- Commission d'Examen des Créatures Dangereuses, audience de l'hippogriffe prénommé Buck, ayant pour objectif d'examiner les circonstances de l'attaque d'un élève. L'hippogriffe incriminé sera interrogé par Lawrence Sanderson, Président du conseil d'administration de l'école de sorcellerie Poudlard, et Zachary Johnston, vice-président du conseil d'administration de l'école de sorcellerie Poudlard. Greffier d'audience : Cathy Suzanne Webster. Témoins de la défense : Rubeus Hagrid et Emerald Eléonore Elizabeth Coldstone.
Alors que le président du conseil commençait à faire ces déclarations, la dénommée Cathy Webster se mit à écrire frénétiquement sur un rouleau de parchemin. Pour une raison obscure, l'un des membres du conseil semblait amusé quand ses prénoms furent prononcés. La raison lui échappait totalement, mais de toute manière ça n'avait aucune importance.
Sanderson prit un parchemin qui se trouvait sur son pupitre.
- Les charges retenues contre l'hippogriffe sont les suivantes : attaque sur des élèves de troisième année de l'école de sorcellerie Poudlard. Le plaignant, monsieur Lucius Abraxas Malefoy ici présent, a déclaré que la créature était hors de contrôle et devait être mise à mort pour la sécurité des élèves.
Il leva la tête de ses notes pour regarder Hagrid avec un air proche de l'ennui.
- Vous pouvez établir votre défense.
Le géant sortit de la poche de son costume les notes que lui avaient faites Emerald et Hermione, mais ses mains tremblaient tellement qu'il les fit tomber à terre.
- Euh… Eh bien, pour commencer, fit-il nerveusement en se baissant pour ramasser les fiches. Je tiens à déclarer que Buck est un très bon hippogriffe bien élevé et qu'il n'est absolument pas dangereux.
Emerald grimaça légèrement en voyant faire le garde-chasse. Hagrid était bien trop nerveux pour y arriver. Elle se leva de la tribune pour ramasser les fiches avec lui.
- Je m'en occupe, lui souffla-t-elle. Allez vous asseoir.
Livide, le garde-chasse hocha la tête et alla s'installer sur le banc des témoins qui émit un craquement sous son poids. Emerald remit les fiches dans l'ordre et s'éclaircit la voix.
- Je demande l'autorisation d'assurer la défense à la place du professeur Hagrid, le temps qu'il parvienne à se calmer.
- Accordé, acquiesça Zachary Johnston qui semblait soudainement intéressé.
C'est vrai qu'ils ne devaient pas souvent voir une gamine de treize ans assurer la défense lors d'un procès. Elle respira un bon coup et raffermit sa prise sur les fiches pour cacher le léger tremblement de ses mains, nerveuse. Comme Neely le lui avait appris, montrer une confiance en soi absolue était un atout en toutes circonstances. "Fake it until you make it".
- Bien. Notre affaire consiste à établir si oui ou non l'hippogriffe Buck est trop instable pour être laissé en vie. En tant que témoin des événements, je me permets d'affirmer qu'il ne l'est pas. Vous n'êtes pas obligé de me croire sur parole, cela va sans dire, mais après l'incident je lui ai souvent rendu visite et je n'ai pas eu à craindre d'autres attaques.
Elle leva ses fiches.
- Mais ce n'est pas ce que vous voulez entendre. Je vais donc prendre comme exemple l'affaire de 1665, similaire à celle que nous traitons aujourd'hui. Un propriétaire d'hippogriffe a été accusé de négligence quant à la surveillance de son hippogriffe qui a gravement blessé un fermier suite à un "malentendu". Soi-disant l'hippogriffe aurait entendu de loin une insulte destinée à quelqu'un d'autre et aurait attaqué. Lors du procès, le propriétaire de l'hippogriffe a réussi à obtenir gain de cause pour reporter le jugement de quelques jours afin qu'une enquête soit faite sur les circonstances de l'incident. Lorsque le procès reprit, l'enquête avait révélée que la victime comme le propriétaire de l'hippogriffe incriminé, étaient des ennemis de longue date, des rivaux, pour une histoire de vol de terrain qui n'avait menée nulle part. Suite à une interrogation des témoins plus poussée, ils ont fini par avouer que la victime était en réalité coupable d'avoir volontairement provoqué l'hippogriffe pour nuire à son ennemi. L'hippogriffe ne pouvait donc pas être déclaré comme instable et dangereux et a donc été acquitté.
- Je ne vois pas ce que toute cette histoire a à voir avec notre affaire, objecta Sanderson.
- J'y viens. Je vais vous raconter les événements du deux septembre, répondit calmement Emerald. Pour notre premier cours de Soins aux Créatures Magiques, le professeur Hagrid a décidé de nous parler des hippogriffes. Professeur, quelle est la première chose que vous nous ayez dit sur les hippogriffes ?
