Salut~

Me revoilà avec le fameux chapitre deux.

Disclaimer : Hetalia appartient à Hidekaz Himaruya


Une douleur lancinante parcourait son corps, et son crâne semblait à la limite d'une implosion.

Il avait mal un peu partout, chose quasi quotidienne depuis qu'il avait dépassé les cinquante années d'une vie sans saveur, d'une vie pleine d'amertume, d'une vie où le spectre d'un amour mutilé par la mort planait depuis des décennies.

Elle était loin, cette jeunesse flamboyante. Elle était loin, cette image si claire du plus beau sourire ayant existé. Elle était loin, si loin, et sans relâche, il n'avait cessé d'essayer de l'effleurer de nouveau, ne serait-ce que du bout des doigts.

Il avait essayé, l'œuvre de sa vie. Avait-il réussi ?

Ses yeux clos, Roderich n'arrivait pas à se souvenir de ce qu'il s'était passé après le début de sa tentative pour ramener Antonio d'entre les morts.

Il s'était visiblement évanoui, ou endormi par la fatigue, et Roderich sentait son cœur battre dans son crâne.

"Roderich !"

Le brun papillonna des yeux, cette voix lui rappelait quelqu'un.

"Roderich ! Tu es enfin réveillé !"

Il ouvra difficilement les yeux, la lumière l'aveuglant.

Le brun put voir une forme féminine vaguement familière, peut-être une mage de l'assemblée. De longs cheveux bruns et des yeux verts inquiets, la femme hésitait à le secouer pour le faire réagir. À y regarder de plus près, elle ressemblait à la compagne d'un mage qu'il n'aimait pas du tout quand il était plus jeune. Comment s'appelait-elle, déjà ?

Attendez, elle semblait justement toute jeune, cette forme familière.

Cela faisait bien quelques années qu'il n'avait pas vu cet homme et cette femme, tout deux morts au jeune âge de trente-sept ans. Il s'en souvenait, maintenant. Elizabeta et Gilbert Beilschmidt-Hedervary, les deux s'étant battus pour garder leur nom respectifs après leur union, étaient morts depuis bien longtemps. Cette femme n'était alors qu'une simple chimère. Après tout, le brun avait un mal de crâne monstre, il avait dû se cogner en s'évanouissant. Si cette chimère dansait devant ses yeux, Roderich ne voyait nulle part la moitié qu'il avait essayé de ressusciter.

"Où… est Antonio ?"

La bouche pâteuse et la voix un peu enrouée, Roderich se surprit pourtant à la trouver plus jeune que d'habitude. Cela étant sans importance, il mit cette pensée de côté pour se concentrer sur cette illusion du passé. Une illusion, peut-être, ceci dit celle-ci semblait tangible, l'image d'Elizabeta s'appuyant contre la table de chevet près du lit la regardait de ses yeux inquiets.

"Antonio ? Il est curieux que tu le demandes. Spain t'aurait-il rendu visite ? C'est sa faute si je t'ai trouvé par terre ? C'est Prussia qui est dans le coup ? Je vais le massacrer !"

Roderich observait Elizabeta ruminer et s'énerver toute seule en disant des choses qu'il ne comprenait pas. Il était de plus en plus confus, et l'évocation des termes Spain et Prussia lui provoqua un pic de douleur à la tête.

La planète Terre. Des pays. Des nations.

Le mage avait l'impression qu'on essayait de lui faire se souvenir des choses qu'il n'avait pourtant jamais vécues.

Alors que la femme continuait de s'agiter, Roderich se redressa, avec une aisance étonnante pour son âge, pour s'asseoir sur le lit. Et c'est là qu'il se rendit compte que quelque chose commençait à clocher.

Les yeux rivés sur ses mains, le brun remarqua de suite qu'elles étaient lisses, et non plus fripées. Il ne se souvenait pas s'être jeté dans une fontaine de jouvence.

"Un miroir ! J'ai besoin d'un miroir !"

