Hello, hello!
Me revoilà avec le fruit de mon "petit" projet d'été. Ce sera donc une fiction Severus et Harry mentor, avec une tranche de sevadora si on cligne des yeux. Il y a 23 chapitres en tout que je compte publier tous les 15 jours (l'idée étant d'alterner avec LDS mais nous verrons ce qu'il en est de ce côté là en terme de productivité). Comme toujours, je recommande à ceux qui le peuvent de plutôt se diriger vers la version ao3 car j'ai dessiné deux trois illustrations que je ne peux pas inclure dans la version ff.
Un grand merci à Ellie pour la correction!
J'espère que ça vous plaira!
Enjoy & Review!
Scottish Rhapsody
Chapitre 1 :
Le contraste entre la moiteur de la nuit dans la capitale et la fraicheur de la petite route de campagne sur laquelle ils apparurent frappa immédiatement Harry qui frissonna. Dans la pénombre, leur environnement avait quelque chose d'un peu effrayant. Il jeta un coup d'œil au Directeur qui ne semblait pas plus perturbé que ça par la végétation en friche sur la droite et les arbres qui menaçaient d'avaler la route sur la gauche. C'était du bitume sous ses pieds et la petite route, bien qu'étroite, devait être utilisée parce qu'il y avait des traces de freinage au sol. Les insectes chantaient dans la nuit, un hibou hululait plaintivement sur leur gauche…
Albus Dumbledore resta un instant immobile, les yeux à demi-clos, la baguette à la main, comme s'il scannait les environs à l'affût d'une quelconque menace…
Le cœur battant et l'estomac serré, Harry attendit avec angoisse de savoir si la Trace les avait trahis. Dumbledore avait affirmé qu'il pouvait masquer sa magie suffisamment longtemps pour que le Ministère ne le repère pas. Tant qu'il avait été à l'abri derrière le Fidelitas qui entourait le Square Grimmaurd, Harry avait été en sécurité et hors de leur portée mais dès lors qu'il en était sorti…
Il ne comprenait toujours pas pourquoi il ne pouvait rester au Q.G. avec Sirius, étant donné la situation. C'était l'excuse parfaite pour enfin vivre avec son parrain.
Il ne comprenait pas non plus pourquoi Dumbledore refusait de le regarder en face – ou tout court – et cela avait tendance à le remplir de rage.
C'était injuste.
Tout était injuste.
De ce qu'il s'était passé durant le Tournois des Trois Sorciers l'année dernière à sa condamnation pour avoir fait apparaître un Patronus à Little Whinging. Lorsqu'il repensait au procès, cela le rendait malade.
« Allons-y. » déclara Dumbledore, après un moment.
Le vieil homme se mit à marcher d'un bon pas, sans attendre qu'Harry ne l'imite, traînant sa malle transformée en énorme valise à roulettes derrière lui, et sans offrir d'explications sur où exactement ils allaient. C'était peine perdue. Sirius avait eu beau hurler et tempêter, le Directeur avait refusé de lui confier son plan brillant pour le cacher du Ministère.
Ils marchèrent longtemps.
Parce que la végétation lui rappelait celle de Poudlard, Harry en déduisit qu'ils devaient être quelque part en Écosse, probablement dans une zone Moldue, vu la route et l'occasionnel panneau de signalisation qui semblaient avoir vécus des jours meilleurs.
Au bout de quelques minutes, il se désintéressa de la végétation pour se demander ce qu'un Moldu aurait pensé du costume trois pièces en velours pourpre brodé d'étoiles argentées du Directeur. Dans la nuit, le tissu avait une couleur sombre mais les fils d'argent attrapaient parfois la lueur de la lune.
« Vous ne voulez toujours pas me dire où est-ce qu'on va ? » demanda-t-il, en désespoir de cause, alors qu'il dépassait un énième panneau avec un mot à rallonge qui comportait beaucoup trop de consonnes. S'ils n'étaient pas en Écosse, ils étaient forcément en Irlande ou au Pays de Galle et dans un endroit suffisamment reculé pour être attaché à sa langue nationale.
« Patience, Harry, patience. » répondit simplement Dumbledore, alors qu'ils atteignaient un croisement improbable entre la route étroite sur laquelle ils marchaient et une autre plus étroite encore. Il ne repéra aucun panneau disant que la circulation était à sens unique. Comment faisaient les voitures lorsqu'elles se croisaient ?
Il y avait un petit ruisseau à droite de la route derrière lequel la végétation s'était faite plus boisée. L'air s'était encore rafraîchi mais avait désormais des odeurs d'eau et de vase qui n'étaient pas si désagréables. Cela lui rappelait le lac à l'école.
« Je compte sur toi pour faire un effort. » offrit Dumbledore, en déviant de la chaussée sans prévenir. Sur l'instant, il sembla s'enfoncer entre deux arbres mais, alors qu'il se dépêchait de le rattraper, Harry repéra le chemin de terre battue au sol, à moitié dissimulé par les arbustes, à peine moins large que la route. « Je sais que la cohabitation sera sans doute difficile au début et que vous avez vos aprioris l'un sur l'autre. J'aimerais pourtant que tu te souviennes que les apparences sont souvent trompeuses et que les individus sont souvent plus complexes qu'il n'y parait de prime abord. Nous portons tous en nous nos erreurs et nos regrets, Harry. Si tu lui donnes une chance, je pense que tu pourrais être surpris. »
Cela n'augurait rien de bon.
À l'angoisse de se voir rattrapé par le Ministère s'ajouta l'appréhension de ce qui l'attendait au bout du chemin de terre.
Parce que Dumbledore marchait devant lui sans daigner le regarder, il fixa son regard au sol où des traces de pneus prouvaient qu'au moins un Moldu – ou un Né-Moldu – vivait là.
« Surpris par quoi ? » pressa-t-il. « Par qui ? Monsieur… »
Il n'eut pas le temps d'en demander davantage parce qu'une voiture, qu'il reconnut comme étant une Ford Fiesta dont le design avait au moins dix ans de retard sur les modèles les plus récents si ce n'était davantage, barrait le chemin. Elle avait été abandonnée là davantage que garée et, alors qu'ils la contournaient tous les deux prudemment en tâchant de ne pas s'accrocher aux arbustes et à la végétation qui bordaient – ou envahissait – le chemin, Harry constata qu'elle était cabossée par endroits, rouillée à d'autres et que le pare-choc avant semblait à deux doigts de se décrocher. Il jeta un coup d'œil à l'intérieur mais il faisait trop sombre pour qu'il distingue grand-chose.
Le chemin de terre ne tarda pas à faire une légère boucle et un cottage en forme de L apparut comme par magie de derrière les arbres qui le dissimulaient de la route. Sauf que ce n'était pas de la vraie magie.
Ils étaient à l'arrière, visiblement, et Harry, de plus en plus curieux, suivit Dumbledore le long du côté de la maison pour rejoindre l'avant.
Ce qu'il vit en premier fut le lac.
Il n'était pas si grand. Il était même plutôt petit, Harry en distinguait l'autre rive sans mal, mais entre les insectes qui chantaient, le croissant de lune qui se reflétait sur l'eau et la tranquillité paisible des lieux, l'endroit avait quelque chose d'envoûtant.
Du moins jusqu'à ce qu'il ne reporte ses yeux vers le cottage en lui-même et l'homme qui se tenait au pied des quelques marches qui menaient au porche. Il le reconnut immédiatement, malgré les vêtements Moldus qui semblaient si incongrus sur lui.
Impossible d'ignorer le rictus mauvais ou la baguette en aubépine pointée droit sur eux.
Harry pila net.
Dumbledore ne pouvait pas être sérieux.
Parce que l'homme qui se tenait là, à les menacer, n'était autre que Severus Snape.
Et le regard noir, lorsqu'il se posa sur lui, n'était rien de moins qu'haineux.
