Ohayo mina !

Vous l'attendiez, vous la vouliez... l'identité du 2% sur laquelle Monet et Law spéculent depuis tout ce temps, c'est pour ce chapitre !
Vous avez tous été patients, et vous vous êtes tous dirigés sur beaucoup de personnages différents, alors j'espère que la solution conviendra à tout le monde.

Merci à tous pour vos reviews, et vos théories en pagaille, c'est toujours un plaisir de vous lire et d'échanger avec vous à ce sujet ; ne vous en faites pas, malgré l'arrivée de 2%, il y a encore beaucoup de choses à voir sur les chapitres à venir, la fiction est loin de voir sa fin. Vous aurez tout votre temps pour spéculer sur la suite des évènements...

Je vous souhaite une très bonne lecture, je retrouve Crow en bas de page pour les guests, et...

Enjoy it !


Chapitre 18 :

Jour 40. Issue.

105 East Delaware Place, Chicago, Illinois.
08 heures 30.

Law détourna son regard du plafond pour observer la silhouette étendue près de lui, lovée dans les draps immaculés du lit de l'hôtel où l'aube régnait encore, malgré le bruit de la circulation, au-dehors, qui n'avait pas vraiment cessée depuis qu'ils avaient quitté le bar.
Il tendit le bras et passa sa main dans les cheveux émeraudes de Monet, songeur ; cette nuit était à classer dans son top 5 des conneries monumentales, il le savait mieux que personne, mais réprimer cette envie aurait été plus stupide encore.

Sa partenaire se retourna, ses yeux clairs rivés dans les siens ; peut-être pas encore rassasiée, à en juger son expression. Law sentit sa bouche s'étirer dans un sourire railleur, bien malgré lui, et ne broncha pas quand elle roula sur le côté pour venir s'assoir sur ses hanches, penchée sur lui, ses mains plaquées de part et d'autre de sa tête lui coupant tout échappatoire.
Au King's College, les étudiants la surnommaient la harpie, étant donné qu'elle défendait son territoire bec et ongles, faisant d'elle une adversaire redoutable tant sur le plan professionnel que personnel.
Quand bien même Law avait gardé les idées claires pendant son cursus, entièrement focalisé sur la réussite de son diplôme, peu importe le prix, il avait été parfaitement lucide sur les tentatives de rapprochement des autres élèves, féminins comme masculins, parfois. Monet était là pour faire le ménage, arguant qu'elle était la seule adversaire qui pouvait soutenir son niveau, et que les autres n'étaient même pas dignes de lui adresser la parole. Elle n'avait pas besoin de se confronter aux autres, d'ailleurs : un seul regard suffisait.

Ils ne s'étaient jamais vraiment affichés en tant que couple, même s'il était de notoriété publique qu'ils se fréquentaient en dehors de la fac, mais le message était clair pour tout le monde : Law était la chasse gardée de Monet.

Posant ses mains sur ses hanches, il prit son temps pour la contempler et constater à quel point elle avait changé, depuis Londres ; leur différence d'âge ne se voyait pas plus qu'à l'époque de leurs études, mais le temps avait fait son œuvre.

- Tu sais que si je n'étais pas ce que je suis maintenant, tu me mettrais mal à l'aise, à me scruter comme ça...? murmura-t-elle en se penchant un peu plus, jusqu'à frôler ses lèvres.

- Ça ne te dérangeait pas, avant, chuchota-t-il en caressant ses reins.

- J'ai changé. Toi non plus, tu n'es plus le même, mais le temps est bien plus clément avec les hommes qu'avec les femmes...

Law laissa ses doigts errer sur sa peau blanche, pensif, ignorant l'infime pointe de culpabilité qui se manifestait quand il était question de ses précédents choix de vie.
Quand il avait quitté Londres, Monet l'avait suivi ; c'était sa propre décision, ils n'en avaient même jamais parlé auparavant. Il lui avait demandé, inlassablement et jusqu'à l'aéroport de la Nouvelle-Orléans, si elle était sûre de ce qu'elle faisait, et elle s'était contentée de rester silencieuse tout en contemplant le paysage, semblant imperméable à ses interrogations.
Elle n'avait eu besoin que d'une année de plus pour comprendre que le but que Law s'était fixé était solitaire, et que personne ne pourrait jamais le suivre sur le chemin où il s'était engagé – pas d'un point de vue personnel.
Le mur qu'il s'était efforcé d'ériger autour de lui était solide, malgré les brèches qu'elle était parvenue à creuser au fil des années, et rien ne pourrait jamais le franchir ; elle avait abandonné, et poursuivi ce qu'elle savait faire de mieux, à savoir la psychiatrie, laissant Law avec ses démons dont il refusait de se débarrasser.

Il savait qu'il avait une part de responsabilité dans le célibat de Monet, dans la vie qu'elle menait actuellement et qui l'avait rendue certainement assez amère pour ne plus s'astreindre de limites – rien qu'à en juger l'expérience avec Kid. Il en était conscient et avait accepté cette culpabilité, mais avait appris à s'en détacher, à prendre du recul sur les conséquences de ses actions. Il avait un but, et rien n'était autorisé à l'en dévier. Sous aucun prétexte.

- Tu as l'air... détendu, s'esclaffa-t-elle en promenant ses mains sur son torse, retraçant les lignes encrées sur sa peau.

- Toi aussi. Caesar ne t'aide pas à relâcher la tension...?

- J'aime faire des expériences, mais la reproduction inter-espèces est prohibée, répliqua Monet en plantant ses ongles dans son bras. Et toi, dans ton musée des horreurs, tu t'amuses bien...?

- Ce sont mes patients, rien de plus. C'est déjà assez compliqué à gérer, alors tu penses bien que j'ai autre chose à faire que jouer au docteur Mammour...

