Chapitre 5
-Monseigneur... Je veux dire, Votre Grâce!
Sansa et Mordane s'inclinèrent face à la forme du roi apparaissant dans l'encadrement de la porte.
-Je souhaiterais parler seul à seul avec ma promise. Déclara-t-il
-Votre Grâce, avec tout le respect que je vous dois, ce ne serait pas correct... Minauda la septa
-Je me vois contraint d'insister.
Son ton était poli, ses yeux lui hurlaient de partir et la religieuse ne demanda pas son reste. La fille d'Eddard remarqua les cernes du souverain, sa petite mine, s'inquiéta aussitôt: la peine d'avoir perdu son père impactait-elle son sommeil? Sa santé? Elle se demanda comment l'aider: un thé, un biscuit... avant de se sentir ridicule. Une vraie reine saurait soulager son roi. Elle, elle n'était qu'une petite fille...
-Ce que j'ai à vous dire ne doit pas sortir de cette pièce. Déclara l'adolescent
-Je vous jure, sur la tête de Lady, que je ne dirai rien. Promit-elle
Ils s'installèrent à table et la jeune fille lui proposa des gâteaux au citron: cela la consolait toujours. Il songea, un instant, combien c'était idiot et qu'il devrait la rabrouer... avant de s'imaginer sa tristesse, ce qui le bloqua complètement. On ne savait pas forcément quoi faire face au deuil, et elle essayait, avec ses propres armes, de lui montrer qu'elle était de son côté, non?
-Ce que je dis brise mon coeur... mais je ne vois pas d'autres issues.
Sansa pâlit, comprenant aussitôt.
-Vous voulez annuler le mariage... Je vous comprends, vous méritez une vraie femme, une pouvant déjà vous donner un prince...
-Vous vous méprenez.
Il caressa sa joue.
-Je vous aime, Sansa.
Il la sentit rougir sous ses phalanges.
-Je vous aime d'une manière qui m'effraye. Je ne suis pas l'homme gentil et courtois que vous pensez. Mais par amour de vous, je me sens le devenir un peu plus. Vous hantez mon esprit et l'idée de votre bonheur fait le mien.
-Alors pourquoi me quitter?
-Parce que vous méritez mieux que moi...
-Comment méritez mieux que vous?
-Je suis un bâtard, Sansa...
Peu à peu, sa langue se délia et il la sentit se figer sous l'effroi: il était un usurpateur, un illégitime, le fruit d'un amour interdit sur bien des plans... l'enquête de son Main, la mort de Jon Arryn...
-Le roi Robert vous aimait comme son fils. Finit par lâcher la demoiselle du Nord
-Il ne savait pas la vérité.
-Quelle vérité? Aux yeux de tous, vous êtes son fils. Il a fait inscrire "héritier légitime" en pensant à vous. Pour tous, c'est vous.
-Je règne dans un mensonge.
-Robert Baratheon est l'homme qui vous a élevé comme son fils, il vous a fait porter ses couleurs, vous le voyez comme un père. Cela fait de vous son fils, en vérité. Personne n'a à savoir.
-Dites-vous cela parce que vous voulez être reine?
Elle le regarda droit dans les yeux.
-Je dis cela parce que je veux rester avec vous. Parce que je vous aime aussi. N'y a-t-il pas un moyen de tout concilier?
-J'avais envisagé de faire de Lord Stannis mon régent... et de marier Shireen à Tommen.
-Il en serait heureux. C'est lui faire un grand honneur.
Face à son expression, elle s'excusa.
-Je peux comprendre si vous ne souhaitez pas que je parle de politique, ce n'est pas ma place...
-Qu'importe. J'aime votre voix. Parlez.
-Et puis... si les Sept n'accordent pas à Lord Renly la joie d'avoir un fils, Lady Shireen n'est-elle pas, de facto, son héritière après son père? Vous la faites entrer dans la famille royale, Accalmie, le fief de la famille Baratheon, reste au coeur de la Cour et du pouvoir. Si votre frère et elles ont des enfants, la branche cousine de la famille royale sera Baratheon.