Elle se tourna vers Hagrid qui sortit de sa léthargie.
- J'ai parlé de leur fierté, balbutia le géant.
- "La première chose qu'il faut savoir, c'est que les hippogriffes font preuve d'une très grande fierté. Ils sont très susceptibles. Surtout, ne les insultez jamais, sinon ce sera peut-être la dernière chose que vous aurez faite dans votre vie." récita Emerald.
Elle releva la tête en direction des membres du conseil dont la plupart semblaient mi-étonnés, mi-ennuyés.
- La première chose que nous a dit notre professeur est de ne jamais les insulter. J'ai accepté de participer à sa démonstration pour montrer aux autres qu'ils n'avaient rien à craindre, et suite à cela, tous les élèves ont commencé à interagir avec les hippogriffes. Ensuite, un élève de ma maison, Drago Malefoy, a pensé que ce serait une bonne idée de provoquer l'hippogriffe du nom de Buck qu'il était en train de caresser. Il l'a insulté en le regardant droit dans les yeux.
Elle marqua une pause pour s'assurer que tout le monde écoutait.
- Inutile de vous préciser que Buck ici présent était furieux, alors il a rué avec ses pattes dotées de serres. Fort heureusement, monsieur Malefoy n'a subi aucune blessure.
- Mais un élève a bien été blessé, pointa Johnston.
- En effet, mais cet élève s'est exposé au danger en connaissance de cause, répondit Emerald. D'ailleurs, suite à cet incident, il n'a déposé aucune plainte. Nous sommes réunis ici parce que monsieur Malefoy pense que cet hippogriffe a perdu l'esprit et est trop dangereux pour être laissé en vie. Je comprends son inquiétude, après tout son fils est concerné par cette affaire, mais je suis également d'avis que, sans offense, monsieur, si vous aviez éduqué votre fils pour lui apprendre à écouter tous ses professeurs peu importe leur statut social, cet incident ne serait pas arrivé.
Le visage de Lucius Malefoy prit une teinte rouge alors que certains membres du conseil étouffaient des rires. L'homme se leva et s'avança calmement.
- Le conseil va maintenant écouter le plaignant, fit Sanderson avec un léger malaise.
- Merci monsieur le président, fit Mr Malefoy. Tout d'abord, je tiens à souligner que la défense est tenue par une enfant, et non pas par l'adulte responsable, je pense que, par conséquent, nous ne pouvons pas en prendre compte.
- Je suis tout à fait capable de remplir ce rôle, monsieur Malefoy, l'interrompit calmement Emerald. Ne vous inquiétez pas pour moi.
Sanderson et Johnston échangèrent un regard. Une femme du conseil assise derrière eux se pencha pour murmurer à l'oreille du président.
- L'argument de l'accusation est rejeté, Miss Coldstone vient de nous prouver qu'elle était capable de tenir son rôle à la défense.
La demoiselle hocha brièvement la tête en guise de remerciement. Malefoy la foudroya du regard, mais elle garda une expression parfaitement neutre.
- Très bien, finit-il par accepter. Néanmoins, nous ne pouvons pas nier que cette affaire reste grave. Une bête sauvage a été lâchée sur les élèves de l'école et a blessé un élève.
Emerald leva la main.
- Miss Coldstone ? accorda Johnston.
- Puis-je demander à monsieur Malefoy s'il connaît l'identité de l'élève qui a été blessé ? demanda-t-elle. Après tout, c'est en son nom qu'il a déposé sa plainte.
- L'argument est en effet très pertinent, fit Sanderson d'un air pensif. Avez-vous un nom à nous donner, monsieur Malefoy ?
- Eh bien, je tiens à respecter cet élève qui a demandé l'anonymat lorsqu'il m'a fait parvenir sa plainte, répondit tranquillement l'homme adulte.
La demoiselle retint un sourire fourbe. Elle le tenait.
- Objection ! lança-t-elle en levant vivement la main à nouveau.
- Miss Coldstone ? demanda Sanderson qui semblait de plus en plus amusé.
- Nous nous tenons aujourd'hui dans ce tribunal uniquement pour porter la plainte de cet élève anonyme ?
- En effet, c'est la plainte de l'élève blessé qui nous a mené à étudier cette affaire, confirma Cathy Webster.
- En ce cas, je peux vous assurer que cette audience n'a pas lieu d'être, déclara-t-elle calmement.
Une vague de murmures s'éleva de la part des membres du conseil qui jusque là étaient restés silencieux. Lucius Malefoy semblait fulminer.
- Que voulez-vous dire, Miss Coldstone ?
