Chapitre Trois
Ramsay déposa la jeune femme sur le lit avant d'appeler Schlingue comme s'il appelait un vulgaire chien. Celui-ci arriva presque immédiatement, recourbé tel l'animal qui venait de faire une bêtise. Seulement, lorsque son regard se porta sur Sansa, blanche comme un linge, allongée dans le lit, la créature se releva légèrement, visiblement inquiet.
Qu'avait encore fait son Maître à la pauvre Sansa…
Mais il n'eut le temps d'étudier plus la situation que déjà la voix de Ramsay tonnait dans l'air.
« Va me chercher de l'eau très chaude. »
La créature se plia alors en deux avant de quitter la pièce, laissant le temps à Ramsay d'allumer un feu dans la pièce glaciale. Sansa avait de plus en plus mal, le sang ne coulait plus, mais sa main avait enflé et la brûlait douloureusement. Theon revint à peine quelques instants plus tard, essoufflé avec un seau d'eau brûlante. Il le posa sur la table et partit presque immédiatement, non sans un dernier regard inquiet vers Sansa.
Ramsay versa de l'eau dans une vasque en porcelaine blanche avant de venir s'asseoir sur le lit aux côtés de Sansa.
« Venez. »
Le Lord aida Sansa à se redresser avant de prendre sa main dans la sienne et d'examiner la plaie.
« Votre plaie est profonde et sale… Il faut d'abord la nettoyer.
- Je…
- Mettez votre main dans l'eau. »
Il avait dit cela d'une voix calme, ni douce, ni austère. Il exposait les faits pour finir par un ordre. Sansa sut qu'elle n'avait pas le choix, elle inspira alors profondément avant de s'exécuter. L'eau était brûlante et elle ne sut pas si c'était la douleur due à sa plaie qui se réouvrait ou simplement l'eau chaude attaquant ses chaires, mais un gémissement de douleur sortit tout de même de sa bouche. Ramsay se leva, ne prêtant pas attention à la souffrance de sa compagne, avant de partir de la chambre un instant pour revenir aussitôt avec plusieurs éléments dans les mains. Il posa tout sur le bureau à côté du seau d'eau et ne garda qu'une fiole noirâtre dont il versa le contenu dans la vasque. La douleur dans la main de Sansa s'amplifia alors, c'était désormais semblable à une brûlure lui rongeant les chairs. L'odeur envahissait ses poumons… Sansa la reconnut immédiatement. De l'alcool pur.
Les yeux de la jeune femme ne pouvaient se détourner de sa main. Le sang recommençait à couler, teintant l'eau d'une légère couleur rouge. Ce simple fait la soulagea légèrement. Son regard azur se releva vers son époux qui s'affairait au niveau du bureau. Il avait pris un nouveau récipient et y avait versé de l'eau et une poudre verte qu'il mélangeait désormais. Il posa ensuite le bol et sortit de la chambre pour ne revenir que quelques minutes après avec des linges semblant usés et des bandages propres.
Où trouvait-il donc tous ses ustensiles de médecines ?
« Ne devrions-nous pas appeler Mestre Wolkan ? »
La voix de Sansa était quelque peu brisée par la peur et la douleur, un sanglot était bloqué dans sa gorge, et cela irrita légèrement Ramsay qui répondit plus sèchement qu'il ne l'aurait souhaité.
« N'avez-vous pas confiance en moi ? »
Tous deux savaient que non. Que cette question était malveillante. Sansa soupira tout en répondant un léger « si » que Ramsay ne releva pas. Celui-ci retourna vers le feu crépitant et y plongea la lame de son couteau sous les yeux terrorisé de Sansa. Qu'allait-il lui faire ?
Il s'approcha ensuite de Sansa et s'installa sur le lit, à ses côtés avant de tendre la main pour qu'elle lui donne la sienne.
« Il va falloir être courageuse. »
Sa voix était plus douce, presque rassurante. La Lady sortit sa main de l'eau et la tendit à son époux qui l'a pris avec une délicatesse peu connue. Toujours avec douceur, il commença à nettoyer la plaie. L'eau se teinta définitivement de rouge et la jeune femme pu voir la terre et de minuscules cailloux sortirent de celle-ci. Ramsay grimaça tandis qu'il manipulait la main de la jeune femme. Heureusement qu'il la nettoyait. Il vint ensuite poser la main de son épouse sur un linge blanc, jeta l'eau souillée par la fenêtre avant de remplir à nouveau la vasque d'eau clair. Il revint à côté de Sansa et il réitéra l'opération, nettoyant la plaie une nouvelle fois. Mais cette fois, l'eau de se teinta que de sang.
Laissant la jeune femme sécher sa main tandis qu'il jetait à nouveau l'eau souillée par la fenêtre, Ramsay prit ensuite la pâte verdâtre et son couteau à la lame désormais flamboyante. Puis, il vint reprendre sa place à côté d'elle. Examinant plus en détail la plaie.
« Elle est moins profonde que ce que je croyais. Serrez les dents. »
Et sans prévenir, il appliqua la lame sur la plaie pour la cautériser arrachant un cri de douleur de la jeune femme qui vint faire frémir tous ceux l'entendant. Tous crurent que le jeune Lord torturait à nouveau son épouse… Mais il n'en était rien. Cela ne lui procura d'ailleurs aucun plaisir. Il préférait la faire souffrir à coup de dent et de rein qu'en soignant ses plaies.
Une fois la plaie cautérisée, il vint appliquer un linge propre sur la plaie, puis la pâte verdâtre, et encore un nouveau linge avant d'enfin bander la main de la jeune femme.
« C'est de l'argile verte, elle permettra à votre plaie de cicatriser plus vite. »
Les larmes de douleurs coulèrent sur les joues de Sansa tandis qu'elle fixait sa main désormais bandée.
« Je changerai le bandage avant que vous ne vous couchiez cette nuit. »
La jeune femme acquiesça simplement tandis que Ramsay commençait à ranger ses affaires…
L'argile verte… Elle en avait déjà entendue parler par le passé. Mestre Luwin en appliquait à Arya et Bran lorsque ceux-ci s'amusaient à grimper dans les arbres et revenaient écorchés des mains aux pieds.
L'homme était sur le point de quitter la chambre quand Sansa osa enfin l'interpeller.
« Ramsay ? »
Tous deux se figèrent. Sansa n'avait jamais osé l'appeler par son prénom auparavant. Du moins, pas lorsqu'elle était calme. Mais le Lord ne releva pas, se retournant simplement vers elle.
« Merci. »
Il ne répondit rien, sortant simplement de la chambre avec toutes ses fioles et les linges souillés en mains. La jeune femme se rallongea, prise de légers vertiges. Ils n'avaient pas mangé ni bu depuis le matin et elle commençait déjà à ressentir les effets désagréables de ce jeûne prolongés couplé aux saignements abondant de la plaie. Et tandis que ses yeux se fermaient d'épuisement la porte se rouvrit et elle sut immédiatement que c'était son époux. L'odeur de sang le suivant à la trace.
Le matelas s'enfonça sous son poids et elle sentit ses doigts glisser sur le cuir de son pantalon. Ce n'était nullement une caresse sensuelle. C'était un simple geste signifiant « je suis là. »
« Avez-vous besoin de quelque chose ? »
Sansa se mordilla la lèvre, pensive, avant de secouer la tête par la négative. Elle ne souhaitait que dormir. Ramsay ne répondit rien et se releva, prenant à nouveau le chemin vers la porte, mais alors qu'elle pensait qu'il était parti, sa voix résonna dans la chambre.
« J'ai déposé une assiette sur la table, le plat est chaud. Reposez-vous. »
Et cette fois-ci, le son de la porte se refermant prouva que le Lord était bel et bien parti. À peine fut-elle seule que la jeune femme se leva se dirigeant vers le bureau où trônait bel et bien une assiette de nourriture. Sans attendre, elle mangea, ou plutôt engloutit, le contenu de l'assiette tout en réfléchissant.
