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Premier amour.
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C'était une fille tout ce qu'il y avait de plus normal.
Il ne se souvenait plus de son visage (les visages n'avaient jamais été importants pour lui) mais il se rappelait de ces longs cheveux noirs soyeux qui tombaient en cascade le long de ses épaules.
Elle venait tout le temps, accompagnée de son chien, s'asseoir à ses côtés et il la tolérait car contrairement aux autres, elle n'avait jamais essayé de le toucher.
Elle ne le craignait pas non plus.
Il sentait que c'était lui, mais que ça aurait tout aussi bien pu être n'importe qui d'autre pour elle. Et ça l'agaçait autant qu'il appréciait.
Il avait fini par lui révéler sa passion pour les serpents.
Elle ne s'était pas moquée.
Elle lui avait juste répondu qu'elle comprenait, parce que, elle, c'était tous les animaux qu'elle aimait. Mais il avait vite remarqué qu'elle avait une préférence pour les chiens. Il devinait pourquoi. Elle était comme eux. D'une égale bonne humeur, elle ne lui tenait jamais rigueur quand il s'énervait après elle.
Il ne craignait pas qu'elle s'enfuit à cause de lui.
Et puis c'était elle qui lui avait appris, alors qu'il lui disait que son chien puait, que c'était une stratégie de défense, de protection, pour qu'il puisse mieux passer inaperçu dans la nature.
Tom avait réfléchi et en avait conclus que, pour que lui aussi puisse s'intégrer à la société, il lui faudrait être médiocre, puant.
Elle avait ri : « Mais pas trop non plus, Tommy ! Veille toujours à en savoir plus que les autres, c'est ça qui fera la différence. Le but est de faire croire, pas d'être. Sache te fondre dans la masse, mais quand tu en auras besoin, n'hésites pas à frapper fort ! Personne ne s'y attendra et tu auras un sacré avantage. »
Et Tom avait trouvé ce conseil très ingénieux.
Les saisons avaient passé et il avait fini par se rendre compte que quelque chose clochait. Il n'avait jamais prêté attention aux émotions des autres, mais il avait remarqué qu'elle souriait moins. Il aurait fallu être aveugle pour ne pas le voir.
Son chien avait fini par ne plus l'accompagner et elle avait avoué, à demi-mots, qu'elle allait se marier. Ce n'était pas un homme bon, avait-elle confié, mais elle ne pouvait pas non plus rester à la charge de ses parents plus longtemps. Elle avait souri et Tom avait vu la commissure de ses lèvres trembler un peu.
Et puis, un matin de novembre, quelques mois après son mariage, elle s'était pendue dans la vieille grange.
Tom avait vu le corps inerte, à peine recouvert d'un drap fin, traîné dans une charrette par un âne. Il avait vu tous les hématomes qui s'épanouissaient comme des fleurs autour de son bras découvert.
Et une vague de haine pure l'avait traversé.
Contre tous ces moldus qui avaient su, mais n'avaient rien fait. Et contre cette fille, qui l'avait lâchement abandonné, préférant le réconfort de la Mort au sien.
Il l'avait attendu, tout de même, quelques mois de plus, mais son cadavre n'était jamais venu le retrouver.
De cette histoire, il avait appris trois choses :
- La première était de toujours se méfier des moldus, faibles et lâches.
- La seconde, de ne jamais s'attacher à quiconque.
- Enfin, la troisième, était que la Mort était une sacrée pétasse.
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