Chapitre Un
Elle caressa du bout des doigts ses lèvres tandis qu'elle passait la cape blanche autour de ses épaules. Des tâches brunâtres restent d'un sang vieilli l'ornaient encore tandis que l'odeur de fumée et de fer l'avait définitivement quittée.
Le goût de sang et de vin envahissait encore sa bouche et caressait sa langue tandis que la sensation de ses mains sur ses hanches ne la quittait plus. Un soupir quitta ses lèvres, et lentement, elle rangea le manteau blanc dans une malle au coin de la pièce, bien caché sous des draps de satin. Cette cape était l'un des seuls effets personnels qu'elle avait pu emmener avec elle, loin de Port Réal. Elle y tenait comme à la prunelle de ses yeux. Son seul souvenir de lui.
Son regard vint à nouveau se porter sur son reflet dans le miroir, elle était si maigre… Ses cheveux auburn descendant sur ses épaules, démêler, mais nullement coiffés, son regard cerné, ses joues creusées… Elle ressemblait à une morte, mais son cœur battait bel et bien. Lentement, Sansa se détourna de son reflet dans le miroir et vint s'accouder à la fenêtre de pierre de sa chambre.
Elle aurait pu être si loin, avec lui. Quelque part dans Westeros ? Ou à Essos… Si loin…
Elle ravala douloureusement sa salive tandis qu'elle prenait entre ses doigts fins la lettre écrite par Ser Alliser Thorne, premier patrouilleur de la Garde de Nuit et Maître d'arme de Château noir.
« Lady Bolton,
En ce matin de la troisième lune montante, le Lord Commandant Jon Snow est mort victime de l'attaque des sauvageons.
Mes frères jurés de la garde et moi-même sommes au regret de vous annoncer son décès.
Ses affaires vous seront envoyées si vous le souhaitez.
Toutes mes condoléances,
Ser Alliser Thorne,
Lord Commandant de la Garde de Nuit ».
La signature en bas du parchemin était élégante, masculine. L'homme qui avait écrit avait déjà remplacé son demi-frère… Son demi-frère… Mort… Les larmes perlèrent à nouveau aux coins des yeux de Sansa. Deux jours, deux jours qu'elle pleurait sa mort, se cachant de Ramsay, se cachant de tous. Douloureusement, elle ferma les yeux, tandis que le souffle de l'hiver vint caresser ses joues.
« Que dois-je faire maintenant ? Je suis vraiment seule désormais… »
Ses larmes se rejoignirent sur son menton avant de tomber sur la pierre froide. Un hoquet brisa le silence de la pièce avant que la jeune femme ne se retourne et se laisse tomber sur la fourrure de son lit. La maigreur remplaçait ses traits fins, les hématomes et les morsures coloraient sa peau pâle et elle n'était plus qu'un cadavre errant dans les couloirs de Winterfell tel un fantôme.
Elle ferma les yeux douloureusement, cherchant au plus profond de son esprit une solution. Mais rien ne lui vint. Cela faisait longtemps qu'elle avait renoncé à se battre… Elle n'avait plus d'allier, plus de proche. Elle était désormais seule, seule contre tous.
Plusieurs fois, elle avait essayé. Essayé de le séduire, de l'apitoyer, de le supplier… Mais Ramsay était un être si dur, si cruel… Elle n'avait jamais réussi à faire briller dans son regard une lueur d'humanité.
Elle repensait sans cesse, bloquée entre ces quatre murs, à sa vie d'avant. Sa maison était devenue sa prison, ses lieux qui lui paraissaient autrefois si rassurant n'étaient désormais que source d'angoisse et le Nord… Le Nord ne lui paraissait plus qu'un lointain souvenir.
Le regard grisâtre du Limier vint lentement chatouiller ses souvenirs… Elle pourrait être si loin…
Elle pensait avoir vécu les pires humiliations à la cour du Roi Joffrey.
Joffrey… Elle eut cru par le passé qu'il n'était qu'un fou, avide de torture et de souffrance. Un Roi cruel et stupide qui surpasserait le Roi Fou…
Mais non, il n'en était rien. Joffrey était un petit chaton pourri gâté par sa mère, tout au plus. Il sortait les griffes à la moindre contrariété, obligeant les faibles à le respecter en se montrant cruel… Obligeant les forts à baisser la tête par la force.
Si elle aurait été plus âgée… Plus expérimentée… Moins… Moins naïve… Peut-être l'aurait-elle fait devenir son pantin, comme Margaery l'eut fait…
Margaery… Que devenait-elle désormais ? Était-elle heureuse avec Tommen ?
Roose Bolton lui avait parlé une fois, lors d'un repas, de ce qu'il se passait à la Capitale. De la marche d'expiation de la Reine Cersei, de l'emprisonnement de Margaery par le « Grand Moineau » puis de l'alliance majeur entre la Foi et la Couronne. La jeune Stark n'avait pu s'empêcher de s'inquiéter pour son amie… Elle s'était toujours montrée si douce avec elle.
Une larme roula le long de sa joue tandis qu'elle repensait à son innocence en arrivant à Port Réal. Jamais elle n'aurait dû dire « oui », jamais elle n'aurait dû insister, ni partir de Winterfell. Jamais…
Et tandis que les sanglots se calmaient, son cœur se serra douloureusement. Les mots échangés avec Baelish résonnaient dans son esprit avec tant de violence.
« Je priais pour être ailleurs, je ne pensais qu'à ce que je voulais, pas à ce que j'avais. J'étais une idiote. »
Elle était une idiote. Toujours et encore.
Elle se releva violemment, le regard encore rougi de larme. Une colère sourde animait son être. Jon était mort, elle était désormais seule, la seule Stark vivante. Que devait-elle faire ? Elle devait se battre.
Elle devait se battre, pour sa famille…
Son regard se posa sur les flammes dansant dans la cheminée. Combien de fois était-elle venue dans cette chambre, enfant ? Réclamant les bras de son père car elle venait de faire un cauchemar… Combien de fois avait-elle joué au coin du feu sous le regard bienveillant de Catelyn Stark ? Désormais, plus rien ne lui rappelait ses parents, tout lui rappelait inlassablement Ramsay…
Ramsay… Ramsay Bolton.