Le garçon se raidit, se préparant à encaisser la remarque désobligeante qui ne manquerait pas de venir, prêt, déjà, à déverser sa colère rentrée sur cette cible inespérée que le destin avait mis sur sa route. Ce n'était pas comme s'il devait craindre d'être renvoyé, après tout, il pouvait tout à fait balancer à Snape ses quatre vérités et…
Le Professeur de Potions s'écroula, se rattrapant de justesse à la rambarde qui bordait le porche.
Avant qu'Harry n'ait pu comprendre ce rebondissement inattendu, Dumbledore s'était déjà élancé avec une rapidité qu'auraient dû gommer ses années.
« Ça va, ça va… » grommela Snape, d'une voix où la fatigue se disputait à la douleur, lorsque le Directeur l'attrapa par la taille pour le soutenir.
« J'ai transplanné à plus d'un kilomètre. » répondit le Directeur. « Je ne pensais pas… »
« Ce n'était pas vous. » marmonna l'homme. « J'ai jeté un sort de détection, en vous entendant arriver. »
« C'était imprudent, Severus. » soupira Dumbledore. « Harry, viens m'aider, s'il te plaît. »
« Toujours moins imprudent que de me laisser surprendre par des Mangemorts, au milieu de la nuit. » rétorqua Snape, en tentant de se détacher des bras du vieux sorcier. « Je vais bien, je n'ai pas besoin de… »
Harry s'était approché avec réticence et méfiance mais eut à peine le temps de le rattraper, par réflexe, lorsqu'il parvint à se défaire de la poigne du Directeur, uniquement pour vaciller comme s'il allait tomber. Cela lui valut un regard noir que l'adolescent lui rendit volontiers.
Ce n'était pas comme s'il avait demandé à être là, après tout.
Où que là soit.
Perdu au milieu de rien, apparemment.
Sirius avait dit, en s'esclaffant, que la carrière d'espion de Snape avait duré en tout et pour tout vingt minutes et que c'était regrettable que Voldemort ne leur ait pas fait une faveur en l'achevant. Remus l'avait grondé pour ce commentaire parce que le Professeur ne s'en était sorti qu'in extremis. Harry s'était désintéressé de la chose parce que, d'une part, il détestait Snape, et d'autre part, il avait d'autres chats à fouetter.
Visiblement, le Professeur n'en avait pas réchappé indemne.
« Que faites-vous ici ? » siffla Snape, sans trop sembler savoir s'il devait diriger sa question vers Harry ou le Directeur. « Nous étions d'accord pour limiter les contacts à une visite par semaine… Minerva était là, il y a quatre jours encore. »
« Ah, mais je crains qu'il y ait eu certains… développements dont Minerva n'était pas au courant. » soupira Dumbledore. « Harry, aide le Professeur Snape a rejoindre ce banc, veux-tu ? »
Dumbledore ne le regardait toujours pas en face, ce qui l'irritait de plus en plus. Cela faisait des semaines que ça durait. Le Directeur fuyait sa présence, l'ignorait lorsqu'ils étaient ensembles, refusait de le regarder lorsqu'il daignait s'adresser à lui…
Il n'était pas certain duquel de lui ou de Snape mit le plus de mauvaise volonté à monter les trois marches qui menaient au porche, jusqu'à atteindre le banc matelassé au tissu fané qui était calé entre la porte d'entrée et la rambarde en bois. Il occupait tout l'espace mais la vue en plein jour, devinait Harry, devait être spectaculaire.
Derrière le banc, une fenêtre laissait passer la lueur d'une lampe allumée à l'intérieur, éclairant un peu mieux la scène. Lorsqu'il vit correctement son enseignant pour la première fois, l'adolescent se figea.
Snape n'avait jamais été bien épais mais, là, ses pommettes creusées lui donnaient un air maladif, ses cheveux étaient encore plus gras que d'ordinaire et, bien qu'il soit difficile d'en juger vu la faible luminosité, son teint semblait cireux. Et c'était sans mentionner l'épais pansement qui dépassait du col de son tee-shirt à manches longues noir et montait sur le côté de son cou presque jusqu'à frôler sa mâchoire.
Le choc de son apparence atténua un peu son hostilité instinctive et lorsqu'il s'écarta, après l'avoir aidé à se laisser tomber sur le banc, il fut soulagé de pouvoir reculer un peu dans la pénombre près de la porte pour laisser Dumbledore prendre sa place près de Snape. Le Directeur leva sa baguette puis sembla se raviser, la rangeant dans sa manche avant de se pencher pour l'examiner de force. Le Professeur tenta bien de protester mais il devait être trop faible pour faire davantage que de repousser les mains dextres du vieux sorcier alors que celui-ci décollait un côté du pansement.
De là où il était, le garçon aperçut ce qui ressemblait à un trou impressionnant bardé de points de suture – pourquoi des points de suture ? Ne pouvait-il pas aller voir Madame Pomfresh ? – et plus perturbant, tout autour de la plaie, il y avait comme une toile d'araignée de veines noirâtres.
« C'est un peu plus joli. » décréta finalement Dumbledore.
Si ça c'était joli, alors Harry n'aurait pas voulu voir à quoi ça ressemblait à l'origine.
« Le venin semble finalement commencer à perdre en puissance. » continua le vieux sorcier. « Combien de fois avez-vous dû recoudre depuis ma dernière visite ? »
Recoudre ?
Snape s'était recousu lui-même ?
« Deux. » admit le Professeur. « Les crises sont également moins fréquentes. » Les yeux noirs tombèrent sur lui, bien qu'il se soit appliqué à se faire oublier. « Puis-je savoir pourquoi vous avez jugé bon de l'emmener, lui, ici ? Croyez-vous que j'ai besoin d'un rappel de mes échecs ? Croyez-vous… »
« Calmez-vous avant de déclencher une nouvelle crise, Severus. » le coupa Dumbledore. « Poppy et vous étiez d'accord sur le diagnostic, il me semble ? Du repos et du calme sont les deux clefs de votre convalescence. »
« Ça et éviter toute exposition à une quelconque magie. » railla Snape, entre le sarcasme et le mépris qui semblaient, pour une fois, tournés vers lui-même. « Ce qui me rend d'autant plus inutile. »
Il y avait beaucoup trop de fragilité dans la voix du Professeur de Potions. L'homme paraissait à vif et c'était déstabilisant.
« Nous avons déjà eu cette conversation, mon garçon. » soupira Dumbledore, d'un ton las. « Votre utilité ne s'est jamais limitée à vos talents d'espion. »
« Quels talents. » se moqua Snape, en gardant les yeux détournés vers le lac. « J'aurais aussi bien fait de laisser Nagini m'achever. »
La main que le Directeur posa sur l'épaule de son enseignant semblait lourde et la manière dont il la serra pas tout à fait agréable. « Je n'aime pas vous entendre parler ainsi. »
Harry avait l'impression d'espionner une conversation privée et un peu trop intime mais n'osait pas bouger de peur de déclencher la colère de Snape.
« Pourquoi me l'avez-vous emmené ? » demanda le Professeur, dans un murmure. « J'ai échoué, Albus. Si vous souhaitez tout lui dire, faites-le, je ne me défendrais pas. Mais n'espérez pas… »
Tout lui dire ? Lui dire quoi ?
Harry ne posa pas la question, sachant d'avance ce que le Directeur répondrait – ou ne répondrait pas, plus probablement.
