Chapitre Deux

Sansa se retourna lentement dans le lit, la lune éclairait légèrement la pièce tandis que les braises brillantes dans la cheminée apportaient à la nuit un éclat tendre. Elle distinguait clairement son époux dans la pénombre et commença à l'observer. Ramsay, endormi ainsi, ressemblait presque à un ange. Le bas de son corps était recouvert d'un simple drap blanc, tandis que Sansa couvrait le sien avec la fourrure rousse couvrant le lit. Il semblait apaisé, en tout point. Son torse était tailladé de cicatrices, certaines étaient blanches témoignant d'un grand âge tandis que d'autres étaient encore rosées et boursoufflées. Certaines étaient à peine refermées… Était-ce le fruit de ses combats ? Ou de ses nuits fougueuses avec Myranda … ? Peut-être était-ce une mutilation qu'il s'infligeait lui-même. Sansa vint à frémir. Peut-être les trois.

« Pourquoi mon bourreau ressemble-t-il à un ange ? »

Elle venait de murmurer cette phrase, telle une confession que personne ne saurait jamais, sauf elle.

De grandes traînées de sang secs décoraient son torse et ses épaules, trace de leur ébat violent. Sansa sentit le rouge lui monter aux joues. La honte lui dévorait les entrailles, mais un sentiment plus fort encore prenait le dessus, la curiosité.

Le visage de Ramsay était impassible, sa respiration semblait même apaisée. L'un de ses bras bloqués sous sa tête tandis que l'autre était sur son ventre. Il avait l'air si… tranquille. Le monde pouvait s'écrouler, il s'en fichait, il dormait. Non, il n'avait définitivement plus rien à voir avec le bâtard sadique et sans cœur qui la hantait depuis des semaines, des mois. Il avait l'air si… humain.

Une mèche de cheveux barrait son visage si apaisé, et dans un élan de douceur, Sansa approcha sa main pour la remettre en place. Mais une main dure vint saisir son poignet avant même qu'elle n'atteigne sa cible et un petit cri de surprise s'échappa de la gorge de Sansa qui croisa immédiatement le regard glacé de Ramsay. Il avait le regard froid, non cruel. Il cherchait une réponse, comme si d'un simple coup d'œil, il pouvait lire dans son âme. Et tandis que la jeune femme sentait son cœur bondir dans sa poitrine, la voix de son époux s'éleva plus froide encore que les glaciers.

« Que vous arrive-t-il, ma douce ? »

Elle haïssait ce surnom, plus encore lorsqu'il l'employait avec tant de froideur. Mais elle ne s'attarda nullement dessus, elle devait agir, vite. Alors, esquissant un sourire tendre, elle vint dégager son poignet tout en lenteur pour ne pas brusquer l'homme en face d'elle.

« N'ai-je pas le droit de changer pour mon époux ? »

Ramsay haussa un sourcil. Il n'y croyait nullement, elle le savait. Il vint s'asseoir, toujours en fixant Sansa de son regard perçant. La regardant de haut en bas, il cherchait, mais ne trouvait pas.

« Je ne sais pas ce que vous me cachez. Mais sachez qu'un jour ou l'autre, je le saurais. »

C'était une menace, dissimulée, mais une menace quand même. Et tandis qu'un frisson de peur lui parcourait l'échine, Ramsay vint lentement la pousser pour qu'elle s'allonge, avant de lui-même se positionner sur elle. Et sans le contrôler, Sansa se sentit frémir d'un mélange entre peur et désir qu'elle avait honte de ressentir. Mais elle ne pouvait nier que ce jeu malsain avec son époux lui faisait ressentir une attraction qu'elle n'aurait jamais pensée éprouvée auparavant. La bouche de Ramsay vint se coller à la sienne, et cette fois, ce fut son époux qui croqua la lèvre de Sansa sans une once de douceur. Un gémissement de douleur vint à franchir ses lèvres, mais fut étouffé par le baiser fiévreux de son époux. Le bassin de Sansa vint se coller avec force contre celui de Ramsay. Elle ne contrôla point ce mouvement, comme si celui-ci était un réflexe animal enfoui en elle. Et cela surprit l'intéressé qui planta son regard gelé une nouvelle fois dans celui de Sansa.

« Je ne sais pas ce qu'il s'est passé lors de mon absence, Sansa. Mais j'aime ce que je découvre. »

Sansa embrassa une nouvelle fois son époux, camouflant ainsi un sourire satisfait qui se dessinait sur ses lèvres. Elle gagnait du terrain. Cersei avait raison. L'arme qu'elles avaient entre les jambes venait à bout de tous les combats… Ou peut-être était-ce plus profond que cela ?

Sansa fut toujours maladroite, mais une nouvelle fougue passionnée s'emparait d'elle tandis que Ramsay vint à la prendre à nouveau. Mais il ne tenta même pas de la retourner. Non, il l'a pris, comme un homme prend sa femme. Le visage de Ramsay était enfoui dans le cou de la jeune femme tandis que les ongles de celle-ci s'enfonçaient dans son dos, arrachant un râle à son amant. Ses doigts s'emmêlèrent dans ses mèches rousses, tirant légèrement pour qu'elle lui offre pleinement sa gorge qu'il s'empressa de mordre. Et alors qu'il se sentait arrivé à son paroxysme, un bruit métallique fit se retourner le Lord Bolton tandis que Sansa, honteuse, ne pouvait détourner son regard du visage de Ramsay.

C'est ainsi qu'elle vit les expressions de son époux changer. Passant de l'étonnement à la colère.

« Je… Je… »

Myranda se tenait dans l'encadrement de la porte, suivi de Schlingue. Tous deux se tenaient là. L'un était déjà en boule, par terre, les bras devant son visage, tremblant. L'autre ne pouvait détourner son regard de cette scène, aucune malice, aucune cruauté ne brillait dans son regard. Non, juste de la peine. Myranda se sentait trahi. Ramsay soupira avant de se lever sous le regard consterné de Sansa qui ramena bien vite les couvertures sur elle tandis que Ramsay se rhabillait.