Son plan fonctionnait-il ?
Oui, elle en était certaine. Ramsay baissait peu à peu sa garde, son comportement en deux jours à peine avait radicalement changé. Et cela était une bonne nouvelle… Non ?
Non… Sansa restait dans une méfiance constante, elle savait que l'Écorché était un homme intelligent et qu'il n'hésiterait pas à la punir s'il se doutait de la moindre supercherie. Quittant la table, Sansa s'avança vers la fenêtre et se mit à fixer l'horizon d'un air absent.
Au fond d'elle, la jeune femme savait que son époux ne changerait jamais, qu'il ne deviendrait jamais quelqu'un de bon, ni avec elle, ni avec personne. Et qu'au moindre faux pas, il lui ferait payer. Mais elle voulait à tout prix s'en faire un allié. Winterfell était à elle, et elle aurait Winterfell. Et sans Ramsay dans son camp, cela était impossible.
Un frisson parcourut son échine à cette pensée. Elle devenait comme Margaery avec Joffrey. Elle manipulait l'homme pour arriver à ses fins.
La jeune Stark réfléchissait beaucoup trop depuis hier, son esprit ne cessait jamais de divaguer. Et tandis qu'elle repensait à son amie au sourire espiègle, la porte de la chambre s'ouvrit à nouveau avec fracas faisant sursauter la jeune femme. Sansa se retourna alors pour faire face à son époux.
Ramsay venait de claquer la porte avec violence, dans un bruit sourd, avant de se laisser tomber sur l'un des deux fauteuils au coin du feu, un air sombre collé au visage. Son regard gelé était perdu dans le vide tandis que Sansa s'approchait lentement.
« Que se passe-t-il ? »
Son regard acier la toisa avant qu'il ne laisse échapper un long soupir de frustration.
« Mon père a eu l'immense idée d'organiser un banquet pour la naissance de son fils. »
Sansa comprit immédiatement. Il y a de cela quelques jours en arrière, peu avant que Ramsay parte en guerre, Walda avait accouché d'un petit garçon au regard gelé et aux cheveux châtains. Elle se souvenait que la nouvelle avait provoqué la rage de Ramsay et que Theon comme elle en avait pâtis jusqu'à ce que le Lord parte affronter les troupes de Stannis Baratheon. Un frisson vint parcourir une nouvelle fois son échine.
Ramsay était jaloux, terriblement jaloux de ce petit être innocent qui avait eu, à contrario de lui, la chance de naître d'une union légitime. Et cet enfant, aussi innocent soit-il, allait grandir sans se soucier d'être reconnu de son père et des autres seigneurs. Il serait présenté lors d'un banquet aux autres bannerets, et vivrait une vie d'insouciance. Comme elle.
La gorge de Sansa s'enserra tandis qu'elle fixait son époux plongé dans ses pensées. Elle ne pouvait dire qu'elle savait ce qu'il ressentait, mais elle comprenait. Le souvenir de Jon venant tirailler son esprit tandis qu'elle repensait au mépris de Catelyn Stark à l'égard de cet enfant qui n'avait rien demandé. Mais en cet instant, une autre pensée la tiraillait. Elle ne comprenait pas pourquoi le Lord était venu ici, se confier à elle.
Sansa mordilla sa lèvre, de manière indécise tandis que les paroles de Margaery résonnaient dans sa tête.
« Ne crains pas ton époux, Sansa. Cache toujours tes peurs. Montre-lui que tu es une femme forte. Les hommes ont besoin et aiment les femmes qui sont capables de les soutenir dans leurs tourments. »
Elle lui avait dit cela au détour d'une conversation où Margaery lui avait confié subir les crises existentielles de Joffrey à propos de son père absent et de sa mère protectrice. Lorsque le jeune Roi partait dans ses monologues teintés d'angoisses, Margaery lui montrait une marque de tendresse, d'une caresse ou d'un baiser sur la joue, et cela apaisait immédiatement le Roi.
Cela pouvait-il réellement marcher avec Ramsay ?... Que risquait-elle d'essayer ?
Progressivement, elle se rapprocha de lui, son cœur battant la chamade. Et avec douceur, elle se mit à genoux devant lui, sur la peau de bête décorant le devant de la cheminée. Et Ramsay la fixa, surprit. Instinctivement, le Lord vint se pencher en avant pour mieux la voir, et Sansa en profita pour caresser la joue de celui-ci de sa main valide, mais légèrement tremblante. Il ne la repoussa pas, mais ne montra aucun signe qu'il appréciait ce geste.
Elle repensa aux mots qu'elle lui avait dits sur les rives du fleuve… Et elle sentit un léger regret poindre en son cœur. À partir de maintenant, Ramsay devait être son allié et non son bourreau ou son ennemi. Elle devait aller en son sens, tirer les ficelles dans l'ombre pour récupérer ce qui était à elle. La jeune femme s'humidifia les lèvres et Ramsay comprit qu'elle hésitait.
« Je ne suis qu'un bâtard, je le sais. »
Écarquillant les yeux, la jeune femme crue, un instant défaillir. La voix de Ramsay était plus froide encore que le gel, aucun sentiment ne venait lui indiquer ce qu'il ressentait. Ni haine, ni peine, ni joie. Mais Sansa ne se laissa pas faire. Secouant la tête en signe de négation, elle reprit.
« Non. »
Le Lord allait répliquer, mais elle ne lui en laissa pas le temps.
« Je sais ce que j'ai dit plus tôt dans la journée. Et je le regrette. Vous n'êtes pas un bâtard.
- Je…
- Vous avez été anobli par le Roi Tommen Baratheon. Peu importe comment, ni pour quel acte, cela a été fait. Vous êtes désormais Lord Ramsay de la maison Bolton. Le premier-né. Peu importe de quel sexe est l'enfant que Walda a donné à votre père, vous êtes le premier-né. »
Ramsay posa lentement sa main sur celle que Sansa gardait sur sa joue, ce fut un geste ferme, mais nullement teinté d'animosité, et la jeune femme continua, d'une voix plus tendre et avec plus de familiarité.
« Tu es un homme craint, digne de la maison d'où il vient. Et tu es marié à une Stark. Winterfell me revient. Il nous revient. »
Leurs yeux étaient happés, et Sansa put lire la surprise dans ceux de son époux qui cherchait par tous les moyens à déceler le vrai du faux dans ses propos. Mais il ne le pouvait guère, car même la jeune femme ne savait où commençait le mensonge et où se terminait la vérité.
Calmement, il se leva de son fauteuil et vint allonger la jeune femme sur la peau de bête, se couchant lui-même sur elle. Chacun ne pouvait détacher son regard de l'autre et le cœur de Sansa battait si fort dans sa poitrine qu'elle crut l'espace d'un instant qu'il allait en sortir. Les mains de l'Écorché vinrent caresser ses jambes et ses joues prirent une légère teinte rosée tandis que le visage de Ramsay se rapprochait de son oreille.
« Je rêve de t'arracher ce pantalon depuis ce matin. »
Elle n'eut le temps de dire quoi que ce soit que son époux se redressa et d'un geste violent, fit craquer les coutures du vêtement qu'il lui ôta ensuite. Sansa avait du mal avec cette façon qu'il avait de déchirer ses vêtements, cela lui rappelait à chaque fois leur terrible nuit de noces. Lentement, Ramsay ôta le corsage de cuir et déchira la chemise bordeaux, laissant ainsi Sansa nue sous lui, à lui. Elle était belle, incroyablement belle, les bleus jonchant son corps ainsi que les morsures nettes encore présentes sur ses seins ne l'excitaient que plus encore. Et tandis que ses doigts parcouraient déjà son ventre, sa mâchoire vint se contracter en spasme réguliers.