Son cœur se serra plus violemment encore tandis qu'un nœud se formait dans sa gorge. Il était son époux… Époux… Pouvait-on réellement dire qu'il était son mari ?
Oui Sansa, il est ton époux. Tu t'es marié devant les anciens Dieux au bois sacré.
Les larmes ruisselèrent une nouvelle fois sur ses joues tandis qu'elle repensait à tout cela. La haine qu'elle éprouvait envers elle-même était si grande. Elle avait quitté un fou pour se retrouver avec un être odieux.
Pourtant… Ramsay n'était pas un homme laid, il pouvait même se montrer beau lorsque ce sourire vicieux n'étirait pas ses lèvres. Il était plutôt grand de taille, même s'il restait plutôt mince, il n'en était pas moins robuste. Il avait des épaules carrées, des doigts fins et cornés par la corde de son arc. Des traits durcis par le temps et des yeux d'un bleu acier qui pouvait faire penser à la glace des montagnes de Winterfell… Et ses cheveux noirs, légèrement bouclés et épais… Il arrivait qu'il oublie de se raser pendant quelques jours, Sansa se souvenait de ce matin où il était rentré de la chasse, ses cheveux encore humides de neige et sa barbe de quelques jours… Il n'en était que plus beau encore…
Mais cette beauté, la jeune femme l'avait vite oubliée, Ramsay était un homme laid, laid par son âme… Son âme noire de méchanceté. Il n'était que cruauté, mépris, perversion. Son époux n'était qu'un bourreau prenant plaisir à torturer ses victimes. Quand il arborait son sourire goguenard et que sa voix devenait plus mielleuse qu'un charmeur de serpent… Il devenait si inquiétant qu'il aurait pu faire fuir n'importe quelle créature, aussi mystique soit elle.
Pourtant, elle avait cru en lui, ne serait-ce qu'un peu… Lorsqu'il déposa un tendre baiser sur ses doigts lors de leur rencontre, lorsqu'il lui intima avec douceur qu'elle était belle… Elle y avait cru l'espace d'un instant… Mais elle déchanta presque aussitôt.
Et tandis qu'elle marchait dans sa chambre de long en large, espérant par tous les moyens trouver un moyen de s'en sortir, la lourde porte de bois s'ouvrit. Sansa sursauta, fixant le nouveau venu. Theon Greyjoy, ou du moins, celui qui fut autrefois Theon. Celui qui se trouvait en face d'elle désormais avait le dos voûté, tremblant de part en part. Ses yeux autrefois pétillants de malices… N'étaient désormais que vide… Plus aucun éclat de vie ne brillait dans ses yeux couleur onyx.
« Theon… »
Le jeune homme semblait ailleurs, comme si d'une seconde à l'autre, Ramsay allait sortir d'un recoin de la chambre et le torturer avec violence. Il était terrorisé. Ses cheveux autrefois d'un noir ébène soyeux étaient terne et blanc comme la neige. Ses traits étaient si creusés que l'on devinait les os de son crâne, son teint mâte était devenu translucide… Ses lèvres étaient mutilées par endroit et la barbe poussant le long de son menton atteignait presque la fin de son cou.
Il avait l'air vieux, si vieux… Sansa savait tout le mal que Ramsay lui avait fait, son époux s'en était vanté plusieurs fois, et si ce n'était pas lui, c'était sa Maîtresse, Myranda. Son auriculaire droit fut d'abord écorché, puis coupé. Des orteils lui manquaient également… Il lui manquait désormais un morceau d'oreille et en ce matin, Sansa ne put que remarquer la peau manquante au niveau de son pouce. Elle savait également l'humiliation que Ramsay avait imposée à Theon… Elle savait qu'il lui avait ôté toute masculinité. Et cela avait arraché un cri d'effroi à Sansa lorsque Myranda lui avait dit, la fierté tordant ses traits.
« Le Maître… Le Maître voulait que je vous emmène vous promener aujourd'hui. »
Sa voix était un faible murmure. Une supplique. La jeune femme acquiesça lentement, d'un geste monotone, elle vint prendre un manteau de fourrure blanche, puis glissa ses pieds dans une paire de bottes qui trainait là, au pied de son lit. Elle ne prit pas la peine de se coiffer ou d'enfiler une robe décente. Elle savait que la promenade consisterait à faire le tour des remparts, qu'elle ne croiserait personne, qu'elle ne ferait rien pour fuir. Où pourrait-elle aller désormais ? Jon était mort. Plus rien ne lui restait, si ce n'était Winterfell…
Aujourd'hui était son dernier jour de paix. Demain, il serait de retour, il lui avait dit dans la lettre qu'elle avait reçu ce matin. La lettre était tendre, amoureuse. Une lettre qui aurait pu faire fantasmer n'importe quelle jeune fille rêvant d'amour. Mais Sansa savait, elle savait que cette lettre était un tissu de mensonges… Une simple façade que Ramsay se donnait à cœur joie d'entretenir.
Silencieusement, Theon et elle firent le tour des remparts, et Sansa ne savait quoi dire, quoi faire. Plusieurs fois, par le passé, elle avait essayé de le convaincre. Plusieurs fois, il l'avait dénoncé auprès de Ramsay. Elle lui en avait voulu, mais quand Myranda lui eut raconté les nuits de tortures que subissait « Schlingue », Sansa comprit. Theon était mort depuis longtemps maintenant. Son âme avait rejoint Eddard Stark, Robb et les autres. Il ne restait sur terre que cette enveloppe charnelle qui répondait au nom de Schlingue. Pourtant, elle ne pouvait se résoudre à l'appeler ainsi. Sansa s'évertuait à l'appeler Theon. Elle en avait besoin. Elle avait besoin de lui parler de l'ancien temps, du temps où ils étaient enfants, du temps où Jeyne Pool rêvait de l'épouser…
Jeyne… Où était donc sa meilleure amie désormais ? Se portait-elle bien ?
Plus rien ne serait jamais plus comme avant le temps de l'insouciance était mort, et Sansa ne le savait que trop bien.