Son exclamation suffit à sortir Elizabeta de son monologue, et la femme alla lui chercher un miroir portable.

Stupeur. Des cheveux bruns sans un cheveu blanc, des yeux violets pétillant presque de jeunesse, un grain de beauté près des lèvres, et surtout aucune ride : Roderich avait vraisemblablement retrouvé l'apparence de ses vingt-cinq ans. La balafre qui traversait sa joue de l'œil au menton n'était plus là. Il n'y avait plus aucune trace visible de la guerre que le mage avait menée autrefois.

Voyant le brun pâlir en regardant son reflet, Elizabeta lui reprit le miroir des mains.

"Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-elle en plaquant sa main sur le front de Roderich. Ne dis rien, tu es brûlant !"

Sans pouvoir en placer une, le mage ne put que laisser faire la femme, l'obligeant à se coucher à nouveau. Une soupe ingurgitée et une serviette froide sur le front plus tard, Roderich était de nouveau seul dans cette chambre. Finalement, il était toujours autant perdu vis-à-vis de la situation. Que s'était-il passé après avoir fait cette grande magie manipulant la vie et la mort, l'âme, l'esprit et le corps ? Avait-il remonté le temps ? Cela semblait invraisemblable.

L'esprit confus, les souvenirs de Roderich se mêlaient à d'autres réminiscences, des fragments d'une mémoire n'étant pas la sienne. Le temps d'assimiler la chose serait long, surtout s'il ne disposait pas d'informations pouvant potentiellement accélérer le processus. Des connaissances affluaient doucement en lui, et le brun commençait doucement à comprendre qu'il n'était plus dans son monde d'origine.

Ce n'était pas son monde, mais surtout, ce n'était pas son corps.

Le rituel avait dû mal tourné. Au lieu de ramener à lui l'âme et l'esprit d'Antonio, sa propre âme et son propre esprit étaient sortis de son corps pour aller ailleurs. Voilà la seule explication qu'il avait trouvée pour le moment.

Pourquoi avait-il littéralement transmigré dans ce corps ? Il ne le savait pas. S'il devait y réfléchir, ce corps serait une version alternative de lui-même. Roderich ne s'était jamais penché sur la question de dimensions et univers parallèles, impliquant l'existence de plusieurs lui, mais maintenant il devait l'envisager, ou plutôt l'accepter.

Cela établit, il n'avait pas encore expliqué les réminiscences qui affluaient dans son esprit. Avait-il écrasé l'esprit de son autre lui ? Ou avait-il assimilé cet esprit au sien ? Était-il toujours lui-même ou était-il une toute nouvelle personne, fruit d'une fusion de deux lui ?

Toutes ces questions n'arrangeaient en rien son mal de tête, et Roderich décida de dormir.

Le jour suivant, le mage avait eu le temps d'assimiler certaines informations sur ce monde, et surtout sur la place qu'occupait sa version de ce monde.

Ces histoires d'Austria, de Prussia, de Spain, d'Hungary, tout cela, il avait commencé à comprendre.

Le Roderich Edelstein de ce monde, dont il occupait désormais le corps, était le représentant de son pays. Cette représentation était une sorte d'allégorie vivante, le brun n'avait pas encore trouvé les mots pour totalement saisir le concept. Il ne s'agissait pas de représentant dans le sens d'un ambassadeur, bien que certains aspects rejoignaient les fonctions d'un ambassadeur.

Ces quelques informations comprises, Roderich avait aussi vérifié quelque chose d'important. Sa magie. Cela fut un vrai soulagement de voir qu'il pouvait encore l'utiliser. S'il pouvait utiliser sa magie, peut-être pourrait-il trouver une solution à son problème.

