Ohayo mina !

Hé bien, quel accueil !
Vous n'imaginez pas à quel point ça m'a fait plaisir de vous avoir retrouvés ici, sur cette nouvelle histoire _o/
Vos reviews et vos messages étaient super encourageants, vraiment, je redécouvre ce côté de FF que j'avais apprécié et que j'ai aimé retrouver ces derniers jours. Je vous aime !
Merci encore mille fois !

J'aimerais apporter une précision : dans cette fiction, il n'y aura pas spécifiquement que du "Law/Luffy", il y aura d'autres pairings (au sens large) qui se rajouteront, mais je veux pas trop vous dévoiler de personnages donc, pour l'instant, je ne dis rien de plus, ça viendra en son temps.

Comme avant, les guests sont en bas de page, je vous souhaite une bonne lecture avec le chapitre 1 (un peu plus court que les autres à suivre), et...

Enjoy it !


Chapitre 2 :

Jour 1. Conséquences.

Marina District, San Francisco, Californie.

Brutalement, Luffy se laissa retomber en arrière, tirant le drap sur sa tête, recroquevillé sur lui-même, serrant ses bras autour de lui.

Il avait si souvent fait ça, étant enfant, priant pour que tout s'arrête, que tout s'efface, n'importe quoi pour échapper à ce qui le terrifiait, mais force était d'admettre que ça ne fonctionnait pas plus qu'à l'époque.

- J'te déteste… ! cracha-t-il dans son oreiller. J'te déteste tellement… !

Il n'obtiendrait aucune réponse, bien sûr – il n'avait jamais pu lui parler de vive voix, à cœur ouvert dans un face-à-face sain et franc, et jamais il ne le pourrait. Et, dans le merdier immense qu'était sa vie, c'était ce qui le désespérait le plus, à dire vrai.

Repoussant rageusement la couverture, envoyant voler la note au passage, il se leva et traversa chambre, ouvrant sèchement la porte avec l'intention de tout nettoyer avant que son père ne se réveille, mais les éclaboussures pourpres parsemées dans l'escalier lui firent comprendre, instantanément, que c'était illusoire.
Il dévala les marches et contempla, effaré, les minces traînées de sang sur le carrelage, la crédence, la porte d'entrée, les rideaux de la baie vitrée ; jamais encore il n'était allé aussi loin, et Luffy sentait sa résistance à la pression s'amoindrir un peu plus à chaque souillure purpurine qu'il découvrait.
Le pire moment de sa vie. Ça ne pouvait pas être autre chose.
Il aurait tant aimé que tout cet étalage de sang ne soit qu'un cauchemar, mais visiblement, le vent ne tournait pas en sa faveur, pour cette fois ; tournant sur lui-même, il considéra les dégâts d'un coup d'œil affolé, sans même savoir par où commencer, si seulement c'était possible. Il en était là de ses réflexions quand un crissement de pneus résonna dans l'entrée de la maison, suivi de plusieurs autres, et de claquements de portières.

Les voix étaient nombreuses, et inutile de sortir de St-Cyr pour savoir que les flics ne se déplaçaient pas en groupe pour une visite de courtoisie à 7 heures du matin, que la pendule venait de marquer dans le salon au moment où un réveil sonna, à l'étage.

Le pire timing au monde, et il avait l'horreur d'y assister en direct.

La sommation d'ouvrir ne tarda pas, et Luffy entendit la porte de la chambre de son père grincer quelques secondes plus tard.

Correction : ça pouvait être encore bien pire, en réalité.

Son cœur rata un battement quand le bélier heurta le battant dans un fracas sonore ; les pas s'arrêtèrent, sur le palier, et se firent entendre dans les marches l'instant suivant, rythmés par le son du cylindre qui vint percuter la porte de l'entrée, fendillant le bois de toutes parts. La bouche sèche, Luffy leva les yeux vers l'escalier où son père se tenait à présent, les yeux écarquillés, stupéfait.

- … Luffy…

Il ouvrit la bouche, mais le craquement sec que fit la porte quand elle céda lui coupa la parole, alors que deux hommes s'engouffraient dans la maison, armes braqués sur lui.

- À TERRE ! hurla le premier. Vous, vous reculez ! vociféra-t-il à l'homme resté planté dans l'encadrement des marches, une main crispée sur la rambarde pour ne pas s'effondrer.