La promenade se termina et Sansa suivit Theon à l'intérieur du château. Elle allait regagner sa chambre, et se replonger à nouveau dans ses pensées, mais alors qu'ils passaient dans le couloir principal, le regard azur de Sansa fut attiré par une porte ouverte. La chambre de Ramsay. Il ne dormait jamais avec elle, il venait dans la chambre de son épouse que pour la torturer, la violer, mais jamais pour dormir. Pour cela, il avait repris la chambre de Robb. La gardant fermée à double tour qu'il soit à l'intérieur ou non. Le cœur de Sansa se mit à battre à tout rompre. Si elle était ouverte en cet instant, c'était qu'une servante avait oublié de la refermer. Doucement, elle s'avança, quittant peu à peu le chemin que Theon traçait. La tentation était si forte, elle ne pouvait résister. Quel secret se cachait dans cette pièce interdite ?
Theon continuait à avancer dans le couloir en pierre sombre, et alors qu'il arrivait à destination, Sansa s'engouffra dans la chambre de son époux et ferma violemment la porte derrière. La clé était sur la serrure, et sans se poser de questions elle la ferma à double tour. Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine, elle avait la sensation que celui-ci allait sortir de sa bouche d'un moment à l'autre. Une chaleur nouvelle envahissait son ventre… La vie recommençait à couler dans ses veines. C'était étrange… Ce fut comme si un esprit, une force surnaturelle venait de la pousser à rentrer ici. Que cherchait-elle ? Que voulait-elle ? Elle n'en savait rien. Mais elle devait trouver quelque chose.
Lentement, la jeune femme se retourna pour faire face à la chambre. Un lit, une malle et un bureau. Rien de plus, rien de moins. Et pourtant… Tout était différent de quand Robb vivait là. Il n'y avait plus son armure, ni ses livres… Ni le magnifique tableau représentant un loup majestueux. Lentement, Sansa s'avança vers le lit. L'odeur de son époux était encore imprégnée dans les draps gris. Une odeur mêlant sang et transpiration. Son cœur battait si fort… Elle franchissait une limite dangereuse… Elle le savait. Du bout des doigts, elle effleura les draps, ils étaient froids et rêches. Une peau d'ours était étendue sur le lit, au-dessus des draps et était quant à elle, plus douce qu'aucune autre peau de bête.
Toujours avec douceur, comme si le moindre geste brusque briserait le moment, Sansa se redressa et se dirigea jusqu'au bureau sur lequel trônait divers papiers, livres ou encore plumes et couteaux. Sansa se mordillait la lèvre inférieure tout en contemplant la multitude de papier sur le bureau de Ramsay… La curiosité était trop forte et sans se poser plus de questions, la jeune femme vint prendre le premier papier qu'elle vit. Il était froissé, griffonné et la jeune femme se laissa tomber dans le fauteuil derrière elle tout en dépliant soigneusement la lettre. Ses mains tremblaient légèrement tandis que ses yeux parcouraient l'écriture penchée. Les mots étaient raturés, les espaces étaient parfois immenses, parfois si petits que l'on avait l'impression que deux mots n'en formaient qu'un. Toute la lettre semblait être saccadée. Sansa eut même du mal à déchiffrer le sens des mots, mais lorsqu'elle comprit ce qu'était le papier qu'elle tenait, son cœur vint se serrer avec violence dans sa poitrine.
C'était une lettre, pour une femme, et sous un amas de reproches et de demandes de pardon était glissé le mot « mère ». Les larmes montèrent aux yeux de Sansa. Ramsay se souvenait donc de sa mère ? Les mots se suivaient, mais n'avaient aucun sens pour Sansa. Le jeune Bolton reprochait à sa mère sa basse naissance, de l'avoir abandonné, puis il lui demandait pardon, encore et encore. Pour finalement la traiter de putain de bas étage. Toute sa lettre laissait transparaître une souffrance si atroce… Des tourments si encrés dans sa chair…
Le cœur de Sansa se serra un peu plus encore… Ramsay n'était donc, dans le fond, que son propre bourreau ?
Sansa lâcha un soupir amer, son cœur était-il encore trop tendre ? Pourquoi ressentait-elle de la pitié pour un être aussi méprisable ? Le passé ne lui avait-il donc rien n'appris ? Les faibles mourraient écrasés par les plus forts… Elle ne devait pas être faible. Elle devait devenir une véritable vipère. Son regard se reporta sur la lettre et elle vint essayer d'en déchiffrer le sens. Ramsay parlait de la pluie et du beau temps, de son amour pour la chasse, pour la guerre. Il lui parlait de son prochain mariage avec la dernière « Stark » … Que sa mère le rejoindrait bientôt à Winterfell… Beaucoup de phrases étaient raturées les rendant illisibles…
Souvent, les paroles tendres étaient encadrées d'insultes et de mépris… Et au milieu de tout cela, une phrase vint transpercer Sansa.
« Pardonnez-moi. »
Sansa secoua légèrement la tête. Ramsay était incapable de ressentir de la culpabilité, cette lettre n'était qu'une énième tentative de manipulation. Et tandis qu'elle froissait à nouveau la lettre, la reposant à sa place, la jeune femme se leva sans bruit, mais son regard fut attiré par un médaillon caché dans un pot de terre cuite. Le cœur battant, elle vint le prendre entre ses doigts maigres et fixa le bijou. Il s'ouvrait, elle en était certaine. Elle sentait son cœur battre dans ses tempes, ses mains devinrent moites, et d'un geste rapide, elle ouvrit le bijou.
Un portrait régnait dedans, un portrait très vieux. La femme sur le portrait était maigre, terriblement maigre, elle avait un regard vert transperçant et une chevelure ébène des plus longues. Son sourire était doux, presque triste. Et Sansa se souvint… Elle se souvint de ce soir quelques jours après son arrivée où elle se retrouva seule avec Lord Roose Bolton. Celui-ci l'avait mis en garde contre son propre fils…
Ils étaient assis devant la cheminée du petit salon, la neige tombait à gros flocons dehors et Ramsay s'était volatilisé… Elle n'avait appris que bien plus tard que déjà à ce moment précis, il torturait Theon… Roose fixait les flammes et Sansa buvait un thé au citron. Le malaise était palpable. Roose n'était pas un inconnu pour elle, elle ne le connaissait même que trop bien. Eddard Stark et lui furent proches. Non pas tels des amis, mais comme des compagnons de guerres. Sansa se souvenait des hommes parlant ensemble, de leurs sourires et respects mutuels. Pourquoi avait-il fallu que Lord Bolton trahisse Robb ? La gorge de la jeune femme s'était serrée douloureusement tandis que son désormais futur beau-père s'était tourné vers elle.