Un problème, vraiment ? Roderich cogitait, il réfléchissait longuement à sa situation. Toute cette situation était de sa faute. Affligé, mais surtout aveuglé par la mort d'Antonio, Roderich avait passé sa vie à parcourir le monde pour ses recherches. Il avait bien rencontré du monde, des personnes qu'il pouvait appeler amis même, et rien ni personne n'avait réussi à le faire abandonner son projet. Interdit, tabou, faire revenir les morts parmi les vivants n'était pas une chose aisée. Roderich y avait réfléchi, mais peut-être n'avait-il pas saisi le coût que cela représenterait. Peut-être était-ce simplement impossible de ramener les morts ? La figure d'Antonio n'avait jamais quitté son esprit, et les souvenirs des jours passés ensemble passaient en boucle dans sa tête. Qu'aurait dit Antonio ? Son cœur se serra. S'il avait réussi, Antonio aurait-il été heureux ? Lui, le vieux de soixante-sept ans, et Antonio, le jeunot de vingt-cinq ans, auraient eu un décalage trop important entre eux. Roderich courait depuis des années après ses souvenirs. Les souvenirs ne sont jamais le reflet exact de la réalité, n'est-ce pas ? S'il avait idéalisé tout ce temps Antonio, aurait-il lui aussi été déçu en le retrouvant ? Trop de questions, trop de "et si", Roderich n'en pouvait plus. Maintenant, le brun était dans un autre monde, si différent du sien, il n'avait plus à se préoccuper de ce qu'il avait laissé derrière lui. En vérité, et avec toutes les réflexions qu'il venait d'avoir, il n'y avait tout simplement plus rien pour lui dans son monde d'origine. Cette expérience ratée, était-ce une chance de vivre une deuxième fois ?

Réfléchir, c'était vraiment fatigant. Mettre le passé de côté n'était pas envisageable, et ignorer le présent était impossible.

Maintenant qu'il était dans un autre monde, Roderich était obligé de s'y acclimater et surtout, de faire le travail de son autre lui. Il n'était plus seulement Roderich, aujourd'hui il était également Austria.

Jamais auparavant Roderich n'aurait pensé qu'une nation pouvait s'incarner sous la forme d'un humain, et jamais il n'aurait pensé qu'il deviendrait ce drôle d'être.

En se levant du lit confortable qu'il n'avait pas quitté depuis son réveil, Roderich se dirigea vers la garde-robe de son autre lui, sa garde-robe désormais. Une chemise, un pantalon, un cardigan… Roderich était content de voir que les habits n'étaient pas extravagants.

Les souvenirs déjà assimilés de son autre lui indiquèrent la voie à suivre pour aller dans le salon, bien que son autre lui avait un sens vraiment déplorable de l'orientation. Le brun devait trier ces informations pour faciliter ses agissements. Pour l'instant, il n'avait pas envie d'agir trop différemment de son autre lui pour ne pas qu'on l'embête.

Cette Elizabeta sera bien problématique. Elizabeta Hedervary, dite Hungary l'incarnation de la nation hongroise, avait un jour été mariée avec Austria l'incarnation de la nation autrichienne. La femme sera la première personne à se rendre compte que quelque chose n'allait pas, et une petite voix dans son esprit lui soufflait de lui expliquer la situation.

Dans le salon, Roderich vit Elizabeta se démener pour nettoyer une tache sur le canapé. La femme avait littéralement des flammes dans les yeux, à croire que cette tache était sa némésis. Une tache de chocolat, peut-être ?

"Ahem…"

La jeune femme se tourna vers lui, un sourire vraiment effrayant étalé sur son visage.

Mon Dieu, cette tache l'a vraiment mise en colère ?

"Ah, Roderich ! Enfin réveillé ! Tu m'as fait peur, tu sais ? Dormir aussi longtemps ce n'est pas bien ! le gronda-t-elle en mettant ses poings sur les hanches.

- Hm… Euh… commença le brun en trifouillant ses mains.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Tu as mal quelque part ? demanda-t-elle en s'approchant de lui, la mine inquiète.

- Non, non ! s'exclama-t-il en reculant d'un pas."

Hungary le dévisagea, observant de haut en bas son corps pour relever un quelconque problème. Elle le trouvait bizarre.

Roderich soupira un bon coup, rassemblant son courage.