La jeune femme se redressa, commençant à défaire le plastron de cuir de son époux qui ne put se retenir de rire. Loin du rire goguenard qu'il avait l'habitude de produire avec elle, ce fut un rire plus doux et sincère. Il aimait ce qu'elle devenait, mais il avait besoin de contrôle. Alors d'un geste violent, il attrapa ses poignets et plaqua la jeune contre le sol lui arrachant un gémissement de surprise.
« Pas aujourd'hui. »
Et sans lui laisser le temps de comprendre le sens de ses mots, il l'embrassa. À travers ses baisers fiévreux, Ramsay avait la sensation de découvrir une tout autre femme, moins prude et naïve, plus sensuelle et mature. Et alors que les dents de la jeune femme saisissaient sa lèvre avec violence, il sentit la plaie de la veille se rouvrir. Un gémissement rauque s'échappa alors de sa bouche tandis que le liquide chaud et ferreux vint se rependre dans leurs bouches. L'excitation montait en lui plus vite qu'il ne l'aurait cru et lâchant les poignets de la jeune femme, il commença à enlever lui-même son pantalon. Et tandis que celui-ci arrivait à ses chevilles, les boutons de sa chemise sautèrent pour laisser voir son torse mutilé. D'abord surpris, Ramsay esquissa un sourire face à l'air satisfait à la jeune femme sous lui. Leurs lèvres se lièrent alors à nouveau, et tandis que le Lord était sur le point de la pénétrer, la jeune femme vint intervertir les rôles d'un mouvement de bassin bien calculé. Désormais, au-dessus de lui, elle le dominait.
Ramsay fut d'abord contrarié, mais lorsque son regard croisa celui de son épouse, une vague de chaleur traversa son bas-ventre avec violence. Elle le laissa aller en elle et il se redressa, saisissant ses hanches dans ses mains tandis que Sansa ondulait déjà sur lui. Leurs lèvres se rejoignirent brutalement, les ongles de la jeune femme se plantant dans ses épaules tandis qu'il enfonçait ses dents dans la chaire de son sein.
Aucune tendresse… Juste un désir sourd que Sansa commençait peu à peu à dompter.
Elle ne ressentait aucun plaisir dans cet acte, mais le simple fait de dominer Ramsay lui faisait vibrer chaque partie de son être.
La chaleur des flammes léchait son corps avec délice, la douceur de la peau de bête rendait le sol confortable. Elle se sentait bien. Pour la première fois, depuis longtemps, elle se sentait presque à sa place. Le bras de Ramsay autour d'elle et sa tête, reposant sur son torse, rendaient l'instant irréel.
Allait-elle se réveiller, un matin, couverte d'hématome, la lèvre en sang, réalisant qu'elle avait rêvé de tout cela ?
Non… Elle ne rêvait pas, ses rêves à elle étaient bercés par le souvenir de sa famille… Un soupir nostalgique s'échappa de ses lèvres tandis que la main de Ramsay formait des formes abstraites dans le creux de ses reins. Lui aussi semblait pensif, il fixait le plafond depuis de longues minutes maintenant. Le silence n'était nullement une source de malaise pour eux, mais elle ne pouvait s'empêcher de se questionner. Quand est-ce que ce mirage allait s'estomper ? Quand est-ce que sa folie reprendrait le dessus ?
Mais plus encore, une angoisse sourde s'insinuait dans sa poitrine.
Pourquoi appréciait-elle tant être dans les bras de son bourreau ?
« Connaissez-vous la devise de la maison Bolton ? »
Sansa leva son regard et croisa ainsi celui de son époux. Elle hocha doucement la tête avant de répondre :
« Nos lames sont acérées. »
Ramsay acquiesça avant de fixer à nouveau le plafond. Mais le silence ne revint pas, à la place, le jeune Lord raconta. Sa voix était calme, tirant dans les rauques elle donnait presque la sensation à Sansa d'écouter un conteur.
« Lorsque je suis arrivé à Fort-Terreur, je devais avoir dix ou peut-être onze ans. Je ne savais rien des Bolton si ce n'était ce que ma mère m'en avait raconté. Alors mon père me raconta l'histoire de notre famille, non pas une ou deux fois. Mais une bonne vingtaine de fois. Il fallait que je l'imprègne dans mon esprit. »
Ramsay bougea légèrement, se tournant sur son flanc, il força Sansa à se retourner. Celle-ci, désormais face au feu, allongée sur le côté, son époux tout contre elle, son torse pressant le dos de la jeune femme et sa main venant caresser son ventre plat. La position, plus intime encore était inconfortable pour elle. Elle ne voyait rien de ce que faisait Ramsay. Ni même ses expressions. Elle était aveugle et devait lui faire confiance. Exercice plus que difficile pour elle.
Le Lord se redressa sur son bras gauche tandis que le droit continuait de dessiner des formes abstraites sur le ventre de Sansa. Et ce fut lorsque sa voix, murmurante, résonna à son oreille que Sansa sentit un frisson la parcourir. Elle n'avait nullement peur, elle se sentait bien.
« A l'instar des Stark, le sang des Bolton remonte à celui des Premiers Hommes. Lors de l'époque de l'Âge des Héros. Un nom bien glorifiant pour une période qui n'était fait que de sauvages… Les Lannister roulaient leurs ennemies, les Rois de l'Orage les frappaient au marteau et les Stark leur tranchaient la tête… »
Sansa commença à frémir. Elle connaissait l'histoire de sa maison. Son père la leur racontait souvent lorsqu'ils étaient enfants, sur cette même peau de bête, devant ce même feu.
« En telle compagnie, les Bolton étaient-ils à ce point indélicats ? »
Le léger rire de Ramsay fit une nouvelle fois frémir, Sansa tandis que son regard se perdait dans les flammes.
« Contrairement à d'autres maisons, mes ancêtres firent de leur arme, leur propre devise. « Nos lames sont acérées » ... Ils ne léguèrent point une grande épée valyrienne comme les Stark, mais un couteau, assez fin, et aiguisé pour passer entre l'épiderme et le tissu situé en dessous et ainsi… Écorcher l'ennemi. »
Un nouveau frisson gagna Sansa tandis que les doigts de Ramsay venaient caresser l'arrière de sa cuisse jusqu'à ses fesses. Elle était hypnotisée par sa voix, mais aussi par les flammes qui dansaient dans son regard azur. Avec son imagination d'enfant, elle aurait pu presque voir leurs ancêtres se battre dans les flammes dansantes.
« Chaque enfant Bolton apprend cette devise plus secrète : « Un homme nu à peu de secrets, un homme écorché n'en a aucun. ». Durant ces jours sombres, on narre que mes ancêtres les plus obstinés portaient même la peau de leurs ennemis comme manteaux… Mais mon père est toujours resté formel : il ne reste aucune preuve de cela, s'il en a un jour existe. »
Les doigts de Ramsay frôlèrent son bas-ventre avant de remonter sur son sein avec lenteur.
« Certains racontent que les murs de Fort-Terreur sont recouverts de peaux humaines, mais c'est faux. Les murs de Fort-Terreur sont recouverts de tapisserie laide comme dans tout autre château. Père pense que ce sont d'ailleurs nos ancêtres eux-mêmes qui ont répandu ces rumeurs de manteaux et de tapisseries en peaux humaines… Après tout… Peu d'armes sont aussi efficaces que la terreur et c'étaient des temps de guerres. Maison contre maison. »
Il pinça sans douceur l'un des tétons de la jeune femme, la faisant se courber de douleur.
« Frère contre frère. »
Il joua un instant avec son sein avant de remonter jusqu'à la gorge de son épouse.