« Vous n'échouerez que si vous renoncez. » l'interrompit Dumbledore. « Et vous êtes en train de renoncer, Severus, je le vois davantage à chacune de mes visites or j'ai encore besoin de vous. Harry a encore besoin de vous. » Harry émit, à ça, un bruit de protestation qui lui valut un regard presque amusé de la part du Professeur – ou peut-être ironique. « Certes, j'espérais que vous nous serviriez d'espion mais vous avez d'autres capacités qui seront inestimables à l'Ordre lorsque vous serez remis. Vous êtes loin d'être inutile et la dernière chose dont nous avons besoin est ce grand sacrifice que vous vous imaginiez. De plus, il est encore temps de trouver un autre moyen de payer les dettes que vous pensez avoir envers les morts. J'en vois un évident. Souvenez-vous de votre serment. Il y a différentes manières de le remplir. »
Snape resta silencieux un long moment puis soupira. « Que voulez-vous de moi ? Et, au risque de me répéter, pourquoi Potter est-il ici ? »
« Parce qu'il s'avère qu'Harry a besoin d'un endroit sûr, loin de toute magie qui pourrait trahir sa présence. » expliqua Dumbledore. « Mais l'histoire est longue et, si vous vous sentez mieux, peut-être serions-nous mieux installés devant une tasse de thé. »
Loin de les inviter à entrer, Snape jeta un regard incrédule au Directeur. « Vous n'êtes pas sérieux ? »
Le visage du vieux sorcier était de marbre. « Terriblement, je le crains. »
Harry avait deviné que ce serait le dénouement de cette soirée à la seconde où il avait aperçu Snape mais cela lui fit tout de même un coup. Pourquoi n'aurait-il pas pu rester avec Sirius au Square Grimmaurd ? Pourquoi le Directeur semblait-il soudain le détester au point de le jeter en pâture à Snape ? Était-ce à cause de ce qu'il s'était passé en juin dernier ? Parce que, à cause de lui, Cédric… Ou bien était-ce l'horreur de savoir que c'était son sang qui avait relevé Voldemort ? Qu'il était intrinsèquement lié au mage noir ?
Le Professeur de Potions avait son air contrarié des grands jours mais, bien que grommelant entre ses dents, se leva tout de même prudemment pour ouvrir la porte du cottage. Dumbledore lui ordonna d'aller chercher sa valise alors Harry obéit, ne serait-ce que pour retarder d'autant de devoir mettre les pieds chez Snape.
Était-ce chez Snape ?
La voiture, les vêtements Moldus… Peut-être qu'il était forcé de vivre ainsi parce qu'il ne pouvait pas être exposé à la magie. Sûrement même. Snape était forcément un Sang-Pur. Serpentard n'attirait pratiquement que ça. Et il était un Mangemort, en prime.
Il traîna les pieds autant qu'il l'osa mais dut finalement se rendre à la fatalité et passer le seuil du cottage, tout en regrettant déjà l'absence d'Hedwige, confiée à Ron et Hermione. Ron et Hermione… Ses meilleurs amis n'en auraient sans doute pas cru sa malchance…
Il n'était pas certain de ce à quoi il s'était attendu.
Un intérieur glauque et gothique, peut-être, ou bien, au contraire, ostentatoire comme les Serpentards semblaient préférer mais l'intérieur semblait étrangement banal. À droite de l'entrée, là où la lumière avait été allumée, il y avait une petite cuisine plutôt en désordre. Visiblement, les potions ne comptaient pas comme une forme de magie parce que deux chaudrons empilés dont dépassait un bec bunsen avait été rangés dans un coin. De la vaisselle s'entassait dans l'évier, un verre avait été abandonné sur la table ronde calée sous la fenêtre, un frigo à l'aspect aussi préhistorique qu'imposant ronronnait à côté de placards qui semblaient artisanaux…
« Déjà en train de fouiner, Potter ? » grinça une voix sifflante dans son dos. Harry sursauta, se reprochant immédiatement sa bêtise. « Vous m'en voyez navré si cela ne correspond pas à vos standards. » Il n'eut pas le temps de se défendre. D'un geste impérieux, Snape lui désigna une porte de l'autre côté du couloir. « Allez vous asseoir et ne touchez à rien. »
Parce qu'il avait appris sa leçon chez les Dursley, Harry obéit sans broncher, passant le seuil d'un petit salon à l'aspect confortable, si ce n'était douillet. La pièce était envahie de livres, ils débordaient des étagères et finissaient en piles à même le sol, deux fauteuils et une table basse faisaient face à une impressionnante cheminée de briques où brûlait déjà un feu, un tapis râpé donnait une touche de couleur nécessaire, et, lorsqu'il leva la tête, il vit la rambarde d'une mezzanine qui surplombait la pièce. Elle était plongée dans la pénombre, alors c'était dur de dire ce qu'il y avait là-haut mais c'était sans doute là que menait l'escalier étroit et à l'aspect croulant qu'il avait repéré dans le couloir.
Dumbledore avait déjà pris place dans un fauteuil et paraissait absorbé par l'étude d'un des livres qui jonchaient la pièce – pour mieux éviter d'avoir à interagir avec lui, songea Harry. Il ne commit pas l'erreur de s'asseoir dans l'autre fauteuil, s'appropriant le repose-pieds et le traînant de l'autre côté de la table basse, là où il pourrait garder les deux sorciers dans son champ de vision. Le fait que la flambée lui réchauffe le dos était un bonus non négligeable. Si Dumbledore lui avait dit qu'ils allaient quelque part en Écosse, il aurait enfilé autre chose qu'un des tee-shirts trop grands de Dudley.
Snape revint quelques minutes plus tard avec un plateau sur lesquels les tasses s'entrechoquaient légèrement. À la lumière du plafonnier, il avait l'air encore plus mal en point qu'à l'extérieur.
« Asseyez-vous, Severus, je m'occupe du thé. » ordonna Dumbledore plus qu'il ne l'offrit.
Le Professeur ne protesta pas, pas plus qu'il ne commenta le choix de siège d'Harry qui se demandait s'il n'aurait pas mieux fait de s'asseoir par terre. Il avait également apporté trois tasses au lieu de deux, ce qui était plus d'attention que ce à quoi il se serait attendu.
Harry jetait des coups d'œil aux biscuits vidés à la va-vite sur l'assiette, dans le plateau, mais comme personne ne s'était servi… C'était sans compter sur le regard de rapace de Snape qui leva les yeux au ciel. « Ils ne sont pas empoisonnés, Potter. »
Prenant ça pour une permission tacite, il osa en prendre un et croqua dedans sans attendre, trop habitué à mettre la nourriture à la bouche dès qu'il le pouvait. Il ignora le commentaire sur ses manières déplorables.
« Bien. » reprit le Directeur, une fois qu'ils eurent tous une tasse de thé brûlante en main. « Je pense que quelques explications s'imposent, de part et d'autre. Harry, tu n'es pas sans ignorer le risque que j'ai demandé au Professeur Snape de courir au début de l'été… »
« Aller retrouver les autres Mangemorts. » répondit-il, bien que le vieux sorcier ait gardé son regard rivé sur son thé qu'il touillait minutieusement.
Snape détourna la tête, probablement parce qu'il avait saisi l'accusation implicite dans sa voix. Curieusement, le Professeur ne se défendit pas.
« Prétendre être toujours des leurs, oui. » confirma le Directeur, le ton suffisamment acéré pour faire comprendre à Harry que sa remarque était notée et déplacée. « Cela a failli lui coûter la vie. »
« Est-il véritablement nécessaire de revisiter cet épisode peu glorieux ? » marmonna Snape.
Dumbledore l'ignora comme il tendait à ignorer Harry. « Il n'a échappé aux Mangemorts que par miracle, grâce à un portoloin que je lui avais confié, mais malheureusement pas indemne. Tu te souviens du serpent de Lord Voldemort, je présume ? » Le Professeur de Potions grogna, attirant sur lui le regard bleu perçant qui se posa sur son avant-bras gauche. « La Marque ? Vous m'avez assuré… »
« La Marque n'apprécie pas ce nom et vous le savez très bien. » rétorqua Snape. « La douleur est autrement sous contrôle. »
Le Directeur parut satisfait. « L'Occlumencie n'est donc pas une forme de magie qui vous pose actuellement problème. »
« La magie de l'esprit est une branche à part, comme vous le savez déjà. » répondit le Professeur, en fronçant les sourcils. « Où voulez-vous en venir ? »
« Plus tard. » temporisa Dumbledore, ses yeux dérivant brièvement vers Harry, trop brièvement pour croiser son regard. « Nagini a mordu le Professeur Snape, ce qui a présenté de nombreuses difficultés. »
« Facilement résumables, au demeurant. » railla l'enseignant, avec sarcasme. « Me voilà condamné à vivre comme un Moldu, autant que possible, jusqu'à ce que le venin quitte mon corps, ce qui, cela vous réjouira sans doute, est un processus long et douloureux. »
« Pourquoi est-ce que ça devrait me réjouir ? » demanda Harry, avant d'avoir pu se convaincre de tenir sa langue. « Je ne suis pas un Mangemort, moi. La souffrance des autres, ça ne me fait pas plaisir. Même la vôtre. »
Les yeux noirs croisèrent les siens un long moment puis se détournèrent. Snape avait l'air contrarié.