« Lady Sansa… J'aimerais que vous me fassiez une promesse… »
La jeune femme avait relevé son regard vers les yeux gris du Lord, ses sourcils étaient froncés, son regard dur.
« Oui ?
- Ramsay est un homme… Mauvais.
- Je…
- Il est sournois, cruel… Cupide. Son sang est mauvais, et toutes les saignées du monde ne pourront rien n'y changer.
- S'il est si mauvais… Pourquoi me le donner en époux ?
- Votre place est dans le Nord, Lady Sansa. À Winterfell. »
Il avait remis une buche dans le feu, et Sansa avait senti l'angoisse monter en son être… Si elle avait su à cet instant que les propos de Roose n'étaient que bien trop faible pour qualifier son fils, elle aurait fui.
« Sa mère était la femme d'un meunier. Elle était belle comme la nuit.
- Est-elle encore en vie ?
- Non, bien sûr que non. Elle est morte de maladie peu de temps après que Ramsay a été venu vivre à Fort-Terreur.
- C'est terrible.
- Elle l'implorait de revenir la voir, il n'y est jamais allé. Ne soyez pas compatissante, Lady Sansa. Ce garçon lui, n'en éprouve aucune. »
Un bruit contre la porte la fit sursauter et le médaillon tomba au sol. La poignée de la porte s'abaissa plusieurs fois avant que la voix de Theon ne s'élève.
« Lady Sansa, je vous en prie, sortez. »
La peur faisait trembler sa voix, il paniquait et suppliait tel un chien derrière la porte. Sansa ramassa le médaillon avant de le refermer et de le ranger là où elle l'avait pris. Puis, lentement, elle se dirigea vers la porte et la déverrouilla avant de l'ouvrir. Theon était là, roulé en boule sur le pallier, les larmes roulaient sur ses joues. Sansa se baissa, accroupie face à lui, elle releva son visage avec douceur.
« Le Maître arrive bientôt…
- Comment ?
- Myranda vient de venir ! Myranda a dit : le Maître rentre ce soir ! »
La panique vint s'incruster dans les traits de Sansa qui fixait désormais Theon avec inquiétude.
« A-t-elle vu que je n'étais pas là ?
- Non, Schlingue a dit que Lady Sansa dormait. »
Sans réfléchir, la jeune femme enlaça Theon avec force. Il la sauvait d'une nouvelle nuit de torture. Sans chercher à comprendre, la jeune femme courut dans sa chambre avant d'enlever ses bottes et son manteau de fourrure, d'un geste précipité elle se glissa sous les draps et ferma les yeux. Son cœur battait la chamade et elle s'efforçait par tous les moyens de reprendre une respiration régulière.
Elle devait juste faire semblant de dormir.
Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine, il semblait battre au bord de ses lèvres tandis que la porte s'ouvrait.
« Lady Sansa désire-t-elle quelque chose ? »
La voix de Theon était chevrotante et la jeune femme savait qu'il n'était nullement seul. Les larmes roulèrent sur les joues de Sansa. L'angoisse gagnait du terrain, il fallait qu'elle trouve une solution pour quitter ce cauchemar qu'était sa vie. Une solution… Vite… Mais comment dompter cet animal fou qu'était Ramsay ? Son propre père disait de lui qu'il était le mal incarné. Alors que pouvait-elle faire ?
« Schlingue, déguerpis. Je dois préparer Lady Bolton pour les retrouvailles avec son mari. »
La voix hachurée et beaucoup trop fluette de Myranda vint transpercer l'air. Theon se pencha en avant, avant de déguerpir à une vitesse folle, semblable à un homme ayant vu un fantôme. Sansa se retrouvait désormais seule avec la Maîtresse de son époux.
« Lady Sansa, il ne faut pas pleurer. Ramsay n'aime pas lorsque sa chère et tendre pleure. »
Myranda versait des seaux d'eau brûlante dans la baignoire tandis qu'elle parlait à la jeune Stark. Lui rappelant les sorts funestes de Violet, Tansy ou encore Kyra. Mais Sansa ne l'écoutait plus depuis longtemps, connaissant par cœur, déjà, les histoires de ses pauvres filles qui pensaient que Ramsay changerait par amour pour elles. Elles les connaissaient toutes.
Tansy, Violet et Kyra étaient les plus récentes. Mais il y avait également Alison, Helicent, Jeyne la Grise et Jeyne la Rouge, Jez, Maude ou encore Sara et Saule… Toutes étaient désormais des chiennes de la meute de Ramsay…
La cheffe de meute et la plus hargneuse était Alys. Alys… Elle n'avait jamais entendu ce prénom dans les récits de Myranda. Mais la curiosité de Sansa n'était pas assez malsaine pour poser la question. Et tandis que la fille du Maître de Chenil peignait ses cheveux avec brutalité, les pensées de Sansa se dirigèrent des années en arrière.
Le souvenir de flammes vertes rongeant les murs, les cris des hommes au-dehors, les femmes confinées dans un espace clos, priants ensembles… Sansa se souvenait de chaque détail tandis que Shae lui tenait la main et que Cersei la fixait. Oui, elle se souvenait encore de cette femme aux cheveux blonds et au regard plus vert que ceux d'un serpent. Elle était là, assise sur un banc, une coupe de vin à la main et un sourire mélancolique aux lèvres. Elle lui avait parlé de la bêtise des hommes, de l'intelligence des femmes… Et tandis que Myranda continuait à démêler sa chevelure rousse sans douceur, les paroles de la Reine vinrent frapper le jeune Stark telle une évidence.
« Les femmes ont d'autres armes que les larmes. Celle que tu as entre les jambes est la plus efficace. Apprends à t'en servir. »
À l'époque, Sansa avait trouvé la Reine obscène. Mais aujourd'hui… Elle comprenait enfin le sens derrière les paroles de la Lionne. Lentement, la jeune femme se releva de sa coiffeuse et tourna son regard vers l'eau fumante du bain. Sa chemise de nuit tomba à ses pieds, dévoilant ainsi sa maigreur et les blessures que ses vêtements cachaient et sans attendre, la jeune Stark plongea dans l'eau brûlante sans même pousser un gémissement de douleur. Pourtant, la chaleur de l'eau venait de rouvrir certaines plaies, elle le sentait, mais cela ne lui faisait plus rien.