-Je n'avais guère pensé à Accalmie...
-Vous avez énormément à penser.
Elle caressa sa main.
-N'en voulez pas trop longtemps à votre mère.
-Elle m'a menti et elle met ma vie en danger, Sansa. Peu importe si le roi la traitait mal, elle lui devait fidélité...
-Oui, elle le lui devait. Elle a eu tort. Mais les Sept la jugeront. Et pour toutes ses fautes, elle vous aime et souffrirait mille morts que de vous voir si mal. Ne lui pardonnez pas de suite si vous ne le pouvez pas. Mais ne la rejetez pas.
-Vous êtes trop bonne pour ce cloaque de vices... peut-être êtes-vous la réincarnation d'Alysanne?
-Ce qui ferait de vous Jaehaerys I, ce qui est de très bon augure pour votre règne.
Il rit enfin, embrassa ses lèvres.
-Ne changez jamais, Sansa... Pitié, restez ce repère constant dans ma vie.
-Je serai tout ce que vous voulez que je sois.
-Mon épouse a fait libérer Lord Tyrion, Votre Grâce. Mes hommes l'escortent jusqu'à Port-Réal.
Joffrey acquiesça.
-Votre Grâce, qu'allez-vous faire? Tenta Mestre Pycelle. J'espère que le Lord Main ne m'en voudra pas de parler ainsi mais Lady Catelyn s'en est prise à votre oncle pour des raisons obscures.
Le roi leva la main pour avoir la paix.
-Peu m'importe. Je n'ai ni le temps ni l'énergie pour une querelle. Lady Stark a obéi à son époux, Lord Tyrion nous est rendu.
-Mais c'est une offense!
-Que je lui pardonne au nom de l'affection que je porte à sa fille, votre future reine.
Un murmure parcourut l'assemblée. En une seule phrase, le jeune homme venait de confirmer la position de Sansa à sa Cour. Il tourna la tête vers Ned.
-Mais c'est la première et dernière fois que je le fais. Lord Stark, je vous serai reconnaissant de mieux contrôler votre épouse.
-Je ferai la lumière sur ses motivations et l'enjoindrai à plus de retenue.
Il reporta son attention sur ses ministres.
-Ma mère s'est retirée de la position de régente qui lui incombe. Sa tristesse d'avoir perdu mon illustre père est trop grande pour lui permettre de tenir son rang comme il se doit. Elle vous demande de lui pardonner.
Ils acquiescèrent. Le souverain reporta son attention sur son oncle.
-Votre présence me réconforte, mon oncle.
Stannis opina du chef.
-Je souhaite renforcer les liens entre notre maison et celle de ma mère. Montrer au monde que nous sommes unis dans ce deuil, et face au danger que représente un roi trop jeune pour la couronne qu'il porte.
-Que proposez-vous, Votre Grâce?
-Je fais de vous mon régent.
-C'est un honneur.
-Je souhaiterais également marier ma cousine, votre fille Shireen, à mon jeune frère Tommen.
Le seigneur observa son neveu, incrédule. C'était trop beau et pourtant...
-Vous honorez ma famille, Majesté.
-Lord Stark restera ma Main. Un peu de continuité rassurera le peuple. Je sais, Lord Stark, que vous désirez retourner à Winterfell. Je vous le demande: demeurez à mes côtés encore un peu. Au moins jusqu'à la fin du deuil royal. Par la suite, une transition commencera et je nommerai une nouvelle Main.
-Je vous remercie pour votre bienveillance, Votre Grâce.
-Qui pensez-vous nommer? S'enquit Varys
-Lord Tywin Lannister, ou peut-être bien mon autre oncle, Lord Tyrion.
-Un choix audacieux, s'il en est.
La question de la dette fut évoquée, sur comment la résorber. Celle du mariage prochain. Et une qu'il n'avait pas vue venir:
Qu'allait-il bien pouvoir faire de Daenerys Targaryen?
