Le témoignage

Le chef Alonzo était resté en dehors de son bureau tout l'après-midi et il prit connaissance du message de Karen Wilson qu'en début de soirée. L'accusation était grave et sa première mesure fut de demander le dossier de la thérapeute et celui du pompier Buckley.

Puis, il prit la décision que cela ne pouvait pas attendre le lendemain et il conduisit jusque chez Karen Wilson. Elle fut surprise lorsqu'il frappa à sa porte, ne s'attendant clairement pas à ce qu'il se déplace en personne.

– Il est fatigué, affirma-t-elle. Que comptez-vous faire pour l'aider ?

– Tout ce qui sera en mon pouvoir, lui promit-il. Mais avant j'ai besoin de savoir exactement ce qu'il s'est passé.

– Ce n'est pas mon histoire à raconter, affirma-t-elle.

Elle lui fit signe d'entrer dans le salon où le pompier Buckley semblait somnoler la tête posée sur les genoux d'une jeune femme qui jouait tendrement avec ses cheveux, en un signe clairement apaisant.

Il salua ensuite l'épouse du capitaine Nash qui était assise en face d'eux.

– Denny va jouer dans ta chambre le temps que nous parlions entre adultes, lâcha Karen à l'enfant qui racontait clairement une histoire passionnante au jeune pompier.

Celui-ci s'exécuta, en promettant de revenir finir son histoire ensuite et disparu au fond du couloir. Karen l'autorisa à appeler ses amis, certainement pour l'empêcher d'écouter la conversation ce qui valait mieux, s'il en avait compris les grandes lignes.

Le jeune homme se redressa péniblement et le chef Alonzo dû retenir son souffle, stupéfait de voir son état, après seulement un mois de la fin du procès.

Le jeune homme était très aminci, presque maladivement. Il avait le visage très pâle, presque gris et de grandes cernes noirs tout autour des yeux. Il semblait porter des vêtements d'au moins deux tailles trop grands pour lui et ses yeux étaient vitreux et hagards.

Ce pauvre garçon était tombé bien trop bas pour être récupéré un jour et c'était arrivé si vite, qu'il en avait lui-même le vertige.

– Bonsoir Buck, lâcha-t-il en se souvenant que c'était comme ça qu'il avait dit vouloir être appeler. Je vous demanderais bien comment vous allez mais je vois que ce n'est pas la grande forme.

– Ouais, je suppose que je pourrais être mieux, répondit-il en se recroquevillant sur lui-même ses bras entourant ses jambes les maintenant contre sa poitrine.

– Je me doute. Je ne veux pas vous importuner mais ce qui vous est arrivé est parvenu jusqu'à moi et je pense que nous devons très vite y mettre un terme.

– Dans quelles mesures ? attaqua la jeune femme qu'il ne connaissait pas. Je veux dire, mon frère a été agressé sexuellement par l'une de vos thérapeutes, qui a entre ses mains le pouvoir de l'empêcher de retourner au travail. Ce qui est imposé par vos services, qui au passage lui ont coupé les vivres à tel point que son seul choix, s'il veut survivre est de devoir lui céder. Mon frère a tout perdu dans cette histoire, son travail, son toit et même sa dignité. Alors que pouvez-vous faire pour l'aider maintenant ?

– Mads…, la supplia-t-il.

– Pardon, souffla-t-elle en le laissant venir dans ses bras. Je suis là. Je ne laisserai plus personne te faire du mal.

– Pour commencer, lâcha le chef. Vous allez retrouver vos droits aux soins. Votre dépression est dû au LAFD et le LAFD paiera pour ça.

– Encore heureux, grogna la sœur du jeune pompier.

– Ensuite, nous allons vous donner un autre thérapeute.

– Je… Le docteur Copeland… Elle… Elle accepte les séances en visio et… je crois qu'elle est digne de… confiance.

– Si elle, vous convient alors je la ferai ajouter à la liste du département.

– Merci, souffla-t-il.

– Quelles autres mesures pouvez-vous prendre pour protéger, mon garçon ? demanda Athena Grant.

– Tout dépend de ce que vous allez pouvoir me dire, jeune homme.

– Je ne saurai même pas par où commencer.

– Pourquoi ne pas avoir demandé à changer de thérapeute ?

– On peut faire ça ? s'enquit-il sincèrement perdu.

– Evidemment. Je pense que votre dossier a atterrit sur son bureau parce que vous l'aviez déjà vu une fois. Est-ce ce jour-là… ?

– Ouais.

– Comment les choses se sont-elles déroulées ?