- … pardon, Papa, murmura Luffy en s'efforçant de garder ses yeux rivés dans les siens.

- … Luffy, répéta-t-il, hébété. Qu'est-ce que…

- TU TE COUCHES ! cria l'agent en pressant le canon de l'arme à l'arrière de son crâne.

- … je… j'suis désolé, j'ai… je voulais pas–

Sa confession prit fin quand une main le poussa brusquement à terre, sa tempe heurtant le carrelage dans un bruit sourd ; il serra les dents quand ses bras furent tirés en arrière, un talon pressé entre ses omoplates le maintenant au sol, limitant ses mouvements et sa vue à un parterre de pieds chaussés de rangers entrant dans sa maison, suivis de types en blouses blanches et sur-chaussures bleues.

Irréel.

Voilà tout ce qui lui venait à l'esprit, à cet instant.

Impossible que tout ça n'arrive en vrai.

Pas là.

Pas maintenant.

Pas comme ça.

« Gère le reste, hein ? Mon cul, ouais. Connard. »

- Reculez, Shanks, s'il vous plaît, lança une voix au-dessus de lui.

- … non, souffla son père d'un ton blanc qu'il ne lui connaissait pas. Pourquoi vous–

Luffy réprima une plainte sonore quand les menottes mordirent ses poignets et se tortilla contre le pied qui l'étouffait, le cœur battant à tout rompre.

- Monkey D. Luffy, marmonna un autre agent au-dessus de sa tête. Vous êtes en état d'arrestation pour le meurtre de Néfertari Vivi.

Ce nom ne lui disait absolument rien.
Le vide total, l'inconnu complet.

- Dès à présent, vous avez le droit de garder le silence, si vous ne voulez pas exercer ce droit, tout ce que vous direz pourra être utilisé contre vous.

Les Droits Miranda.
Et dire qu'il avait toujours trouvé un cachet fou à cette loi, quand il l'entendait dans les nombreux films policiers qu'il avait regardés depuis son enfance.

- Vous avez le droit à ce qu'un avocat soit présent pendant votre interrogatoire, si vous n'en avez pas les moyens un avocat d'office pourra vous être accordé par la cour. Si vous choisissez de parler à un officier de police, vous avez le droit de mettre fin à l'interrogatoire à tout moment. Avez-vous compris ce que j'ai dit ? ajouta-t-il après un silence. Voulez-vous répondre à nos questions sans un avocat ?

Il garda obstinément le silence, les yeux rivés sur les bottes noires figées à quelques centimètres de son visage, la vue brouillée par les larmes qui roulaient sans bruit sur le sol, noyées dans les traces de sang séché qui semblaient tout recouvrir, à cet instant.

Il était… fatigué, de tout ça.

Usé de ce petit jeu, de ce cache-cache éternel, de ces défis et des conséquences qui en découlaient, toujours plus lourdes à chaque fois, plus graves, difficiles à cacher.

Il avait déjà corsé les règles, mais peut-être que lui aussi ne s'était pas imaginé échouer, ce qu'il avait lamentablement fait, cette nuit, à n'en pas douter.

Peut-être était-ce la meilleure façon d'en finir, tout compte fait.

De se faire enfermer à vie dans un endroit où il ne serait plus jamais sous son influence, obligé de jouer à ses jeux macabres, obligé d'assumer pour lui, là où il n'avait jamais rien demandé, du plus loin que remontait sa mémoire.

Deux mains le saisirent sous les aisselles et le redressèrent d'une traite, ce qui ne l'empêcha pas de chanceler, étourdi par le brusque afflux de sang dans le bas de son corps ; ses yeux se posèrent sur Shanks, qui n'avait pas quitté son fils du regard, mais qui semblait demeurer… vide. Bien que Luffy connaisse assez cet homme pour reconnaître une culpabilité sans nom dans ses prunelles, un nombre incalculable de regrets et de doutes qui se mêlaient de manière aussi confuse dans l'esprit de son père que dans le sien.

- … Papa…, haleta Luffy en se tendant vers lui. S'il te plaît…

Shanks traversa les quelques mètres qui les séparaient trop rapidement pour que les flics puissent réagir, et empauma sa joue pour poser un long baiser sur son front, sous ses cheveux poisseux de sang ; Luffy ferma les yeux et se tendit quand un agent les sépara en sommant à Shanks de ne rien faire de stupide au risque de se voir accusé d'entrave à la justice. La dernière chose qu'il vit, avant d'être emmené sous le regard des voisins accumulés sur la pelouse, ce fut la bouche de son père lui soufflant qu'il l'aimait, quoi qu'il arrive.

