dans un état d'hébétude bienheureuse.

Granger continuait sa démonstration. "Les enluminures de cette page sont vraiment somptueuses. Tu penses que c'est de la vraie feuille d'argent ?"

"Heu - ça se pourrait," dit Drago.

Son sang était saturé d'hormones de bien-être. Il avait treize ans et une fille l'avait serré dans ses bras. Il y avait un Retourneur de temps en fonctionnement. C'était de cela qu'il s'agissait. Il n'y avait aucune autre explication pour être si bêtement étourdi par un seul stupide câlin.

"Magnifique !" dit Granger, montrant une autre enluminure, un dragon vert. "Ça vient de la légende de Saint George. Et là c'est sa croix - le morceau rouge et blanc."

"Oui."

Granger sembla sentir qu'elle avait perdu l'attention de son public. Avec un petit soupir de joie, elle referma le livre. "J'ai presque fini de tout numériser. Ensuite, je ferai envoyer cet exemplaire à la bibliothèque de King's Hall. La bibliothécaire va en tomber de sa chaise. J'allais l'offrir sous ton nom."

"Fais-en un cadeau commun, plutôt," dit Drago.

"D'accord," dit Granger. Elle remis en place le charme de stase sur le livre. "Ça donnera à la bibliothécaire une autre raison de tomber de sa chaise."

"Comment ça ?"

"Nos noms ? Ensemble ? Sur un cadeau ?"

"Elle pensera qu'on a perdu un pari."

"Laissons la penser ça. C'est toujours mieux que la sinistre vérité à propos du chantage et des réparations pour le fantasme d'infirmière de McLaggen."

Drago grimaça. "Au moins Malefoy-Granger ça sonne bien."

"Je te demande pardon ? Ce serait Granger-Malefoy, si ça devait être quelque chose. Dans l'ordre alphabétique-"

La phrase de Granger s'acheva dans une tentative de réprimer un bâillement.

Drago saisit la perche. "Je devrais partir."

"Désolée," dit Granger, baillant encore. Elle l'accompagna à la porte. "Je suis absolument claquée."

"Tu en as l'air."

"Charmant. Merci."

Drago aurait pu formuler une vérité secrète sur la façon dont la fatigue s'était incarnée en elle. Comment les cernes sous ses yeux témoignaient du travail inlassable d'un esprit brillant. Comment sa tresse sinueuse lui donnait l'air ingénu et invitait les doigts à jouer avec les boucles qui s'en échappaient.

Il aurait pu. Il ne le fit pas. Il n'était pas stupide.

Granger ouvrit la porte d'entrée. Drago passa devant elle pour sortir en effleurant son bras contre son épaule. Il entra dans la nuit de juillet baignée du clair de lune, douce des senteurs de l'été.

"T'a-t-on déjà dit que tu essayais de faire trop de choses à la fois ?" demanda Drago.

"Mmmoui. Il n'y a même pas une heure, au bar."

"Bien."

"Harry et Ron t'ont-ils mandaté pour appuyer leur message ? Ou Neville ? Ginny ?"

Drago ricana. "Je ne leur servirais pas de messager. Je suis content qu'ils aient remarqué et qu'ils ne soient pas des amis abyssalement inutiles."

"Oh, parce que toi et te amis êtes la quintessence de l'amour désintéressé et du soutien," dit Granger, haussant un sourcil dans sa direction.

"De vrais parangons, Granger."

"Tss."

Granger était encadrée par la lueur dorée du cottage derrière elle - des lumières douces et un feu dans l'âtre. Son ombre vacillait sur le perron. L'ombre de Drago était plus sombre, projetée par derrière, une ombre lunaire croisant délicatement la sienne.

Il regarda leurs ombres s'entrelacer et se désentrelacer alors que Granger changeait de position pour s'adosser au cadre.

Et c'était une chose étrange, parce qu'elle était fatiguée, et il était sur le point de partir, et pourtant ils semblait qu'ils s'attardaient tous les deux.

Il avait envie de s'attarder. C'était bon de s'attarder. De se tenir sous les glycines qui se fanaient, de regarder leurs ombres fusionner, et de se chamailler sur des choses sans importance. Il y avait quelque chose de terriblement précieux là dedans. Peut-être parce que c'était inutile. C'était juste pour le plaisir. C'était juste parce que.

Il la regarda en quête d'un changement, d'un signe d'impatience, mais il n'y en avait pas. Seulement une hanche contre le cadre de la porte, un bras enroulé lâchement autour de sa taille. Elle parlait de la mère de Drago maintenant, lui demandant de lui dire qu'elle adorait les fleurs. Il lui répondit quelque chose, quelque chose auquel elle pouvait répondre, pour continuer à faire durer le moment.

Elle rit à quelque chose. Leurs regards se croisèrent. Drago se sentit étourdi et troublé. C'était encore l'anesthésie, la sensation que le monde était en mouvement, une lente rotation.

Granger était en train de cueillir paresseusement quelques brins de glycine. Il demanda si c'était là toute l'étendue de sa composition florale. Elle dit que oui, était-il impressionné ? et lui tendit le bouquet tombant.

Il dit que c'était la chose la plus adorable qu'il n'ait jamais vue. Il tendit la main pour le prendre. Il posa le bout de ses doigts contre les siens.

Dans ses veines ce n'était plus du sang mais de la légèreté.

Son contact dura probablement trop longtemps. Il se demandait comment appeler cette chose, ces regards, ces contacts, ces instants volés. Ce vertige provoqué par le plus platonique des câlins. Ce désir d'être proche. Il n'était pas assez stupide pour appeler cela de l'amour, et c'était trop délicat pour être du désir, mais ce n'était pas rien non plus. C'était Quelque chose.

Oui. À moins qu'il ne se trompe complètement, il y avait Quelque chose entre Granger et lui.

Voilà qui était juste une exquise catastrophe.