L'image eut le mérite de la faire sourire ; lui volant un dernier baiser, elle se laissa glisser sur le côté et descendit du lit, traversant la chambre pour rejoindre le coin cuisine. Law resta un long moment à la regarder, toujours étendu dans le lit, perdu trop loin dans ses pensées pour protester quand Monet récupéra sa chemise échouée sur le sol pour l'enfiler – il détestait qu'on touche à ses affaires, en règle générale, et ne se serait pas gêné, en d'autres circonstances, pour la lui reprendre.
Cette nuit avait été plus salvatrice pour sa santé mentale qu'il ne l'aurait cru au premier abord.
Il saisit son paquet de cigarettes, sur la table de chevet, avisa la marque et se rappela que c'était celui qu'il avait subtilisé à Ace avant de partir ; non content de devoir lui en ramener un, cette pensée l'exhorta à consulter son portable, qu'il trouva dénué de message.

Pressant la touche appel, il porta le téléphone à son oreille, allumant une cigarette de sa main libre sans cesser de regarder Monet occupée à faire le café.
Ace allait le tuer.

- Yo. J'attendais ton coup de fil plus tôt, lança la voix désinvolte de son meilleur ami, à l'autre bout de la ligne.

- Je viens de me lever. Tout va bien ?

- Mmn, c'est plutôt calme. À quelle heure tu décolles ?

- Treize heures. Le temps du vol et de rentrer à la clinique, je serai là pour l'heure du dîner. Tu as regardé les caméras de la nuit ?

- À ton sous-entendu, je vais te répondre que Kid ne s'est pas pointé.

- Et L'Autre ?

- On en parle maintenant...?

- Il y a eu un problème ?

- Pas vraiment. Mais il n'a pas écrit dans le cahier, cette nuit.

Law imagina un étalage de graffitis sur le mur et songea que Lami et Tashigi n'allaient pas apprécier la blague. Même chose pour le bureau, ou n'importe quel autre mobilier ; il ne l'aurait pas imaginé artiste, de ce point de vue-là.
Monet lui tendit une tasse et il la remercia d'un hochement de tête, sirotant une gorgée pour apprécier l'amertume de la boisson, achevant sa sortie de la brume cotonneuse qui lui enveloppait encore le cerveau.

- À vrai dire il n'a pas touché aux crayons, il s'est contenté de lire. Il s'est tapé une crise maniaque en rangeant tout ce qui lui tombait sous la main et il s'est assis par terre, pour méditer je dirais, c'a duré cinq bonnes heures. Il s'est recouché vers six heures et demi du matin, et là j'ai Luffy qui s'endort dans son bol, ajouta-t-il dans un soupir exaspéré. Je vais rien pouvoir en faire aujourd'hui.

- Je m'en occupe quand je rentre. Garde-le à l'œil, et fais-le manger.

Inutile de cumuler fringale et manque de sommeil, le souvenir du rapport de l'unité envoyée par Kizaru étant encore douloureusement frais dans sa mémoire.

- Sans faute. Il a le droit à une sieste ?

- Après le déjeuner, en début d'après-midi. Pas plus de deux heures.

- Kay'. T'as vu Monet ?

- Pourquoi ça t'intéresse ?

- Et toi, pourquoi t'éludes ? rétorqua l'infirmier.

Le silence s'installa, assez pour que Monet pince les lèvres pour réprimer un sourire railleur. Law leva les yeux au ciel et avala une nouvelle gorgée de café, sentant l'insolence prendre le pas sur le reste, vieille réminiscence de son comportement adolescent quand son père le questionnait sur sa vie privée, à 7500 kilomètres de là.

- Putain, c'est pas vrai. Tu l'as baisée, marmonna Ace à l'autre bout du téléphone, dépité.

- Ace, s'exaspéra Law. Pas de sermon.

- Dis-moi que t'as mis une capote, manquerait plus que vous vous reproduisiez, tous les deux…

Le psychiatre ne put réprimer un rire, cette fois, s'attirant un flot d'insultes supplémentaire qui fut bientôt abrégé par la tonalité indiquant qu'Ace lui avait raccroché au nez.
Monet, assise sur le mini plan de travail, lui offrait un sourire goguenard par-dessus sa tasse, expression qu'elle arborait souvent avec son air insupportablement suffisant qui faisait que tout le monde la détestait, lui mis à part – quand bien même ils s'insupportaient mutuellement la plupart du temps.

- Pour en revenir à ton petit singe, murmura-t-elle en croisant les jambes, faisant tourner son café d'un geste souple du poignet. Passe par-dessus sa garde. Comme on l'a dit hier… il se méfie de toi. Il sera prompt à se défendre, et il n'y a que là tu pourras en apprendre plus. ... mais je ne dis pas que ça sera facile.

- Tu veux perdre tes 200 dollars de ton plein gré… ? sourit-il en chassant une mèche de son visage, dégageant ses yeux qui accrochèrent les siens dans une expression indéchiffrable.

- … je préfère te voir gagner que te voir échouer, peu importe mon orgueil.

Plaisanteries mises à part, Law avait parfaitement saisi le sens de ses paroles ; il allait devoir pousser Luffy dans ses retranchements, de la même manière qu'il l'avait fait dans son bureau, avec Kid. Il savait quelle ficelle actionner pour faire sortir celui qui allait encore lui demander des centaines d'heures d'analyse, quelles conséquences pouvait avoir son passage, quels étaient les enjeux d'une entrevue aussi brève qu'intense.

Il s'était promis de rattraper les dégâts causés par Monet et Caesar, mais il devait se rendre à l'évidence : cette méthode-là serait pour plus tard.