Les murmures sur son passage formaient un bourdonnement incohérent d'où sortaient quelques mots, un début de rumeur, de commérages insupportables, et qui ne faisaient que souligner l'horreur que Luffy sentit au plus profond de son ventre quand il aperçut son reflet dans la vitre de la voiture de son père, le visage couvert de traînées vermeilles, les épaules et le cou parsemés de griffures – la dernière preuve de vie de Néfertari Vivi. Luffy eut tout juste le temps de songer qu'il avait largement mérité tout ça avant que la portière de la voiture de flics ne s'ouvre pour le faire asseoir à l'intérieur, loin de la cacophonie bourdonnante qui régnait de l'autre côté de la vitre fumée.

Un jeune homme en uniforme était assis près de lui, et son regard exprimait une frousse que Luffy ne s'expliquait pas, mais dont il comprenait totalement en être la source.

… qu'est-ce qu'il avait encore fait, cette fois-ci… ?

Le trajet en voiture se fit dans un silence oppressant, le chauffeur lui-même gardant un œil sur lui dans le rétroviseur, à travers le grillage qui le séparait de l'arrière ; le flic à ses côtés, à peine plus vieux que lui, venait de recevoir pour ordre de l'abattre d'une balle dans la tête s'il attentait à sa vie, mais Luffy savait que cet évènement n'était pas près de se produire – maintenant qu'il était pleinement conscient et éveillé, ça ne risquait pas d'arriver, et quand bien même il détestait sa vie en ce moment-même, jamais il ne s'autoriserait à y mettre fin maintenant.

Il avait un minimum de connaissances sur la lourdeur du système pénal, et il savait ce qui l'attendait, à cet instant : au vu de la rapidité et de la violence de l'arrestation, un juge du district avait dû recevoir une demande administrative expresse au beau milieu de la nuit, et il allait être mis en détention pendant des jours entiers, où interrogatoires et visites d'un avocat s'enchaîneraient. L'affaire allait enfler, surtout vu le monde réuni de bon matin sur le pas de la porte de leur maison, et il ignorait si un huis-clos serait prononcé ou non.
Honnêtement, c'était ce qu'il souhaitait le plus au monde, à cet instant : que rien ne sorte, que sa famille puisse vivre la vie la plus normale possible, sans avoir à pâtir de ses erreurs et des siennes ; que Shanks ne souffre pas plus qu'il ne devait déjà souffrir, à cet instant, et qu'ils l'oublient. Qu'ils l'oublient au fond de sa cellule, sans plus jamais avoir à se préoccuper de lui et de tout le malheur qu'il leur apportait.

Et dire que la veille, il barbotait dans leur piscine avec Usopp et Sanji en imaginant déjà ce qu'ils allaient faire de leur été une fois leurs partiels terminés… Il avait la nausée. Une nausée tenace, intense au point de l'étourdir, et il savait qu'il devait impérativement se calmer sous peine de faire une crise d'angoisse qui serait très mal accueillie par les agents chargés de l'escorter.

Ils roulèrent longtemps, serpentant à travers la ville avec le cortège d'autres agents, grillant feux et stops coup sur coup pour rejoindre au plus vite le commissariat et être certains de l'avoir sous les verrous une bonne fois pour toutes.

Le policier près de lui fouilla sous le siège et en sortit une couverture sous sachet, qu'il ouvrit et déplia pour la mettre sur sa tête et ses épaules ; Luffy hocha la tête en guise de remerciement et garda les yeux baissés sur ses pieds nus, attendant que la voiture ralentisse et s'arrête pour se recroqueviller. Les agents descendirent d'un même geste, sa portière s'ouvrit et la couverture fut rabattue sur lui, le coupant visuellement du monde extérieur – il vacilla quand le bruit d'un obturateur à prises multiples résonna quelque part sur sa droite, et que questions et cris fusèrent tout autour de lui, alors qu'on l'entraînait à vive allure vers la gauche, l'obligeant presque à courir sur le bitume râpeux qu'il apercevait sous lui.