« Apporte-nous à manger Schlingue. »

La créature ne se fit pas prier et quitta la pièce aussi vite qu'il le pu, laissant ainsi seuls : le mari, l'épouse, et la Maîtresse. Ramsay boucla sa ceinture avant de mettre ses bottes sous le regard des deux femmes. Puis il se tourna vers Sansa et embrassa son front avant de murmurer.

« Je reviens, quelques affaires m'attendent apparemment. »

L'élan de tendresse surprit Sansa tandis que Ramsay quittait la chambre non sans bousculer Myranda au passage. Ce fut à cet instant qu'elle comprit. Ramsay n'avait pas eu ce geste de tendresse pour elle, mais pour blesser plus encore la fille du Maître de Chenil. Cela lui arracha presque un sourire tandis que Myranda fixait désormais sa rivale. Une haine sourde envahissait son cœur et coulait lentement dans ses veines, une haine si venimeuse… Suintant comme un poison. Avalant sa salive avec douleur, la femme brune quitta la pièce sans un mot et rattrapa Ramsay qui était simplement allé dans sa chambre pour prendre des vêtements corrects. Myranda claqua la porte avant de se tourner vers lui, la haine désormais apparente sur son visage.

« Alors maintenant, tu la baises comme si tu étais un noble ? »

Ses mots tranchèrent l'air telles des lames mais n'atteignirent nullement Ramsay qui se retourna simplement vers elle, un air impassible collé au visage.

« Je baises mon épouse comme j'ai envie de la baiser.

- Ton épouse ? »

Les mots de Ramsay étaient durs tandis que ceux de Myranda se brisaient dans sa gorge. Jamais il n'avait appelé Sansa « Mon épouse » en dehors des fois où elle était présente. Il n'avait jamais eu envie de baiser une autre femme qu'elle. Et il ne l'avait jamais baisé comme il venait de le faire avec son épouse.

« Hier encore tu voulais la faire souffrir ! Et aujourd'hui tu la baises ! »

Ramsay se déshabilla, avant de remettre un pantalon de cuir noir, propre et une chemise grise. Il réenfila ses bottes tandis que Myranda le contemplait, bouillonnant de l'intérieur. Lentement elle s'approcha de lui tandis qu'il se remettait debout, mais il la repoussa immédiatement, saisissant son gilet de cuir.

« Bon sang ! Ne suis-je plus rien pour toi ?! Parce qu'elle décide de baiser avec le sourire tu m'oublies ?! »

Les yeux de Ramsay se plantèrent dans les siens et la lueur mauvaise qu'ils prirent vint faire frémir Myranda. Jamais il ne l'avait regardé ainsi. Jamais.

« Tu m'ennuie Myranda. Tu n'as jamais rien n'été pour moi, tu n'es pas digne d'un Lord, ni d'un Bolton. J'ai perdu assez de temps comme cela avec toi. »

Il déposa ses vêtements sales dans ses bras et reprit avec plus de froideur encore.

« Maintenant, fais ton travail. Lave mes vêtements et envoi Yvana vider la baignoire. Et pense à nourrir la meute. »

Sans un mot de plus, il quitta la pièce, claquant violemment la porte derrière lui et laissant Myranda seule avec sa haine. D'un pas rapide, il se dirigea vers la chambre de son épouse, mais ce fut une fois qu'il arriva face à la porte qu'il réalisa. Myranda n'avait pas fermé. Son cœur loupa un battement tandis qu'il ouvrait celle-ci.

Mais elle était là. Elle était toujours là.

Sansa n'avait pas fui, alors qu'il était certain qu'elle avait vu que la porte était encore ouverte. Par les Dieux qu'arrivait-il à son épouse ?

Assise à sa coiffeuse, elle avait revêtit une simple robe de chambre en dentelle blanche que Lady Olenna Tyrell lui avait offerte pour ses fiançailles avec Ser Loras Tyrell, le frère de la Reine Margaery.

Non, elle ne lui avait rien dit.

Il avait réussi à surprendre une conversation, où la jeune femme racontait cette histoire à Yvana quelques instants avant qu'il ne rentre il y a de cela quelques mois déjà.

Sans bruit, Ramsay rentra dans la chambre et fixa longuement la jeune femme qui elle-même regardait par la fenêtre. Elle semblait réfléchir.

Encore.

Depuis qu'il était rentré, elle ne quittait cet air préoccupé. Ce n'était pas de la peur qu'elle essayait de contenir, mais une réflexion plus profonde. Et Ramsay voulait savoir. Il avait horreur qu'on lui cache des choses, et tout était beaucoup trop étrange pour que cela paraisse normal. Il voulait rentrer dans l'esprit de la jeune femme. Au plus profond de son être. Et savoir ce qu'elle lui cachait.

Lentement, tel un félin s'apprêtant à bondir sur sa proie, il s'avança jusque dans le dos de la jeune femme, celle-ci restait plongée dans ses pensées et ne l'avait pas entendu. Alors dans un murmure, il lui signala sa présence.

« Lady Bolton serait-elle trop occupée à penser ? »

Sansa laissa échapper un cri de frayeur tout en se retournant face à son époux. Tout deux étaient désormais collés l'un à l'autre et Sansa ne pouvait fuir. Bloquée entre Ramsay et la fenêtre. Prise au piège entre le vide et ce regard gelé. Elle sentait son souffle s'écraser sur son visage, ses mains étaient collées contre la pierre, de chaque côté de ses épaules... Et son regard... Une détermination sans faille y régnait.

« Maintenant, dites-moi la vérité. Que me cachez-vous ?

- Rien ! »

Elle avait répondu si rapidement que Ramsay eut l'espace d'un instant un doute, mais il ne se laissa pas dérouter et reprit.

« Cessez de me mentir ! Vous devriez savoir ce que je réserve aux menteuses ! »

La jeune femme se sentit blêmir un instant avant de répondre plus violemment encore tout en frappant le torse du Lord.