Il ignorait à quel point la pente de l'Autre était savonneuse, et ce qui l'attendait au fond du ravin ; il semblait avoir bien plus de self-control que Luffy et Kid réunis, d'aplomb, d'assurance aussi, dans une certaine mesure. Son flegme, qui semblait à toute épreuve, n'avait sûrement d'égal que sa capacité défensive, que Law brûlait d'envie de tester.
De toute manière, il était le premier conscient que, sans cette approche, sans faire sortir le loup du bois, il n'arriverait jamais à rien, condamné à rester dans une impasse tant qu'il n'aurait pas toutes les facettes de Luffy entre les mains.
La seule question qui demeurait encore était le prix qu'il était prêt à payer pour avoir le droit d'exploiter cette fenêtre de tir.

Peut-être plus cher qu'il ne l'aurait cru, au premier abord, mais le jeu en valait la chandelle – ce n'était pas une supposition, mais une certitude ; la seule chose qui valait la peine d'insister autant. Il ne pouvait pas se permettre des supputations, là où il en était.
Trop loin dans le terrier du lapin.

- … douche ? proposa la voix lointaine de son homologue, le tirant de ses pensées.

Il termina son café d'une traite et abandonna la tasse sur le plan de travail, se laissant guider par Monet qui avait pris, d'autorité, sa main dans la sienne pour l'entraîner vers la salle de bain attenante – le bruissement de l'eau résonna dans la pièce fermée, brisant le silence qui s'attardait entre eux ; il fuit son reflet, dans le miroir, craignant d'y lire un manque de résolution qui l'empêcherait d'atteindre son but, et attarda son attention sur Monet, sa chemise à nouveau inutile gisant sur le sol, sa peau immaculée contrastant avec ses longs cheveux émeraudes.
Dernière occasion de faire le vide, avant de devoir retourner à ses obligations. Occasion de se défausser, de fuir quelques heures les responsabilités qui lui incombaient, qu'il acceptait et qu'il avait désirées, mais qui le taraudaient sans relâche quand il était question de ce genre de décisions – celles qu'il devait prendre envers et contre tout, peu importe leurs effets négatifs.

La vie était certainement plus simple, du point de vue de sa jumelle, et il n'avait de cesse de l'envier à de nombreux moments de leur vie ; ces impasses l'amusaient, elle, mais c'était loin d'être son cas et ces particularités qui les différenciaient le frustraient.
Que ferait-elle, à sa place ?
Elle n'aurait pas à tant tergiverser. Elle foncerait, peu importe les dommages collatéraux, pour atteindre l'objectif fixé ; elle plaçait toujours la barre trop haute, mais sa condition lui assurait de ne pas avoir à s'embarrasser des détails.
Chanceuse dans son malheur, de toute évidence.

Luffy allait le détester. Le haïr, au-delà de ce qu'il était possible, il en était certain. Sans compter les représailles que Kid seraient susceptible de faire pleuvoir sur l'asile – s'il jouait de malchance, Kid serait même capable de se pointer au mauvais moment, faisant complètement rater son entreprise, le pire scénario, où il aurait tout misé pour ne rien gagner, au final.
Il allait devoir jouer serré, et mobiliser un peu de personnel supplémentaire pour l'expérience qui germait déjà à l'arrière de son crâne – Ace et Magellan allaient devoir se surpasser, une fois de plus, sans parler de Bonney qui devrait garder à l'œil, par l'objectif des caméras, une bonne partie de la clinique à elle seule. Il savait que cette situation était loin d'être ingérable, mais il prenait des risques, une fois de plus.

Il savait que « la fois de trop » lui pendait au nez, mais il était incapable de se réfréner quand il s'agissait d'étrenner ceux que son père appelait ses jouets.

- Tu rêvasses déjà à ton retour ? le nargua Monet en lui collant le savon entre les mains.

- Le mot est faible.

- … tu doutes de toi ?

- Je doute de tout et de tout le monde, corrigea-t-il en prenant la place sous le jet d'eau. Et je suis loin d'être le moins bien loti de nous deux, parce que toi, tu te coltines Caesar…

- Lui et Ace se salissent les mains pour que les nôtres restent propres, rétorqua-t-elle en le gratifiant d'un coup de coude dans les côtes.

Il aurait aimé contre-argumenter, mais il n'était pas en position de le faire, pour le coup ; la vérité était parfois blessante, mais avait le don de remettre les pendules à l'heure quand c'était nécessaire – en l'occurrence, à cet instant.

- Ne compare pas Ace et ton dégénéré sadique, ils n'ont rien à voir.

- L'un cache mieux son jeu que l'autre, sourit-elle en tendant le bras pour passer ses doigts dans ses cheveux noirs, dégageant son visage pour poser un baiser sur sa joue, tendre mais pas dénué d'une menace sous-entendue – elle en savait bien assez sur Ace, après quelques jours passés avec lui, même trop pour que l'infirmier puisse supporter sa présence. Je ne comparerai pas Ace et Caesar si tu arrêtes de te voiler la face. Tous ceux avec qui tu travailles sont pires que toi et moi–

Il posa son doigt sur ses lèvres, geste clair et sans appel – plus de mots.

Il devait s'interdire d'autres divagations, d'autres conversations qui seraient susceptibles de le faire flancher.

Ace allait tout faire pour le dissuader de mettre son plan à exécution, mais Law ne serait pas disposé à entendre ses protestions moralisatrices, quand bien même il savait que son ami avait toutes les raisons du monde de vouloir l'arrêter. Par conséquent, deux choix s'offraient à lui : dévoiler son but à ses collaborateurs, ou en dire le moins possible, pour s'épargner une liste inépuisable de reproches qui, de toute manière, finiraient bien par arriver à un moment ou à un autre.

Il avait encore des heures pour y penser, devant lui, mais elles lui semblaient des minutes face à ce qui l'attendait au bout du compte. Des heures, et tout autant de temps pour douter un peu plus.

. . . . . . . . . .

Jour 41.

Louisiane, près d'Ostrica.
17 heures 30.

Luffy regarda Ace fermer la porte derrière lui, croisa son regard sûrement aussi perplexe que le sien.

