Chapitre 7

La salle du trône était déserte. Joffrey avait donc voulu le voir seul. Stannis ne savait pas pourquoi, tout comme il ignorait comment ce sale petit morveux avait pu mûrir autant en si peu de temps. La mort de Robert, sans doute. Le Régent l'avouait : son aîné était un père horrible, absent et violent. Certes, il ne se considérait pas meilleur lui-même. Distant avec sa propre fille, Shireen ne doutait cependant jamais de son amour. C'était là la tragédie de son neveu : un fils qui idolâtrait son père, un père qui n'en avait rien à faire de lui.

-Mon oncle, merci de m'avoir rejoint.

Ou il y avait un mot pour expliquer le miracle.

Sansa.

Par il ne savait quel miracle, et parce qu'il n'avait que très peu vu la fille Stark, la fiancée du jeune roi avait un effet apaisant sur l'impétueux souverain. Rien que ses manières avaient déteint sur lui.

-Mon oncle, je suis dans une impasse.

-Et je suis déterminé à vous en sortir, Votre Grâce.

-Asseyez-vous.

Il obéit.

-De quelle impasse s'agit-il ?

Après tout, que craignait-il ? Une guerre entre les Stark et les Lannister avait été étouffée dans l'œuf. Lui-même s'était vu honoré par deux fois. Cersei avait été écartée. Il voyait les problèmes de dettes auprès de la Banque de Fer et de Tywin. Concernant le second, nul doute que le patriarche accorderait les délais de paiement les plus larges à son petit-fils. La famille avait parfois des passe-droits. Pour la Banque en elle-même, sur la demande du conseil, le Grand Argentier était en train de faire un plan de remboursement. D'ailleurs, la future reine semblait vouloir donner l'exemple et inspirer les autres en réduisant ses propres dépenses, en cherchant à ne pas gaspiller les ressources, ce qui était louable à son jeune âge.

-Daenerys Targaryen.

La fille du Roi Fou. Qui avait des dragons selon les rumeurs.

-Lady Sansa et moi avons discuté.

-J'ignorais que la future reine était mêlée à la politique du royaume.

Les yeux de Joffrey s'assombrirent.

-Elle l'est sans même en discuter puisqu'elle sera ma femme.

-Bien entendu. Mes excuses, Votre Grâce.

-Mais s'il vous faut savoir, si elle ne se mêle pas de politique d'elle-même, j'aime lui demander son avis. Elle a un regard extérieur à ceux des hommes bercés par cette science.

Le point de vue se défendait.

-Selon mes renseignements, Viserys est mort, Daenerys est veuve et elle marcherait dans le désert, dans l'espoir de réunir des forces pour reprendre mon trône. Elle aurait des dragons.

C'était le cas.

-Quel est votre dilemme, Votre Grâce ?

-Je veux faire d'elle, à défaut d'une alliée, une zone neutre.

-C'est ambitieux.

-Lady Sansa m'a suggéré des pistes que je trouve bonnes mais elle vous affecterait.

Evidemment. C'était toujours lui le dindon de la farce… Néanmoins, l'idée qu'il écoutait n'était pas mauvaise. Très naïve, certes. C'était baser beaucoup d'espoir en la bonté humaine. Mais en effet, cela avait une faible chance de fonctionner.

Rendre à la princesse son titre.

Lui offrir un siège au conseil.

Une alliance pour voir son sang sur le Trône.

Mais restait Peyredragon.

Daenerys était née à Peyredragon.

Lui, il l'avait durement acquis, gardé lors d'un siège dur et mortel, et uniquement parce qu'Accalmie avait été donnée à Renly, ce qui ne comptait plus : de toute évidence, son cadet n'aurait jamais d'enfants et le siège ancestral des Baratheon reviendrait à Shireen.

-Vous avez fait de moi votre Régent. Vous avez fiancé votre frère, qui est pour l'instant votre héritier, à ma fille. Je doute être lésé.

-Mais Peyredragon était à vous.

-Il reste des domaines de la maison Velaryon sans habitant. Je pense notamment à Marée Haute.

-Ce sont des gouffres financiers.

-Cela serait symbolique. La paix vaut bien quelques pierres.


-Mon prince, un cadeau du nouveau roi des Sept Couronnes.