« Les Fer-nés prenaient de l'ampleur et n'étaient jamais loin de nos rivages. Nous semblions sans doute mûrs pour être conquis par leurs soins. Nous étions, à cette époque, bien trop occupés à nous entretuer pour nous occuper des pilleurs. »
Sa main resta un instant en suspens dans l'air chaud de la chambre, lui-même sembla se perdre dans la danse des flammes.
« Qu'est-ce qui a changé depuis ? Nous menons toujours ce même jeu pour un trône… »
Cette phrase fut dite dans un souffle… Un murmure presque inaudible que Sansa entendit clairement. Ramsay n'était nullement bête, et cela ne le rendait que plus dangereux encore. Ce jeu, cet échiquier géant, il en était clairement conscient. Et à sa manière, il s'y était fait une place de choix. Elle devait être sa partenaire, pour elle même s'y faire une place...
« Les Stark prirent donc sur eux d'unifier le Nord sous leur règne. Ils chassèrent les pirates hors de Blanchedague, revendiquèrent la côte et épousèrent la fille du Roi des Paluds pour le Neck. Un Stark lutta également pour l'Île-aux-Ours et l'emporta. Du moins, c'est ce qu'on dit… »
Sansa allait répliquer, mais le jeune Bolton ne lui en laissa pas le temps, sa main se plaquant sur sa gorge sans pour autant la serrer.
« Le sang et l'acier ont conquis le Nord et les Stark en avaient plus que quiconque. Après des années de guerre, mes ancêtres abandonnèrent leurs pratiques barbares et se soumirent aux nouveaux Rois. Et désormais, nous écrivons une nouvelle page, de l'histoire. »
Était-ce une promesse ? Un pacte ? ... Ou bien une menace ? Sansa n'en savait rien.
Sans un mot de plus, Ramsay se leva et se rhabilla sous le regard consterné de son épouse encore allongée sur la peau de bête.
« Je dois aller nourrir mes chiennes. »
Il quitta ainsi la pièce, laissant Sansa seule. Mais la jeune femme ne s'en offusqua nullement, encore troublée par ce qu'il venait de se passer. Les minutes s'écoulèrent lentement avant qu'elle ne ferme les yeux, happée par ce délice de tranquillité. C'était un instant bref, mais délicieux, et bercée par les crépitements du feu, elle se rappela la douceur des nuits froides, dans les bras de son père au coin de la cheminée, à écouter Catelyn lui raconter une belle histoire de prince chevaleresque et de princesse en danger. Elle esquissa alors un doux sourire tout en rouvrant les yeux.
Elle aurait tout donné pour revivre pareil moment, au moins une fois. Revoir son père, sa mère, ses frères et sa sœur. Leurs dires à tous combien elle les aimait et combien elle était désolée. Winterfell fut sa maison, puis sa prison. Mais désormais, elle allait reconquérir son dû. Elle était une Stark, une enfant du Nord.
Et tandis que le feu dansant dans la cheminée réchauffait son corps, le sommeil la gagna peu à peu, ses paupières devinrent lourdes, et bientôt, la jeune femme s'endormit au coin de la cheminée. La vie reprenant peu à peu ses droits en ses veines.
Deux bras passèrent sous son corps maigre et la déposèrent avec douceur dans son lit, la recouvrant de draps blancs, puis, s'installant à côté d'elle, il commença à caresser ses cheveux flamboyants d'un air absent.
Elle était si maigre… Beaucoup trop maigre. Il se souvenait encore de son enfance, ici, avec elle. Une enfance douce et heureuse. Jamais il ne s'était senti exclu. Lord Eddard Stark fut comme un père pour lui. Et en y repensant, il avait été plus aimant et correct avec que ne le fut le vrai. Et Catelyn Stark… Malgré sa froideur, elle était restée une personne si douce et gentille avec lui… Il se souvenait aussi de l'air malicieux brillant dans les prunelles d'Arya, et de ce même air taquin brillant dans les yeux de Sansa tandis qu'elle venait lui annoncer que Jeyne Pool était amoureuse de lui… Qu'en avait-il eu à faire l'époque…? Qu'une jeune fille de dix ans puisse l'aimer… Et désormais, il ne rêvait que de retourner à cette époque d'insouciance.
Il caressa une nouvelle fois sa chevelure, ses doigts mutilés s'emmêlant dans ses mèches rousses. Une larme roula sur sa joue vieillie par la souffrance.
Sansa était une Lady née. Grandissant pour devenir femme de seigneur puissant. Elle était la délicate fleur du Nord. Elle n'en restait pas moins aimante et douce avec sa famille, même si elle n'avait jamais été des plus démonstratives. Passionnée de couture et de musique, elle avait la voix plus mélodieuse qu'un rossignol. Il avait toujours aimé l'entendre chanter. C'était un de ses plaisirs secrets. Il se souvenait de toutes ces fois, où il s'était assis dans le couloir pendant que tous jouaient dehors pour écouter la jeune fille chanter au son de sa harpe lors de ses cours de chant. Il savait également que la jeune femme avait toujours eu en horreur l'équitation, prétextant que l'odeur l'écœurait et qu'elle n'avait aucune énergie à mettre dans ces idioties. Pourtant, il se souvenait, qu'un soir, au détour d'un couloir, il l'avait entendu. Elle se confiait à Robb, monter lui faisait envie, mais la peur la tétanisait. Son aîné lui avait promis qu'il l'aiderait à surmonter cela, mais ils n'en avaient pas eu le temps…
Le crépitement du feu le fit sursauter, mais il ne bougea pas pour autant. Ses doigts toujours perdus dans la chevelure de la jeune femme, tandis que le souvenir de son frère d'armes revenait en son esprit.
Robb… Il l'avait trahi sans une once de culpabilité, préférant prouver qu'il était un Greyjoy aux yeux de son père que de soutenir celui avec qui il avait grandi…
Un Greyjoy… Il n'en avait rien, ni à l'époque, ni désormais… Il fut un pur Stark, un homme du Nord. Mais maintenant, qu'était-il devenu ? Rien… Il n'était plus rien… Qu'une créature difforme et peureuse, qui vendrait le peu d'âme qui lui restait pour que son Maître le laisse ne paix.
Une nouvelle larme ruissela pour venir s'écraser dans son bouc blanc.
Sansa était désormais couverte de bleus et de plaies sanguinolentes. Sa main, tout à l'heure, était coupée si profondément… Qu'est-ce que Ramsay osait faire subir à cette enfant du Nord ? Elle ne méritait aucunement tout cela. Lui, si. Alors s'il pouvait supporter toutes les tortures du monde pour empêcher son Maître de faire du mal à Sansa, il le ferait sans hésiter.
Pourtant, il avait vu leurs regards changer depuis le retour du Lord. Sansa semblait moins craintive et désespérée. Et Ramsay semblait moins dur, plus calme. Et Theon en remerciait les Dieux chaque heure.
Ramsay avait-il définitivement brisé la fille Stark ?
Theon en avait bien peur...
Lentement, il se releva en essayant de ne pas réveiller la jeune femme endormie. Il la contempla encore un instant, superposant dans son esprit le visage de la jeune femme angélique à celui de celle mutilée devant ses yeux.
Pauvre Sansa…
Et tandis qu'il se retournait en direction de la porte, la discussion entre Roose Bolton et Robb Stark lui revint… C'était un soir, après un conseil de guerre, le jeune loup était seul avec son banneret et tous deux discutaient d'alliance politique passée. Theon les avaient surpris, mais n'avait pas osé les déranger.
De son vivant, et lorsque Sansa n'était qu'une enfant, Eddard Stark avait conclu avec le Lord Bolton de marier sa fille et son premier-né, Domeric. Cette union aurait alors signé l'alliance entre les deux maisons les plus puissantes du Nord.
Et peut-être qu'aucune tragédie n'aurait suivi.