Il n'avait pas eu le temps de terminer son questionnaire, qui devait être encore étalé sur son lit à attendre ses annotations ; il était plongé dans les lectures des dernières questions quand son infirmier était venu le chercher dans sa chambre, trop tôt pour que ce soit l'heure du dîner, trop tard pour une quelconque activité. Ace lui avait annoncé que Law voulait le voir dans les cinq minutes, il avait argumenté que l'étude qu'il lui avait demandée exigeait encore du travail, mais explications rejetées : c'était maintenant, point à la ligne. Lui-même semblait dubitatif, mais Luffy n'avait pas tenté d'en savoir plus, ayant parfaitement saisi qu'ils étaient tous deux aussi ignorants l'un que l'autre sur le sujet.

Law n'était pas à son bureau – cette pièce-là, celle où il se tenait à présent, Luffy ne l'avait jamais vue. Elle était bâtie dans la même aile, là où il savait que se situaient les bureaux des infirmiers, mais il n'était pas autorisé à y mettre les pieds sans une très bonne raison, à savoir un rendez-vous avec le psychiatre.
Les murs étaient aveugles, le sol carrelé et le plafond plein, rien d'autre qu'une poignée d'éclairages LED froids pour habiller l'ensemble. Pas de mobilier, ou quoi que ce soit pour venir briser l'immaculé et la géométrie parfaite de l'endroit.
Le côté chaleureux et quelque peu victorien du bureau du directeur était bien éloigné de l'ambiance qui régnait ici, atmosphère qui inspirait la méfiance à défaut d'autre chose de plus constructif.

Law était adossé au mur du fond, bras croisés, et l'expression qu'il arborait était à des lieues de ce qu'il avait pu cerner de sa personne, au fil des dernières semaines – un pressentiment négatif hérissa ses cheveux sur sa nuque, mais qui ne réveilla pas la crampe habituelle qu'il redoutait.
C'était bien autre chose, qu'il n'avait pas consciemment ressenti depuis qu'il était arrivé ici ; les cahiers noircis à l'encre étaient la preuve que la nuit, personne ne manquait à l'appel, mais entre le deviner ou l'expérimenter, il y avait un monde, il le savait mieux que personne.

Les mains dans les poches pour masquer sa nervosité, Luffy esquissa quelques pas en direction du psychiatre, affrontant ses yeux gris aussi perçants qu'une dague, sous la lumière crue qui baignait la pièce.

- … c'était bien, votre colloque… ? hésita l'adolescent en retraçant une ligne du bout de sa chaussure.

- Intéressant.

Le ton était incisif, sans appel ; il donnait à Luffy l'envie de se ratatiner sur lui-même, là où il aurait préféré l'insolence retorse de Kid – le sarcasme et l'arrogance de Law lui manquaient presque, à cet instant, tant il se sentait en présence d'un parfait étranger, si loin de l'image qu'il s'était faite de lui lors de leurs trop rares entrevues.
Il se remémora la patience de Law, la dernière fois qu'ils s'étaient adressés la parole, son ton mesuré, les pincettes qu'il avait prises pour s'adresser à lui et lui parler avec un calme olympien, loin de la suffisance dont il pouvait faire preuve.
À cet instant, c'était une toute autre personne qu'il avait avec lui, et le doute rendit sa déglutition difficile, à l'instar de sa respiration, plus courte, saccadée. Ses jambes lui semblèrent chaudes, sous ses paumes, signe que le sang s'était déjà fait la malle pour migrer ailleurs, à en juger la chaleur qui irradiait ses muscles, contraste avec la perle de sueur froide sur sa joue.

- … j'ai fait une connerie ?

- Pas encore.

Law quitta son point d'ancrage pour marcher le long des murs, faisant lentement le tour de la pièce sans le quitter des yeux, le bruit de ses chaussures résonnant entre les parois sans accroche.
Luffy s'efforça de ne pas ciller, le regarda tourner autour de lui en prenant son temps, d'une démarche sûre et calculée. La démarche de quelqu'un qui a un but et que rien ne pourra en dévier.

- Vous me faites flipper, là.

- Il en faut bien plus que ça pour t'impressionner, j'en suis sûr.

Il n'y avait aucune flatterie, dans ce constat ; rien qu'une froide détermination, de celle que l'on se forge à force de se fixer un objectif excessif, Luffy en jurerait. Pas pour se donner un courage que l'on ne saurait obtenir, bien au contraire – ce n'était là que pour affirmer que tout se déroulerait comme on l'avait prévu, après des heures à tergiverser et trouver la meilleure façon de procéder, une méthode infaillible qui ne supporterait aucun échec.

Law verrouilla la porte d'un tour de clé, le bruit résonnant comme un glas dans la pièce silencieuse, et changea de trajectoire ; Luffy tressaillit quand il se rapprocha, prenant leur différence de taille comme une intimidation de plus ; ce type mesurait, quoi, plus d'un mètre quatre-vingt-dix à vue de nez, là où lui plafonnait à une petite moyenne. Il eut un mouvement de recul, qu'il détesta mais à quoi il préféra de loin une autre réaction qu'il était tenté de provoquer par lui-même – mais le temps jouait contre lui, à en juger les traits fermés du psychiatre. La giclée d'adrénaline ne faisait pas son œuvre, alimentant un tout autre mécanisme, un qui ne sollicitait pas Kid et qu'il maîtrisait encore moins bien que son alter-ego dérangé.

Tout aussi brusquement, la main de Law le saisit par le col de son tee-shirt, et Luffy n'eut pas le temps de parer le coup qui l'atteignit à la joue ; la douleur fut cuisante, plus humiliante qu'autre chose, et la chute qui l'accompagna n'arrangea rien.
Il se redressa et n'eut que le temps d'apercevoir les doigts tatoués dans son champ de vision, avant qu'ils ne s'écrasent contre sa mâchoire et qu'il ne sente le goût ferreux du sang dans sa bouche.

