Jeudi matin, 8h. Contrairement à ses habitudes, Candice traînassait encore dans son lit. Elle aurait dû être levée depuis au moins trois bons quarts d'heure, mais elle reculait encore et encore son réveil. Ce n'était pas dans ses habitudes mais ce matin, elle avait envie de prendre du temps pour elle. Bien sûr, elle avait prévenu Chrystelle par SMS de son retard, inventant une histoire bidon avec les jumeaux.

Ce n'était pas beau de mentir… Mais ce matin, elle avait envie de ne penser à rien d'autre que sa soirée de la veille. Arrivée du commissariat lessivée et abattue, elle pensait aller tout droit se coucher avec une bonne boîte de chocolats. Mais Antoine avait pris les devants et invoqué une « soirée crêpes & jeux », et là, aucun Renoir présent ne pouvait refuser une telle invitation. Candice n'en revenait pas comme Antoine avait trouvé sa place dans sa tribu, et en si peu de temps. Hier soir, c'était comme s'il avait toujours vécu ici, avec eux. Elle s'en était fait la réflexion en le regardant comploter avec Léo au Skyjo ou bien en tartinant une crêpe de Nutella pour Martin. Même s'il répétait à l'envie que les enfants ce n'était pas son truc, force de constater qu'il avait trouvé le mode d'emploi et qu'il excellait.

« Maaaamaaaan ! entendit-elle crier depuis le salon. Ce cri strident la sortie immédiatement de ses pensées et la fit atterrir brutalement dans la réalité.

- Maaaaman ! Tu m'entends ? retentit une nouvelle fois ce cri strident. Emma ? Non, trop grave. Martin ? Non il était avec Léo, Laurent devait les emmener à l'école ce matin. Restait plus que Jules. 8h05, étrange…

- Oui, Jules ! Pourquoi tu cries ainsi ? Qu'est-ce qu'il y a ? répondit Candice en sortant de sa chambre et en se penchant à la balustrade.

- Mon bus n'est pas passé, je suis en retard pour le collège. Il faut que tu m'emmène ! annonça l'enfant.

- Et merde ! jura Candice. Je file sous la douche et je t'emmène… »

Avec 4 enfants à domicile, Candice était passée maître dans l'art de prendre sa douche et de s'habiller en 10 min chrono. Tant pis pour le style et les finitions, elle finirait commencerait sa mise en beauté au bureau. C'est en tentant d'enfiler sa veste et de s'attacher les cheveux que Candice descendit les escaliers menant au salon.

« Jules, dépêche ! Prends tes affaires et on file ! Je n'avais pas prévu de t'emmener ce matin… annonça Candice.

- Oui, et tu n'avais pas prévu de te lever ! D'habitude, tu es déjà au commissariat à cette heure-ci… répondit Jules.

- Je t'en pose des questions moi ?! Allez en route !

Ding dong. Ding Dong. Quelqu'un avait sonné à la porte.

- Mais qui ça peut bien être à cette heure-ci ? Ce n'est vraiment pas le moment ! maugréa Candice. Je m'en occupe.

Candice ouvrit la porte d'entrée et se trouva nez à nez avec une jolie rousse d'une trentaine d'années. Des yeux bleus magnifiques lui dévoraient le visage, visage illuminé par un sourire délicieux. Mais qui était-elle ? Et surtout que voulait-elle ?

- Bonjour ! Vous devez être Candice ! Enchantée, je suis Émilie, l'infirmière d'Antoine.

- Euh… répondit une Candice complètement scotchée.

- Salut Émilie, entre ! annonça Antoine en avançant vers la porte. Avec toute cette précipitation, Candice ne l'avait ni vu ni entendu sortir de sa chambre.

- Merci Antoine et enchantée Candice ! Vous avez une maison magnifique ! dit la charmante rousse.

- Candice, tu rencontres enfin Émilie ! Émilie est mon infirmière. Elle aide ce corps tout cabossé à reprendre vie, rigola Antoine. D'ailleurs, Candice qu'est-ce que tu fais encore là avec Jules ? Y a un problème ? réagit le capitaine.

- Non non, rien ! Jules est en retard, on file ! A plus… termina Candice »

Assise derrière le volant, Candice ne pipait mot, encore chamboulée par sa rencontre avec l'infirmière d'Antoine. Pourquoi personne ne lui avait dit qu'elle était si jolie et si jeune ? Dans sa tête, la commandante pensait que c'était une infirmière d'un cinquantaine d'années, au look surannée et à l'attitude austère, qui s'occuperait d'Antoine. Pas une fille comme Émilie !

« Jules, tu l'avais déjà rencontré l'infirmière d'Antoine ? demanda Candice à son fils.

- Bah oui maman ! Elle vient tous les deux jours alors parfois on la croise. Pourquoi ?

- Non non pour rien ! Et elle est sympa ?

- Oui très ! Antoine rigole beaucoup avec elle ! Bon maman, allez je descends, je vais vraiment finir par être en retard ! Ciao ! termina Jules »

Antoine rigole beaucoup avec elle ? En plus d'être jeune et jolie, elle était aussi drôle ! Décidément, cette Émilie avait tout pour plaire… Tout pour plaire à son capitaine. C'est donc le moral dans les chaussettes que Candice se dirigea en direction du commissariat.