Sansa ne serait pas partie dans le Sud avec Eddard Stark pour épouser Joffrey… Les Bolton n'auraient pas trahi les Stark… Aucune Noces Pourpre…
Mais Domeric était mort un an avant ces faits, et tout cela était arrivé. Et désormais, les Stark et les Bolton ne formaient qu'une seule et unique maison. Mais Sansa n'était pas avec le jeune Domeric, non. Elle était avec Ramsay Snow, le Bâtard de Fort-Terreur, le Bâtard de Bolton.
Theon grinça des dents avec amertume et quitta définitivement la pièce où tous ses souvenirs le hantaient. Le dos vouté, le regard vide, il marcha dans le couloir du château tel un fantôme. Il n'était plus Theon. Non… Il se nommait Schlingue.
Ses yeux bleus papillonnèrent tandis que la jeune femme se réveillait. Ce matin-là, la neige tombait à gros flocons et cela faisait déjà quelques jours que l'incident de la balade à cheval avait eu lieu.
Depuis, Ramsay était quelque peu plus doux. Il ne lui faisait aucun mal, aucune torture, aucun jeu sadique. Seul le sexe restait un moment violent que la jeune femme subissait. Il y avait aussi des moments où le Lord pouvait se montrer tyrannique, voir manipulateur. Et Sansa avait la sensation de toujours marcher en équilibre tandis qu'elle parlait avec lui.
Mollement, elle se leva de son lit et s'arrêta un instant devant la fenêtre, admirant le paysage enneigé qui s'offrait à elle. L'un des changements les plus notoire était que désormais Ramsay dormait avec elle. Il quittait certes le lit très tôt le matin, mais ils dormaient ensemble et cela prouvait qu'une confiance s'installait.
Mais la Stark fut vite sortie de ses pensées par Yvana qui rentrait dans sa chambre avec deux seaux d'eau chaude.
« Lady Sansa ! Je venais justement vous réveiller. »
Sansa esquissa un simple sourire. Yvana était une compagnie des plus agréable comparée à Myranda. La jeune fille était douce et apportait une légèreté au cœur de Sansa.
« Nous devons nous dépêcher, venez, je vais vous aider. »
La jeune Stark fronça les sourcils tandis que la jeune servante prenait savon, linge propre et vêtements.
« Nous dépêcher ? Mais pourquoi ?
- Lord Ramsay m'a chargé de venir vous réveiller et vous aidez à vous préparer. Il a décidé de vous emmener à la chasse. »
La jeune femme resta, un instant, figée devant sa servante qui continuait à s'affoler dans tous les sens. Et tandis qu'Yvana commençait à l'aider à se déshabiller, Sansa se laissa faire telle une poupée de chiffon, ses pensées étant indéniablement rivées sur Ramsay. Elle savait que celui-ci allait chasser régulièrement avec Myranda. Pourquoi voulait-il qu'elle les accompagne ?
Quel plan avait-il encore manigancé ?
Telle la dernière fois, Ramsay sella Isil pour son épouse. Serrant d'abord les sangles, il vint ensuite fixer deux carquois de flèches à la selle. Il savait que Sansa ne tirait pas à l'arc, mais cela lui serait utile à lui, s'il n'en avait plus.
« Je ne monte pas cette jument de pacotille, où est Dagnir1 ? »
Ramsay ne jeta pas même un regard à celle qui fut sa Maîtresse et continua à s'occuper de la jument de son épouse. Mais voyant que la fille du chenil ne bougeait pas, il répondit :
« Ce n'est pas pour toi que je selle Isil.
- Quoi ?
- Tu ne viens pas avec moi à la chasse aujourd'hui, Myranda. »
La jeune femme resta un instant, hébétée, avant de reprendre de sa voix brisée.
« Tu ne comptes quand même pas l'emmener, elle ? »
Cette fois, le Lord se stoppa dans ce qu'il faisait et se retourna pour planter son regard gelé dans celui de Myranda.
« J'emmène mon épouse, que cela te plaise, ou non, je m'en moque. »
Elle le fixa intensément, avant qu'un rire ne franchisse ses lèvres, un rire jaune. Un rire empli de rancœur.
« Fais donc, elle se tuera bien toute seule. »
Ramsay ne répondit pas et Myranda quitta l'écurie non sans mettre un coup de pied dans un seau en passant.
Le jeune Lord glissa les flèches dans les carquois, passa le filet à la jument et commença à aiguiser sa dague lorsque de nouveaux bruits de pas se firent entendre dans l'écurie. Persuadé qu'il s'agissait encore de Myranda, Ramsay tourna un regard noir en direction de la personne qui arrivait… Mais son regard s'adoucit immédiatement en reconnaissant la chevelure flamboyante.
Sansa était dans l'entrée, et sa tenue, semblable à la dernière, la mettait en valeur. Il n'y avait pas à dire, il préférait les femmes en pantalon qu'en robe.
Le cuir soulignait ses longues jambes fines, elle portait cette fois une chemise noire et un corset de cuir brun au laçage serré. Une cape noire venait couvrir ses épaules, mais ne devait pas lui tenir réellement chaud tandis que ses cheveux étaient retenus en un chignon haut et serré.
L'espace d'un instant, Ramsay hésita à annuler cette partie de chasse... Mais il balaya vite cette idée de son esprit, la chasse était plus excitante que toute autre activité. Le regard du Lord scrutait chaque centimètre du corps de son épouse, à la recherche du moindre défaut, de moindre indice sur un plan de fuite. Et son regard grisâtre fini par s'arrêter sur les mains de Sansa. Celles-ci étaient emprisonnées dans des mitaines en cuir et la jeune femme tenait dans sa main droite une dague qu'elle s'empressa de ranger à sa ceinture.
Ramsay resta surprit.
« Qu'est-ce ? »
La jeune femme se mit à rougir et bredouilla de manière peu audible :
« Nous partons chasser, non ? »
Le Lord lui répondit par un sourire, un véritable sourire. Ce simple geste réchauffa la jeune femme. Tandis que Ramsay ricanait intérieurement. Si elle comptait le tuer avec une simple dague...
Sans attendre plus longtemps, Ramsay aida la jeune femme à monter sur son cheval avant de lui-même grimper sur Sang. Tous deux sortirent ensuite des écuries, la neige continuant de tomber sur eux. Et tandis qu'ils approchaient de la porte Est, des aboiements de chiens se firent entendre et deux énormes limiers arrivèrent sur eux.
« Je te présente Alys et Violet. »
La gorge de Sansa se serra tandis qu'elle fixait les deux chiennes tirées sur leurs laisses. Deux chiennes aux noms de femmes qui avaient un jour eu la malchance de croiser la route de Ramsay Bolton.
Le Maître de Chenil, Ben, ou Ben-les-Os comme l'appelait Ramsay ou parfois Schlingue, lâcha les deux chiennes qui commencèrent à sentir partout, le Lord ne s'attarda pas plus, suivant ses deux limiers déjà sur la trace d'un animal, Sansa à sa suite.
Violet était une jeune chienne, grande et musclée au poil gris. Elle semblait encore apprendre se faisant régulièrement grogner par Alys.
Alys… La chienne avait un poil ébène aux légers reflets blanc. Son regard était froid, et elle ne semblait avoir qu'un seul objectif, satisfaire son Maître. Son ventre témoignait du fait qu'elle attendait des petits, mais cela ne semblait nullement gêné l'animal qui gambadait déjà bien loin devant eux.
Ils patrouillèrent ainsi durant une bonne heure dans la forêt, Ramsay parlait peu, concentré sur le moindre bruit. Sansa, elle se démoralisait peu à peu, convaincue que le gibier avait fuie vers le sud. Et alors qu'ils s'arrêtaient un instant, Ramsay sifflant ses chiens, un bruit de craquement provint des fourrés, Sansa eut à peine le temps de tourner son visage vers la source du bruit que tout s'enchaîna à une vitesse folle.