Myranda commença à mouiller ses cheveux, quand soudain, les hennissements des chevaux retentirent depuis la cour. Un sourire vint naître sur les lèvres de la servante tandis que le cœur de Sansa s'accélérait.
« Lord Bolton est rentré. »
La voix de Myranda était chantante, ses yeux devinrent rieurs et tandis qu'elle se levait pour prendre une éponge, sa démarche se fit dansante. Sansa, quant à elle, commença à blêmir petit à petit. Elle n'avait aucun plan, aucune idée de comment se sortir de cette prison qu'était désormais sa vie. Tout se bousculait en son esprit. Mille et un souvenir hantait son esprit. Que ferait Cersei ? Ou Margaery ? … Elles séduiraient Ramsay. Mais pouvait-on réellement le séduire ? Pouvait-on séduire un homme fou ?
Douloureusement, Sansa avala sa salive tandis que son regard se perdait dans le vide un instant. Qu'avait-elle à perdre désormais ? La vie ? … Elle ne comptait plus depuis si longtemps. Sansa était morte depuis que la tête de son père fut coupée devant ses yeux.
Des rires résonnèrent dans le château, suivis de cris et d'applaudissements, et bientôt, des pas résonnèrent dans le couloir. Le cœur de Sansa s'emballait à mesure que les pas se rapprochaient dans le couloir. Des sueurs froides vinrent perler sur son front, glissèrent dans sa nuque. Elle allait mourir de froid malgré l'eau bouillante. Et alors que la porte s'ouvrait avec fracas, Sansa crut l'espace d'un instant que son cœur avait cessé de battre.
Ramsay entra, une barbe naissante couvrant son visage, sa peau était sale, couverte de boue et de sang, ses vêtements étaient ensanglantés et il puait la sueur à des kilomètres autour de lui. Il revenait de la guerre, victorieux.
Myranda se plia en deux face à son amant qui ne la regarda aucunement, fixant déjà Sansa de son regard gelé. Un sourire charmeur étira ses lèvres, et sa voix froide tonna dans la chambre :
« Myranda, laisse-nous. »
La servante ne se fit pas prier, et quitta la pièce non sans accorder un sourire sombre à Sansa avant de disparaître. Ramsay, lui, n'avait pas quitté sa femme des yeux, et il s'approcha d'elle, sa démarche était féline, confiante. La démarche d'un chasseur-né.
« Ma douce épouse. »
Il se pencha et embrassa le front de la jeune femme avec une fausse tendresse qui écœura la jeune Stark. Puis avec dureté, il vint embrasser ses lèvres. Chacun de ses baisers aurait pu allumer un feu dans le ventre d'une femme qui ne connaissait nullement Ramsay Bolton. Il avait cette manière de jouer le rôle de l'amant qui frôlait presque la perfection. Il était un manipulateur-né.
Ramsay laissa un instant sa main se perdre dans l'eau tout en prenant place sur le tabouret où se trouvait Myranda juste avant. Il faisait cela parfois. C'étaient les seuls moments où Ramsay se montrait relativement… Normal. Il la regardait prendre son bain, l'aidait parfois à se laver… Mais lorsqu'elle sortait de l'eau… Tout redevenait comme avant. Il la violait. La frappait ensuite, pour la laisser ainsi… Seule… Son cœur s'emballa alors, ses yeux rivés sur l'eau fumante…
Que devait-elle faire ?
« Vous ai-je manqué ?
- Oui, mon Lord.
- Vous m'avez manqué aussi, ma Douce. »
Ramsay vint prendre l'éponge qui flottait dans l'eau et commença à répandre l'eau sur le corps nu de la jeune femme tandis que l'esprit de celle-ci marchait à toute allure. C'était le moment, elle le savait au fond d'elle. Elle devait franchir le cap ou jamais elle n'y arriverait. Il fallait qu'elle lui fasse croire qu'elle avait changé… Mais comment ?
La vie à Westeros était une immense partie d'échecs où chaque Seigneur jouait contre les autres. Jusqu'à présent Sansa n'avait toujours été qu'un pion sur les plateaux des autres. Cersei, Margaery, Varys… Baelish… Tous l'avaient utilisé pour arriver à leurs fins. Désormais, elle devait devenir une vraie femme, elle devait, elle aussi, jouer au jeu d'échec, en tant que joueuse et non en tant que pion.
Sa mâchoire se crispa. Elle avait assez côtoyé de personnes manipulatrices pour en devenir une à son tour !
« Vous semblez préoccupé, Sansa. »
La voix de Ramsay était rauque et la manière dont il avait prononcé son nom la fit frémir plus encore. Il n'était nullement inquiet, il était simplement curieux, recherchant un indice qui le mettrait sur la voie de ce à quoi sa femme réfléchissait.
« Je n'ai plus l'habitude que me touchiez. »
Sansa venait d'avancer son premier pion sur le plateau. Une simple phrase, dite de façon douce sans trémolo craintif. Ramsay était un homme qui aimait la dureté des choses, qui avait des besoins particuliers. Et si… Elle essayait de répondre à ses besoins particuliers ? Si elle essayait de les comprendre ? De le comprendre… Jamais elle ne pourrait accepter cette cruauté dont il était capable. Mais peut-être pourrait-elle orienter cette cruauté sur autre chose qu'elle-même…
Un frisson vint parcourir l'échine de la jeune femme tandis que son époux passa sa main sur sa gorge. Ramsay lui avait fait subir tant de choses, plus perverses les unes que les autres… Il était un incroyable manipulateur, presque égal à Baelish… Pouvait-elle l'être plus encore ?
« M'aimez-vous ? »
C'était une question devenue récurrente dans sa relation avec Ramsay. Il la lui posait systématiquement lors de ces moments tendres où la jeune femme semblait reprendre confiance. C'était une question banale vue de l'extérieur. Il en était tout autre de l'intérieur. Sansa savait qu'il se fichait qu'elle l'aime ou non. Il voulait juste entendre sa voix trembler tandis qu'elle répondait un « oui » peu sûr d'elle.
« M'aimez-vous ? » N'était qu'une façon plus douce de lui dire « Tu m'appartiens. ».