La demoiselle se dirigea vers la tribune des témoins et sortit de son sac à dos une enveloppe en papier kraft frappée du sceau de Poudlard.
- J'ai ici la preuve signée de la main de l'infirmière de Poudlard, madame Pomfresh, qu'elle s'est occupée de l'élève blessé le jour de l'incident, son identité se trouve sur le formulaire qu'elle a rempli ce jour-là.
- Cathy, voulez-vous bien ?
La greffière se leva et descendit des tribunes pour récupérer l'enveloppe et la rapporter au président du conseil. Celui-ci brisa le sceau et sortit de l'enveloppe les documents fournis par l'infirmière, prenant la lettre qui y avait été glissée.
- "Moi, Poppy Rose Pomfresh, infirmière de Poudlard," commença à lire Sanderson à voix haute. "Atteste sur l'honneur avoir effectué, le deux septembre, les soins cités sur le formulaire ci-joint."
Il saisit ledit formulaire.
- "Soignant : Mrs Poppy Rose Pomfresh, Date : Deux Septembre, Patient :..."
Sanderson s'interrompit une seconde avec un air franchement surpris, avant de reprendre.
- "...Miss Emerald Eléonore Elizabeth Coldstone".
Les membres du conseil eurent des réactions très variées trahissant leur surprise. Lucius Malefoy laissa échapper une exclamation mi-outrée, mi furieuse et lança à la demoiselle un regard meurtrier.
- Toutes les preuves sont là, monsieur, déclara la jeune fille comme si de rien n'était. Madame Pomfresh, le professeur Hagrid et moi-même pouvons attester que je suis bien la victime de l'attaque de l'hippogriffe.
Pour faire bonne mesure, elle retira sa robe de sorcière, exhibant sous la manche de sa chemise la cicatrice qui restait sur son bras. D'autres exclamations furent poussées par les membres du conseil.
- Et je vous jure sur mon nom que je n'ai jamais contacté monsieur Malefoy pour faire porter la moindre plainte, ajouta-t-elle.
- Mais… Alors… balbutia Johnston.
- Qu'est-ce que ça signifie, Lucius ? demanda Sanderson en prenant un air mécontent.
- Peu importe que Miss Coldstone soit la victime ! s'exclama le sang-pur, ayant visiblement perdu son calme. L'important est que cet animal est dangereux et doit être exécuté pour la sécurité des élèves !
- Vous n'avez pas à vous en faire pour moi, monsieur Malefoy, fit Emerald en s'approchant du mur doré et translucide. Permettez-moi de vous faire une démonstration.
Sanderson sembla réfléchir un instant, puis leva sa baguette et le mur disparut. La demoiselle s'approcha de l'hippogriffe et s'inclina bien bas devant lui, prenant bien soin de lui présenter ostensiblement sa nuque. Buck prit quelques secondes avant de lui rendre son salut, laissant à Emerald le droit de le caresser. Après quoi, il lui présenta une aile pour l'aider à monter sur son dos.
La Serpentard chevauchant la bête, l'hippogriffe profita que la cage magique ait disparu pour s'avancer tranquillement à travers le tribunal, pour rejoindre Hagrid et lui donner des coups de tête affectueux.
- Messieurs dames, membres du conseil, fit Emerald, toujours perchée sur le dos de Buck.
- Ceux qui sont pour une condamnation de l'hippogriffe Buck, déclara Sanderson.
La main tremblante de rage de Lucius Malefoy se leva.
- Ceux qui sont pour un abandon de toutes les charges.
Les membres du conseil d'administration de l'école de sorcellerie Poudlard furent unanimes. Emerald adressa un sourire à Mr Malefoy. Elle lui avait fait bouffer sa plainte.
Le retour au Chaudron Baveur fut marqué par les larmes incessantes de Hagrid, fou de joie. Il avait serré Emerald dans ses bras un nombre incalculable de fois depuis leur sortie de la salle d'audience et elle espérait secrètement que ses côtes s'en remettraient. Le garde-chasse décida de fêter leur victoire et il passa le reste de l'après-midi et de la soirée au bar, avec Tom, à boire des pintes d'hydromel aux épices et à demander régulièrement des ovations de la part des autres clients.
Après deux heures au milieu des poivrots, Emerald ressentit le besoin de respirer et décida de sortir sur le Chemin de Traverse pour prendre un grand bol d'air frais. Buck était dans la chambre de Hagrid, donc ils n'avaient pas à s'inquiéter pour lui.
En passant devant l'Allée des Embrumes, elle sentit un frisson désagréable parcourir son dos. Cependant, quelque chose attira son attention. L'une des boutiques semblait avoir changé, et présentait maintenant des livres…
La jeune fille pesa le pour et le contre. La boutique se trouvait juste à l'entrée de l'Allée, elle pourrait fuir facilement pour rejoindre le Chaudron Baveur en cas de problème. Le soir était en train de tomber donc il n'y avait pas grand-monde, et de toute façon les rares personnes qu'elle croisait ne prêtaient pas attention à elle.