"Je ne suis pas le Roderich Edelstein que tu connais, Elizabeta Hedervary. Je ne suis pas Austria, Hungary."

Un ange passa. Puis un deuxième ange passa. Le silence était omniprésent, on ne pouvait pas entendre ne serait-ce qu'un bruit de mouche.

"Tu t'es vraiment cogné la tête ? C-C-C'est la faute de Prussia ? De Spain encore ? Je vais les massacrer ! se mit-elle à hurler, brisant le lourd silence.

- Non ! Calme-toi ! Elizabeta, écoute-moi ! Je t'assure qu'ils n'ont rien fait ! hurla aussi Roderich pour se faire entendre.

- Très bien ! Je t'écoute ! Mais si l'explication ne me plaît pas, je vais vraiment les massacrer. répondit-elle en s'asseyant sur le canapé, les bras croisés."

Cette femme est vraiment effrayante.

"Merci. Je vais te raconter tout depuis le début, c'est une assez longue histoire…"

Le mage lui raconta tout, de sa naissance à sa mort, de sa rencontre avec Antonio et de ses recherches sur la musique à la guerre, aux voyages et l'œuvre de sa vie. Il raconta les joies, les peines, le désespoir, l'espoir, les rencontres, dont une fut plus importante que d'autres, qu'il avait pu faire tout le long de son chemin qu'il l'avait mené finalement dans ce monde.

Le silence prit à nouveau place dans la pièce, et Elizabeta le fixait avec un nouveau regard. Elle semblait essayer de le déchiffrer, de comprendre tout ce qu'il lui avait relaté.

"Donc… ma version de ton monde s'est mariée avec… l'autre Prussia ?"

Roderich ne s'attendait pas à ce qu'elle posa d'abord cette question. En cherchant dans les souvenirs nouvellement acquis, le brun se dit qu'au final cette question était peut-être vraiment importante.

"Oui, c'est bien ça. L'autre Elizabeta était mariée avec l'autre Gilbert.

- Et toi, tu étais avec l'autre Spain, ton Antonio, hm ?

- C'est… c'est ça, oui. dit Roderich en pensant à tout ce qu'il avait partagé avec son amant.

- Tu m'as dit que c'était ton compagnon. Avais-tu été marié avec lui, comme l'ont été Austria et Spain ?"

La question le déconcerta un peu, surtout en entendant que les versions alternatives d'Antonio et lui-même avaient été un jour ensemble. L'union entre pays résultait de jeux d'alliances entre les souverains, mais quelques fois cela semblait avoir été plus fort pour les nations incarnées. Cela l'émeut un peu, c'était comme savoir que quelque soit l'univers, l'amour entre deux mêmes individus était inéluctable, à la façon d'âmes-soeurs.

"Non, le mariage n'était pas une option pour moi. Quelqu'un comme Antonio, un simple mage guerrier, avait le droit de se marier, mais pour quelqu'un comme moi qui a toujours vécu au Magicus Collegiarius, cela est proscrit. En fouillant dans la mémoire d'Austria, je peux te dire que c'est un peu comme les prêtres dans l'Église catholique.

- Je vois. répondit Elizabeta avec une pointe de tristesse dans le regard. Tu en as vécu des choses.

- Je ne vais pas m'en lamenter, mais je dois avouer que la constante recherche de quelque chose s'avérant au final impossible est harassante. On utilise peu la magie dans ce monde, alors je suppose que je vais pouvoir me calmer un peu. ajouta Roderich

- Oh mais c'est vrai ! s'exclama soudainement la femme, en faisant sursauter le brun.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Si tu peux faire de la magie, tu peux me rendre un service ? N'est-ce pas ? commença-t-elle à insister, un sourire effrayant sur le visage.

- O-Oui ? Je crois ?"

Roderich ne le savait pas encore, mais il venait de sceller le destin d'un de ses nouveaux collègues en acceptant la requête d'Elizabeta, dont les intentions n'étaient que purement vengeresses.

Quelque part, dans un autre pays, un homme aux cheveux blancs frissonna.