Le silence revint aussi soudainement qu'il avait disparu, une minute plus tôt, et la couverture fut tirée sur ses épaules, le laissant voir l'intérieur du bâtiment judiciaire où tout le monde avait le regard braqué sur lui – il rougit, sachant que son embarras ne se remarquerait pas sous le sang qui le maculait, et détourna le regard, incapable d'assumer le poids des yeux accusateurs qui le suivaient sur son passage.

Ce qui suivit lui sembla un mélange confus de photographies, prélèvements corporels, fouille, examens approfondis, des photographies, encore, qui lui parut durer une éternité, avant qu'on ne l'escorte jusqu'à une salle de bain sommaire où il eut enfin le droit de se débarrasser de tout ce fluide qui lui collait à la peau – sous étroite surveillance, mais ça lui était totalement égal, il avait été scruté nu sous toutes les coutures et c'était bien le cadet de ses soucis à présent. Des vêtements l'attendaient, également ; rien d'esthétique, un jogging, un tee-shirt quelconque et une paire de claquettes, assez pour le tenir au chaud le temps des interrogatoires, car peu importe le danger potentiel qu'il représentait aux yeux des autres, il était impensable de le laisser quasiment nu dans une cellule pleine à craquer de types qui avaient envie de s'en prendre au premier venu.

Quand il fut conduit dans la salle d'interrogatoire, au moins trois heures après son arrivée, tout ce qu'il voulait à cet instant était dormir, pour se soustraire à tout ça ; pour oublier, même quelques heures. La pièce étant déserte – même s'il soupçonnait le contraire à en juger par la présence d'une grande glace sans tain – il en déduisit qu'il avait quelques minutes pour fermer les yeux et posa sa tête sur ses bras croisés menottés à la table, laissant ses paupières le couper de la lumière blanche accrochée au plafond.

Mais tout ce qu'il voyait, en fermant les yeux, c'était le sang sur les murs. Le drap. La note, laissée à son intention.

Il serra les poings et s'efforça d'ignorer tout ça, mais la porte de la salle s'ouvrit l'instant suivant, coupant court à ses tentatives. L'homme qui entra arborait un visage fermé, la dureté de ses traits accentuée par son bouc taillé au cordeau, le regard perçant comme celui d'un faucon. Luffy haussa les sourcils, stupéfait – il ne s'attendait pas du tout à voir cet homme débarquer dans cette pièce, et pourtant, c'est à retardement que son cerveau lui rappela qu'il avait toutes les raisons du monde de se trouver ici.
L'avocat de son père.

- ... Mihawk ?

- Bonjour, Luffy, murmura-t-il en ouvrant une mallette remplie à ras bord de chemises colorées soigneusement classées, dont l'une portait son nom complet. Shanks m'a appelé il y a moins d'une heure.

- Je n'ai pas–

- C'est moi qui parle, le coupa-t-il en levant le doigt. Toi, ne dis rien, ils nous écoutent déjà, notre conversation n'est pas privée.

Il acquiesça et tritura son tee-shirt, regardant Mihawk feuilleter son dossier – comment il avait réussi à réunir tant d'informations en si peu de temps, ça le dépassait complètement, mais après tout, chacun son boulot : le sien était de ne pas la ramener, à cet instant, et de se laisser guider par l'homme de confiance de son père.

Mihawk lui tendit une bouteille d'eau et une barre de céréales, que Luffy engloutit aussitôt quand l'avocat lui murmura que ça serait sûrement son unique repas avant un long moment ; ils en étaient là de leurs échanges quand la porte s'ouvrit à nouveau, sur un homme que Luffy avait déjà aperçu du coin de l'œil aux informations, à plusieurs reprises : le chef de police du district en personne, Sakazuki Akainu. Son ventre se serra, les deux hommes s'évaluèrent du regard et Akainu reporta son attention sur Luffy, dardant son regard noir dans le sien.

- Aucune raison que j'y aille par quatre chemins, marmonna-t-il. T'es dans la merde, gamin.

- Les charges exactes contre mon client, s'il vous plaît, murmura Mihawk en croisant les jambes, un air défiant sur le visage.

- Actes de torture et de barbarie ayant entraîné la mort, et meurtre, par extension, rétorqua-t-il en restant debout de l'autre côté de la table, dominant au possible.