« Le Professeur Snape se trouve dans l'incapacité de reprendre son poste à la rentrée. » annonça Dumbledore. « Ce qui nous emmène à notre présence ici, Severus… »
« Vous voulez que je le garde jusqu'au premier septembre pour une sombre raison que nous n'aurons pas le droit de connaître, ni l'un ni l'autre, mais que je peux déduire parce que vous êtes incapable de ne pas vous mêler de ce qui ne vous regarde pas. » devina Snape. « Et c'est… »
« Libre à vous de révéler autant qu'il vous plaît. » coupa Dumbledore, avec un regard lourd de sens. « Encore que, selon moi, le temps des secrets est révolu et vous pourriez tous les deux bénéficier d'une conversation franche. Surtout, étant donné que vous n'avez plus à donner le change devant les enfants de Mangemorts pour les convaincre que vous détestez Harry. »
Parce que c'était ridicule, l'adolescent émit un bruit amusé. Comme si Snape avait fait semblant de…
« Êtes-vous donc si certain que ce n'était que de la comédie ? » siffla le Professeur. « Êtes-vous prêt à parier la sécurité de votre précieux Survivant sur cette hypothèse ? Me confieriez-vous… »
« Je vous confierais la vie d'Harry les yeux fermés. » décréta le Directeur, tournant les yeux vers le garçon sans pour autant croiser son regard. « Je sais que tu dois penser que je suis devenu sénile. Crois-moi lorsque je te dis que, sur cette terre entière, il n'y a personne d'autre à qui je fais davantage confiance pour te garder en vie et hors des griffes des uns et des autres qu'à Severus. »
C'était…
« Pourquoi ? » demanda-t-il.
La mâchoire de Snape s'était contractée et il avait à nouveau détourné la tête, ses mains agrippaient les accoudoirs avec tellement de force que ses phalanges étaient blanches.
« Ça, Harry, c'est au Professeur Snape de te le confier, s'il le souhaite. » répondit calmement Dumbledore. « Vous avez raison, Severus, je souhaite laisser Harry ici, avec vous, mais pas jusqu'au premier septembre. Harry ne retournera pas plus que vous à Poudlard à la rentrée pour la bonne et simple raison qu'il a été exclu de l'école. »
C'était toujours la même sensation lorsqu'il entendait ces mots : comme si son estomac tombait en chute libre jusqu'à ses talons. Sa gorge se serra et ce fut son tour de fixer le fond de sa tasse. Il avait terminé le thé sans y prendre garde et les feuilles, au fond, formaient des formes que Trelawney aurait sans doute interprété comme autant de malheurs.
Et ce n'était rien en comparaison du souvenir de ce qu'ils avaient fait, au Ministère, après avoir prononcé ces mots.
« Comment ? » s'exclama Snape, avec surprise comme s'il n'avait pas passé les quatre dernières années à tenter de le faire renvoyer. « Qu'avez-vous encore fait, Potter ? Essayé une autre voiture volante ? »
« J'ai fait apparaître un Patronus devant mon cousin et Mrs Figgs. » marmonna-t-il. « Il y avait des Détraqueurs. »
« Des Détraqueurs ? Dans une banlieue Moldue ? » releva le Professeur, en tournant sa question vers Dumbledore. « Si c'est la vérité, dans ce cas le Ministère aurait dû pouvoir… »
« Soit le Ministère ne veut pas admettre avoir perdu le contrôle des Détraqueurs, soit ces Détraqueurs avaient leurs ordres. » intervint le Directeur. « Je penche pour cette version. La suite était trop bien orchestrée. Malgré notre défense plus que solide, le Mangenmagot a tranché en faveur de l'accusation. Nous avons évité Azkaban car Harry est mineur. »
« Ils ont brisé ma baguette. » murmura-t-il, incapable de jugueler la douleur dans sa voix.
Le bruit qu'avait fait sa baguette en bois de houx, lorsque Fudge l'avait brisée… Et contrairement à Hagrid, il n'avait pas eu le droit de conserver les morceaux.
« Ils ont… quoi ? » Snape paraissait vraiment abasourdi. « C'est… »
« Entièrement disproportionné. » confirma Dumbledore. « Pire, un représentant du Ministère est entré en contact avec les Dursley et je les soupçonne fort de vouloir légalement mettre la main sur Harry par ce biais. »
« Dans ce cas, il serait beaucoup plus à l'abri au Q.G. avec le cabot. » décréta le Professeur. « Et c'est sans mentionner les autres forces en présence. Ici, il sera vulnérable. Il n'y aucune protection sur les lieux, je peux à peine jeter un sort sans avoir une crise… »
« Ce qui en fait la cachette parfaite. » contra le Directeur. « Pour la même raison qu'aucun Mangemort n'a de raison de venir vous chercher ici, le Ministère ne pensera pas plus à y chercher le garçon. Le village Moldu est petit, suffisamment isolé pour que les gens se méfient des étrangers et la zone est exempte de toute habitation magique, de créatures ou d'ingrédients rares. À cause de la Trace, il est impératif qu'Harry se tienne loin de toute magie ou ils le retrouveront sans tarder. Kingsley et Tonks pourraient sans doute nous prévenir en amont mais c'est un pari que je ne veux pas risquer. Le cacher chez quelqu'un d'autre serait l'exposer au risque que la Trace se déclenche par accident, le renvoyer chez les Dursley est exclu et le Q.G. n'est pas viable sur le long terme. »
« Pourquoi ? » intervint Harry, sans pouvoir se retenir. « Sirius… »
« Je n'ignore pas que tu préfèrerais vivre avec ton parrain. » coupa Dumbledore, non sans compassion. « Et je sais qu'il t'aurait gardé auprès de lui sans hésiter. Mais pour des raisons de sécurité, il est préférable que tu ne sois pas au Q.G. en permanence. »
« Mais c'est probablement l'endroit le plus sûr après Poudlard ! » insista-t-il. « Et… Et je peux aider l'Ordre ! Les rêves que je fais, ma cicatrice qui brûle… Je peux vous dire ce que fait Voldemort ! Je serais plus utile au Q.G. et comme ça Sna… le Professeur Snape pourra se remettre en paix et ce sera plus sûr pour tout le monde ! »
« Ah. » lâcha soudain Snape, comme s'il venait de comprendre quelque chose.
Harry tourna un regard frustré vers lui. Ne pouvait-il pas l'aider un peu ? L'homme n'avait sûrement pas plus envie que lui de se retrouver forcés de cohabiter pendant un laps de temps indéterminé ?
« Oui. » confirma Dumbledore, comme si l'enseignant avait émis une observation à voix haute. « Pensez-vous pouvoir le faire ? »
Le Professeur pinça la bouche et posa sur Harry un regard incertain. « Peut-être. Mais vous avez conscience que si ce que vous soupçonnez est juste, nous risquons à tout moment d'être découverts ? Je vous rappelle, une nouvelle fois, que cet endroit possède zéro défense magique et que, si je suis prêt à protéger le gamin, mes capacités sont, pour le moment, limitées. Et… mon énergie aussi. Je ne suis pas le mieux équipé pour m'occuper d'un adolescent, présentement. Particulièrement d'un adolescent aussi turbulent. »
« Je ne suis pas turbulent ! » protesta-t-il.