Sa curiosité l'emporta. Elle mit sa robe de sorcière sur sa tête pour dissimuler son visage et passa la porte. L'endroit était étonnamment propre, si on ne comptait pas les tâches de moisissure incrustées dans le bois. Il était lugubre, aussi, mais le nombre de livres qui s'y trouvait l'impressionnait bien plus. La plupart étaient qualifiés d'ouvrages interdits, spécialisés dans la magie noire ou encore la nécromancie. Loin d'être intéressée par tout ça, elle se permit tout de même de regarder ce qu'il y avait, et finit par s'arrêter sur un épais volume à la couverture de cuir sombre. Des rivets en cuivre recouverts de vert-de-gris enserraient les coins et ses pages étaient gondolées et jaunies par le temps. Ce qui l'avait intriguée, c'était que contrairement à tous les autres livres qu'elle pouvait apercevoir, le titre était écrit en runes anciennes.
Quand Emerald arriva à Poudlard le samedi à l'heure du déjeuner, elle se dirigea directement vers son dortoir. Son retour aurait dû se faire plus tôt, mais Hagrid avait tellement bu que le voyage du retour avait été repoussé au samedi matin. Normalement il y avait une sortie à Pré-au-Lard si elle ne se trompait pas, mais elle ne se sentait pas vraiment d'y aller.
La demoiselle rangea ses affaires, prit de quoi faire les devoirs qui lui restaient, et remonta dans la Grande Salle pour manger. Elle verrait plus tard avec ses professeurs pour faire le rattrapage de ce qu'elle avait manqué la veille. Comme elle s'y attendait, les Gryffondor n'étaient pas là.
- Emerald ! Tu es revenue !
La demoiselle leva la tête de ses devoirs et adressa à la brunette un sourire féroce.
- Je n'ai fait qu'une bouchée de Lucius Malefoy, déclara-t-elle, non sans fierté.
Hermione poussa un cri et lui sauta dessus pour la serrer dans ses bras.
- On a réussi ! On a réussi ! scanda-t-elle.
Emerald grimaça légèrement au contact non sollicité, mais finit par décider qu'elle pouvait le lui accorder. Du moins, tant que ça ne durait pas trop longtemps. Ce fut à ce moment-là que Drago Malefoy arriva en trombe dans le hall et partit en courant en direction des cachots, ses cheveux blonds couverts de boue et l'air paniqué.
Les filles échangèrent un regard, avant de décider qu'elles n'avaient aucune raison de s'y intéresser.
- Il fait encore jour, si on allait voir Hagrid ? proposa Hermione.
- Plutôt demain, fit Emerald. Il a beaucoup bu pour fêter l'acquittement de Buck et a besoin de dormir un peu pour son mal de tête.
- Oh.
Quand Hermione annonça aux garçons que Buck avait été acquittés, ils semblèrent oublier leur rancœur. La brunette s'était jetée au cou de Ron pour s'excuser à propos de la mort de Croûtard et il semblait lui avoir pardonné.
Les vacances de Pâques ne furent cependant pas particulièrement reposantes. Jamais les élèves de troisième année n'avaient eu autant de devoirs à faire. De nombreux Serpentard étaient au bord de la crise de nerfs.
- On est censé être en vacances ! rugit Pansy Parkinson un après-midi dans la salle commune. Les examens sont dans une éternité, à quoi ils jouent ?
Mais Emerald était bien placée pour savoir que personne ne pouvait se plaindre d'avoir autant de travail qu'Hermione. Même si elle avait arrêté de suivre les cours de Divination, elle avait davantage de matières à étudier que n'importe qui d'autre. De ce que lui avaient raconté les garçons, le soir, elle était généralement la dernière à quitter la salle commune et, le lendemain matin, elle arrivait la première à la bibliothèque. Elle avait des cernes aussi grands que ceux de Lupin et semblait toujours sur le point de fondre en larmes.
Emerald restait bien plus détendue que la plupart de ses camarades. Elle travaillait à son rythme, confiante grâce à son travail régulier tout au long de l'année, et prenait régulièrement le temps de faire des pauses pour éviter le surmenage. Elle craignait que Madame Pomfresh ne l'étrangle de ses propres mains si elle se retrouvait à nouveau à l'infirmerie cette année.