Celle-là, il ne l'avait pas vue arriver...
Pas besoin d'être un génie pour comprendre où Law voulait en venir et, même si une partie de lui refusait de céder aussi facilement, une autre désirait abdiquer, quitter cet endroit et laisser un autre gérer, prendre le dessus, se débarrasser du doute, de l'angoisse et de la terreur, pour être certain de ne pas échouer une fois de plus.
La meilleure défense restait l'attaque, mais Kid ne semblait pas décidé ; il pouvait protester, appeler à l'aide, mais cette tactique ne lui serait d'aucune utilité.
Autant lui donner ce qu'il voulait, à cet instant.

Luffy agrippa le poignet qui lui saisit les cheveux et s'arc-bouta, cherchant à se dégager de l'étreinte de fer qu'il n'aurait jamais imaginée, chez Law ; il avait au moins autant de force qu'Ace, il en jurerait, mais il savait aussi qu'il ne resterait pas conscient assez longtemps pour en voir l'étendue.

Il cracha la salive sanglante qui s'accumulait sous sa langue et sentit l'air quitter ses poumons quand Law le plaqua contre le mur, une main refermée sur sa gorge dans une prise inextricable, une pression insupportable qui l'empêcha d'inspirer ; des points noirs voilèrent sa vision, synonymes d'un manque d'oxygène qui ne tarderait pas à alimenter plus encore la trouille qui refusait l'accès à sa raison.
Se débattre était futile, mais il possédait assez d'instinct de survie pour ne pas rester là, les bras ballants, à se faire massacrer pour le plaisir d'un type tordu. Il était loin d'être mauvais, quand il s'agissait d'en venir aux poings, mais Law avait le dessus sur tous les plans, lui comme le médecin en étaient pleinement conscients.

Le poing du métis se leva, ses yeux capturèrent l'expression impitoyable de son visage, la tension dans ses muscles, prêt à s'abattre de nouveau, plus fort encore à en juger l'angle de son bras, et la panique fit le reste.

Law frappa, y mettant toute la hargne dont il avait besoin pour mener cet expérience à bien, mais son poing n'atteignit jamais sa cible – il s'écrasa contre la paume levée de Luffy, et un uppercut le cueillit au creux de l'estomac, lui faisant regretter d'avoir ingéré un café tardif une demi-heure avant.
Il entendit Ace, de l'autre côté de la porte, s'acharner contre le battant – sa voix lui parvint, en même temps que le grésillement du talkie-walkie, à travers le bourdonnement de ses oreilles ; Franky était appelé pour faire sauter la serrure, et il savait qu'à partir de cet instant, il avait moins de cinq minutes à tenir avant que la cavalerie n'arrive et ne se charge de celui qui habitait Luffy.

La menace devait durer, seule raison pour laquelle l'Autre ne pourrait pas quitter le navire, tant que Luffy avait trop à redouter.

Il jeta sa blouse sur le côté, essuyant la bile montée à ses lèvres d'un revers de poignet, faisant face à Luffy dont l'expression était méconnaissable, sûrement reflet de celle qu'il devait lui-même arborer quelques instants auparavant.

- … tu te montres enfin… ? murmura-t-il en le jaugeant du regard, évaluant sa posture, ses traits tendus.

Luffy bascula la tête d'un côté à l'autre, faisant craquer ses cervicales, et traversa la pièce dans sa direction ; Law évalua son bras levé, s'écartant sur la droite pour anticiper un crochet qui ne vint pas – c'est le pied qui jaillit, s'écrasant dans ses côtes dans un bruit sinistre qui, à en juger la douleur foudroyante qui lui vrilla le torse, n'augurait rien de bon pour lui. Il l'attrapa par la cheville, avec pour idée de le déstabiliser, mais Luffy l'attrapa par son sweat et l'entraîna avec lui, le projetant en arrière avec une aisance qui lui rappela la facilité avec laquelle Kid avait entraîné Vivi dans la ruelle. Il se releva aussi vite qu'il le put, entendant déjà les pas de son patient revenir derrière lui, et frappa le premier – encore une fois, le coup fut paré, Luffy lui saisissant le bras en faisant volte-face pour le hisser par-dessus son épaule et l'abattre à plat dos sur le carrelage. Mouvement fluide, des centaines, des milliers de fois répété.

Ses côtes protestèrent et la douleur le paralysa, cette fois-ci, lui coupant le souffle ; Luffy se laissa tomber sur ses hanches, le saisit par le col de son pull et lui asséna un direct qui ripa sur sa pommette, le redressant avant de lui éclater le crâne contre le sol, lui faisant voir trente-six chandelles de plus.

- Vas-y, souffla-t-il en luttant pour garder les yeux ouverts. Tue-moi, et tu feras qu'aggraver votre cas.

Luffy plongea ses yeux bruns dans les siens, le dévisageant avec dédain, avant de se pencher sur lui, si proche que le bout de son nez frôla le sien, dans une pose menaçante qui était au moins au niveau de Kid.

- … plus jamais tu touches à un seul de ses cheveux, susurra une voix rauque, aussi masculine que celle de leur seconde personnalité, bien que différente car plus grave encore.

Il perçut la voix de Franky, celle de Lami, le bruit sourd de la scie trépan démarrée derrière le battant.
Luffy se releva, sa main toujours agrippée à son vêtement, l'obligeant à suivre le mouvement malgré ses jambes flageolantes, le rush d'adrénaline faisant trop bien son effet ; la sensation était curieuse, à défaut de meilleur terme pour la qualifier : celle d'être un pantin, de se sentir impuissant face à un garçon qui mesurait vingt centimètres de moins que lui. De percevoir un éclat de mort, dans ce regard si doux, d'ordinaire, éloigné et proche à la fois de ce qu'il avait vu chez Kid.

- … c'est clair ?! s'écria-t-il en le saisissant à la gorge.