Oberyn roula des yeux. Doran se montra plus stoïque. Un jeune roi, pas encore tout à fait adulte, nul doute qu'il cherchait la paix. Il ordonna à ses domestiques d'ouvrir le lourd coffre présenté à eux. Il sentit son frère se figer, un hoquet de stupeur se coinçant dans sa gorge. Lui-même combattait le feu de ses yeux, les larmes qui menaçaient de couler.

A l'intérieur, sur un velours pourpre, les têtes de Ser Gregor Clegane et d'Amory Lorch les regardaient de leurs pupilles vitreuses.

Dans un autre écrin, les parties intimes coupées de La Montagne.

Il y avait, apparemment, une lettre de Joffrey, sans doute pour essayer de sauver la peau de son grand-père. Il la parcourut, ne croyant pas un instant qu'un homme de la trempe de Tywin Lannister puisse être réduit au silence par son beau-fils, tout souverain fusse-t-il. Du temps d'Aerys, quand il était sa Main, on disait de lui que c'était lui, le véritable roi.

Peu lui importait.

Le fait que le Lion de l'Ouest ait fait ce geste sur la demande de son royal petit-fils était un événement qu'il n'aurait jamais pu prédire.

Cela et la proposition de fiançailles entre Myrcella, sa sœur, et son fils Trystane.

Joffrey I allait être intéressant à suivre.

-Que l'on m'apporte du papier et de l'encre… Dit-il d'une voix chevrotante

Elia avait été vengée.

Son meurtre reconnu dans une certaine mesure.

Le minimum, c'était bien de dire merci à celui qui avait rendu cela possible.


-Tu as osé ?! Ta propre sœur, vendue comme un veau d'or à nos ennemis !

Sansa, qui était assise aux côtés de Joffrey, se leva, salua la reine et demanda à son fiancé la permission de le quitter. Cersei n'arrivait plus à souffrir les manières de cette nordienne. Ses airs innocents, de ne pas y toucher alors qu'elle dirigeait déjà le royaume sans même avoir été épousée ou engrossée !

-Oh non, petite colombe, tu vas rester ! Tu as causé tout ça !

La reine-mère s'approcha de la jeune fille et l'attrapa par la gorge, ce qui fit crier sa future bru.

-Tu n'es qu'une petite manipulatrice sournoise ! Tu cachais bien ton jeu ! Tu veux ma place, avoue !

Reine tu seras, jusqu'à ce qu'une autre arrive, plus jeune et plus belles que toi, pour te détrôner et te prendre tout ce que tu as de plus cher.

-Tommen fiancé à ce laideron ! Ta mère qui n'a eu qu'une tape sur les doigts ! Ton père toujours Main et désormais ma fille offerte comme la dernière des catins à des gens qui vont la tuer ! Espèce de salope !

La Lumière de l'Ouest sentit une main l'agripper par l'épaule et la pousser violemment. Sansa tomba à genoux, sanglotant. Joffrey se mit immédiatement entre les deux femmes.

-Comment osez-vous lever la main sur ma promise ?! Vociféra-t-il

-Elle te manipule, elle mène notre famille à sa perte !

-Sansa nous sauve des décisions iniques de Père !

Cersei eut un rictus.

-Tu es faible comme ton « père ». Tu te laisses aveugler par un joli minois. Elle t'a laissée la baiser, hein ? Avoue-le ? Un point commun de plus avec ton prédécesseur !

Le roi leva la main, prêt à la gifler mais Sansa arrêta son bras.

-Votre Grâce, non ! Il s'agit de votre mère !

-Et vous êtes ma future épouse. Quiconque vous manque de respect doit le payer ! Personne n'a le droit de vous traiter ainsi, personne !

-Votre Grâce, s'il vous plaît, je vous le demande comme une faveur, baissez votre bras.

Il pesta mais obéit tout de même.

-Vous êtes devenue folle, Mère. Le pouvoir vous échappe et vous ne pouvez le supporter. Estimez-vous heureuse que Sansa ait plaidé pour vous. Sang ou non, j'aurais pu vous faire exécuter. Gardes !

Cersei l'observa, interloquée.

-Merci d'accompagner ma mère dans ses appartements et de demander à Mestre Pycelle de l'examiner. Je crains qu'elle ne soit malade et que cela lui fasse tourner la tête.

Une fois seuls, l'adolescente enlaça son promis. Elle tremblait.

Jamais une envie de meurtre ne naquit aussi vite dans l'esprit du souverain.

A suivre