« Je ne vous cache rien ! »

Ramsay esquissa un sourire goguenard et Sansa se sentit totalement prise au piège. Le souvenir des hurlements de certains serviteurs lui revint en mémoire alors qu'on lui apprenait que ceux-ci étaient punis pour avoir « menti » à Lord Ramsay Bolton… Le regard azur de Sansa fut attiré par la main droite de Ramsay qui descendait peu à peu au niveau de sa ceinture où était accroché son couteau. L'esprit de Sansa se mit à tourner plus vite encore, comment allait-elle se sortir de ce guet-apens ? Un goût amer vint envahir sa bouche et au même moment que la main de Ramsay se posait sur le manche, la porte de la chambre s'ouvrit et Theon apparut, un plateau dans les mains contenant plusieurs mets et une carafe de vin. L'espace d'un instant, il observa le couple. Ramsay, lui, ne le regarda pas, trop absorbé par le visage de Sansa qui restait miraculeusement impassible. La créature en profita pour poser le plateau sur le bureau et déguerpir sans demander son reste en prenant soin de refermer la porte.

Ramsay, lui n'avait pas bougé, il fixait toujours la jeune femme, une main posée sur son couteau, l'autre plaquée contre la pierre. Son regard était impénétrable tandis que celui de Sansa se voulait plus déterminé que jamais.

« Je ne sais pas ce que vous faites, ni ce que vous manigancez… Mais tôt ou tard, je le saurais Sansa. »

En l'espace d'une soirée, il venait de la menacer deux fois de la même façon sans pour autant passer à l'acte, et Sansa s'en sentit soulagée. Lentement, Ramsay s'écarta avant de se diriger vers le plateau. Il pointa le lit du menton avant de sortir son couteau et de découper plusieurs morceaux de nourriture tandis que Sansa le rejoignait, prenant place sur le lit. D'un geste las, il lui tendit une assiette avant de lui-même se servir.

Combien de temps cela faisait-il que Sansa n'avait pas réellement mangé autre chose que du pain ou des restes de nourritures ? …

Lentement, elle porta un morceau de tourte à sa bouche, mais à peine l'avala-t-elle qu'elle crut vomir. Son estomac ne supportait plus les repas « normaux ». Elle se força pourtant à manger, avalant deux ou trois bouchées en ignorant tant bien que mal ses nausées.

Ils mangèrent ainsi, en silence, Ramsay jouant avec son couteau tandis que Sansa ne le quittait des yeux. Quand le repas fut fini, Yvana vint vider l'eau du bain tandis que Theon débarrassait le repas, laissant une simple pomme sur le bureau. Ramsay la prit et se dirigea vers la fenêtre tandis que Sansa s'allongeait sur la fourrure.

« La bataille contre Stannis fut dure ? »

La main de Ramsay tenant le quartier de pomme resta en suspens entre le fruit et sa bouche, lentement, il tourna vers elle, interloqué par ce sujet de conversation. Il la fixa un instant, incapable de savoir si elle voulait réellement savoir ou demandait par simple politesse.

« Son armée se battait corps et âme pour lui. Il fut difficile de les vaincre. »

Sansa acquiesça doucement, elle était toujours allongée et fixait désormais le plafond. Elle semblait ici et ailleurs à la fois.

« Stannis Baratheon est un fin stratège, mais il est aveuglé par son fanatisme. »

Cette fois, Ramsay fut réellement étonné et il abandonna son fruit qu'il jeta par la fenêtre avant de saisir d'un geste vif la chaise du bureau où il était installé tantôt. Il vint alors s'asseoir à califourchon sur celle-ci, reposant ses bras sur le dossier. Consciente de la conversation sérieuse qui allait se dérouler entre eux, Sansa se redressa, avant de planter son regard azur dans celui de son interlocuteur, lui signifiant ainsi qu'il pouvait parler.

« Il est vrai que sa faiblesse est qu'il est trop confiant. Il croit en lui, mais plus encore en sa prêtresse rouge. Il n'a pas pris le temps de réellement élaborer un plan de bataille… Et encore moins un plan de retraite. »

Sansa acquiesça une nouvelle fois, les propos de Ramsay rejoignaient ceux de Tyrion Lannister à la suite de la Bataille de la Néra.

« Lors de la Bataille de la Néra, il a sous-estimé le Roi Joffrey… Et le feu grégeois l'a anéanti. »

La jeune femme se perdit un instant dans ses souvenirs… La lueur des flammes vertes léchant les murs, un baiser à l'arrière-goût de vin… Ramsay la fixait, hypnotisé par ce spectacle qui s'offrait à lui. Elle était là, le regard dans le vague, plongé dans des souvenirs qui tourmentaient encore ses traits. Il était même sûr que s'il fixait bien ses prunelles, il avait pu voir les légendaires flammes vertes du feu grégeois dansées dans ses yeux.

Doucement, leurs regards se croisèrent et Sansa reprit son récit, parlant de diverses méthodes du champ de bataille que son père avait enseigné à Robb et qu'elle avait écouté d'une oreille distraite. Elle n'avait jamais réellement aimé les arts de la guerre, mais Catelyn lui avait toujours répété qu'une femme devait toujours aider son époux, peu importe les circonstances.

Ramsay acquiesçait, écoutait, ou contre-argumentait. Il avait toujours eu des facilités pour les tactiques de guerres, il était né pour ça. Mais le fait que son épouse soit presque aussi douée que lui dans cet exercice le rendit presque joyeux.

« Et que pensez-vous des méthodes de Robb Stark en tant que dirigeant d'une armée ? »

La voix de Ramsay était sérieuse et Sansa se figea. Elle était choquée par cette question, était-ce un piège ? Bégayante, la jeune femme n'arrivait plus à articuler… Comme prise de panique. Ramsay lui fit un signe de tête pour l'encourager à parler avant d'ajouter :

« Votre réponse m'intéresse réellement. »

Il n'avait pas son sourire goguenard, ni même son regard teinté de folie. Il était sérieux, ses bras étaient croisés sur le dossier de la chaise, son visage reposant dedans, ses yeux la fixant avec curiosité. Il attendait réellement sa réponse. Sansa poussa alors un soupir lourd avant de répondre :

« Eh bien, Robb s'est laissé avoir par ses sentiments. Trop de compassion, je dirais… Mais au niveau tactique… Personne au monde n'aurait pu l'avoir. »

Elle venait d'affirmer cela, comme si elle n'avait aucun doute sur ce qu'elle venait de dire. Ramsay acquiesça une nouvelle fois avant de se lever tout en murmurant :

« Et moi, quel serait mon défaut ? »

Sansa se mit à rougir violemment, mais prise dans son élan d'analyse, elle ne put se résoudre à mentir.