– Tu n'es pas obligé, souffla sa sœur.

Buck haussa les épaules avant de déglutir.

– J'étais encore un probie, admit-il pas plus fort qu'un souffle. Il y a eu cet accident que le grand huit, ce garçon qui était suspendu au-dessus du vide et qui était si désespéré. Et j'étais là, je voulais l'aider, le sauver mais pourtant il a lâché prise, juste comme ça, en une seconde… Je n'ai pas compris son geste à l'époque. Je crois que je comprends maintenant.

Sa sœur resserra son étreinte sur lui et le jeune pompier sembla reprendre conscience de ce qui l'entourait.

– J'avais du mal à… reprendre, ça me bouffait et le Cap, il m'a demandé d'aller parler à la psy du département alors j'y suis allé.

– Que s'est-il passé ?

– Au début rien. En fait si, elle… Elle m'avait demandé en ami sur facebook, juste une heure avant l'entretien. C'était bizarre et je lui ai fait remarquer mais elle a juste dit qu'elle ne savait pas comment c'était arrivé. Je lui ai parlé de ce qui s'était passé et de comment je me sentais. J'étais essentiellement un connard avec une bite à la place du cerveau à l'époque.

– Buck, le gronda Athena. Pas de mauvaises pensées.

– Ça reste vrai. Je lui ai dit, je veux dire pour mon penchant pour le sexe et qu'elle avait de la chance d'être une psy parce que sinon elle voudrait sûrement coucher avec moi elle aussi.

– Qu'a-t-elle répondu ?

– Rien, elle a juste fait… ça… et j'ai été autorisé à reprendre le travail.

Sa sœur passa sa main sur ses joues, pour essuyer ses larmes.

Il ne semblait même pas conscient du fait de pleurer. Le chef Alonzo était conscient que cela devait être une épreuve de plus pour lui de revivre tout ça mais c'était nécessaire et il avait l'impression que c'était la première fois qu'il pouvait dire à voix haute ce qui lui était arrivé.

– Pourquoi n'avez-vous rien dit à l'époque ?

– Il en a parlé, gronda Karen.

– Ce n'est pas important, la coupa Buck.

– Oh non, jeune homme, affirma Athena. Ils doivent payer pour leurs bêtises. Tu n'as pas à les protéger.

– Athena a raison, confirma sa sœur. Ils ne t'ont pas protégé d'elle alors qu'ils auraient dû le faire. Ils t'ont laissé te débattre avec ça comme ils l'ont fait avec le reste de tes traumatismes et à cause de ça tu as pensé à mourir. Je ne pardonne pas ça.

– De qui parle-t-on ?

– Les pompiers Howard Han, Henrietta Wilson et le capitaine Robert Nash, affirma Athena Grant. Buck leur a dit ce qui s'était passé et ils en ont ri comme d'une blague pendant des mois.

– Et bien des sanctions seront évidemment prises contre eux trois. Je les entendrai rapidement et les suspendrai certainement.

– Et pour elle ?

– Je la raye de la liste et je vais la dénoncer au conseil des médecins. Le reste, c'est à la police de faire son travail.

– J'espère qu'elle aura ce qu'elle mérite, cracha Karen Wilson, les bras croisés.

– Et pour mon travail ? demanda Buck.

– Prenez le temps nécessaire à votre guérison. En ce qui me concerne, vous êtes un de nos meilleurs pompiers et j'ai hâte de vous revoir sur le terrain.

– Merci monsieur.

Athena Grant se leva pour le raccompagner à la porte.

– Le docteur Copeland t'a trouvé une place dans une maison près de Malibu, lâcha Karen Wilson. C'est assez loin mais ils sont parmi les mieux noté.

– Non, je… Je ne veux pas y aller, être encore seul. Mads, s'il te plait, je ne veux pas y aller.

– Alors, tu n'iras pas, mais calme toi.

– Merci, lâcha Athena Grant alors qu'il se trouvait sur le pas de la porte.

– La route sera longue, affirma-t-il. Et je me sens responsable de ne pas avoir pu mieux protéger l'un de nos pompiers.

– Buck s'en remettra, nous allons y veiller. Rendez-nous service, chef, pour nos trois indélicats pompiers. Pouvez-vous attendre demain après-midi pour les convoquer. Maddie, Karen et moi sommes leurs compagnes et nous aimerions régler nos comptes avec eux à ce sujet. L'effet de surprise sera d'autant plus efficace.

– Bien sûr, lui sourit-il.

Et il se sentait chanceux de ne pas être l'un d'entre eux.