Harry, lui, devait s'organiser pour faire son travail en fonction des séances d'entraînement de Quidditch, sans parler des interminables discussions tactiques que lui infligeait Dubois. Le match des Gryffondor contre les Serpentard devait avoir lieu le premier samedi après la rentrée de Pâques. Pour l'instant, Serpentard avait deux cents points d'avance. Ce qui signifiait (comme ne manquait pas de le répéter Dubois) qu'ils devaient absolument remporter le match en marquant plus de deux cents points pour gagner la coupe. Ce qui signifiait également que le rôle de Harry serait déterminant dans cette victoire, puisque attraper le Vif d'or rapportait cent cinquante points d'un coup. La Serpentard en était régulièrement témoin lorsqu'elle accompagnait le Survivant.
Tous les élèves de Gryffondor ne pensaient plus qu'au match. Leur équipe n'avait pas gagné la coupe depuis le temps où le légendaire Charlie Weasley (un frère de Ron) occupait le poste d'Attrapeur. Mais nul plus que Harry n'avait le désir de gagner. L'hostilité entre Malefoy et lui n'avait jamais été aussi intense.
Jamais on n'avait attendu un match dans une atmosphère aussi pesante. À la fin des vacances de Pâques, la tension entre les deux équipes et entre les deux maisons était à son comble. Des incidents éclataient parfois dans les couloirs et, un jour, un élève de Gryffondor et un autre de Serpentard se retrouvèrent à l'hôpital avec des poireaux qui leur sortaient des oreilles.
Pour Harry, cette situation était particulièrement pénible. Il ne pouvait pas se rendre d'une classe à l'autre sans qu'un Serpentard essaye de lui faire un croche-pied. Dubois avait donné des instructions pour que le Survivant soit toujours accompagné, au cas où des élèves de Serpentard, notamment Crabbe et Goyle, tenteraient quelque chose pour le mettre hors d'état de jouer. Les élèves de Gryffondor assuraient cette mission avec enthousiasme, si bien qu'il était devenu impossible à Harry d'arriver à l'heure à ses cours, à cause de la foule bruyante et bavarde qui l'entourait en permanence. Et Emerald étant Serpentard, si elle avait le malheur de s'approcher de son ami, elle était automatiquement chassée, malgré les vociférations du Survivant pour qu'on la laisse tranquille.
Le jour du match, au petit déjeuner, Emerald était de nouveau condamnée à rester seule à la table des Serpentard, à cause des Gryffondor qui l'accusaient de faire de l'espionnage pour sa Maison. Ah, les rivalités stériles entre enfants… Néanmoins, alors qu'elle n'assisterait pas au match, elle applaudit avec les autres Maisons quand les joueurs de Gryffondor quittèrent la Grande Salle.
L'état d'euphorie dans lequel la victoire de la coupe de Quidditch avait plongé Harry dura une bonne semaine. Même le temps semblait participer à la fête : à l'approche des premiers jours de juin, le ciel se dégageait de ses nuages, la température augmentait, et les élèves n'avaient plus d'autre envie que de s'allonger dans l'herbe avec quelques pintes de jus de citrouille bien frais à portée de main, ou de faire une partie de Bavboules ou encore de regarder le calmar géant émerger paresseusement à la surface du lac.
Mais c'était malheureusement impossible. Les examens étaient imminents et, au lieu de paresser au soleil, tout le monde était forcé de rester dans le château à se concentrer sur de gros volumes, sans céder aux appels de la brise printanière qui s'insinuait par les fenêtres. Même Fred et George Weasley avaient été surpris à travailler. Ils devaient passer leur BUSE (Brevet Universel de Sorcellerie Élémentaire). Percy, lui, préparait son ASPIC (Accumulation de Sorcellerie Particulièrement Intensive et Contraignante), le plus haut diplôme délivré à Poudlard. Comme il avait l'intention d'entrer au ministère de la Magie, il lui fallait figurer en tête du classement. Il devenait donc de plus en plus irritable et distribuait de sévères punitions à quiconque troublait la tranquillité de la salle commune. La seule personne qui semblait encore plus anxieuse que Percy, c'était Hermione.
Emerald, Harry et Ron avaient renoncé à lui demander comment elle s'y prenait pour assister à plusieurs cours en même temps, mais ils ne purent s'empêcher de reposer une dernière fois la question lorsqu'ils virent le programme de ses épreuves d'examen. Dans la première colonne, on lisait:
LUNDI
9h Arithmancie
9h Métamorphose
Déjeuner
13h Sortilèges
13h Étude des Runes
Emerald haussa un sourcil devant l'emploi du temps improbable, sa propre épreuve d'Étude des Runes n'était pas du tout à cet horaire là…
- Hermione, dit prudemment Ron, sachant qu'elle était sujette aux explosions de colère quand on la dérangeait. Heu... Tu es sûre que tu ne t'es pas trompée en copiant tes horaires ?
- Quoi ? répondit sèchement Hermione en examinant son emploi du temps. Non, bien sûr que je ne me suis pas trompée.