« Vous êtes bien trop sûr de vous également et... Trop cruel. Vous n'arriverez pas à souder vos rangs si vous inspirez la peur. »

Ramsay s'approcha d'elle, et Sansa se sentit soudainement suffoquer de peur. Avait-elle commis une faute ? S'était-elle trop avancée ? Allait-il la punir pour son impudence ?

Le jeune Bolton grimpa sur le lit, tel un félin en train de jouer avec sa proie, il obligea la jeune femme à s'allonger tandis qu'il la dominait de toute sa stature. Leurs visages n'étaient qu'à quelques centimètres l'un de l'autre et Ramsay reprit :

« Tu me fascines, Sansa Stark. »

Les joues de Sansa se colorèrent plus encore. Elle était absorbée par les deux prunelles glacées qui brillaient au-dessus d'elle. Sansa n'avait été qu'elle-même lors de cette discussion, elle n'avait joué aucun rôle. Il lui avait laissé la possibilité de s'exprimer et de montrer une facette d'elle. Et cette nouvelle familiarité de son époux la percuta de plein fouet. Il venait d'enlever ce masque de parole aimable et d'époux parfait, et cela rendait heureuse Sansa, Ramsay s'enlisait dans sa toile sans s'en rendre compte.

Celui-ci vint capturer les lèvres de Sansa, sans douceur, juste avec avidité et elle ne put que lui répondre. Elle ne comprenait pas pourquoi son corps réclamait désormais aussi ardemment celui qui, il n'y a pas si longtemps, lui faisait vivre un enfer, mais elle en mourrait d'envie.

Leurs lèvres se quittèrent, Ramsay commença à mordre son cou avec plus de violence et dans un murmure rauque, il reprit :

« Nous avions commencé quelque chose, je crois. »

Sansa ne répondit rien, elle laissa seulement ses doigts glisser jusqu'à la joue de l'homme qui déjà enlevait sa robe de chambre sans délicatesse. Dans un geste vif, elle le griffa et il émit un rire. La souffrance, la douleur… Tout cela l'amusait au plus haut point. Et elle devait apprendre à s'amuser avec elle aussi.

La robe de chambre vint gagner le sol, et les doigts de Ramsay s'emmêlèrent dans les cheveux de Sansa tandis que celle-ci lui enlevait son plastron de cuir et sa chemise. Leurs lèvres se liaient encore et encore, et tandis que la chemise du Lord vint rejoindre la robe de chambre au sol, les doigts de la jeune femme vinrent glisser sur la peau brûlante de son époux.

Rien n'était doux.

Tout était violent.

Ramsay aimait.

Sansa s'y faisait.

Ramsay ouvrit son pantalon de cuir, et sans prendre le temps de quoi que ce soit d'autre, il la pénétra avec force. Leurs lèvres liées étouffèrent le gémissement de douleur de Sansa tandis que ses ongles rentrèrent dans la chair de son amant.

Un instant, il douta, était-ce réellement un gémissement de douleur ?

Et tel plutôt dans la soirée, ils s'apprivoisèrent, et telle la dernière fois, le sang roula sur leurs peaux à coup de griffures et dents.

Ses yeux bleus s'ouvrirent, mais se refermèrent aussitôt tandis que le soleil brûlait sa rétine. Elle les garda fermés un instant avant de les rouvrir plus lentement. Ils papillonnèrent, cherchant à canaliser la lumière. Son corps était douloureux, mais c'était une douleur clairement supportable comparée à ce qu'elle avait pu connaître par le passé. Progressivement, elle étira ses jambes, puis ses bras. Et tandis qu'elle renvoyait son membre en arrière, sa main heurta quelque chose, ou du moins, quelqu'un.

La Lady se retourna alors le plus silencieusement possible, la boule au ventre, et se retrouva nez à nez avec Ramsay, encore endormi dans la même position que la veille. Surprise, la jeune femme écarquilla les yeux.

Quel comble de l'ironie qu'une femme soit surprise par la présence de son époux dans leur lit.

Et telle la veille, elle se surprit à le contempler… Il semblait si serein lorsqu'il dormait. Mais lorsqu'elle le vit commencer à bouger, signe qu'il se réveillait, elle se recoucha, fermant avec force les yeux, elle fit semblant de dormir. Peut-être allait-il partir immédiatement en voyant qu'elle dormait ?

À peine eut-elle fermé ses paupières qu'effectivement, Ramsay se réveilla. Nonchalamment, il vint se lever sur ses coudes, la jeune femme l'entendit bâiller, et elle sentit, même à travers ses paupières closes, son regard glacial se poser sur elle. Puis, il se leva, son poids disparaissant du matelas, et le bruit des vêtements et de son ceinturon indiquèrent à Sansa qu'il s'habillait, un léger soulagement la gagna alors.

« Vous n'avez jamais été très bonne pour simuler à vos parents que vous dormiez, n'est-ce pas ? »

Sansa ouvrit immédiatement les yeux sous la surprise, ses joues se teintant à nouveau d'une couleur rougeâtre.

« Comment…

- … Une personne endormie n'a pas un souffle si saccadé, ma douce, et vous n'aviez nullement le visage de quelqu'un qui faisait un cauchemar. »

Il la fixait d'un air légèrement hautain, où s'entremêlaient moquerie et exaspération. Ce regard… Sansa le compara immédiatement à celui d'Arya. Et un léger rire vint traverser ses lèvres, un rire doux, oublié… Depuis quand n'avait-elle pas ri ?

Sous le regard médusé de Ramsay, elle se redressa, gardant la couverture contre sa poitrine. Tandis que son époux se surprit à aimer son rire, l'espace d'un instant. Il était plus agréable que ses cris.