En franchissant les grilles du bâtiment, elle n'eut pas la motivation d'aller directement dans l'open space retrouver Chrystelle. Pas maintenant. Pas envie de feindre la bonne humeur comme à l'accoutumée. C'est pourquoi, ses pieds l'emmenèrent directement chez Pascale, la légiste, son amie.

« Salut Pascale, tu as les résultats des derniers prélèvements de la seconde victime aux yeux arrachés ?

Et oui, le tueur que traquaient Candice et Chrystelle avait fait une seconde victime… Un réalisateur d'une cinquantaine d'années, reconnu dans le milieu du 7e art et lauréat d'un césar. C'était bien la veine de Candice car en plus d'avoir un tueur dans la nature, elle avait aussi toute la presse et les politiques sur le dos.

- Oulaaa c'est quoi cette tête ?

- Merci… marmonna Candice. Jules était en retard ce matin, j'ai dû me presser.

- Non non, ta tête de trois pieds de long ! On dirait que t'as perdu ton chien !

- Heureusement Fun va bien ! Non … c'est que … ce matin, j'ai fait la connaissance de l'infirmière d'Antoine. Émilie.

- Et ? demanda Pascale. C'est logique qu'une infirmière vienne lui faire ses soins.

- Oui, une infirmière, pas une magnifique jeune femme de 30 ans avec un sourire ravageur et des yeux rieurs…

- Candice, tu es jalouse ma parole ! rigola Pascale.

- Non pas du tout ! Mais dans ma tête, je ne voyais pas les infirmières comme ça… Plus Meryl Streep qu'Emma Stone…

- Va pour Meryl Streep, je connais ! Mais Emma Stone, sombre inconnue pour moi… Bref, ce n'est pas le sujet. C'est son infirmière, celle qui vient lui faire ses soins, point barre.

- Pascale, ils se tutoyaient ! Il lui a dit « Entre Émilie ! »

- Oui et ? Parfois, c'est plus simple de créer un lien en tutoyant. Regarde, tu tutoyais bien ton kiné toi !

- Roooo tu m'énerves !

- Non sérieusement, il y a une déontologie chez les professionnels de santé. Ton Émilie ne va sauter sur Antoine.

- Mouais… et je ne t'ai pas dit ! Quand j'ai ouvert la porte, elle a tout de suite su que c'était moi ! Alors que moi je ne la connaissais pas…

- Bah, c'est qu'Antoine lui a parlé de toi ! C'est plutôt positif hein ! S'il voulait draguer son infirmière, il ne lui parlerait pas de toi.

- Mouais…

- Allez haut les cœurs ! Tu arrêtes de ruminer, tu prends 5 minutes pour te refaire une beauté et moi je vais te chercher les résultats des analyses. Ok ? Et Candice, ne prends pas Antoine pour acquis. Des Émilie, il y en aura d'autres. Alors, ne traîne pas à lui avouer ce que tu ressens avant qu'une autre te pique la place.

- Hein ? Quoi ? Mais tu n'y es pas du tout !

- Candice, je te connais par cœur, on ne me la fais pas à moi ! Allez voici ton dossier. Et force sur le maquillage, tu as une tête à faire peur ! »

C'est une Candice peu rassurée mais plus présentable qui fit son entrée dans l'open space. Chrystelle était plongée dans la paperasse et n'avait pas entendu sa commandante entrer. Candice en profita pour balayer du regard la grande pièce et s'attarder sur le bureau de JB où Pépito vaquait à ses occupations, puis, enfin sur celui d'Antoine. Vides, tous les deux vides. Cette vision lui fit un pincement au cœur et la déprima encore plus. Pascale avait raison, rien n'est figé dans la vie.

« Bonjour, dit Candice. J'ai les résultats des analyses de notre deuxième victime. Il a été drogué avec du GHB avant de mourir. Sûrement pour pouvoir l'emmener tranquillement dans l'école de théâtre sans attirer l'attention.

- Oh Candice, je ne t'ai pas entendu entrer ! Ca va tes enfants ?

- Oui, oui, rien de grave. Merci.

- La première victime ne présentait pas de drogue dans son organisme si je me souviens bien. Ca dû être plus compliqué d'emmener la seconde victime. En même temps, c'est pas le même gabarit …

- Oui, c'est sûr… Bon, Chrystelle, tu me trouves tout ce que tu peux sur Pierre Grimbert : situation familiale, femme, mari, enfants, … Je veux tout savoir, même la race de son chien ou le prénom de sa grand-mère. Tout ! On doit avancer sur cette affaire, on a déjà deux victimes sur le dos, ça doit s'arrêter là ! Moi je vais dans mon bureau, j'ai un point avec le directeur de l'école.

- D'acc je te cherche tout ça ! Mais Candice ça va ? T'es à fleur de peau… Les enfants ? Antoine ? demanda Chrystelle.

- Oh t'en fais pas, Antoine est entre de très belles mains ! »

Sur ces paroles, la commandante tourna les talons et se dirigea d'un pas rapide vers son bureau.