« Je n'ignore pas qu'il y a un risque mais je vous fais confiance pour agir au mieux. » déclara le vieux sorcier, un éclat amusé dans le regard. « Quant à dire que l'endroit est sans défense… Je vous connais trop bien. »
« Les alarmes Moldues sont une faible parade face à un groupe de Mangemorts déterminés. » soupira Snape. « Au mieux, cela nous fera gagner quelques minutes… »
« Suffisamment pour fuir. » suggéra le Directeur. « Ou appeler à l'aide. De plus, Harry est extrêmement compétent en Défense, pour son âge, et je ne doute pas que, sous votre tutelle, il fasse davantage encore de progrès. »
Le Professeur émit un bruit qui ressemblait à un ricanement mais qui n'était pas du tout amusé. « Est-il donc censé me servir de garde du corps ? »
« Disons que cela me rassurerait de savoir que vous vous protégez l'un l'autre. » rétorqua Dumbledore.
Harry hésitait entre une certaine fierté que le Directeur l'en croit capable et une frustration grandissante.
« Je n'ai pas de baguette, vous vous rappelez ? » ironisa-t-il.
« Surveillez votre ton lorsque vous vous adressez au Professeur Dumbledore. » siffla Snape.
Dumbledore ne sembla pas prendre ombrage de son ton, il était tout aussi calme qu'il l'avait été jusque là, comme si tout se déroulait selon ses plans. Un léger sourire joua sous la barbe blanche. « J'espérais que le Professeur Snape pourrait remédier à ce petit problème, à vrai dire, Harry. »
Si possible, le Professeur se renfrogna davantage. Il pianotait désormais sur l'accoudoir avec son index, visiblement en pleine réflexion. « N'est-il pas dangereux de lui confier une baguette en sachant que le moindre écart lancerait le Ministère à ses trousses ? »
« Je pense que vous vous apercevez vite que vos a priori concernant Harry sont infondés et qu'il est capable de la plus grande responsabilité lorsqu'il sait ce qui est en jeu. » déclara Dumbledore. « De plus, je le préfère armé. Si vous ne souhaitez pas vous séparer de la baguette en question, je reviendrais demain avec une autre. »
Demain.
Comme s'il était entendu qu'Harry allait rester là.
Il attendit que Snape proteste davantage, ne s'énerve… Mais l'homme semblait soudain très las.
« Non. » cracha le Professeur. « Non, je la lui donnerai. Rien ne garantit qu'elle fonctionne pour lui mais ce sera toujours mieux que rien. Êtes-vous certain que ce soit le meilleur choix, Albus ? Vu sa famille, Black doit avoir au moins quelques notions. Il pourrait… »
« Sirius éprouve des difficultés à accepter de devoir resté enfermé. » soupira Dumbledore, comme à regret et avec un coup d'œil pour lui.
« Je pourrais le distraire. » plaida Harry. « Lui tenir compagnie… »
« Je sais. » admit le Directeur. « Mais je crains que tu ne te retrouves à devoir t'occuper de lui, à devoir être la voix de la raison, davantage que l'inverse et ce ne serait bon ni pour lui, ni pour toi. Et ce sans mentionner les problèmes de sécurité. »
« Mais vous avez dit que je serais plus en sécurité là-bas… » protesta-t-il.
« Vous, oui. Les informations que vous pourriez surprendre, c'est autre chose. » déclara Snape.
« Ron et Hermione retournent à l'école, eux. » grommela-t-il. « Je n'aurais personne à qui dire quoi que ce soit. » Il supplia le Professeur du regard de l'aider à convaincre le Directeur. Ça n'avait jamais fonctionné jusque là mais… « Vous ne pouvez pas vouloir vous retrouver coincé avec moi ! »
« Ce n'est pas exactement ainsi que j'envisageais mon repos forcé, certes. » admit l'homme, en se frottant les yeux.
« Vous vous lamentiez de ne plus servir à rien. » lui rappela Dumbledore, non sans un léger amusement. « Vous désespériez d'être incapable de remplir vos serments et j'ose même dire, mon cher ami, que vous vous ennuyiez. J'espère que tu aimes les échecs, Harry, Severus peut passer des soirées entières à réduire ses adversaires en poussière. »
Le Professeur leva les yeux au ciel sans y mettre l'agacement auquel il se serait attendu.
Il avait la désagréable impression que Dumbledore allait se lever et partir, en l'abandonnant là, à la merci de ce Snape qui était un peu différent de l'ordinaire. Affaibli. Moins acerbe.
« Combien de temps ? » lança-t-il. « Combien de temps est-ce que je vais devoir rester ici ? »
« Eh bien… » hésita le Directeur. « Tu n'ignores pas que j'ai fait appel de la décision du Ministère mais ils ne sont pas pressés de nous donner une date. En attendant, tu es plus en sécurité ici qu'avec le tuteur qu'ils ne manqueraient pas de t'assigner si tu leur donnais la moindre excuse de le faire. »
« Ce n'est pas une réponse, ça. » grinça-t-il.
« Lorsque l'école reprendra, le Professeur McGonagall te fera passer les cours et les devoirs que tu vas manquer. Tu devras te contenter de la théorie, pour l'instant, je le crains. Excepté si Severus veut faire un cours pratique de Potions, bien entendu. » continua Dumbledore.
Harry fit de son mieux pour masquer sa joie.
Vu le reniflement railleur en provenance de l'autre fauteuil, ce ne dut pas être très réussi.
Le Directeur tourna son attention vers Snape. « Je ne vous demande pas de tout superviser… »
« Parce que vous savez que je le ferai quand même. » ironisa le Professeur de Potions.
« Libre à vous de jouer les professeurs. » s'amusa le vieux sorcier. « Mais je vous demande simplement de vous charger personnellement des Potions et de la Défense, autant que votre état le permet. Minerva a déjà proposé de passer une partie de ses visites à superviser son travail. »
« Et… le reste ? » s'enquit le Professeur.
« Le reste, je le laisse à votre discrétion. » déclara Dumbledore, en se levant. « Harry, je t'abandonne aux mains capables du Professeur Snape. Je suis certain que tout se passera bien. Severus, raccompagnez-moi, voulez-vous ? »
Abandonner était le mot exact, songea Harry avec panique.
Abandonné aux mains de Snape, à sa merci, seuls, loin de toute civilisation et d'aide potentielle, sans baguette – il ne croyait pas une seconde que l'homme allait lui en confier une, malgré l'insistance du Directeur. Dumbledore aurait aussi bien fait de l'envoyer directement dans les bras de Voldemort.
Les deux sorciers étaient dans l'entrée, hors de vue du salon. Harry se leva et se rapprocha furtivement autant qu'il l'osa, grimaçant à chaque latte de plancher qui grinçait sous ses pieds. Il n'était pas assez idiot pour se cacher derrière la porte, alors il s'arrêta à la moitié de la pièce et tendit l'oreille. Même comme ça, il n'entendait que des bribes : la voix grave de Snape portait à peine jusqu'à lui et celle de Dumbledore était étouffée comme s'il était déjà à l'extérieur.
« …votre choix. » dit Dumbledore. « … devriez lui dire… Point communs… Surpris… »
« … finit… » répondit Snape. « … racheter… trop tard… »
Lorsqu'il entendit la porte d'entrée se refermer, il se précipita sur l'étagère la plus proche et feignit de s'intéresser aux titres qui s'y trouvaient. Potions, potions et davantage de potions…
Le cœur battant, il écouta les bruits de pas pourtant feutrés se rapprocher jusqu'à sentir la présence qui l'observait du seuil de la pièce. Sans savoir s'il voulait relever la tête d'un air bravache pour mieux affronter le monstre ou s'il voulait se faire tout petit dans l'espoir de ne pas aggraver la situation, Harry se tourna vers lui.
Il ne s'était pas attardé sur sa tenue jusque là mais voir Snape en jean et avec un tee-shirt long qui lui collait au corps était extrêmement perturbant. Comme deux mondes diamétralement opposés qui se fracassaient l'un contre l'autre. Comme si Tante Pétunia et Oncle Vernon s'étaient soudain déguisés en sorciers.