« Aimez-vous toujours monter à cheval ? »

Sansa acquiesça doucement, elle avait cessé de rire et fixait désormais Ramsay avait un regard perdu.

Au cours de leurs fiançailles, Ramsay avait emmené Sansa à cheval une ou peut-être deux fois. Il avait justifié ce fait par l'envie de passer du temps avec sa future épouse, et Sansa avait accepté malgré sa peur inconditionnelle des chevaux. Ramsay l'avait tout de suite vu à l'époque et il avait eu la patience de l'aider à surmonter cela.

Désormais, elle n'était pas grande cavalière, mais elle appréciait monter et se débrouillait convenablement sur le dos d'un cheval.

La nostalgie vint s'emparer de son cœur. Ce souvenir paraissait si irréel… Une époque lointaine où elle s'était surprise à penser qu'il serait peut-être un bon époux... Quelle idiote avait-elle été. Son cœur se serra douloureusement dans sa poitrine… Elle avait entendu mille et une rumeur sur le bâtard de Roose Bolton, mais jamais elle n'aurait pensé qu'elles soit vraie, ou pire. La Maison Bolton était la plus crainte de Westeros, l'histoire avait prouvé à de nombreuses reprises qu'ils étaient préposés au sadisme et à la cruauté. Mais Ramsay… Ramsay était pire que tout. Il était capable du pire… Et à la fois d'une incroyable douceur comme il le lui avait prouvé lors des cours d'équitation. Cela ne le rendait que plus dangereux.

La jeune Lady fut sortie de ses souvenirs par la voix tonnante de Ramsay.

« Bien. Je vous attends aux écuries alors, je vais préparer les chevaux. »

Sansa n'eut le temps de réagir, ni même de cligner des yeux. Il était déjà parti.

Allait-elle réellement sortir à cheval ? Seule… Avec lui ? Lui faisait-il déjà confiance ?

L'excitation gagna de part en part Sansa tandis qu'elle se levait de son lit pour se diriger vers sa malle de vêtement. Elle gagnait du terrain. Elle tissait peu à peu sa toile….

Mais bien vite, son corps entier se figea, ses doigts se crispèrent sur le tissu d'un chemisier tandis qu'elle relevait son regard dans le vide. Une pensée obscure venait de la foudroyer avec violence. Un test, tout ceci était un simple test pour voir sa sincérité. Et au moindre faux pas… Il l'écorcherait.

Comme hier, lorsqu'il était parti, suivi de Myranda sans fermer la porte… Elle aurait pu fuir, mais elle n'avait pas bougé, convaincue du piège qu'on lui tendait.

Le sang de Sansa se glaça dans ses veines tandis qu'elle se relevait, son regard se perdant dans le vide. Ramsay était plus intelligent que tous les hommes qu'elle avait rencontrés par le passé. Mais Littlefinger était un excellent professeur, et il avait aiguisé l'esprit de Sansa, elle réussirait.

La porte de la chambre s'ouvrit, tirant Sansa de sa torpeur. Croyant voir arriver Myranda, elle fut surprise de constater que c'était Yvana.

« Que fais-tu ici, Yvana ?

- Lord Ramsay veut que je vous aide à vous préparer pour une balade à cheval, Lady Sansa. Est-ce vrai ? »

La jeune femme aux cheveux blonds semblait réellement inquiète, mais Sansa lui signifia que cela était bien vrai.

Yvana était une jeune servante qui avait toujours vécu à Winterfell, très douce, elle n'était pas une fille à l'incroyable beauté, mais n'en restait pas moins jolie. Ses longs cheveux blonds toujours tressés en épis de blé et ses yeux marron lui donnait un air angélique tandis que sa voix légèrement fluette donnait la sensation qu'elle avait cinq ans de moins. Elles avaient grandi ensemble, dans ce château. Et Yvana avait connu elle aussi son lot de douleur et subit la cruauté de ses nouveaux maîtres... Sansa le savait. Mais égoïstement, elle était heureuse qu'Yvana soit ici, à ses côtés.

« Comment cela se fait-il que ce ne soit pas Myranda… ?

- Lord Ramsay m'a demandé de la remplacer, il n'a pas précisé les raisons. Simplement, que ce serait mon rôle désormais. »

Sansa hocha la tête, une fois de plus tandis qu'Yvana sortait des vêtements de la malle. Était-ce la une récompense que lui offrait son époux ? Ou un plan bien plus sombre se cachait derrière ses actes ?

Ramsay sella son cheval bai, « Sang ». Puis fit de même avec une jument blanche au nom d'« Isil1 » C'était sur elle que Sansa avait appris à monter par le passé. Mais ce n'était aucunement ce détail qui l'avait poussé à choisir Isil. Non. C'était simplement la seule jument avec qui Sang était capable de cavaler sans devenir mauvais. Qui plus est, Isil était une jument lente.

Si Sansa tentait de fuir, il la rattraperait alors aisément.

D'un geste lent, il installa le tapis noir sur le dos de la jument. Cela le fatiguait d'avance, mais son plan était infaillible. Sansa tenterait forcément de fuir. Sinon… Cela voulait dire qu'il avait réussi, qu'elle était devenue son jouet, elle aussi.

Des bruits de pas se firent entendre dans l'écurie, mais Ramsay ne se donna pas la peine de se retourner, reconnaissant la démarche de son épouse. Sansa avait cette façon de se déplacer lente et fière qui le faisait toujours sourire sans vraiment comprendre pourquoi. Elle était une Lady, elle avait grandi avec une éducation en conséquence : la fierté de son nom, de sa maison, la détermination… Et tandis qu'il bouclait les sangles de la selle, la voix blanche de Sansa attira son attention.

« Bonjour, cela faisait longtemps que je ne t'avais pas vu. »

L'observant du coin de l'œil, il vit la jeune femme caresser du bout des doigts le museau de Sang tout en continuant à lui parler. Cela énerva presque le Lord qui serra les dents. Parlait-elle réellement à son étalon comme à un chien ? Qui plus est, Sang ne réagissait pas, ses oreilles restaient droites, à l'écoute de ce que la jeune femme lui disait.