Une biche sortie des fourrés, galopant vers la plaine.
Les chiennes de Ramsay à ses trousses.
Le Lord n'attendit pas et partit immédiatement au galop derrière ses chiens suivi de sa compagne qui sentit son cœur s'emballer devant ce funeste spectacle. Les chiennes hurlaient, aboyaient, le galop fut effréné, Sansa sentait qu'elle perdait le contrôle de sa monture, et alors que les limiers réussirent à prendre la biche en tenaille, le couple arriva sur les lieux. Le cœur de Sansa se tordit immédiatement dans sa poitrine tandis que son regard se plantait dans celui complètement paniqué de la biche. Ramsay descendit de son étalon et prit son arc, intimant d'un mouvement de tête à son épouse d'en faire de même.
La biche ne pouvait plus fuir, maintenue par une patte antérieure par Violet, l'autre postérieur par Alys, elle était offerte à son bourreau.
Sansa descendit lentement de sa monture, elle ressemblait à cette biche, effrayée et prise au piège, elle avait cette sensation amère qu'elle aussi était sur le point de se faire exécuter par son bourreau. Durant un instant, la jeune Lady hésita à détourner le regard, mais Ramsay la ramena contre lui dans un geste beaucoup trop doux, glissant dans ses mains l'arc.
« Je vous laisse l'honneur de la tuer. »
Son sourire était beaucoup trop tendre pour être honnête, et Sansa se sentit immédiatement le mal à l'aise s'emparer d'elle. Mais également l'incapacité de refuser. Les Dieux seuls savaient ce qu'il se passerait si elle osait lui faire cet affront. D'une main tremblante, elle prit l'arc en main et se tourna face à l'animal blessé. Elles étaient toutes deux dans le même guet-apens…
Ramsay, juste dans son dos, murmura :
« Place tes doigts ici. Parfait. Maintenant, place ta flèche juste là, elle doit frôler ton doigt. »
Le Lord était doux dans ses gestes et ses paroles, il prenait réellement à cœur le fait d'apprendre à Sansa à tirer à l'arc. Et la jeune femme regrettait amèrement que cela se fasse sur une cible vivante. Ramsay apposa ses mains sur celle de sa compagne, la guidant dans le moindre de ses mouvements. Et malgré la situation des plus macabres, la jeune femme se surprit à apprécier cette proximité que son époux créait.
« Maintenant, il faut viser. »
Le Bolton accompagna la main de Sansa pour tirer sur la corde.
« Ferme ton œil gauche. »
Sansa s'exécuta et l'extrémité de la flèche vint se placer contre sa joue. Elle voyait parfaitement la trajectoire de la flèche. Ramsay quitta son dos et s'éloigna de trois pas pour observer le positionnement de la jeune femme, il semblait réellement concentré.
« Baisse légèrement ton bras, il doit être parfaitement aligné avec ta flèche. »
Il pressa légèrement sur le coude de la jeune femme qui baissa alors son bras jusqu'à la bonne hauteur.
« Bien, maintenant redresse toi, tu es trop en avant. »
Sansa essaya, mais fut incapable de se pencher plus en arrière, la peur de tomber l'effrayant. Ramsay s'en rendit compte et se plaça alors dans le dos de son épouse et la ramena contre lui.
« Prends appui sur moi. »
La jeune femme s'exécuta. Le souffle du Bolton venait caresser sa nuque tandis que ses yeux se perdaient dans ceux de la biche face à elle.
« Maintenant, vise le cœur. »
Sansa blêmit.
« Mais… Je ne sais pas… »
Un léger rire vint caresser son oreille, Ramsay la guida telle une poupée.
« Tire. »
Ses yeux criaient une culpabilité déchirante, mais, sans réfléchir, elle lâcha la flèche, fermant les yeux et retenant un sanglot coincé dans sa gorge. Et au vu du cri de joie de Ramsay, elle avait réussi. La biche avait poussé son dernier souffle, libérée de cette torture.
La jeune Stark rouvrit lentement les yeux et contempla le cadavre de l'animal au sol, le regard désormais vide, son sang teintant la neige blanche. Les deux chiennes tirant sur le cadavre avec violence.
« Fabuleux ! »
L'excitation animait la voix de Ramsay tandis qu'il s'approchait du cadavre de l'animal. Quant à Sansa, la nausée venait tordre son ventre et brûler sa gorge. Elle se sentait terriblement mal, elle avait honte. Désormais, elle avait du sang sur les mains.
« Précis… Net… D'un seul coup. »
Les doigts de son époux caressaient la plaie mortelle, il était là, accroupi, à côté du cadavre, retirant la flèche du cœur de l'animal.
« Vous êtes une femme pleine de surprise, Sansa. »
Il passait du tutoiement au vouvoiement avec une facilité déconcertante, mettant une barrière entre eux à chaque fois qu'il semblait en ressentir le besoin. Sansa ne répondit rien, elle semblait perdue, encore estomaquée par ce qu'elle venait de faire. Elle venait d'ôter la vie d'un être vivant, d'un être innocent. Et tandis que Ramsay attachait la biche sur le dos d'Isil, Sansa fixait le sang dégoulinant le long de la robe blanche de sa jument. La nausée revint, plus forte, plus dure à retenir. Et ce fut le bras de Ramsay autour de sa taille qui la fit revenir à elle.
« En selle, mon épouse. »
Elle ne répondit rien, plongée dans un mutisme involontaire. Elle s'approcha sans broncher de Sang et se laissa faire lorsqu'il la porta pour l'aider à se mettre en selle. Il attacha ensuite les rênes de la jument au pommeau de sa propre selle avant de lui-même grimper.
Ils n'étaient pas loin de Winterfell, et Sansa se laissa guider par Ramsay, emprisonné entre ses bras. Son cœur battait si fort, et la nausée ne quittait pas ses lèvres. Elle avait tué. Elle était un monstre.
À peine furent-ils arrivés à Winterfell que Sansa quitta bien vite son époux, prétextant un besoin urgent de se rafraîchir et de se reposer. Escortée par Grogne, l'un des « Gars de Ramsay », elle regagna ses appartements.
Ramsay ne la retint pas, il était déjà bien assez satisfait de ce qu'elle avait déjà fait en cette matinée. Le Lord rentra donc les chevaux, prit le temps de laver lui-même la jument avant d'enfin commencer à dépecer la biche avec délicatesse. C'était une corvée pour les autres, mais un véritable plaisir pour lui. Il en venait même parfois à regretter que l'animal ne soit pas encore en vie.
« Alors, la petite colombe s'en est sorti vivante ? »
La voix de Myranda était fluette ce qui ne la rendait que plus insupportable. Elle s'approchait de lui, tenant ses mains derrière son dos, un air plus que satisfait et mauvais collé au visage. Mais Ramsay ne releva pas, continuant son travail autour de la dépouille de la biche. Il releva pourtant son regard vers la jeune femme avant de demander :
« Pourquoi l'appelles-tu ainsi ? »
La fille du Maître de Chenil grinça des dents, Ramsay avait toujours l'art et la manière de répondre à une question par une autre question. Et elle savait également que rentrer dans ce jeu était une mauvaise idée, surtout lorsqu'il avait un couteau en main.
« J'ai appris qu'elle se faisait appeler ainsi à la Capitale. »
Cette fois, elle avait toute son attention. Ramsay était droit et la fixait avec un regard mêlant interrogation et jalousie. Myranda connaissait parfaitement ce regard, son amant était un homme possessif, non pas par amour, mais parce que ses jouets devaient rester siens quoi qu'il arrive. Et elle avait des informations en sa possession qui pouvait mettre la jeune Stark en situation délicate. Elle n'allait pas s'en priver.