La sentence tomba comme un couperet, et Luffy sentit son corps lutter pour conserver sa dignité et ne pas s'évanouir devant ce type qui avait l'air de vouloir le tuer pour en finir au plus vite.

- Irréfutable ?

- L'autopsie est en cours, prélèvements terminés sur la victime et le suspect, en attente des résultats pour l'instant. Des caméras de surveillance ont tout filmé de A à Z.

- La qualité de l'image ? poursuivit Mihawk en prenant des notes.

- On peut voir jusqu'à la cicatrice sur son visage.

L'avocat inspira profondément et se pinça l'arête du nez, les yeux clos ; Luffy, lui, sentait la honte lui incendier le visage – à la place de Mihawk, il aurait traité son client de gros taré et se serait taillé, mais voilà : il était tout sauf à sa place, en ce moment. Il devait se contenter de subir et d'encaisser, comme un homme.

Akainu se frotta le visage, souleva sa casquette pour passer une main dans ses cheveux noirs et replaça sa coiffe, avant de fixer Luffy avec intensité.

- Honnêtement, tu n'as aucune – entends bien – aucune chance de t'en sortir ; peut-être que toi, la torture, ça te fait bander, mais c'est certainement pas le cas des jurés qui seront là, et y'aura forcément des femmes, qui vont se sentir encore plus concernées que les hommes, crois-moi, j'en ai assez vu pour savoir qu'elles auront pas une once de clémence envers toi.

- Qu'est-ce que vous suggérez ? intervint l'avocat en faisant signe à Luffy de se taire.

La négociation. Surtout, ne pas se braquer, ne pas s'attirer les foudres de celui chez qui votre image était épinglée en tête de liste pour le petit-déjeuner. Une méthode comme une autre, qui surprenait Luffy, mais après tout : il n'avait aucune expérience dans le domaine.

- Plaider coupable. Ça lui évitera San Quentin.

- … quoi ? s'écria Luffy, les yeux écarquillés.

- Tais-toi… ! souffla Mihawk en le vrillant du regard.

- San Quentin ?! C'est pour les condamnés à mort, ça ! Comment c'est–

- Possible ? railla Akainu en plaquant ses mains sur la table d'acier pour se pencher vers lui, les dents serrées. T'as vraiment la mémoire courte, Monkey… ?

Luffy eut un mouvement de recul mais les menottes fixées à la table l'empêchèrent de fuir ; le cœur battant à tout rompre, il regarda Akainu s'approcher et le toiser avec mépris, le regard noir.

- Tu sais pourquoi on condamne à mort la vermine qui n'a commis qu'un seul et unique meurtre ? Quand ils sont considérés comme… attends, laisse-moi te rappeler la formule, des crimes capitaux, dits aussi « spécialement haineux, atroces, dépravés et cruels », susurra-t-il. Et vu ce que t'as fait subir à cette pauvre gosse, crois-moi, tu vas pas y couper.

- Je me rap–

Cette fois, Mihawk lui plaqua une main sur la bouche, hors de lui. Pas besoin de mot, Luffy avait saisi le message : pas d'argumentation. Maintenant, définitivement, il devait se taire et laisser son avocat faire le boulot, avant que l'interrogatoire officiel en règle ne débute.

La grande question qui demeurait, chez Luffy, était la nature des renseignements de Mihawk sur son compte ; les feuilles blanches étaient couvertes de prise de note en sténo, incompréhensible pour le commun des mortels, mais qui en disait long sur la volonté de l'homme de ne rien divulguer à personne par erreur, ou à cause d'yeux indiscrets.
Est-ce que Shanks lui avait tout dit ? Est-ce qu'il lui avait parlé de Lui ? Impossible de savoir, à cet instant, il allait devoir attendre pour ça.
Il allait… se ridiculiser, pendant l'interrogatoire. À moins qu'ils ne le prennent pour ce qu'il était vraiment, un mec complètement taré au bord de la folie totale.
Sa gorge se serra, mais ce n'était toujours pas le moment de craquer ; il ferait ça bien plus tard, quand il pourrait saisir l'occasion d'être seul. Pour l'instant, il allait devoir se contenter de ravaler sa honte et d'endurer, de faire montre de patience et de maturité.

- Si tu veux pisser un coup, c'est maintenant, parce que t'es pas près de sortir de cette salle, lança Akainu en se détournant d'eux avant de sortir, claquant la porte derrière lui.