- Est-ce qu'on peut te demander comment tu comptes passer deux examens en même temps ? demanda Harry.
- Non, répondit Hermione, agacée. Est-ce que quelqu'un a vu mon exemplaire de Numérologie et grammaire ?
- Oui, bien sûr, je l'ai emprunté pour lire un peu au lit, répondit Ron, à voix très basse.
Hermione se mit à déplacer les piles de parchemins qui s'entassaient sur sa table, à la recherche du livre. Emerald lui tendit l'exemplaire qu'elle cherchait et qui avait débordé sur sa propre table.
- Merci.
Pendant la semaine des examens, le château connut un silence inhabituel. Le lundi, les troisième année autour d'Emerald avaient le teint grisâtre en sortant de l'épreuve de Métamorphose. Parmi les exercices imposés, ils avaient dû changer une théière en tortue et Hermione exaspéra tout le monde en se plaignant que la sienne avait l'air d'une tortue marine, alors qu'il aurait fallu faire une tortue terrestre.
Après un rapide déjeuner, ils passèrent l'épreuve de sortilèges. Le professeur Flitwick avait choisi pour sujet les sortilèges d'Allégresse. Comme pour la précédente épreuve, Emerald était confiante et exécuta le sortilège à la perfection.
Au matin suivant, Hagrid fit passer l'examen de Soins aux créatures magiques. Il avait apporté une bassine remplie de Veracrasses et annonça que, pour réussir l'épreuve, il suffisait de maintenir son Veracrasse en vie pendant une heure. Comme ces créatures se portaient le mieux du monde dès lors qu'on les laissait tranquilles, jamais un examen n'avait été aussi facile. Harry, Ron, Hermione et Emerald eurent même le temps de lui parler.
- Buck est retourné dans la forêt avec ses copains, leur dit-il en se penchant vers eux sous prétexte de vérifier que le Veracrasse de Harry était toujours vivant. Ça lui fait plaisir de retrouver le grand air, il était enfermé depuis trop longtemps.
L'après-midi, l'épreuve de potions se passa plutôt bien. Malgré les regards inquisiteurs et les tentatives de la déstabiliser, Rogue fut obligée d'admettre que son philtre de Confusion était "tout à fait correct".
À minuit, ce fut l'examen d'astronomie, au sommet de la plus haute tour; l'épreuve d'Histoire de la magie eut lieu le mercredi matin et Emerald retranscrit tout ce qu'elle savait sur les chasses aux sorcières du Moyen Age. Le mercredi après-midi, les épreuves de Botanique se déroulèrent dans les serres sous une chaleur cuisante; les élèves revinrent ensuite dans la salle commune, la nuque brûlée par le soleil, songeant avec envie qu'à cette même heure le lendemain tout serait enfin terminé. La demoiselle eut besoin de s'allonger dans le noir un moment après l'insolation qu'elle s'était ramassée.
L'avant-dernier examen eut lieu le jeudi matin. C'était celui de Défense contre les forces du Mal. Le professeur Lupin leur avait préparé l'épreuve la plus originale qu'ils aient jamais eue à passer: une sorte de course d'obstacles en plein air au cours de laquelle ils durent traverser une mare profonde où se cachaient des strangulots, parcourir des ornières pleines de Chaporouges, se frayer un chemin dans un marécage sans prêter attention aux indications trompeuses des Pitiponks, puis pénétrer dans une vieille malle où les attendait un nouvel épouvantard.
Emerald ressortit de la malle en essuyant rageusement ses larmes, et secoua la tête devant Lupin.
- Ce n'est rien, Emerald, lui assura-t-il. Un jour vous y arriverez.
Il l'invita ensuite à regarder avec lui le reste des élèves passer.
- Excellent, murmura Lupin lorsque Harry fut ressorti de la malle avec un grand sourire. Vingt sur vingt.
Ravi de son succès, Harry resta avec eux pour assister aux parcours de Ron et d'Hermione. Ron fut excellent jusqu'au moment où un Pitiponk parvint à l'entraîner au milieu du marécage dans lequel il s'enfonça jusqu'à la taille. Hermione, après avoir tout réussi à la perfection, entra dans la malle qui contenait l'épouvantard. Une minute plus tard, elle bondit au-dehors en poussant un hurlement.
- Hermione ! s'exclama Lupin, surpris. Que se passe-t-il ?
- Le p-p-professeur McGonagall ! haleta-t-elle en montrant la malle. El... elle a dit que j'avais tout raté !
Harry et Emerald échangèrent un regard et ne purent s'empêcher d'éclater de rire, s'attirant les foudres de la brunette. Il fallut un certain temps pour la calmer. Quand elle eut enfin retrouvé ses esprits, ils retournèrent au château pour aller manger.