« Le Chien du Roi Joffrey l'appelait « Petit Oiseau ». C'est mignon, non ? »
Les mains du Lord se contractaient de manière imperceptible sur le manche de son couteau tandis qu'il fixait toujours son amante d'un regard mauvais. Myranda s'en délectait.
« Qui t'a parlé de ça ? »
Sa voix tonna dans la pièce, mais la jeune femme n'avait nullement peur, elle affichait toujours son petit sourire satisfait.
« Lord Baelish. »
Cette fois, elle vit clairement la mâchoire de Ramsay se contracter à la mention de l'homme qui lui avait offert sa femme. Maintenant que le Lord était en colère, le sourire sur le visage de Myranda s'évanouit, laissant place à une mine sérieuse, presque diabolique.
« Elle ne sera jamais ta femme, Ramsay. Elle est en train de te manipuler comme un gentil chien avec son con. Ne vois-tu donc pas clair dans son jeu ? Elle ne veut que le pouvoir ! Elle est une Stark, elle veut Winterfell ! Elle a compris que les larmes ne marcheraient jamais avec toi… En revanche la baiser autrement que comme une chienne te plaît ! »
Le bruit sourd qui résonna fit frémir l'écuyer dans le box de Sang tandis qu'il observait la scène aussi discrètement que possible.
Myranda amena lentement sa main à sa joue rougie par le coup tout en plantant son regard onyx dans celui de Ramsay.
« Tu as de la chance que je ne te fasse pas couper la langue.
- Je ne pensais pas que devenir légitime te rendrait également bête. »
La main de celui-ci se leva à nouveau, mais Myranda commença à partir, prenant la direction du Chenil. Mais avant de passer la porte, elle se retourna, un sourire triomphant aux lèvres, elle asséna le coup fatal.
« Hier soir, Schlingue salissait tes draps en caressant les cheveux de ta femme endormie. Elle était nue qui plus est. Peut-être préfère-t-elle l'eunuque à l'écorché ? »
La jeune femme disparue et le sang de Ramsay ne fit qu'un tour. Plantant avec violence son couteau dans la table en bois, il délaissa le cadavre de la biche à peine dépecé. La haine faisait bouillir son sang dans une douleur sourde. Ils allaient payer.
Le crépuscule commençait à fendre le ciel. Le soleil se couchait et Sansa avait horriblement faim. Pire encore, elle s'ennuyait. Personne ne lui avait rendu visite depuis qu'elle était rentrée de cette partie de chasse étouffante, elle n'avait aucun livre à lire ni aucun travail de couture à faire. Elle s'ennuyait.
Yvana était venue l'aider à se changer, mais Sansa avait refusé, elle voulait rester encore habillée ainsi quelques heures... Le souvenir de la dernière fois hantant encore son esprit. La servante avait également pris ses mesures, telles que son tour de poitrine ou de taille. Elle n'avait rien voulu dire de plus, mis à part que c'était une surprise. Et Sansa n'avait pas cherché à comprendre, elle aimait trop les surprises pour se les gâcher. Cependant, elle trouvait désormais le temps long et décida de partir se recueillir sur son père. Depuis son retour, Ramsay la laissait vaquer dans Winterfell comme bon lui semblait, laissant cependant l'un de ses gars à chaque porte extérieure de celui-ci. Sa prison s'était simplement agrandie, pour son plus grand plaisir.
Elle se détourna alors de sa contemplation des flammes dansante dans la cheminée et alla mettre sur ses épaules une cape de fourrure noire qui appartenait à Ramsay ainsi que des gants de cuir. Enfilant des bottes de fourrure trop grande pour elle, elle posa sa main sur la poignée de la porte. Peut-être le croiserait-elle ? À peine cette pensée effleura son esprit qu'elle s'en sentit immédiatement honteuse.
La jeune femme sortit immédiatement de sa chambre et poussa un soupir de contentement, c'était terriblement agréable d'être libre de ses gestes.
Elle descendit les escaliers et commença à se diriger vers le hall d'entrée, sa destination était déjà toute tracée, elle allait à la crypte, rendre visite à ceux qu'elle aimait. C'est ainsi qu'elle arriva dans hall et qu'elle croisa Myranda, couverte flocon de neige et un sourire mauvais collé au visage.
« Lady Sansa. »
La jeune servante fit une révérence pitoyable à Sansa, et la rousse se surprit à reprendre mot pour mot ce que Cersei eut dit un jour à Shae.
« Je n'ai jamais vu une plus pitoyable révérence que celle-ci, je maîtrise cet art depuis l'âge de quatre ans. Regardez, je vous montre. »
Sansa effectua une révérence des plus gracieuse et invita d'un geste Myranda à recommencer. La scène était risible et Sansa s'en délecta tandis que Myranda recommençait d'une manière toujours aussi grotesque, la colère teintant son regard.
« Bien… Sauriez-vous où se trouve Lord Ramsay ? »
Maintenant qu'elle avait croisé la Maîtresse de son époux, les plans de Sansa avaient changés, les morts pouvaient attendre. La servante sembla tiquer légèrement avant de répondre avec un sourire mauvais.
« Au Chenil, il nourrit ses chiennes. »
Sansa acquiesça et se dirigea vers la lourde porte en bois avant de se stopper et de rappeler la servante.
« Myranda ? »
Celle-ci se retourna à son tour, un air interrogateur sur le visage.
« Monte-moi un panier repas s'il te plaît, je souhaiterais dîner avec mon époux ce soir. »
La servante acquiesça simplement et disparue dans les couloirs en pierre, un sourire mauvais collé au visage. Sansa, quant à elle, prit la direction du Chenil qui était bel et bien ouvert, mais vide. Toutes les chiennes étaient dans leurs cages, mangeant viandes et os et grognant devant l'arrivée de Sansa qu'elles n'avaient nullement l'habitude de voir.
Celle-ci ne prêta aucune attention aux grognements des bêtes, trop concentrée sur les bruits étranges qui émanaient de la pièce à côté. Elle ne sut pourquoi, mais elle était incapable de signaler sa présence, comme si elle était sur le point de découvrir le plus grand secret de Winterfell et qu'un seul bruit gâcherait l'instant. Alors, avec lenteur, et sans un bruit, elle s'avança dans le couloir. Elle ressemblait à une enfant qui s'en allait faire une bêtise. Au bout du corridor, se tenait une porte, légèrement entrouverte.
Alors, plus lentement encore, elle se glissa devant celle-ci et observa par l'entrebâillement.
Et ce qu'elle vit l'horrifia.
Theon… Le pauvre homme était attaché à une croix, épuisé, le regard vide. Son corps ensanglanté était tailladé de part en part. Et Ramsay… Ramsay s'approchait de lui, empoignant un téton de l'homme, il sortit un poignard et sectionna celui-ci, arrachant un hurlement de douleur à sa victime. Devant ce spectacle effroyable, Sansa poussa également un cri de terreur. À peine eut-il été poussé qu'elle plaqua instinctivement ses mains sur sa bouche, mais il était déjà trop tard. Le regard de Ramsay se planta dans le sien. Toute sa colère et sa folie s'évanouir, seulement la surprise resta emprisonnée dans ses prunelles grises. Courant à la porte, il ne vit que la silhouette de son épouse qui courrait à l'extérieur.