Mihawk se balança en arrière, à hauteur de Luffy, ses lèvres proches de son oreille – une manière comme une autre d'être discret.

- Garde une seule chose à l'esprit, Luffy : tu es le fils de Shanks. Et ça, ça joue autant en ta faveur qu'en ton discrédit.

- … pourquoi ? murmura-t-il en haussant un sourcil.

- Ton père est un homme autant apprécié que détesté, et pour tout un tas de raisons politico-sociales qui t'échappent encore sûrement, à ton âge. Alors, surtout… ne te laisse pas atteindre par ses remarques. D'accord… ?

- … quel genre de remarques ?

- Akainu ne peut pas le voir en peinture, et l'enquête va être orientée dans ce sens, souffla-t-il dans un dernier chuchotement.

.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Marina District, San Francisco, Californie.

Shanks reposa la bouteille de rhum avec une telle brusquerie que son contenu s'éparpilla par le goulot, se répandant sur la table en ébène – pour ce qu'il en avait à faire… Il avala une longue rasade du liquide ambré qui dansait dans son verre et contempla, le regard vitreux, les quelques empreintes sanglantes sur le sol et les murs balisées par la police scientifique ; puisque ce n'était pas une scène de crime, il avait eu l'autorisation de rester ici, dans cette maison qui lui paraissait incroyablement vide, à cet instant, mais ce n'était peut-être pas la meilleure idée du siècle non plus.

L'expression sur le visage de Luffy le hantait.

Ce vide où il n'y avait que peur et confusion l'avait aspiré, tant il était à l'opposé de la personnalité de son fils.

Il aurait dû… faire beaucoup plus. Insister, user de toute son influence pour étouffer tout ça, pour garder Luffy dans le cocon qu'il s'était efforcé de bâtir autour de lui depuis son plus jeune âge, mais c'eut été manquer de respect à la jeune fille qui n'avait rien demandé et qui s'était retrouvée au mauvais endroit au mauvais moment, et qui avait fait les frais de ce qu'il considérait être sa propre lâcheté.

Shanks but, encore, la main agitée par une série de spasmes incontrôlables ; une douleur, qu'il connaissait bien, foudroya son bras gauche, avant qu'un minuscule coin de sa mémoire ne lui rappelle que cette torture n'était rien de plus qu'un fantôme qui se plaisait à se rappeler à lui aux pires moments.

Un léger coup résonna à la porte, le sortant du tumulte de ses pensées ; il releva la tête au moment où le battant s'ouvrit, révélant deux silhouettes dans l'obscurité du porche, qui entrèrent sans bruit en prenant soin de refermer à clé, tirant le rideau derrière eux pour couper la dernière vitre qui les séparait du monde extérieur.

- Vous… avez fait… drôlement vite, marmonna-t-il, la voix pâteuse.

Il était déjà ivre.

Pitoyable.

Passant une main tremblante dans ses cheveux emmêlés pour les dégager de son visage, il tâtonna pour retrouver son verre et le porta à ses lèvres, avec pour idée de vider ce qu'il restait d'une traite, mais une main fraîche le lui reprit doucement, l'éloignant de lui.

- Tu as assez bu pour ce soir, Papa…, murmura la voix mesurée de sa fille dans le brouillard cotonneux de ses oreilles.

- Nami…, toussota celle de son autre fils, derrière lui.

- Quoi, Sabo ? rétorqua-t-elle. Tu vas me dire que c'est bon pour lui, peut-être… ?

- Vous disputez pas, souffla Shanks en se frottant les yeux.

Deux paires de bras l'enlacèrent, et il se demanda à quel moment c'était lui qui était devenu l'enfant et eux les adultes. Peut-être que cet état avait toujours été, en fin de compte, et qu'il ne s'en apercevait que lorsque ça l'arrangeait le plus, un peu à la manière dont il avait fait mine de pouvoir gérer Luffy et tout ce qui gravitait autour de lui. Quoi qu'il en soit, il en était toujours au même point, en ce moment, à savoir comment est-ce qu'il allait pouvoir tirer sa famille de là, sans que personne n'en souffre, mais il était le premier à comprendre aussi que ça ne fonctionnerait jamais.

Que dans cette histoire, il y aurait forcément un perdant, peu importe qui.