Habillement, le Bolton vint passer le filet à la jument tout en continuant d'observer la jeune femme discrètement. Elle était vêtue d'un pantalon de cuir noir et d'un chemisier bordeaux, couleur de la maison Bolton. Son manteau de fourrure était d'un gris envoûtant et sa chevelure rousse était tressée telle celle d'Yvana.

Les yeux du Lord s'attardèrent un peu plus longtemps sur ses jambes… Les bottes lui arrivaient au-dessus du genou et soulignaient à merveilles ses jambes élancées… Elle était terriblement belle, sans s'en rendre compte. Ramsay fixait à présent son épouse de manière plus soutenue, abandonnant toute notion de discrétion. Celle-ci le remarqua et bientôt, leurs regards se croisèrent.

Ni l'un, ni l'autre ne détourna le regard tandis que Sansa s'approchait de lui. Et alors qu'elle n'était qu'à quelques centimètres, elle se détourna, reportant son attention sur Isil.

Ses mains glissèrent le long de la tête de la jument, partant du museau pour remonter aux joues. Puis elle glissa sa main dans un petit sac qu'elle portait à sa ceinture et en sortit une pomme qu'elle vint tendre à l'animal qui la croqua avec plaisir.

« Je ne t'avais point oublié, tu vois. »

Ramsay ne pouvait détacher son regard de la scène, mi-amusé, mi-intrigué, il fixait la jeune femme apprivoiser la jument. Et au fond, il n'était même pas sûr de qui apprivoisement réellement l'autre. Les mains de Sansa descendirent le long de l'encolure d"Isil, et le regard perçant du Bolton remarqua que les mains de son épouse n'étaient nullement gantées, et de ce fait, il vit que l'un de ses ongles était cassé. Un sourire narquois étira ses lèvres, il se souvenait que celui-ci s'était brisé lorsqu'elle lui avait griffé le dos avec sauvagerie la nuit dernière.

Et ce simple souvenir eut raison de lui, le doute revenant tel un torrent dans son esprit. Que s'était-il passé pour qu'elle change ainsi pendant son absence ?

Il allait le découvrir.

Lentement, il s'approcha de la jeune femme et se racla la gorge, arrachant un sursaut à celle-ci avant de demander :

« Savez-vous encore monter ? »

Sansa hocha la tête fébrilement avant de s'avancer vers la jument et de poser son pied dans l'étrier. Seulement, la force lui manquait. Était-ce dû à ses longs jours de jeûnes ? Ou bien aux douleurs qui endolorissaient encore son corps… Elle n'en savait rien. Mais elle était incapable de se hisser sur le dos de la jument.

Ramsay s'avança alors derrière elle et plaça ses mains dans le creux de sa taille et sans prévenir, la souleva telle une plume pour la déposer sur la selle.

« Merci… »

L'homme ne répondit rien et se tourna vers son étalon, laissant son épouse prendre en main la jument. Avec aisance et souplesse, Ramsay grimpa à son tour sur le dos de Sang et toujours en silence, il commença à se diriger vers les plaines au Nord. Sansa le suivit, en silence également. C'est ainsi qu'ils passèrent par la forêt, puis la rivière, se baladant sans parler. Et cela ne gêna nullement Sansa, ce silence n'était en rien malaisant, il pouvait même se montrer… Apaisant.

Et tandis qu'ils longeaient la Blanchedague, Ramsay se stoppa et descendit de son étalon. Il vint ensuite aider son épouse à descendre tout en prenant les rênes des deux chevaux.

« Les chevaux ont besoin de boire, et nous aussi. »

Cela faisait peut-être deux heures qu'ils étaient partis de Winterfell ? Il avait raison, elle se sentait épuisée. Alors Sansa hocha simplement la tête, marchant derrière son époux, légèrement intimidé par la tournure des évènements depuis la nuit dernière.

Cersei avait-elle raison ? Les hommes ne se laissaient guider que par leur entre-jambe ? … Ramsay semblait plus intelligent que cela.

Il guida les chevaux jusqu'au bord du fleuve tandis que Sansa venait prendre appui contre un arbre, son regard azure se perdant dans l'eau gelé. Elle ne remarqua pas le regard de son époux la détailler. C'est ainsi qu'elle éleva la voix, perdue dans ses pensées, le souvenir d'une lettre torturée et d'un médaillon caché flottant dans son esprit.

« Comment était votre mère ? »

Cette fois, leurs regards s'accrochèrent, et Ramsay fut un instant surpris par la froideur qui brillait dans les pupilles de son épouse. Elle ne craignait nullement les conséquences de ses paroles. Pourtant, une colère sourde envahissait déjà ses veines et vint battre dans ses tempes avec ferveur tandis que les yeux de jade de celle qui fut sa mère lui revenaient en mémoire… Un souvenir qu'il voulait tant oublier.

« Cela ne vous concerne pas. »

Sa voix tonna avec force aussi acerbe que le venin d'un serpent, et lâchant les rênes des chevaux, il se dirigea un peu plus loin. Il ne voulait pas se mettre en colère, pas maintenant. Mais la jeune Stark ne parut pas le comprendre et continua.

« Votre père disait qu'elle était belle… »

Sansa ne sut pas réellement elle-même pourquoi elle insistait. Mais son cœur la poussait à le faire. Elle voulait savoir. Elle voulait savoir ce que son époux ressentait pour cette femme à qui il avait écrit une lettre emplie de souffrance.

« Et votre père a-t-il aimé baiser cette putain ? »

La voix de Ramsay venait de se briser dans l'air tant la colère semblait le prendre à la gorge. Mais cela ne sembla nullement toucher Sansa. Elle avait très bien compris la référence de son époux sur la putain qui avait engendré Jon… Mais cela ne l'avait jamais concerné. Son père avait fait une erreur, sa mère avait pardonné.

Mais Sansa n'eut pas le temps de répondre que déjà Ramsay surenchérissait.