Le visage enjôleur de Margaery passa un instant dans l'esprit de Sansa, et comme si la simple image de celle qui fut son amie lui donnait le courage suffisant, elle passa avec douceur sa main sur celle de Ramsay, toujours posée sur sa gorge, et d'une voix forte et sure elle répondit :
« Oui. »
Par la légère pression qu'elle sentit sur sa gorge, Sansa sut que sa réponse venait de surprendre Ramsay. Mais il n'en fit pas plus de cas, replongeant l'éponge dans l'eau brûlante du bain, il commença à laver son dos. D'habitude, elle commençait à sangloter, suppliant son époux de ne rien lui faire, de la laisser en paix. S'en suivait alors des rires, des cris, un viol brutal… Elle devait lui montrer que cela n'arriverait plus, car elle n'avait plus peur de lui.
Le regard se Sansa se reperdit un instant dans l'eau qui devenait peu à peu brunâtre. Plus Ramsay plongeait l'éponge dans l'eau, plus celle-ci se salissait. Qui d'eux deux avaient réellement besoin d'un bain ?
« À quoi pensez-vous donc, Sansa ? »
Cette fois, son ton était plus pressant, plus curieux. Il se doutait que sa jeune épouse préparait quelque chose. Il savait. Ramsay avait un flair non-négligeable pour ce genre de choses. Mais la jeune femme ne se découragea pas, et avant qu'elle-même ne comprenne, les mots furent prononcés :
« Que vous feriez mieux de me rejoindre dans mon bain, vous êtes plus sale que moi. »
Sansa écarquilla les yeux tandis que ses propres paroles résonnaient à ses oreilles. Qu'avait-elle dit ? Devenait-elle folle ? Prête à encaisser une gifle pour son impudence, l'oiseau ferma les yeux. Attendant.
Mais rien ne vint…
Seulement le bruit des vêtements se froissant sur le sol lui répondit et elle ne réalisa qu'après-coup que Ramsay était désormais nu. Depuis leur mariage, cela n'était jamais arrivé. Et sans un mot, il vint se glisser derrière elle dans la baignoire teintant définitivement l'eau de cette teinte brunâtre, mélange de sang et de terre. Sansa s'avança alors dans son bain, fuyant le moindre contact avec son époux, elle était désormais terrorisée. Elle ne pouvait maîtriser cette peur sourde qu'il lui inspirait, malgré toute sa bonne volonté à changer.
Allait-il être plus sadique encore ?
Allait-il tenter de la noyer ?
Avalant difficilement sa salive, la jeune femme retint ses larmes avec difficulté.
Par les Dieux Sansa ! Montre-toi courageuse. Avance un second pion. La partie vient de commencer.
La main glaciale de Ramsay se glissa lentement sur son ventre, et elle ne put combattre le frisson de dégoût qui parcourut son corps tandis que chacun de ses muscles se tendait. Ce simple contact la plongeait dans une terreur sourde. Comment pouvait-elle lui faire croire qu'elle serait une épouse parfaite si le moindre contact la répugnait… ? Et tandis qu'elle réfléchissait, Ramsay la ramena d'un geste bien trop doux contre lui.
Sa bouche vint se coller à son oreille et dans un murmure Sansa entendit qu'il souriait de ce sourire goguenard qu'elle haïssait tant.
« J'apprécie fortement cette idée. »
Le dos de Sansa était désormais appuyé contre le torse de son époux. Elle était tendue, terriblement tendue, attendant le moment où la folie de Ramsay sortirait des sombres recoins de son esprit et la frapperait avec violence. Au moment où elle s'abandonnerait… Elle signerait sa fin. La main de Ramsay quitta son ventre et vint lentement se poser sur son front, appuyant légèrement, il la guida jusqu'à son épaule, et Sansa s'exécuta telle une poupée de chiffon. Que manigançait-il ?
L'esprit de la jeune femme était en ébullition, elle tentait de tout calculer, de tout comprendre. Allait-il lui faire du mal ? Une méfiance sans nom s'insinuait dans tout son corps, coulait dans ses veines avec force… Elle était telle une biche prise au piège.
Fais-toi confiance, Sansa. Rentre dans sa tête, comme Baelish rentre dans la tête des gens.
Et tandis que Ramsay reprenait une éponge dans ses mains, la jeune femme se laissa un peu plus aller contre lui, reposant définitivement sa tête dans le creux d'épaule de son époux. Il sentait mauvais, une odeur de sang qui semblait imprégné dans chaque parcelle de sa peau. Et tandis que l'eau ruisselait sur ses seins, elle ferma les yeux doucement, de l'extérieur, même le plus fin observateur aurait pu croire que la jeune femme appréciait ce moment, mais intérieurement, elle tentait par tout le mal de se contenir.
Son esprit vaquait, de ci et de là, jusqu'à ce que le Baelish vienne y faire son apparition. Un soir, alors qu'elle le suppliait de ne pas la donner aux Bolton, il lui avait murmuré avec douceur…
« Arrange-toi toujours pour embrouiller tes adversaires. S'ils ne savent jamais avec certitude qui tu es, ou ce que tu veux, ils seront incapables de concevoir ce que tu risques de faire ensuite. Sansa, ma douce Sansa. Ramsay est comme tous les hommes, il désire beaucoup de choses. Arrange-toi pour lui donner ce qu'il veut.
- Mais je ne veux pas !
- Sansa, mon enfant, l'on ne peut pas toujours faire ce que l'on veut. Mais crois-moi, met ce Bolton à tes pieds, et ta vie en Winterfell ne sera que tranquillité. »
Sansa savait ce que Petyr Baelish entendait par « Il désir beaucoup de choses. », mais était-elle réellement capable de le lui donner ? Elle fut sortie de ses souvenirs par la main de Ramsay qui effleurait son ventre avant de remonter lentement à son sein. La jeune femme posa alors sa propre main sur la sienne par pur réflexe. Elle voulait qu'il arrête, elle détestait cela, qu'il la baise comme une vulgaire putain.
Inspirant profondément, la jeune femme garda les yeux clos.