Vingt-trois heures, d'après la pendule, et il savait de source sûre que le premier interrogatoire n'était pas terminé, et qu'ils harcelaient Luffy de questions depuis près de douze heures, maintenant ; son impuissance lui était insupportable, mais Mihawk lui avait promis de prendre soin de Luffy, et Shanks mieux que personne savait qu'il ne romprait jamais cette promesse.

Il aurait… tellement aimé être avec son benjamin pour lui dire que tout irait bien, qu'il allait tout arranger, comme lorsqu'il était enfant, et que bientôt tout ne serait qu'un mauvais souvenir. C'était malheureusement la triste réalité, pour eux tous, et ce sentiment ne faisait qu'ajouter à la culpabilité qui le rongeait.

Se redressant, il quitta les bras de ses enfants pour rejoindre l'escalier, tentant d'ignorer le sang séché sur les murs et le sol, et attrapa la rambarde à sa portée.

- … on se voit demain, marmonna-t-il en gravissant les marches à pas lourds. … bonne nuit, les grands.

- Bonne nuit, Papa, murmurèrent-ils en cœur, le regardant s'éloigner dans l'obscurité de l'étage.

Ils attendirent que la porte de sa chambre se soit refermée pour ouvrir les placards et sortir seaux et éponges, avant de s'attaquer à toutes les marques qui jalonnaient la maison ; la Criminelle leur avait assuré que tout avait été photographié et les prélèvements faits, et qu'ils étaient libres de faire ce qu'ils voulaient, à présent – leur job à eux était terminé.

Nami s'agenouilla sur le parquet et commença à frotter les tâches les plus proches, tandis que Sabo attaquait la porte d'entrée, en silence, allumant la radio au passage, le son réglé au plus bas ; la jeune femme fredonna un des airs préférés de Luffy, qu'il adorait massacrer avec elle, mais sa gorge serrée trahissait ce qu'elle ressentait à cet instant : de la tristesse.

- … c'est injuste, chuchota-t-elle en passant à une seconde latte de bois.

- … je sais.

- Pour Lu'. Pour Papa. Pour nous… et pour cette fille, Vivi.

Sabo acquiesça sans émettre le moindre commentaire ; à quoi bon ? Lui aussi s'était torturé l'esprit tout au long de la journée, quand son téléphone perso avait sonné en pleine réunion et que le secrétaire de son père, Coby, lui avait annoncé d'un ton nerveux qu'il était sommé de venir directement à son bureau, sans chercher à en savoir plus, parce qu'il ne pouvait en dire davantage dans ces circonstances. Nami avait reçu la même missive et avait quitté la faculté en plein cours, courant à travers les corridors vers la sortie, ignorant les appels de l'enseignant et de ses amis restés à la porte.

Pas un mot, pas une explication, pas de perte de temps : à peine sortis de leurs bâtiments respectifs, Sabo et Nami avaient trouvé une berline noire et un – énième – garde du corps pour les escorter à l'office de leur père, qui faisait les cents pas devant la baie vitrée de son bureau, à se ronger les ongles, le teint cireux et les yeux creusés.

Il ne leur avait pas fallu beaucoup plus de temps pour comprendre qu'il était question de leur petit frère, et que les ennuis dans lesquels il se trouvait dépassaient l'entendement, à présent, bien plus que d'ordinaire.

- Luffy… Luffy ne mérite pas ça, il–

- Mihawk est sur le coup, murmura Sabo en essuyant le savon de la poignée. Laisse-lui le temps, d'accord… ?

- Du temps, on en a pas, Sab'. Si le juge est pas d'humeur et que Luffy est déféré en comparution immédiate, il–

Elle se tut quand le jingle du flash info se manifesta, maintint son regard sur le haut-parleur près de Sabo, lui aussi figé dans son geste, oreille tendue.

« Près de 24 heures après la découverte du corps d'une étudiante dans le quartier de Chinatown, San Francisco est toujours dans l'attente d'un communiqué de presse de l'officier responsable de l'enquête, suite à l'arrestation du suspect dans les heures qui ont suivi l'agression. Il a été appréhendé au Marina District, dans la demeure du Gouverneur de Californie ; il s'agit du plus jeune de la fratrie, Monkey D. Luffy, qui à cette heure de la nuit n'a toujours pas avoué les at-»

Sabo coupa l'arrivée de l'onde, la mâchoire crispée ; trop. Trop, beaucoup trop dur à supporter, surtout en sachant les journalistes prêts à faire le scoop de l'année, à se battre pour avoir les points de vue et les déclarations croustillantes, pour une exclusivité qui allait déjà faire couler beaucoup d'encre, au petit matin, et qui persévèrerait encore un long moment.