- C'est quoi, ton nom… ? insista Law en s'efforçant de ne pas inspirer trop fort, sentant son propre pouls pulser de manière désordonnée dans la paume qui le tenait à sa merci.

- C'est pas le problème, grogna-t-il en le ramenant à sa hauteur.

Law ne vit pas venir le jeu de jambe qui le fit tomber à genoux, le bras de Luffy s'enroulant autour de son cou, la pression s'accentuant dans son crâne menaçant de lui faire perdre conscience, ce qu'il devait à tout prix éviter ; il sentit son pied se poser au creux de ses reins, et son cœur s'emballa dans sa poitrine, alors que ses mains libres agrippaient le bras qui l'étouffait, la présence de Luffy dans son dos empêchant toute prise.

- Bouge encore et j'te casse la colonne en deux, connard, cracha la voix sourde dans son oreille.

- Luffy pourra jamais guérir si tu t'obstines à te cacher, souffla le psychiatre. Toi et moi… il faut qu'on parle de lui… de Kid… de tout ce qui vous compose…

- Toi. Tes mains. Loin de Luffy. Pigé ?

Comme s'il allait promettre un truc pareil.
Le chuintement assourdissant de la scie se fit entendre de leur côté, alors que le disque de bois tranché laissait entrevoir le couloir extérieur ; la main d'Ace se glissa dans l'ouverture, tourna la clé, et le battant s'ouvrit sur Lami, que Law distingua à peine derrière le voile qui s'était installé devant ses yeux et dont il avait à peine eu conscience, entravé comme il l'était, les yeux rivés sur les murs immaculés qui les entouraient.

Luffy relâcha sa prise et Law s'effondra à plat ventre sur le carrelage, grimaçant quand sa tempe heurta le sol froid, envoyant un tir d'étoiles à travers ses yeux clos, feu d'artifice derrière ses paupières. Il s'efforça de les rouvrir, aperçu Magellan dans l'encadrement de la porte, le fusil chargé de calmants.

- … non ! s'exclama-t-il en se hissant sur ses bras qui lui semblaient remplis de coton, à cet instant. Pas maintenant… !

- Putain, Law, la ferme ! vociféra Ace en encaissant un coup dans l'épaule. Qu'est-ce que t'as foutu, encore ?!

Franky ceintura Luffy, lui faisant momentanément perdre l'équilibre, instant dont Ace profita pour lui saisir les poignets, Lami accourant pour lui claquer une paire de menottes, Magellan le tenant toujours en joue, doigt sur la gâchette. Law s'assit contre le mur, haletant, ignorant la souffrance qui lui vrillait le flanc pour se redresser tant bien que mal et vaciller en direction de son patient qui se démenait toujours, malgré l'étreinte inextricable du soudeur que ses mouvements désordonnés ne semblaient pas faire broncher.

- Sans toi… j'y arriverai pas…, ahana-t-il en se retenant à Ace, ses yeux rivés dans ceux de Luffy. Alors te fais pas prier, OK… ?

Il répondit en décochant un coup de pied dans la hanche d'Ace qui resta stoïque, lui immobilisant les chevilles et les genoux avec l'aide de Lami, qui évalua le niveau de dégâts chez son jumeau d'un coup d'œil acéré – de toute évidence, avec ce patient, Law avait trouvé son challenge, et il n'était pas près de le relâcher.

- Fous-lui la paix, grogna Luffy en se tendant vers lui.

- Je le ferai si t'acceptes de coopérer… tu veux des garanties, j'en veux aussi. T'es capable de parler, alors on va devoir travailler ensemble… pour que Luffy se sorte… du merdier dans lequel il est…

Parler devenait difficile.
Le sifflement dans ses poumons craignait, il le savait et le bruit n'échappait à aucune des personnes présentes, mais il devait poursuivre – il refusait d'avoir créé toute cette mise en scène pour rien.

- J'ai rien à te dire...

- Que tu croies. Je veux savoir ton nom, argua Law en se rapprochant encore, sa vision s'étrécissant dangereusement.

- Qu'est-ce que ça va t'apporter… ? marmonna Luffy en plissant les yeux. Si t'as envie de jouer, va le faire avec les autres débiles que tu gardes sous verre, ici, et t'approches pas de Luffy…

- Tu le protèges, c'est ton rôle… et je le respecte… seulement… il y a une raison à ton existence… et sans toi… je la comprends pas… et Luffy pourrit ici le reste de sa vie… sans réponses à ses questions…

Un peu de vérité, un peu de bluff, le tout dilué dans le son éraillé de sa voix défaillante, coup de pouce inattendu dont il avait besoin pour déjouer le système défensif qui se trouvait planté devant lui, péniblement retenu par les deux infirmiers.
Lami le retint quand ses jambes se dérobèrent, l'empêchant de s'éclater lamentablement au sol ; il raffermit son étreinte sur le bras d'Ace, s'obstinant à garder son regard rivé dans celui de son adversaire du moment.

- … avoir mon nom t'aidera pas.

- C'est moi le psy, je pense… savoir mieux que toi ce que j'ai… besoin de savoir, rétorqua le métis. Alors… à qui est-ce qu'on doit la survie de Luffy, depuis toutes ces années… ?

- … Zoro. Roronoa Zoro, annonça la voix basse où perçait toujours un fond de méfiance, emplie d'un venin qui semblait bien plus terrifiant que celui de Kid.

- … ravi de faire ta connaissance…, souffla Law avant de glisser des bras qui le soutenaient, cédant à l'appel du noir qui menaçait de le submerger au pire moment.

… oui, Luffy allait le détester.
Plus que jamais.
L'inconscience avait cet avantage de vous couper de tout et Law n'ignorait pas ce paramètre ; le black-out qui suivit la dernière image emportée, celle du visage fermé de l'alter-ego de son patient, ne fut ponctué que de flashs lumineux, de voix lointaines dans ses oreilles, de frissons fiévreux et de pointes de douleur, dont il était incapable de déterminer l'origine dans la confusion qui régnait dans son crâne.
Une minute comme une année aurait pu passer, il avait perdu la notion du temps et touchait peut-être du bout des doigts la sensation que Luffy avait dû ressentir, enfermé dans la cellule aveugle de San Quentin.