Arrange-toi pour lui donner ce qu'il veut… Il ne faut pas qu'il soit capable de savoir ce que tu comptes faire…
Tout en récitant en son esprit les paroles de Baelish, la prise qu'elle avait sur la main de Ramsay changea, pour devenir plus douce, plus tendre. Et lentement, elle la guida jusqu'à son sein. Ramsay resta une nouvelle fois interdit devant la nouvelle manière d'être de Sansa. Mais bientôt, la surprise laissa place à un sourire goguenard. Elle voulait jouer ? Il allait jouer avec elle. Et tandis que la jeune femme gardait les yeux clos, Ramsay vint saisir un peu plus fermement le sein de son épouse.
Sansa, elle, était ici, et ailleurs. Peu à peu, elle quittait cette baignoire à Winterfell et retournait dans sa chambre, à Port Réal, ce matin d'été où elle s'était mise à rêver de son mariage prochain avec Loras Tyrell. Elle se souvenait… Shae rentrait dans sa chambre…
« Lady Sansa, avez-vous besoin de quelque chose ? »
Et Sansa se souvenait, elle se souvenait parfaitement avoir craint de ne pas être à la hauteur pour le chevalier des fleurs… Elle voulait faire de lui un époux comblé…
« Oui Shae, j'ai quelques questions à te poser. »
La servante s'était alors assise auprès de la jeune femme, et Sansa s'était confiée. Shae… Sansa avait mis du temps à faire confiance à cette femme d'Essos, beaucoup de temps. Mais pour finir, celle-ci était devenue une véritable amie, fidèle et honnête.
« Que faisais-tu avant de rentrer à mon service ? »
Shae avait semblé hésiter, avant de répondre.
« Je travaillais à Essos. »
La réponse était vague, la servante semblait légèrement gênée, et Sansa avait immédiatement compris.
« Tu travaillais dans un bordel ? »
Shae avait alors simplement hoché la tête en signe d'affirmation.
« Puis je suis venue à Westeros, j'ai continué ce travail quelque temps. Jusqu'à vous rencontrer. »
Sansa s'était alors levée, et faisant face à Shae elle l'avait presque suppliée.
« Apprends-moi alors, Shae, je veux être digne de Loras. »
Shae fut d'abord surprise, elle avait fixé Sansa comme si celle-ci était devenue folle, avant que celle-ci ne dise tout haut ce qu'elle pensait :
« Vous êtes… Lady. Et vous voulez apprendre à être… Une pute ? »
Sansa esquissa un sourire rieur, un petit soupire quitta même ses lèvres tandis que Ramsay la ramenait à la réalité avec une énième pression sur sa poitrine quelque peu plus douloureuse.
« Qu'est-ce qui vous fait rire ?
- Des souvenirs… »
La voix de Sansa était douce, presque apaisée, et Ramsay trouvait cela plus qu'étrange. Ses yeux la scrutaient, cherchant un indice qui pourrait le mettre sur la piste. Cachait-elle une bêtise qu'elle aurait commise ? Avait-elle bu ? Mais rien ne lui sauta aux yeux, et elle ne sentait nullement le vin.
Lentement, elle commença à bouger, se redresser, et sans même jeter un regard à son époux, elle se releva de la baignoire, mouillant les pierres froides avec l'eau du bain. Son corps entier était entouré de vapeur, la chaleur de l'eau rencontrant le froid du Nord. Ramsay se releva à son tour, quelque peu plus propre qu'avant, et s'avança à elle. Elle était de dos, dégoulinante encore d'eau. Fermement, il vint appuyer sur ses épaules pour que la jeune femme se penche en avant.
« Sansa… Vous devez toujours le regarder dans les yeux. « L'amour » entre par les yeux. »
Les paroles de Shae résonnèrent en elle, et sans aucune hésitation, la jeune femme se retourna pour faire face à son époux. Légèrement plus grand qu'elle, il la dominait de son regard glaçant. Mais elle ne montra nullement sa peur. Avec calme, Sansa vint s'asseoir sur son lit, puis s'allongea, offrant ainsi son corps d'une nouvelle manière.
Une nouvelle fois, Ramsay fut quelque peu surpris, restant interdit devant la jeune femme qui le fixait désormais. Pas de pleur, pas de cris, pas de suppliques… Juste ce regard qu'il aurait pu qualifier de fiévreux. Oui, il en était certain, les yeux océans de Sansa le fixait d'une nouvelle façon.
Suis-je mort ? Ou ma femme est-elle devenue folle ?
Lentement, il se pencha vers elle, et Sansa l'admira un instant. Son torse était couvert de cicatrices ou de plaies à peine refermées. S'était-il fat cela à la guerre ? Ou lui-même… ? Les mains de Ramsay saisir sa cheville, ses lèvres se posèrent sur sa peau, et lentement sa bouche remonta le long de sa cuisse, mordant de part et d'autre sa peau. Elle ne hurla pas. Il put même la sentir frémir tandis qu'il effleurait son intimité de ses lèvres. Ramsay était complètement perdu devant ce comportement qui ne ressemblait nullement à la femme qu'il avait jusqu'à présent côtoyé.
Il reprit le même manège, embrassant son ventre, puis mordant chaque parcelle de cette peau laiteuse qu'il désirait ardemment. Et tandis qu'il arrivait à sa bouche, leurs regards se croisèrent enfin. La glace rencontrant l'océan. Chacun y lut les questionnements de l'autre… Chacun ne comprenant pas réellement ce qu'il se passait. Et tandis que Ramsay scrutait le regard de la jeune femme, tentant de trouver une quelconque once de peur ou de dégoût, la jeune femme brisa l'espace restant, capturant les lèvres de son époux.
Le jeune Bolton ne comprit pas, ce fut lorsqu'elle vint à mordre sa lèvre au sang qu'il ria. Il ne savait pas ce qui était arrivé à son épouse, mais il aimait ce qu'il se passait. Le sang s'écoula peu à peu dans leurs bouches, le baiser devint plus ardent, plus violent. Sansa se découvrait une nature insoupçonnée, elle se montrait plus dure, plus confiante… Plus dominante. Elle était encore maladroite dans ses gestes et tandis que Ramsay griffait ses cuisses avec hargne, elle ne put retenir un gémissement mêlant douleur et peur. Pourtant, son époux le reçus tel un gémissement de plaisir et il recommença.
