OBSERVATIONS & DEDUCTIONS
(janvier 845)
Livaï

Je suis bien peinard ici. L'air est doux, les beaux jours ne vont pas tarder à revenir. Il doit y avoir encore de la neige à l'extérieur, mais je sens me parvenir d'au-delà du Mur le parfum du vent. Il est vraiment très différent, il ne ressemble à aucun autre de ceux qu'on trouve ici...

Enfin, ça va pas m'empêcher de me griller une sèche. Je sors mon paquet presque vide de ma poche intérieure et m'en allume une, tout en m'adossant tranquille contre la cheminée derrière moi. Je me demande comment cette pauvre bête a fait son compte, mais en tout cas, elle est hors de danger et j'ai fait le bonheur d'une gamine.

Je souffle le nuage de fumée vers le sud en fermant les yeux de contentement. Aah, ça faisait un bail que j'avais pas fumé, et ce paquet traînait depuis un moment dans ma veste... C'est agréable de temps en temps... Il y a un grand chambardement en bas et moi je suis là, entre ciel et terre, à prendre un peu de bon temps avant de me replonger dans ce bain de vie sociale... Oublier qu'ils existent, juste un moment... Ouais, voilà, j'y arrive presque...

Mais j'entends quand même les cris, les appels, le pas des chevaux, les bruits de métal martelé, caractéristiques d'une ville bien vivante. Je rouvre les yeux et les baisse de nouveau sur la foule en dessous. Le marché d'hiver va se remettre en place pour sa deuxième semaine. On démonte les décorations de Yule pour remonter des tréteaux, des étals, des estrades. Mike était parti pour ça se matin alors je l'ai suivi pour me rendre utile. Mais ils se passeront bien de moi encore quelques minutes. Et puis merde, ils ont qu'à demander à la garnison, c'est leur boulot après tout.

Je dois dire que ça me démange d'aller buter quelques titans dehors... Le Mur est pas si loin, il me suffirait de lancer mes câbles deux ou trois fois pour le rejoindre... Mouais, non, mauvaise idée, à tous les coups, ça nous vaudra des ennuis. Et puis, le simple fait de porter de nouveau le dispositif est déjà une aubaine ; pourquoi j'irais pas plutôt voler un peu sur les toits pour me défouler ? Ouais, pourquoi pas ? Je finis de griller ma clope quand j'entends derrière moi un chuintement doux.

Je suis pas sur le qui-vive comme à mon habitude, car je ne me sens pas en danger ici ; au pire, je peux m'envoler en un instant. Alors je tourne juste un peu la tête à demi, caché derrière la cheminée en espérant que le visiteur s'en aille. Et puis je me dis qu'il y a peu de chance que ce soit un hasard. Au choix, je pense à Hanji ou Erwin. Ces deux-là ont le chic pour me dénicher dès que je suis au calme. Pas moyen de leur échapper...

Raté, c'est ce bon vieux Moblit, qui se présente devant moi en soufflant et suant. Eh, du calme, mon vieux, tu veux une clope ? Il m'en reste une... Il refuse poliment - Moblit est toujours extrêmement poli - et se permet encore quelques respirations avant de se redresser et de me faire face. J'ai remarqué que je l'intimidais, et qu'il avait toujours envers moi une attitude très respectueuse, un peu trop à mon goût, si bien que je me demande toujours s'il se force pas un peu. Mais non, c'est juste dans sa nature. Et puis il doit s'évertuer à compenser le comportement de sa patronne, ça doit être ça.

Je le regarde à demi dans les yeux et lui demande ce qu'il vient faire là. Il m'informe que la foldingue réclame ma présence sur le Mur Maria, non sans oublier d'ajouter qu'Erwin s'y trouve aussi. Ca sent la merde, tout ça... Je me rappelle de ce qu'elle nous avait dit l'autre jour, qu'elle avait des projets d'observation des titans et qu'elle voudrait nous mettre à contribution... Bon, si elle s'en tient à ça, on va juste passer le reste de la journée le nez écrasé sur des longues-vues crasseuses à regarder les titans de loin, comme des cons.

Mais elle a pas besoin de renfort pour ça. Ni de la présence d'Erwin. Non, si le chef est avec elle, c'est parce qu'une tache officielle - ou moins conventionnelle - nous attend, et le connaissant, il veut s'assurer que tout se passe bien. Ok... finalement, ça relève peut-être de ma compétence. Je me redresse, me secoue un peu les jambes et les bras, et sors mes poignées de commande.

Je vais y aller directement, Moblit. D'ici, oui. Quoi, tu as peur de voler au-dessus des têtes des honnêtes citoyens ? T'as qu'à me suivre, si tu peux.