« Votre père n'était qu'un traître, une vermine qui a abandonné son peuple. Il n'était ni digne du Nord, ni du Sud. Sa tête mérite d'être en train de pourrir au bout d'une pique. »

Cela ne ressemblait nullement à Ramsay, ces paroles aussi mauvaises que brutale… Il était normalement plus subtil, préférant les coups bas et menaces à demi-mots que les attaques frontales. La jeune femme comprit que le sujet de la mère du bâtard était une corde terriblement sensible.

Et même si ses paroles sur son père étaient dures, cela ne toucha nullement le cœur de la fille d'Eddard Stark. Joffrey avait anesthésié son cœur, il y a de cela bien longtemps. Désormais, plus rien ne l'atteignait. Pourtant, une haine indescriptible s'insinua en son cœur. Comment osait-il bafoué la mémoire du Seigneur de Winterfell ?

« Vous n'êtes qu'un bâtard Ramsay. Vous serez toujours et à jamais un Snow. Votre père préférera toujours ses fils légitimes, et vous n'êtes et ne serez jamais rien à ses yeux. Vos paroles ne me touchent guère. Tu n'es qu'un bâtard, et tes enfants seront des bâtards. »

Les paroles de Sansa tranchaient l'air tel du verre et Ramsay encaissa chaque mot sans broncher.

« Tu ne seras jamais un Lord, ni un Bolton. »

Le silence retomba, et Sansa sentit sa gorge se nouer. Si elle avait créé un semblant de confiance entre eux depuis la nuit dernière, elle venait de tout gâcher en un instant. La dernière fois qu'elle avait eu ce genre de paroles à l'égard de Ramsay, celui-ci avait fini par lui montrer sa vieille servante écorchée et pendue au chenil.

Que lui avait-il pris de parler ainsi à cet homme fou ?

Le cœur de Sansa commença à s'accélérer, un instinct de survie s'emparant d'elle. Ramsay la fixait, d'un regard froid et empli de haine, sa mâchoire se contractait compulsivement tel un tic nerveux. Elle ne l'avait jamais vu ainsi. Et cela l'effrayait au plus haut point.

« Sansa… »

Sa voix était un murmure rauque, un murmure qui promettait à Sansa une souffrance qu'elle n'avait pas envie de connaître. Il vint sortir son couteau de son fourreau et se rapprocha peu à peu d'elle. Son regard avait changé, il n'était que folie…

Une vague d'adrénaline s'empara de la jeune femme, et tout se passa alors si vite qu'elle-même ne réalisa pas tous ses gestes. Se précipitant d'abord vers la jument, elle grimpa sur son dos sans mal, talonnant Isil, elle fut prise d'angoisse en voyant que la jument n'avançait pas, restant stoïque aux cris d'angoisse de la jeune femme tandis que Ramsay saisissait sa jambe. La jeune Stark tenta de la repousser tandis qu'il essayait de la prendre dans ses bras de force. Son poignard trancha la paume de main de la jeune femme, lui arrachant un cri mêlant l'angoisse et la douleur. D'un geste violent, son genou vint frapper le menton de Ramsay et la jument affolée partit au galop. Un galop rapide dont Sansa n'avait nullement l'habitude ni aucun contrôle dessus. Prise de terreur, elle se pencha en avant, agrippant les crins de l'animal, elle prit la direction de Winterfell. Là-bas, elle s'enfermerait dans la crypte et il ne pourrait lui faire de mal devant les morts.

Ramsay grimpa avec aisance sur son cheval et le lança presque tout de suite au galop. Une rage sourde grondait en lui, lui amenant un goût ferreux en bouche. Était-ce réellement la rage ? Ou bien le goût du sang qui coulait dans sa bouche était dû à la plaie que Sansa lui avait infligée à la langue avec son coup de genou ?

La rage, progressivement, laissa place à l'excitation. Son âme de chasseur vint reprendre le dessus. Il allait pister cet oiseau en fuite, et il lui briserait les ailes avec délice. Et l'écorcherait avec plaisir. Pas tout son corps entier. Non. Juste un doigt… Ou un orteil… Il ne savait pas encore.

Sansa savait que Ramsay était sur ses talons, qu'il n'aurait aucun mal à la rattraper. Et celle-ci sentait l'angoisse montée en elle tel un poison. Elle allaitait plus que de raison et Isil bavait une écume blanche due à la fatigue de la course. Et tandis qu'elles arrivaient à un croisement, la voix de Robb tinta à ses oreilles tel un doux écho provenant de ses souvenirs.

« Le Bois des Loups est plus dangereux pour rentrer à la maison, mais plus rapide. Seulement, on s'y perd facilement. N'y va jamais seule ou père me tuerait. »

On s'y perd facilement… Mais plus rapide… Ramsay n'était pas d'ici, certes, il était très bon chasseur, mais il n'avait pas dû prendre souvent ce chemin… Alors que Sansa… Sansa l'avait pris tant de fois avec ses frères ou son père.

Sans se poser plus de questions, la jeune femme prit le chemin du bois sous le regard lointain de son poursuivant qui resta étonné. Il n'avait pu prévoir ce changement de chemin.

Isil galopait moins vite, ralentissant la cadence de par son épuisement. Mais la jument devait également sentir le danger s'éloigner… Lentement, Sansa se redressa sur sa selle, plus confiante. Elle avait encore galopé sous le bois un bon moment avant de n'entendre ni coup de rêne ni sifflement, ni bruit de sabots… Elle était désormais seule. Un soupir couplé à un sanglot étouffé vint franchir ses lèvres avant qu'une douleur vive et lancinante ne commence à émaner de sa main. Lâchant les crins de la jument, elle contempla sa main et ne put retenir un cri d'effroi. Les crins d'Isil étaient couverts de sang, la plaie était profonde et sale et le sang ne semblait pas cesser de couler.

L'adrénaline descendait peu à peu, quittant ses veines, et la tête de Sansa commença à tanguer de fatigue. Le sang continuait de couler et cela l'inquiétait autant qu'il l'écœurait. La douleur se réveillait peu à peu dans sa main… Elle se laissa porter par sa jument qui semblait connaître le chemin de la maison. Elle avait si froid… Était-ce réellement sa plaie qui lui procurait une telle douleur ? Ou le sentiment d'avoir détruit à elle seule tous ses efforts.