Pendant le repas, une Hel toute fière vint se poser sur la table et délivra un parchemin à Emerald de la part de Hagrid. Celui-ci les invitait à passer à sa cabane après leurs dernières épreuves, leur disant qu'il avait une surprise pour Ron. Le quatuor échangea des regards curieux.
Pour leur dernier examen, Harry et Ron devaient passer l'épreuve de Divination, Hermione celle d'étude des Moldus, quant à Emerald, elle en avait déjà terminé. Ils montèrent ensemble l'escalier de marbre. Hermione les quitta au premier étage et la Serpentard accompagna Harry et Ron jusqu'au septième, curieuse de voir la Tour de Trelawney.
- Elle nous prend un par un, dit Neville au trio qui était venu s'asseoir à côté de lui.
Il avait son exemplaire de Lever le voile du futur ouvert sur les genoux, à la page consacrée aux boules de cristal.
- Vous avez déjà vu quelque chose dans une boule de cristal, vous ? ajouta-t-il d'un air affligé.
- Non, répondit Ron, l'esprit ailleurs.
Il ne cessait de consulter sa montre, attendant sans doute le moment où il verrait quel genre de surprise Hagrid pouvait bien lui réserver. Chaque fois qu'un élève redescendait l'échelle d'argent après avoir subi l'examen, les autres chuchotaient d'un air anxieux :
- Alors, ça s'est bien passé ? Qu'est-ce qu'elle a demandé ?
Mais tout le monde refusait de répondre.
- Elle a vu dans la boule de cristal que si je vous disais quoi que ce soit, j'aurais un horrible accident ! couina Neville en redescendant l'échelle.
- C'est pratique ! grogna Ron. Je commence à penser qu'Hermione avait raison, tout ça, c'est de la mystification.
- Oui, dit Harry en regardant sa propre montre.
Il était deux heures de l'après-midi.
- J'aimerais bien qu'elle se dépêche un peu, ajouta-t-il.
Parvati descendit l'échelle. Elle avait l'air très contente d'elle.
- Elle a dit que j'avais toutes les qualités d'une vraie voyante, annonça-t-elle à Ron et à Harry. J'ai vu énormément de choses... Bonne chance !
- Ronald Weasley, dit la voix familière au-dessus de leur tête.
Ron fit une grimace et monta l'échelle. Harry était à présent le dernier candidat. Il s'assit par terre, le dos contre le mur, écoutant une mouche qui volait devant la fenêtre ensoleillée. Il était déjà presque cinq heures.
- Patience, on aura encore le droit de sortir quand ce sera terminé, assura Emerald.
Enfin, au bout de vingt minutes, les pieds de Ron réapparurent sur l'échelle.
- Comment ça s'est passé ? demanda Harry en se relevant.
- Très mal, répondit Ron. Je ne voyais rien du tout, alors, j'ai inventé quelque chose, mais je crois qu'elle n'était pas convaincue...
Ronald et Emerald regardèrent le Survivant monter dans la salle. Quand enfin le jeune homme en ressortit un quart d'heure plus tard, il semblait bouleversé, mais lorsqu'ils lui posèrent la question, il ne voulut pas répondre.
Ils retrouvèrent Hermione au premier étage et descendirent dans la Grande Salle pour dîner. Hagrid les attendait dans le hall quand ils en sortirent.
- Alors, ça y est ? C'est enfin terminé ? demanda-t-il.
Les adolescents lui adressèrent un beau sourire avant qu'il ne les escorte jusqu'à sa cabane. Buck n'était nulle part en vue, cette fois, comme il n'avait plus l'obligation de le garder chez lui. Le garde-chasse les fit entrer, semblant d'excellente humeur.
- Vous voulez du thé ? demanda-t-il.
Les adolescents s'installèrent pendant qu'il s'affairait à déposer son service à thé et mettait la bouilloire sur le feu.
- Alors, comment se sont passés vos examens ?
- Je crois que j'ai tout raté… gémit Hermione, faisant lever les yeux au ciel aux trois autres.
- Je dirais que ça va, fit Harry. Peut-être des soucis en Sortilèges et en Potions.
Ron se contenta de grimacer.
- Et pour toi Emerald ?
- Pour moi ça va, je n'ai pas eu de difficulté particulière, répondit-elle.
Elle ignora le regard blessé des garçons et d'Hermione. Hagrid, lui, fut secoué d'un léger rire avant de se mettre à leur verser le thé.
- Je suis content de savoir que ça s'est bien passé. Moi j'ai été renvoyé avant de pouvoir passer mes examens de troisième année, mais au final, ce n'est pas si mal ! Je suis devenu professeur !