Il voulait dormir, encore un peu plus, rester dans ce monde froid et noir, loin de tout ce qui l'attendait ; peu importe le succès ou l'échec, cet état semi-conscient était la seule chose qui l'intéressait, à cet instant, car il l'empêchait de penser, de se torturer inutilement et de ressasser des souvenirs dont il aurait préféré être débarrassé à tout jamais, de la même manière que Luffy avait scindé sa mémoire en disques distincts, chacun absorbant ce qu'il était programmé pour engranger, libérant l'adolescent de tout ce que son cerveau avait jugé mauvais pour lui.

Une main tiède caressa sa joue, écartant des mèches de son front, dans un geste délibérément délicat ; la sensation sembla surgir de nulle part, dans la quiétude bienvenue qui régnait dans sa tête, et réveilla un souvenir qu'il aurait préféré garder enfoui tout au fond de lui – celui de sa mère, de la caresse de ses doigts dans ses cheveux, de sa voix lui murmurant de se réveiller.
Il redoutait plus encore d'ouvrir les yeux, à présent, craignant de briser cette réminiscence qu'il ne s'était plus autorisé à revivre depuis des décennies – parce que la partie la plus aiguë de sa conscience lui soufflait qu'il était impossible qu'elle soit là, et que plus jamais il ne pourrait sentir ses bras l'enlacer et le serrer contre elle, dans une étreinte qu'elle seule était capable de lui donner.

- … il rêve, murmura une voix au-dessus de lui.

- Il faut qu'il se réveille. Sans ça, il sort pas de la salle, marmonna une autre voix.

Une autre main, moins douce, plus calleuse, saisit la sienne – celle d'Ace, il en jurerait : personne d'autre ne pouvait dégager une telle chaleur.
Rester là, immobile, jusqu'à la fin des temps lui semblait être une excellente alternative à la vie réelle, qu'il détestait plus que tout.

- Law… ouvre les yeux.

Bonney.
Il percevait son parfum, à travers les vapeurs d'éthers qui lui emplissaient les narines.
Clignant des yeux, il lutta contre l'éblouissement qui mettait ses pupilles au supplice et tourna la tête, échappant momentanément aux néons à la luminosité pourtant faible, son regard tombant sur Bonney, comme il l'avait pressenti ; accroupie près du lit, les yeux cernés et le teint brouillé, à l'image d'Ace qui ne semblait guère plus en forme, debout à ses côtés.

- … quel jour ? souffla-t-il en refermant les yeux.

- Vendredi. Il est une trois heures du matin… tu nous as fait une belle trouille.

- … où on est… ?

- Ochsner, à la Nouvelle-Orléans, chuchota Bonney. Marco s'est chargé de toi dès ton arrivée.

- Verdict… ?

- Pneumothorax. Cinq côtes cassées.

- … t'es sérieuse ? marmonna Law en fronçant les sourcils, consterné.

- Rien de grave, ils te gardent en observation jusqu'à samedi, annonça Lami, assise au bord du lit, jambes croisées et tout sourire, image même de la décontraction.

Fidèle à elle-même, comme les autres.
Tous étaient vêtus de la tenue réglementaire exigée pour se trouver dans le service de surveillance du centre médical, rappelant à Law les heures passées à en observer certains en fonction, avant de les engager à la clinique.
Il se redressa en réprimant une grimace quand la douleur le rappela à l'ordre, soudaine et impitoyable ; un regard à son torse lui appris que le drain était toujours en place, et la couleur violacée veinée de noir de son flanc droit ne laissait aucun doute quant au diagnostic posé.

- … Luffy ?

- Lui-même, et ramené dans sa chambre. Il refuse de voir qui que ce soit. À quoi tu pensais, abruti ? l'invectiva l'infirmier en tendant le bras pour lui donner une chiquenaude sur le nez. Tirer le diable par la queue en espérant qu'il morde pas trop fort ?! Tu t'es tiré une balle dans le pied tout seul et tu nous as foutu dans la merde, j'te jure Law, si t'étais pas mon meilleur pote, je t'aurais achevé juste pour t'apprendre à faire des plans foireux…

- On a la réponse à nos questions, maintenant, répliqua Lami en foudroyant Ace du regard. Zoro n'est pas à sous-estimer, et même encore moins que Kid, mais ils vont nous mener la vie dure. Ils ne sont pas à prendre à la légère… Luffy aussi va nous en faire baver. N'empêche, le gamin t'a bien défoncé…

- Merci, Lami…, railla Bonney en rajustant les draps sur le lit de Law.

- Pas d'quoi.

Des pas se firent entendre, sur la gauche, attirant l'attention du groupe qui porta son regard sur le chirurgien qui s'approchait, le nez dans son cahier – Law le reconnut aussitôt, malgré le calot qui couvrait ses cheveux blonds. L'intéressé retira ses lunettes et le dévisagea avec dépit, secouant la tête dans une expression désapprobatrice pour le moins transparente.

- Sérieux, Law, j'ai autre chose à faire que fouiller entre tes côtes à vingt-deux heures passées, déplora-t-il en se penchant sur lui pour observer ses pupilles, contournant le lit pour évaluer l'état de son torse. Comment tu te sens ?

- Plutôt bien, pour quelqu'un que tu as opéré, Marco…, sourit le psychiatre en lui présentant son majeur.

- Va te faire foutre. Vous, là, dégagez, cet attardé mental a besoin de respirer, ordonna-t-il au trio en mettant l'emphase sur le dernier terme, de toute évidence plutôt fier de son jeu de mots.