Bientôt, elles arrivèrent vers un cours d'eau, Sansa avait si mal, et Isil semblait épuisée. Alors lentement, elle se laissa glisser le long de sa jument, tombant assise par terre dans la neige. Se relevant difficilement et teintant la neige de son sang, elle s'approcha d'un arbre et vint se blottir contre le tronc tout en observant sa jument.

Qu'avait-elle fait ? Pourquoi n'avait-elle pas été capable de se taire dès son premier avertissement ?... Elle avait tout gâché.

Et tandis qu'elle se perdait entre rêve et douleur, des bruits de sabots se firent entendre… Bruits qu'elle n'entendit nullement trop perdue dans ses songes.

Un sourire goguenard étira ses lèvres tandis qu'une couleur blanche attira son regard. Isil était là, buvant son soûl. Si la jument était là, la cavalière ne devait pas être bien loin.

Ramsay descendit de son étalon et alla à la rencontre de la jument. Celle-ci était trempée de sueur, mais ce fut le sang encore humide qui couvrait ses crins qui fit sourire plus encore Ramsay. Les proies blessées étaient plus faciles à pister. Il remarqua également le sang dans la neige fraiche et suivi les pas jusqu'à un arbre.

Elle était là, dos à lui, le visage pâlot… Assise dans la neige, les deux mains contre son ventre… Elle semblait ailleurs. Ramsay suffoqua, sa rage retombant immédiatement. Elle semblait si frêle, si fragile dans la neige. Elle ne se débattrait probablement pas, et cela lui ôtait tout plaisir de chasse.

Résigné, d'un pas léger, il avança vers elle, d'une démarche silencieuse, il arriva bientôt à côté d'elle, et la pauvre enfant ne le remarqua que lorsqu'il était trop tard pour fuir une fois de plus. Ses yeux océans se plantèrent dans les siens et il y lut seulement la douleur. Elle n'avait aucunement peur de lui, elle avait simplement mal.

Ramsay fronça les sourcils tout en s'agenouillant devant elle. Sans douceur, il attrapa sa main et fronça plus encore les sourcils en voyant l'état de la plaie. La plaie était sale, elle s'infectait déjà et dégoulinait encore de sang. Et tandis qu'il examinait plus en détail la blessure, la main de la jeune femme vint enserrer ses doigts. Aucun d'eux ne sut pourquoi elle avait esquissé ce geste. Par peur ? Pour demander pardon ? Ils ne surent jamais, mais cela créa un lien entre eux.

Ses yeux acier se relevèrent vers les siens et il crut un instant qu'elle l'implorait.

« Nous ferions mieux de rentrer pour soigner cela. »

Sansa ne répondit pas, elle esquissa un mouvement pour se relever, mais elle retomba bien vite assise, l'adrénaline lui avait aspirer toute ses forces. Ramsay ne savait combien la jeune femme avait perdu de sang, ou si c'était la peur qui l'avait comme rendue léthargique, mais cela l'inquiéta. Passant un bras sous ses jambes et l'autre dans son dos, il lui intima d'une voix froide et autoritaire de passer son bras autour de son cou : ce qu'elle fit.

Les pas de Ramsay étaient assurés et rapides sur la neige glissante et Sansa sentit ses paupières devenirs lourdes. Dans un réflexe primaire, elle vint nicher son visage dans le cou de Ramsay, ce qui le surprit, mais il ne le releva pas.

L'odeur de Ramsay la répugnait ; ce mélange entre sang et transpiration la prenait au cœur, mais en cet instant, elle se sentait bien trop épuisée pour s'en plaindre. Et tandis qu'ils arrivaient enfin aux chevaux, un frisson vint saisir la Stark. Un souvenir… Le souvenir d'une odeur… Clegane avait la même que Ramsay… Cette odeur de sang et de transpiration, souvent mêlée à celle du vin… À cette époque, elle lui semblait si rassurante. Désormais, elle l'écœurait. Le visage de Clegane ayant été petit à petit remplacé par celui de Ramsay.

Le Lord aida Sansa à grimper sur son étalon avant de lui-même monter derrière elle. Prenant les rênes d'Isil à la main, il vint les attachants à son pommeau, trainant la jument tel un cheval de bas. Le voyage dura un temps que Sansa ne sut déterminer, elle luttait contre un sommeil devenu obsédant. Et tandis que Winterfell se dessinait au loin, la voix de Ramsay s'éleva, douce et froide.

« Je ne sais pas quoi te dire à propos de ma mère. C'était une pauvre femme, tombée dans le mauvais fief. Elle était belle, peut-être trop pour son rang. Mon père l'a violé et a pendu son mari. De cela, je suis né. Je n'étais nullement un miracle, mais une punition de plus. J'ai fait souffrir ma mère trois jours, et l'accoucheuse pensait que ni elle, ni moi ne survivrions. Ma mère m'a ensuite amenée à mon père, mais le bougre, marié, ne voulait pas d'un bâtard. De colère, il m'a renié. Plus tard, il a accepté de donner des choses de valeurs à ma mère pour que je ne manque de rien… »

Un long silence suivit sa déclaration… Elle sut ainsi qu'il ne dirait pas un mot de plus à propos de la femme qui fut sa mère... Mais Sansa se sentit envahie d'une joie inexplicable, alors, elle vint lier ses doigts de sa main valide à ceux de Ramsay qui tenait sa taille. Celui-ci se raidit légèrement, mais ne la repoussa pas.

« Merci. »

Il ne savait pas si c'étaient leurs mains désormais liées ou sa voix murmurant un « merci » de manière si douce, mais il sentit une chaleur grandir en son bas-ventre. Enserrant un peu plus sa taille contre lui, il lança Sang au trot, Winterfell se dessinant enfin devant eux.

Sansa changeait pour plaire à cet homme qu'elle tentait d'apprivoiser. Et Ramsay changeait aussi. Son masque de bâtard sadique se brisant peu à peu, malgré lui. Quelque chose en la nouvelle Sansa l'apaisait. Mais pour combien de temps ?

1 Prénom elfique signifiant « La Lune ».