Ils continuèrent de parler de tout et de rien pendant un long moment, appréciant juste l'occasion de simplement se détendre. L'année avait été intense pour tous les cinq et profiter de cet instant de répit leur faisait beaucoup de bien.
- Au fait ! fit soudain Ron comme s'il se rappelait de quelque chose. Vous aviez dit que vous aviez une surprise pour moi ?
- Ah ! Oui !
Hagrid se mit donc à fouiller dans un placard pour en sortir un pot de lait. Il souleva le couvercle, le retourna. Criant et se débattant frénétiquement, Croûtard glissa alors du pot et tomba sur la table.
- Croûtard ! dit Ron d'une voix blanche. Croûtard, qu'est-ce que tu fabriques ici ?
Il attrapa le rat qui continuait de se débattre et le regarda à la lumière. Croûtard était dans un état épouvantable. Plus maigre que jamais, il avait complètement pelé par endroits, et se tortillait dans les mains de Ron comme s'il cherchait à tout prix à s'enfuir.
- Du calme, Croûtard ! dit Ron. Il n'y a pas de chat, ici ! Personne ne cherche à te faire du mal !
Hermione eut l'air légèrement offensée pendant un instant, mais ne dit rien. Le géant regarda par la fenêtre.
- Bon sang de bois ! Je n'avais pas vu qu'il était aussi tard ! Vous devriez tout de suite rentrer au château !
Le quatuor fit donc ses au revoir et ils quittèrent la cabane. Ils remontèrent la pente douce qui menait au château. Le soleil plongeait à l'horizon. Le ciel avait pris une teinte grise mêlée de lueurs pourpres, tandis qu'à l'ouest scintillait un halo rouge couleur de rubis.
Ron s'immobilisa soudain.
- Ron ? fit Hermione.
- C'est Croûtard, dit Ron. Il ne veut pas rester en place.
Ron était penché en avant, essayant de maintenir Croûtard dans sa poche, mais le rat s'agitait comme un diable. Il poussait de petits cris et se tortillait frénétiquement, donnant des coups de pattes en tous sens. Il tenta même de mordre les mains de Ron.
- Croûtard, c'est moi, espèce d'idiot, souffla Ron.
- On ne devrait pas traîner, fit Harry, il faut qu'on avance.
- D'accord... Croûtard, tiens-toi tranquille.
Ils reprirent leur marche, mais après seulement quelques secondes, Ron s'arrêta à nouveau.
- Je n'arrive pas à le tenir, dit-il. Croûtard, arrête...
Le rat poussait de petits cris féroces.
- S'il continue comme ça il va mourir d'une attaque… soupira Emerald en regardant le petit rongeur se débattre.
Le soleil se couchait et la lumière baissait rapidement, à présent.
- Croûtard, reste tranquille ! grommela Ron en serrant la main contre sa poitrine.
Le rat continuait de se débattre comme un dément. Ron s'arrêta à nouveau et s'efforça de maintenir Croûtard au fond de sa poche.
- AÏE ! il m'a mordu ! s'exclama-t-il. Il refuse... de... rester tranquille...
De toute évidence, Croûtard était terrorisé. Il se tortillait en tous sens, essayant par tous les moyens d'échapper à Ron.
- Mais qu'est-ce qu'il a ?
Harry fut le premier à le voir: souple et silencieux, le corps rasant le sol, ses grands yeux jaunes brillant d'une lueur inquiétante, Pattenrond s'avançait vers eux.
- Pattenrond, gémit Hermione. Non, va-t'en ! Va-t'en !
Mais le chat s'approchait.
- Croûtard ! NON !
Trop tard. Le rat avait réussi à se glisser entre les doigts de Ron. Il sauta sur le sol et fila. Pattenrond se lança à sa poursuite et d'une façon assez comique, le groupe se mit à courir après les animaux, Ron bien loin devant eux, tentant de sauver le rat des griffes du chat.
Ils entendaient le bruit de ses pas qui martelaient le sol à bonne distance devant eux et les cris furieux qu'il lançait à Pattenrond.
- Laisse-le tranquille ! Allez, va-t'en ! Croûtard, viens ici !
Il y eut un bruit sourd.
- Je t'ai eu ! File d'ici, sale chat !
Les trois autres faillirent tomber sur Ron. Ils parvinrent de justesse à s'arrêter à quelques centimètres de lui. Ron était étalé par terre, mais Croûtard se trouvait à nouveau dans sa poche et il le serrait des deux mains contre sa poitrine.
Mais avant qu'ils aient eu le temps de retrouver leur souffle, ils entendirent comme un bruit de galop. Un énorme chien d'un noir de jais, aux yeux délavés, surgit alors de l'obscurité.
Merci aux mécènes qui me soutiennent : Mariam Pizette, portgas yuwine et Andromeda !