- Je vais dire à papa que tu t'es réveillé, murmura Lami en posant un baiser sur ses doigts tatoués. Ménage-toi, je veux pas avoir à me taper un aller-retour de plus ici pour tes beaux yeux.

- … Papa est au courant… ?

- Le fils du Gouverneur de la Louisiane hospitalisé en pleine nuit à la Nouvelle-Orléans, tu croyais quoi, que ça passait après les chats écrasés et le Jambalaya raté… ? Quel crétin, soupira Marco en ajustant le débit de la perfusion.

Consterné, Law les regarda partir, quittant la salle où d'autres patients somnolaient, en attente de réveil pour pouvoir réintégrer leurs chambres ; il commençait à y voir plus clair, malgré la nausée qui pointait et qui sous-entendait mettre sa menace à exécution – il n'avait jamais très bien supporté les anesthésies générales, du plus loin que remontait sa mémoire, et cette fois n'échappait pas à la règle.
Marco vérifia l'intégrité du système de pompe relié au drain, attendant que le petit monde se soit éloigné pour prendre place près de Law et le scruter avec attention, malgré la fatigue qui tendait ses traits ; assurément, lui-même ne devait pas avoir l'air beaucoup plus vivant.

- Le secret professionnel a ses limites, Law.

- Ils t'ont raconté ?

- En long, en large et en travers. T'es un grand malade, tu le sais, ça… ? Il aurait pu te tuer. T'es peut-être le mieux placé au monde pour savoir à quel point c'est dangereux de se frotter de trop près à ce genre de type.

Il ravala l'amertume qui lui brûlait la gorge et se contenta d'un hochement de tête un peu trop sec, qui fit danser une myriade de points noirs devant ses yeux. Mauvaise idée, apparemment.
Il devait botter en touche, détourner la conversation.

- C'est mon patient, et c'est sa thérapie. C'est moi que ça regarde.

- Si ça s'ébruite, Shanks va venir te casser la gueule en personne.

- Personne dira rien, à la clinique.

- … ouais, et tu crois que Doflamingo va croire à une chute dans l'escalier… ? railla Marco en levant les yeux au ciel. Tu restes avec nous jusqu'à ce week-end, et tu retournes jouer au savant fou juste après. Pas d'avion, pas de bain, pas de geste brusque, pas de baston improvisée. Du repos, de la paperasse, et rien d'autre, OK ? Si t'as encore de l'air qui fuit dans 5 jours, tu rappelles, je regarderai ça. Je vais te filer des myorelaxants et tu vas me faire le plaisir de les prendre, sale tête de con… on se revoit à ta sortie, et dans deux mois, pour que je sois sûr que tu sois pas en train de crever de l'intérieur.

- Mon père te foutra un procès au cul, si j'y reste, sourit Law en reposant sa tête sur le matelas, résistant à l'envie de bouger.

- … si tu y restes, ton père viendra sonner chez moi pour me mettre une balle dans la tempe, pas de procès pour moi, répliqua Marco en le frappant à la cuisse d'un coup de cahier. On te renvoie dans ta chambre d'ici une heure… repose-toi bien.

Law ferma les yeux et tira le drap sur ses épaules, frissonnant, renonçant à chercher une position plus confortable ; il savait que la guérison serait longue, et qu'une autre séance aussi musclée que celle qui s'était déroulée la veille n'était pas prévue au programme avant un long, très long moment.

... l'Autre avait un nom, désormais.
Une véritable raison d'être, que cette expérience n'avait fait que confirmer, avec son propre fonctionnement, ses interactions avec Luffy – là où Kid semblait n'avoir que pour but d'emmerder le monde, Zoro paraissait n'être qu'un cocon défensif, une digue contre tous ceux qui voulaient s'en prendre à Luffy, de près ou de loin.
Autant dire que les autres pensionnaires de San Quentin avaient été extrêmement chanceux, bien malgré eux, d'avoir été tenus à l'écart de Luffy et de ses deux alter-ego fanatiques.

Certains cours pris au secondaire et à la faculté collaient bien au personnage, de même que ce qu'il avait vu sur les vidéos – le calme avant la tempête, bien plus redoutable que Kid, en réalité ; Kid avait ce côté prévisible, tangible, qui permettait d'anticiper sa venue jusqu'à un certain degré. Zoro, lui, était la dernière ligne de défense, la dernière carte à abattre et, par conséquent, la plus performante, la plus efficace, la plus dévastatrice.

Law n'avait pas eu l'occasion de se mesurer à Kid, mais tous deux devaient se valoir quand il était question de force physique, avec peut-être une légère supériorité pour le premier de la liste, celui qui était le plus prompt à se manifester. Zoro semblait toutefois bien plus apte à se contenir que Kid, qui paraissait n'avoir aucun limite ; un mur capable de réflexion et de raison, qui allait bien plus enrichir l'étude de Luffy que ce qu'il s'était imaginé, au tout début où il craignait n'avoir affaire qu'à une personnalité purement basée sur l'instinct de survie, dénuée de capacité d'interactions.

La dernière pièce du puzzle, chèrement acquise, mais que Law crevait d'envie de pouvoir étudier, au même titre que les deux autres.

.


Réponse aux guests :

Hello Crow ! Pas de problème, ça arrive parfois, j'espère que tout va bien néanmoins… Oui, c'est bien vu, ça fonctionne aussi pour la dépression, ce questionnaire est un gros fourre-tout qui ne peut être démêlé que par un pro. Oooh, l'arc Dressrosa était juste énorme, même si mon préféré reste Thriller Bark :) Et c'est bien vu pour Barto ! Je vais développer tout ce qu'i savoir sur Lami, j'espère que tu apprécieras, même s'il va te falloir de la patience… Merci d'avoir pris le temps de laisser une review, même si de ton côté ça n'a pas l'air d'être le 100%. À bientôt !

.


On se revoit mi-mai... portez-vous bien, et bonne fin de vacances pour les concernés !