« Si vous souhaitez emprunter un livre, je n'ai rien contre, dans la mesure où vous y fassiez attention et les remettiez en place après usage. » lâcha Snape, de manière absolument incongrue.
Ce n'était vraiment pas ce à quoi Harry s'était attendu.
Et cela ne le rendit que plus méfiant.
« Vous avez déjà trouvé seul la cuisine, il me semble. » continua Snape, en se détournant, lui intimant d'un geste de le suivre. Le sorcier passa devant l'escalier sans s'arrêter et désigna une porte close, nichée juste derrière. « Placard. Sentez-vous libre d'y ranger votre valise ou ce que vous avez de trop encombrant, une fois installé. » Il frappa une autre porte. « W.C. » Le couloir tournait à angle droit, sans doute vers la partie plus petite du L que formait le bâtiment. Le Professeur poussa une porte qui était restée entrouverte. « Salle de bain. Nous devrons partager, je vous prierais donc de nettoyer après votre passage. Je vous prierais de nettoyer après votre passage, en règle générale. » La dernière porte était au bout du couloir et Snape ne s'en approcha pas. « Ma chambre où je vous déconseille d'entrer sous aucun prétexte si vous ne voulez pas terminer en ingrédients pour potions. Compris ? »
« Oui. » répondit-il, avant d'étoffer, sous le regard perçant. « Monsieur. »
Il n'y avait pas d'autres portes et il était en train de se demander si le placard derrière l'escalier était plus ou moins large que celui chez les Dursley, lorsque Snape lui fit signe de rebrousser chemin et désigna d'un geste la volée de marches étroites et à l'aspect branlant. Il n'y avait même pas de rambarde et la montée était raide. « En haut à gauche, il y a une porte, elle donne sur la mezzanine du salon. Vous dormirez là. Montez votre valise et n'allez pas vous assommer sur le plafond. »
Harry obéit. Que pouvait-il faire d'autre ?
Le temps qu'il réussisse à traîner sa valise en haut des marches sans se briser le cou ou la lâcher, Snape avait disparu. Grommelant entre ses dents des épithètes peu glorieux à propos de Dumbledore, Harry négocia le virage périlleux du palier et poussa la porte de gauche, non sans jeter un coup d'œil curieux à celle de droite. Il n'y avait pas de mezzanine dans la cuisine, ce qui signifiait que la pièce était fermée… Un grenier peut-être ?
Contrairement au reste du cottage, il était évident que personne n'avait mis les pieds là-haut depuis un long moment. Le bureau poussé contre le mur opposé à la porte était couvert d'une épaisse couche de poussière. Une housse en plastique recouvrait un canapé au tissu râpé qui prenait la majorité de l'espace, mais qui, lorsque Harry osa y poser une fesse, s'avéra confortable. La lampe sur pied refusa de s'allumer lorsqu'il pressa l'interrupteur ce qui était normal parce que, après une brève inspection, il s'avéra qu'il n'y avait pas d'ampoule. Un tapis en peau d'un animal quelconque était roulé dans un coin et un meuble à tiroirs était logé entre la porte et le mur.
S'il avait dû deviner, Harry aurait dit que le cottage était plutôt vieux et que la mezzanine était une tentative de gagner de l'espace. Snape ne devait pas y venir souvent parce qu'il était plutôt grand et Harry, qui ne l'était pourtant décidément pas comparé aux autres garçons de son année, était lui-même forcé de garder la tête baissée pour ne pas se cogner aux poutres du plafond. Au-dessus du canapé, à peine accessible, une lucarne offrait une jolie vue du ciel étoilé.
Ce n'était pas le pire endroit où il avait logé.
Ça battait le placard.
S'il dépoussiérait et faisait un brin de ménage, le canapé semblait assez confortable pour y dormir…
L'escalier craqua, annonçant l'arrivée du Professeur de Potions.
Harry se tendit à nouveau.
Lorsqu'il émergea sur la mezzanine, le sorcier était penché en deux pour éviter les poutres et pestait contre le plafond trop bas et les fausses bonnes idées. Encore qu'Harry ne soit pas sûr que cette dernière partie soit dirigée contre la soupente.
Plus surprenant était la pile de linge que le sorcier tenait contre lui.
Harry ne s'était pas attendu à avoir des draps ou une serviette. Il se serait débrouillé sans.
« C'est plus sale que dans mes souvenirs. » grommela Snape, avec mauvaise humeur et un regard agacé pour Harry, comme si c'était sa faute. « Il est tard, cela attendra demain. Le canapé se déplie. Enfin… Il se dépliait, à une époque. »
Parce que l'homme l'étudiait toujours avec irritation, Harry se décida à ôter la housse en plastique – avec précaution, il ne tenait pas à ce que Snape l'accuse d'avoir abîmé quelque chose qui lui appartenait – et à tenter de déterminer comment exactement on dépliait ce genre de clic-clacs. Cela aurait pu durer un moment si le Professeur, après avoir poussé un soupir impatient, n'avait posé le linge en équilibre instable sur la rambarde pour l'aider. Le mécanisme était un peu grippé mais, une fois déplié, le matelas avait l'air correct.
« Je présume que vous savez faire un lit ? » ironisa le sorcier, en lui jetant pratiquement la pile de draps au visage. « Dans le cas contraire, je vous conseille d'apprendre rapidement. »
Harry faisait les lits depuis qu'il avait quatre ans et que Tante Pétunia avait décidé qu'il devait l'aider aux tâches ménagères pour se rendre utile, mais il ravala l'information, comme il ravala l'envie de dire à Snape d'aller se faire voir.
La situation avait changé.
McGonagall était peut-être censée venir bientôt mais, jusque-là, il était soumis au bon vouloir de l'enseignant, or lorsqu'on vivait avec quelqu'un… Les Dursley l'avaient préparé au pire. Et il doutait qu'il y ait pire que Snape.
Le Professeur testa l'interrupteur de la lampe sur pied, en vint à la même conclusion que lui sur l'ampoule et grommela des choses inaudibles à propos de Dumbledore, de contraintes et de karma. Toutefois, il désigna un bouton pression au mur et lui dit qu'il contrôlait également le plafonnier du salon et qu'il devrait faire avec jusqu'à ce qu'ils puissent se procurer une ampoule neuve.
Harry n'avait pas pensé qu'il lui donnerait une ampoule et, vraiment, s'il pouvait contrôler le plafonnier de là, ce n'était même pas si nécessaire que ça, alors il flaira le piège. Snape était beaucoup trop… Peut-être pas sympathique mais nettement pas assez hostile.
« Installez-vous et rejoignez-moi en bas. » ordonna le Professeur.
S'installer ne prit pas tant de temps que ça.
Il fit le lit rapidement, hésita puis ouvrit un des tiroirs du meuble dans le coin et, en trouvant deux de vide, y rangea les quelques vêtements Moldus qu'il avait emportés, posa ses livres d'école, son encrier, sa plume et quelques parchemins sur le bureau et… voilà. La valise était vide, tout le superflus – et tout ce qui était magique – ayant été abandonné au Square Grimmaurd sur instruction de Dumbledore.
Il se demanda ce que Ron et Hermione faisaient en ce moment, songea à la cuisine du Square Grimmaurd avec Sirius en bout de table et son elfe à moitié givré qui marmonnait dans un coin, et il ressentit un tel sentiment de jalousie et de colère…
C'était injuste.
Tout était injuste.
Du fait qu'il soit puni pour avoir sauvé la vie de son cousin à se retrouver perdu au milieu des bois avec Snape pour seule compagnie.
À court d'excuses et ne voulant pas donner de raison au Professeur de le punir aussi vite, il redescendit, attentif à ne pas glisser dans l'escalier décidément traître. Il suivit les bruits jusqu'à la cuisine où Snape était en train de faire la vaisselle.
L'incongruité de la chose le frappa et, à nouveau, il eut cette sensation étrange d'avoir pénétré dans un monde parallèle où tout était à l'envers.