« Merde ! »
Sans chercher à comprendre, le Lord partit à la poursuite de la jeune femme attirant le regard de tous ceux qui se tenait dehors à ce moment-là. La jeune Stark courrait si vite que ses pieds ne semblaient plus toucher terre. Où pouvait-elle s'enfuir ? Elle n'en savait rien. Elle courrait juste, espérant fuir cette vision morbide qui hantait désormais son esprit. Toutes les portes de Winterfell étaient gardées par des « Gars du Bâtard » et aucun ne la laisserait passer, alors la jeune femme courut au hasard. Ses jambes la guidèrent jusqu'au bois sacré qu'elle dépassa aisément, mais alors qu'elle continuait sa course, l'une de ses bottes, trop grande, resta coincée dans la neige. Tirant sur sa jambe avec la hargne d'un animal pourchassé, son pied glissa de la chaussure et à moitié chaussée, elle reprit sa course effrénée. Ses poumons semblaient prendre feu dans sa poitrine tandis qu'un goût ferreux envahissait sa bouche. Les larmes ruisselaient et gelaient sur ses joues. Elle avait mal, terriblement, mal, et l'envie de vomir qui ne quittait pas sa gorge… Et alors qu'elle arrivait à la porte Ouest, son cœur se souleva dans sa poitrine. Personne n'était là. Poussant dans ses derniers retranchements, ignorant son pied qui commençait à geler dans le froid glacial, la jeune femme arriva à franchir la porte… Mais cette liberté retrouvée fut de courte durée, l'eut-elle à peine franchi que deux bras enserrèrent sa taille avec une violence qui lui coupa le souffle. Mais la jeune louve ne renonça pas, se débattant telle une furie.
« Lâchez-moi ! »
Elle hurlait et pleurait en même temps. Ses jambes battaient dans les airs lui arrachant sa deuxième botte bien trop grande. Son cœur se broyait dans sa poitrine tandis qu'elle voyait les mains ensanglantées de celui qui la maintenait. L'odeur de sang et de sueur envahissait ses poumons tandis qu'elle frappait à l'aveugle le corps derrière elle. L'envie de vomir était de plus en plus forte. Un instinct de survie s'insinuait en elle et un éclair de lucidité traversa son esprit tandis qu'elle continuait à se débattre. Sa main glissa à sa ceinture et elle en ressortit sa minuscule dague, présent qu'elle avait eu de la part de Shae lors de la bataille de la Néra et que Sansa avait pris ce matin pour la chasse. Sans une once de remords, elle vint planter l'arme minuscule dans la cuisse de Ramsay qui poussa un cri de surprise plus que de douleur tout en la lâchant.
La colère se lisait dans son regard tandis que Sansa s'éloignait de lui, toujours en lui faisant face, son petit couteau désormais tâché de sang dans sa main. Le cœur battant, Sansa lui faisait face. Sa gorge était nouée, il avait réussi à les ramener dans l'enceinte de Winterfell, la porte était à quelques mètres…
« A votre place, je n'aggraverais pas plus mon cas, Lady Sansa. »
Sa voix était rauque, brisée par la colère. Mais la jeune femme était bien trop en émoi pour y faire attention.
« Aggraver mon cas ? Suis-je celle qui vient d'être prise en faute ?!
- Je n'ai commis aucune faute !
- Theon n'est pas un animal !
- Schlingue !
- Il se nomme Theon Greyjoy ! Il était pupille de mon père !
- Il a tué vos frères !
- Le torturer de la sorte ne les ramènera pas ! »
Elle venait de cracher ses mots avec une telle souffrance que Ramsay resta l'espace d'un instant coi. Son chignon était complètement défait laissant ses boucles rousses tombées sur ses épaules, son chemisier était désormais tâché de sang et ses joues noyées de larmes. Elle avait cet air sauvage qu'il ne lui connaissait pas. Le Lord tenta de s'approcher, mais la jeune femme devint comme folle, agitant son couteau dans tous les sens. Elle pleurait et était complètement aveuglée par la rage. Ramsay savait qu'il ne risquait rien, que la petite lame qu'elle tenait ne lui causerait pas de blessure mortelle. Ce qu'il craignait réellement, c'est que la jeune femme utilise la lame contre elle-même. Et même si elle était fine, un coup dans la gorge était suffisant. Il ne pouvait pas la perdre maintenant, pas avant qu'elle ne lui ait donné un héritier viable.
Tout en réfléchissant, il continuait à la fixer. Ce fut lorsqu'il vit ses pieds nus commencés à bleuir dans la neige que tout s'accéléra en son esprit. S'il ne faisait rien, il allait bientôt se retrouver avec une femme amputée des deux pieds. Alors il tenta le tout pour le tout et se jeta sur elle, agrippant ses poignets avec violence. Mais la jeune Stark avait plus de force qu'il ne pensait et en un instant, ils tombèrent tout deux dans la neige. À califourchon sur la jeune femme, enfoncés dans la neige, il maintenait ses poignets au-dessus de sa tête.
La jeune femme semblait comme hermétique à la froideur de l'hiver, toujours secoué par de lourds sanglots tandis que Ramsay la fixait de son regard glacial. Leurs souffles étaient courts, leurs lèvres si proches… L'haleine de Sansa sentait légèrement le citron tandis que celle de Ramsay puait le vin.
Il vint enfin prendre le couteau des mains de la jeune femme, puis se releva, épuisé. Il cacha d'abord l'arme au niveau de son ceinturon avant de prendre Sansa tel un sac sur son épaule avant de partir en direction de leurs appartements. Celle-ci ne se débattait plus, résignée. Ils passèrent devant les habitants de Winterfell, tous les fixant d'un regard inquiet, parfois même tétanisé. Il passa les grandes portes du château sans même un regard pour les deux hommes lui tenant la porte d'un air terrifié, monta les escaliers deux par deux et fini par ouvrir la porte de leur chambre d'un coup de pied avant d'allonger la jeune femme sur leur lit et de prendre la place à côté d'elle. Sans un mot, elle se tourna, dos à lui, l'air vide.
« Je… »
Aucun son ne sortit de sa gorge… Un sentiment étrange envahissait sa poitrine. Un sentiment douloureux qu'il n'aimait pas. Il se sentait coupable. Ramsay ne comprenait pas ce qu'il devenait. Il haïssait cela de tout son être. Mais il n'arrivait pas à le contrer. Il était déçu. Déçu du tournant que prenait cette soirée. Et l'amertume s'accentua plus encore lorsqu'il vit le panier repas sur le bureau.
« Sansa… »
Il essayait de rendre sa voix douce, même si la colère y vibrait encore. Il cherchait désespérément quelque chose à dire, à faire… Mais rien ne lui venait.
« Laissez-moi. »
La voix de Sansa était froide. Plus aucune peur, ni un sanglot, ne venait la briser. Elle était simplement forte et terriblement froide comme l'hiver venant. Et cela perturba le Lord.
« Sansa… »
Elle se retourna alors vers lui, désormais assise dans le lit, planta un regard meurtrier dans les prunelles gelées de l'homme encore allongé.
« Laissez-moi, sortez d'ici. Je ne veux plus de vous ici !
- Croyez-vous décider ? »
La voix de Ramsay était tranchante telle la lame d'une épée, le Lord se leva, plus menaçant que jamais, mais Sansa ne semblait nullement le craindre. Elle se leva à son tour lui faisant face.
« Je me fiche de ce que vous pensez, de ce que vous voulez. Partez avant que je ne vous lance à la figure tout ce qui me tombe sous la main ! Vous pouvez me torturer, me briser si cela vous chante, je m'en fiche ! Je ne veux plus de vous dans cette chambre ! »
Ramsay ne prononça plus un mot. Il s'approcha d'elle simplement et vint saisir son poignet dans sa main. Leurs regards se jaugèrent, se lièrent avec mépris. Mais il ne fit rien de plus. Il la lâcha, se tourna et quitta la pièce.
Si son père lui avait bien appris une chose dans l'art de la guerre, c'était que parfois, la meilleure stratégie était le repli. Sansa gagnait cette bataille, mais elle ne gagnerait pas la guerre.
À peine la porte se refermait elle que la jeune femme se laissa tomber au sol, les sanglots reprenant silencieusement. Elle s'était brûlé les ailes et elle était désormais de retour dans ce monde cruel et froid qu'était celui de son époux.
1 Prénom elfique signifiant « Le Tourmenteur ».