Les ongles de la jeune femme vinrent se planter dans le dos de Ramsay avec force, laissant une traînée ensanglantée derrière eux. Le Lord étouffa un juron contre la gorge de son épouse qu'il était en train de mordre et vint capturer avec plus de force encore la bouche de Sansa. La peur envahissait le cœur de Sansa, ses poumons n'arrivaient plus à se gonfler d'air. Elle ne comprenait aucun de ses gestes, comme si, guidée par un instinct animal, elle savait ce qu'elle devait faire. Et plus elle blessait Ramsay, plus il devenait violent et semblait s'abandonner dans cette étreinte qu'elle ne contrôlait pas. Et alors qu'elle embrassait une nouvelle fois sa bouche, mordant plus violemment encore la lèvre de son époux, celui-ci tenta de la retourner, mais elle résista avant de les faire basculer, se retrouvant ainsi au-dessus de lui.
Ramsay resta presque démuni devant cette nouvelle femme qui se tenait désormais au-dessus de lui. Elle le fixait de son regard de louve. Elle n'était plus du tout un petit oiseau effrayé, mais bel et bien une louve, une Stark, une Nordienne. Et putain, il aimait ça. Il aimait cette nouvelle façon qu'elle avait de l'affronter, de ne plus sangloter dès qu'il la touchait, cela l'avait toujours énervé au plus haut point.
Non, désormais, elle le défiait et il adorait les défis.
L'espace d'un instant, il hésita à la retourner, pour lui montrer qu'elle n'avait aucun droit de le dominer. Myranda avait tenté, plusieurs fois, d'être au-dessus de lui, mais jamais il ne l'avait accepté et elle l'avait payé ensuite. Mais ce soir, il n'avait aucune envie de remettre son épouse à sa place, il voulait voir, jusqu'où elle était prête à aller. Et alors qu'elle gardait ses yeux accrochés aux siens, elle vint le prendre en elle. Ce fut délicat et plus que maladroit, il faillit même l'aider. Et désormais, ses hanches roulaient sur lui avec une assurance qu'elle n'avait point. Elle se donnait du mieux qu'elle pouvait, et au vu de ses joues rosies, elle était intimidée. Ramsay ne pouvait nullement dire qu'il prenait son pied, elle se débrouillait très mal et il ne ressentait aucun plaisir, mais de la voir ainsi, offerte d'elle-même, cela lui faisait oublier l'espace d'un instant qui ils étaient. Il ressentait une chaleur nouvelle, et ses yeux ne pouvaient quitter les siens tandis qu'elle continuait de se mouver maladroitement au-dessus de lui. Et cette scène était plus jouissive encore que toutes les séances de tortures qu'il lui avait infligées jusqu'alors.
Ses fines mains vinrent se poser sur son torse, et elle planta ses ongles dans sa peau. Le jeune Bolton retint un nouveau juron avant de laisser son regard fiévreux caresser son corps. Sa peau blanche, mutilée, ses morsures qui avaient laissés de ci et de là des marques rouges ou des bleus. Et cela l'excitait plus encore que le déhanché de la jeune femme, les marques qu'il avait apposé sur son corps… Elle lui appartenait, elle était à lui. Sansa Stark, première fille du Gouverneur du Nord était son épouse.
Les mains de Ramsay vinrent remonter le long de ses cuisses et se placer sur ses hanches. Ce simple contact ayant pour effet de la faire rougir plus encore. D'un mouvement habile, il se redressa, et leurs visages se frôlèrent, leurs lèvres furent si proches… Pour la première fois, il avait réellement envie de l'embrasser. Non pas par devoir, non pas pour la mettre mal à l'aise. Non. Cette fois, il avait réellement envie de capturer ses lèvres. Et il le fit.
Un baiser violent qui devint sanglant. Sansa ayant pris plaisir à rouvrir la plaie de sa lèvre avec ses dents. Cela termina de brouiller l'esprit de Ramsay qui vint guider les hanches de Sansa de ses mains, accélérant ainsi le mouvement. Et il adorait ça, lui donner le sentiment de dominance alors qu'il tirait toujours les ficelles. Pour la première fois depuis leur mariage, il aimait ce qu'il se passait, non pas par plaisir sadique, mais par plaisir, tout simplement.
Elle était allongée sur le côté, les yeux dans le vide, elle fixait le mur de pierre. Elle ressentait un profond dégoût pour elle-même. Elle avait la sensation que tout son corps était sale. Elle avait failli pleurer, même vomir. Elle se sentait… Répugnante. Et tandis que ses yeux restaient fixés sur le mur de pierre, ses oreilles, elles, restaient concentrées sur la respiration de celui endormi à ses côtés.
Il s'était endormi pour la première fois de sa vie dans leur lit. Était-ce là une preuve qu'une confiance était née ? En une heure à peine, en lui offrant juste son corps, elle lui avait retourné l'esprit ?
Non, bien sûr que non. Elle savait qu'il ne dormait que d'un œil. Il attendait patiemment de voir si elle allait tenter de fuir ou de le poignarder dans son sommeil. Mais Sansa savait, et elle ne tenterait rien. Mais elle savait aussi que ce qu'il venait de se passer… N'était aucunement normal. Son piège marchait, elle avait commencé à étendre sa toile telle une araignée. Mais elle en était victime aussi…
Tout n'avait pas été des plus agréables, les morsures, les griffures, elle avait encore mal. Mais ses baisers lui avaient retournés le bas-ventre, tandis que cette façon qu'ils avaient eue de s'unir était si… Différente… Elle n'avait pas pris un plaisir absolu, non. Mais elle s'était surprise à aimer par moment. Surtout lorsqu'il se redressa, guidant ses hanches tout en l'embrassant fiévreusement. Un frisson vint parcourir son échine. Pouvait-on réellement ressentir du désir pour son bourreau ? Devenait-elle folle ? …
Lentement, Sansa secoua la tête comme pour se résonner.
Son plan marchait, cela devait être la seule chose qui compte. Et si elle devait se dégoûter à prendre du plaisir en baisant avec Ramsay Bolton, elle baiserait jusqu'à ne plus pouvoir se regarder dans un miroir. Là était le prix de sa liberté. Désormais, elle savait, elle devait se montrer plus tordue encore que lui, et ainsi, elle serait libre. Elle était une Stark de Winterfell, elle était ici chez elle. Elle n'avait pas à avoir peur. Elle devait être la louve que représentait sa maison. L'oiseau devait sortir de sa cage et devenir une Louve.