Ils se fichaient des conséquences qui leur incomberaient ; tout ce qu'ils désiraient… c'était retrouver Luffy. Reprendre leur vie là où son cours s'était suspendu, oublier ce qui s'était passé, dire à leur petit frère que ce n'était rien de plus qu'un cauchemar et que personne au monde ne les séparerait plus jamais.

Nami se mordit la lèvre, réprimant un violent accès de chagrin, mais pas assez pour retenir une larme qui joua les traîtresses et s'échappa sur sa joue. Elle aurait… tellement donné pour que tout ça ne soit jamais arrivé ; et si leur père se sentait coupable, alors, quoi dire d'elle et Sabo, qui avaient évolués avec Luffy durant toutes ces années, sans jamais… rien tenter de plus, en s'efforçant de s'accommoder aux particularités de leur benjamin ? À présent, ils payaient tous le prix de leur laxisme, Luffy le premier.

- Nami, ce n'est plus de notre ressort. Ce n'est pas en faisant un esclandre qu'on va arranger les choses. Alors on fait ce qu'on a toujours fait : on se tait, et on attend. On observe.

- Depuis quand t'as pris l'habitude de t'écraser ? persifla-t-elle en le vrillant d'un regard noir.

Un tic déforma, brièvement, la joue de Sabo, signe d'une colère bien présente sous le masque factice du calme qu'il affichait.

- … depuis que c'est ce qu'il y a de mieux pour Luffy, pour le moment. Et si tu crois que je me fiche de son sort, de ce qu'il peut lui arriver, alors c'est que t'as rien compris, Nami.

- C'est facile à dire pour toi, t'as jamais eu affaire à l–

- Pas ce soir, souffla Sabo en serrant l'éponge entre ses doigts, mâchoire tendue. Je suis pas d'humeur à disserter sur qui que ce soit. Laisse tomber le ménage, on verra ça demain. On est crevés, on a besoin de dormir.

- Dormir… ? J'ai pas envie de fermer l'œil quand je pense à ce qu'ils sont en train de lui faire…

Dans un soupir, Sabo jeta chiffon et éponge dans l'évier et se détourna des traces pourpres pour venir enlacer Nami, la serrant contre lui, attendant qu'elle quitte sa position défensive qu'elle arborait si souvent, donnant l'effet d'un mur de glace à quiconque ne la connaissait pas. Mais son frère, à la manière du petit dernier, savait déjà que les fondations de ce mur ne tiendraient pas indéfiniment, et qu'à un moment ou à un autre, elles céderaient.

Fermant les yeux, le nez dans les longues boucles rousses de sa sœur, l'aîné de la fratrie songea au point de non-retour que tous avaient atteint, aujourd'hui, et que rien ni personne ne saurait plus jamais s'en défaire.

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Réponses aux guests :

Crow :
Yop ! Merci beaucoup ! J'espère aussi tenir le rythme, bien qu'il soit plus espacé que d'ordinaire... Nah, t'en fais pas, le VSxChopper ne se fera pas... pour le moment... NON j blaguais ! Pourrie, la vanne, mais une blague quand même. J'espère que la fiction te plaira ! À très vite !

Ayako :
*regarde Ayako danser en sirotant son café* hé bah, tout ça ? T'inquiète pas, des fois pour mieux remonter il faut savoir donner un bon coup de pied dans le fond, et lire des trucs un peu badant ça aide. Je suis ravie de voir que cette publication t'emballe à ce point ! Et j'espère te garder tout au long de celle-ci, quand bien même tu constaterais quelques coquilles ci et là ... ;)
À bientôt !

Yuh :
Yep, toutafé ! J'espère que l'histoire te donnera envie de la lire jusqu'au bout :D À toute' !

Nina :
HAN. Trop de compliments ! Tu es adorable :) Je croise les doigts pour ne pas avoir perdu la main sur le registre du drama, et surtout pour te garder dans ce bateau le plus longtemps possible... même si c'est du LawLu ! Peut-être seras-tu convertie après ça...
À la prochaine !


À très bientôt !