Le Professeur lui jeta un coup d'œil par-dessus son épaule mais termina sa tâche. « Asseyez-vous. »
Harry s'exécuta, trop conscient des manches retroussées du sorcier et du serpent noir que le savon ne dissimulait pas. Snape finit par sentir son regard et baissa les yeux vers la Marque, avant de grimacer. Il rinça la dernière assiette, s'essuya les mains sur un torchon et tira délibérément ses manches, en commençant par la gauche.
Le Gryffondor pensait sincèrement qu'aucun d'eux ne ferait de commentaires.
Il n'était certainement pas suicidaire au point d'en faire un.
« Je ne sers plus le Seigneur des Ténèbres depuis seize ans. » lâcha Snape, sans le regarder en face. « Je conçois vous avoir donné, à dessein, toutes les raisons de croire le contraire mais… Soyez rassuré sur ce point. »
Harry aurait aimé affirmer qu'il n'avait pas besoin d'être rassuré. Et pourtant… « Pourquoi est-ce Dumbledore pense que je suis tellement en sécurité avec vous ? »
Pourquoi pas Sirius ? Ou Remus ? Ou n'importe qui n'ayant pas passé les quatre dernières années à le rabaisser, insulter son père ou à chercher tous les prétextes pour lui coller une retenue?
« Le Professeur Dumbledore a ses raisons. » décréta l'homme, sans répondre.
Les adultes ne répondaient jamais aux questions, ce n'était donc pas bien surprenant.
Il aurait voulu insister. Il y avait eu tellement de sous-entendus entre les deux sorciers, ce soir-là, mais une part de lui, la part qui avait survécu quatorze ans chez les Dursley, était trop consciente qu'il valait mieux jouer la carte de la prudence, pour l'instant. Ne pas le provoquer inutilement. Ne pas s'attirer ses foudres.
Face à son silence, Snape se racla la gorge et désigna une porte à côté du frigo qu'Harry n'avait pas remarquée. « La buanderie. Je me doute que vous n'avez jamais utilisé de machine à laver Moldue mais je ne suis pas blanchisseur. En conséquence… »
« Je sais utiliser une machine à laver. » coupa Harry, un peu insulté. Ce n'était certainement pas Tante Pétunia qui s'occupait du linge quand il était chez eux. Il savait utiliser la machine à laver et il était un as du fer à repasser, sans se vanter.
Il avait dû être un peu trop véhément parce que Snape plissa les yeux et croisa les bras, s'appuyant au comptoir dans son dos. « Établissons quelques règles qui nous éviterons de nous entretuer, Potter. »
« Ça ferait mentir Dumbledore. » marmonna-t-il.
« Le Professeur Dumbledore. » corrigea, à nouveau, le Professeur. « J'attends de vous que vous vous adressiez à moi avec respect. Le cottage n'est pas si grand et nous allons être amenés à vivre en proximité, je ferai un effort pour que la cohabitation se passe au mieux et vous ferez de même. » Il attendit qu'Harry hoche la tête en signe d'approbation puis continua. « Je sais que j'en demande probablement beaucoup mais, dans la mesure du possible, essayez de rester ordonné. Rangez et nettoyez après vous dans la salle de bain, gardez la mezzanine propre. À vous de voir si vous voulez replier le canapé tous les jours pour gagner de l'espace ou si c'est trop contraignant, cela m'est égal tant que ça ne devient pas un capharnaüm sans nom. »
Il acquiesça à nouveau pour montrer qu'il avait compris.
« Comme je viens de le dire, vous êtes responsable de votre linge sale. » décréta Snape. « La lessive et tous les produits ménagers sont dans la buanderie. Je m'occuperai de préparer le déjeuner et le dîner. Si vous ne venez pas quand je vous appelle, il n'y aura pas de deuxième service. Vous êtes suffisamment grand pour vous débrouiller le matin. Servez-vous dans les placards. Pas de nourriture en haut, ça attirerait les nuisibles. »
Il se détendit un peu à la mention des repas.
S'il avait appris une chose dans sa vie, c'était qu'un repas n'était jamais garanti.
« Est-il utile de répéter que vous ne devez en aucun cas utiliser votre magie ? » demanda le Professeur.
« Non, Monsieur. » répondit-il. « J'ai compris. Je ne tiens pas à être rattrapé par le Ministère, vous savez. »
L'index de Snape pianotait inconsciemment sur son biceps comme tout à l'heure sur l'accoudoir tandis qu'il l'étudiait pensivement.
Harry se demanda si c'était un tic nerveux.
« Quant bien même, les accidents arrivent même aux adultes. Il est impératif que vous vous contrôliez. » lâcha finalement le Professeur. Il sembla délibérer quelques secondes de plus avant de se décider à ajouter: « Le venin de Nagini a des propriétés uniques et très particulières. Il empêche les plaies de se refermer, en premier lieu. »
Les yeux verts dérivèrent vers le pansement qui dépassait du col du tee-shirt noir. « C'est pour ça que vous devez refaire les sutures aussi souvent ? »
Il était évident que Snape n'avait aucune envie de parler de ça mais il soupira. « Oui. Ne vous alarmez pas si je me mets à perdre du sang. La morsure, par chance, est loin de ma carotide et c'est plus impressionnant que dangereux tant que je parviens à recoudre à temps et que j'ai un reconstituant sanguin sous la main. » Un moment de silence puis… « Ceux-ci sont rangés dans le petit placard à pharmacie de la salle de bain, si jamais j'étais dans l'incapacité de les atteindre. »
Tout ça semblait extrêmement dangereux pour quelqu'un qui était laissé livré à lui-même, seul, loin de tout.
« Dans tous les cas, ne jetez aucun sort sur moi. » insista l'homme. « Le venin réagit très mal à la magie. Y être exposé entraîne des… crises. »
« Comme tout à l'heure ? » hésita-t-il.
« Plus ou moins. » esquiva le Professeur. « J'insiste. Au-delà de la question de la Trace, je ne serais pas capable de nous défendre si le venin m'en empêche. »
« Ça n'aurait pas été plus sûr de laisser quelqu'un d'autre avec vous ? » demanda-t-il, n'y tenant plus. « Un autre Professeur ou un membre de l'Ordre ? Les Mangemorts doivent vous chercher… »
« Oh, ils me cherchent. » confirma Snape. « Mais le Seigneur des Ténèbres a peu d'effectifs, pour l'instant, et d'autres priorités. Tant que je n'attire pas l'attention sur moi et que je reste loin des endroits où ils m'attendent très certainement, je ne risque pas grand-chose. » Son regard se fit plus dur. « Pas de magie, Potter, sauf si vous vous retrouvez nez à nez avec un Mangemort ou le Seigneur des Ténèbres en personne, auquel cas, par Merlin, utilisez tous les sorts de votre répertoire et priez pour que ce soit suffisant. Est-ce clair ? »
C'était déjà clair une heure auparavant mais Harry ne voulait pas risquer de le voir reconsidérer les trois repas par jour, donc il hocha la tête. « Oui, Monsieur. »
L'homme continuait à l'étudier avec cet air indéchiffrable qui cachait mal une profonde réflexion. Finalement, au bout de tellement longtemps qu'Harry dut se faire violence pour ne pas gigoter, Snape se repoussa du comptoir et tira quelque chose de la poche arrière de son jean – Snape portait un jean, il ne s'en remettrait jamais et Ron refuserait sans doute de le croire.
C'était une baguette.
Une baguette qui n'était pas la sienne. Ça, Harry en était certain parce que celle du Professeur était d'un bois sombre, aussi noir que ses yeux. Cette baguette-ci était d'un bois si clair qu'elle était presque blanche, plus pâle encore que celle de Ron.
« Que savez-vous des baguettes ? » demanda Snape.
« Elles… choisissent leurs sorciers ? » répondit-il bêtement, se remémorant les mots d'Ollivander.
Apparemment, ce n'était pas si bête que ça parce que le Professeur inclina la tête. « Oui, en quelque sorte. La combinaison de certains ingrédients rendent une baguette plus ou moins compatible avec la magie naturelle d'un sorcier. Ce que j'essaye de vous expliquer, Potter, c'est que toutes les baguettes fonctionneront pour un sorcier plus ou moins bien selon votre affinité pour leurs éléments. Et, bien sûr, l'allégeance d'une baguette est parfois difficile à gagner. »
Il avait peur de suivre. « Vous voulez dire qu'aucune baguette ne marchera jamais aussi bien que la mienne. »
Il éprouva un élan de chagrin qui menaça de le faire suffoquer.
Depuis qu'ils avaient brisé sa baguette…
Il avait l'impression d'avoir perdu une part de lui-même.
« Aucune, ce serait s'avancer. Il n'est pas rare qu'un sorcier ait plusieurs baguettes dans sa vie. » nuança Snape. « Toutefois, il n'y a aucune garantie que vous soyez compatible avec celle-ci ou qu'elle vous réponde correctement. »
Avec une réticence visible, comme à regret, le Professeur posa lentement la baguette au centre de la table, devant Harry qui n'osa pas faire un geste pour la prendre.
« Si je la touche, est-ce que ça ne va pas déclencher la Trace ? » hésita-t-il.
« Pas tant que vous ne jetez aucun sort avec. » déclara le Maître des Potions. « Vous n'avez plus onze ans, vous devriez parvenir à contrôler votre magie mieux que lorsque vous avez acheté votre première baguette. »
Harry prit une profonde inspiration et tendit la main vers la baguette, s'attendant à tout : de ne rien ressentir du tout à ce que la baguette lui explose entre les mains.
Ce à quoi il ne s'attendait pas, en revanche, ce fut à la douce chaleur qui irradia du manche stylisé en forme de spirales et remonta le long de son bras jusqu'à son cœur. La sensation disparut au bout de quelques secondes, le laissant au bord des larmes sans qu'il ne comprenne pourquoi. La réaction de la baguette n'avait pas été hostile, au contraire, elle…
Il leva des yeux un peu confus vers Snape. « À qui est-ce qu'elle est, cette baguette ? »
Il suivit le regard du Professeur et s'aperçut qu'il avait inconsciemment ramené la baguette contre son cœur, de manière protectrice.
Le sorcier avait l'air triste mais pas surpris de la réaction de la baguette.
« À une personne qui m'était très chère. » lâcha Snape, avec un chagrin qui faisait écho à celui d'Harry.
Ce fut un peu comme un voile qui se levait.
Les Professeurs, c'était bien connu, n'avaient pas de vie et n'existaient que dans le temps scolaire, n'étaient là que pour enseigner, faire respecter les règles et, le cas échéant, punir. Il ne lui était jamais venu à l'idée de se demander s'ils avaient une famille, un passé, des rêves ou même s'ils portaient des jeans l'été. Surtout lorsque le Professeur en question était méchant et prenait plaisir à terrifier ses élèves.
À cet instant, Snape prit une dimension qu'il n'avait jamais eue pour Harry : il devint humain. Un homme qui avait visiblement perdu quelqu'un qu'il aimait. À qui appartenait la baguette ? Un parent ? Un frère ou une sœur ? Il peinait à imaginer une romance mais pourquoi pas, après tout ? Il n'avait jamais compris pourquoi Dumbledore lui faisait une confiance aveugle, pourquoi le vieux sorcier était tellement certain qu'il avait tourné le dos à Voldemort mais… Et si c'était pour ça ? À cause de ce chagrin si profond qui brillait dans ses yeux noirs lorsqu'ils tombaient sur sa baguette ?
Harry se força à la reposer sur la table, qu'importe à quel point elle l'appelait, et à la pousser doucement vers l'homme qui se tenait toujours là, perdu dans ses pensées.
« Si elle était à quelqu'un de proche… » hésita-t-il. « Vous devriez la garder. Le Professeur Dumbledore a dit qu'il pouvait m'en trouver une autre… »
Mais sans doute pas une qui lui répondrait aussi bien que celle-ci qui semblait faite pour lui…
La douleur brilla plus fort dans les yeux de Snape puis disparut. Son visage devint lisse, indéchiffrable et, lorsqu'il parla, c'était de son ton habituel, plus une once d'émotions dans la voix. « Inutile. Elle sera plus utile en votre possession. Elle est en bois de saule, vingt-cinq virgule six centimètres, flexible, crin de sombral. »
Harry fronça les sourcils. « Un sombral ? »
Le Professeur agita la main, chassant sa question. « Une créature magique. C'est une excellente baguette pour les enchantements et, à entendre Ollivander, faite pour quelqu'un avec un grand potentiel. » Snape eut un petit bruit moqueur. « Le crin de sombral la rend probablement susceptible à quelqu'un ayant affronté la mort en face, je ne me fierais pas à la description d'Ollivander dans votre cas. »
La pique n'était ni aussi ciblée, ni aussi acide que d'habitude.
S'il n'avait pas su la chose impossible, Harry aurait presque pris ça pour une plaisanterie.
« Vous êtes sûr que vous voulez me la prêter ? » insista-t-il.
Ça semblait lui en demander beaucoup étant donné qu'ils se détestaient. Il était évident que, qui qu'eut été le précédent propriétaire de la baguette, Snape avait beaucoup tenu à lui.
« Je ne vous la prête pas. » corrigea l'homme, d'un ton définitif. « Je vous la donne. »
« Quoi ? Pour toujours ? » s'exclama-t-il, incrédule. C'était…
« Oui, Potter. Pour toujours. » Snape se frotta le visage. « Nous pouvons discuter du reste demain, je pense. »
Le Professeur paraissait prêt à s'écrouler à nouveau alors Harry ravala ses questions – et s'empressa de ranger sa nouvelle baguette dans sa poche – avant de se lever.
« Potter. » le rappela le sorcier, alors qu'il atteignait juste le seuil de la cuisine. « Avant de vous endormir, vous tâcherez de faire le vide dans votre esprit, ce soir et tous les soirs à partir de maintenant. »
Harry fronça les sourcils. Était-ce une de ses piques qui insinuaient qu'il était bête ou…
« Videz votre esprit de toute pensée. » reformula Snape. « Et tâchez de maintenir cet état aussi longtemps que possible. »
Ça n'avait pas grand sens mais il acquiesça tout de même.
Trois repas par jour, un coin à lui sans barreaux aux fenêtres ou verrous sur la porte et une baguette.
Il n'allait pas mettre tout ça en péril parce qu'il ne comprenait pas l'humour étrange du Professeur.
Le temps qu'il aille chercher ses affaires et se convainque que Snape n'allait pas faire une crise s'il utilisait la salle de bain, le Professeur avait déjà disparu dans sa chambre. Il fut tout de même aussi rapide qu'il le put, prenant une douche éclair, et passant plus de temps à s'assurer qu'il ne subsistait aucun signe de son passage qu'à se laver, puis rebroussa chemin jusqu'à la mezzanine.
La valise, vide, prenait beaucoup de place, presque autant qu'elle n'en aurait pris sous sa forme originelle de malle, et il hésita à saisir l'offre de Snape de la ranger dans le placard mais décida finalement de la laisser là où elle était. Ce serait plus pratique si jamais il devait rassembler ses affaires à la hâte.
Allongé dans le lit d'appoint, la tête posée pile sous la lucarne, Harry contempla un long moment les étoiles dans le ciel, en ressassant tout ce qui s'était passé ce soir-là, du plus incongru au plus inexpliqué.
Le comportement de Snape était bizarre, décida-t-il. Dumbledore avait dit qu'il avait fait semblant de le détester mais Harry savait que c'était faux. On ne pouvait pas faire semblant à ce degré là et sa haine pour son père était, elle, totalement véridique. Pourtant, le Professeur de Potions avait été beaucoup plus mesuré qu'à l'ordinaire. Parce qu'il était souffrant ? Parce qu'il avait voulu donner le change à Dumbledore ?
Il soupira et ferma les yeux.
Il détestait quand les choses n'avaient aucun sens, comme ça.
Ça signifiait généralement qu'il n'allait pas tarder à se retrouver face à Voldemort sous une forme ou une autre.
