Notes : Cette fic va suivre Draco pendant de nombreuses années, à travers des périodes douloureuses et angoissantes, l'apprentissage de la vie avec un nom haï, des passages plus sereins où il lui semblera enfin trouver sa place et un nouvel entourage, des aléas heureux et tristes de la vie, et surtout à travers la construction de sa nouvelle et hétéroclite famille.

Tags supplémentaires : Ste-Mangouste ; Guérisseurs ; Aurors ; HP/DM ; Longue Fic ; Mpreg ; Déshéritement ; Dynamique Familiale

Août 1998

La respiration d'Edward était lente, profonde et quasiment inaudible. Son ventre de bébé se soulevait en rythme sous son pyjama vert pâle. Draco caressa de son index sa petite main, qui se referma autour de son doigt par réflexe. Son cousin avait la force d'un Boursouflet, mais Draco ne bougea pas. Son autre main quitta son immobilité pour toucher délicatement ses cheveux d'un bleu indigo qui juraient avec son pyjama. Son visage rond et paisible avait une douceur qui tordait lentement les entrailles de Draco.

Son cousin ne savait rien, ne ressentait rien d'autre que la faim, la fatigue, la chaleur et le froid. Il ne savait pas que ses parents étaient morts, il ignorait qu'en suivant la main de celui qui lui touchait les cheveux, il trouverait sur son bras la même marque que ceux qui l'avaient privé de sa famille. Il ne jugeait pas Draco. Il ne connaissait rien d'autre de lui que la vague forme de son visage, son odeur et la fraîcheur de ses doigts sur son crâne et dans sa main.

Draco lui enviait cette innocence, et il en avait besoin comme de l'air qu'il respirait. Passer quelques minutes avec son cousin était rapidement devenu sa bulle d'oxygène dans le chaos qu'était la fin de la guerre. Qu'il soit éveillé ou endormi, et peu importait la présence d'Andromeda dans la pièce, Edward devenait une source indispensable de réconfort pour Draco. La culpabilité qui lui rongeait le cœur et la peur de vivre dans un monde qui n'était plus taillé pour lui, rien ne disparaissait vraiment lorsqu'il venait rendre visite à son cousin, mais les angles douloureux s'arrondissaient, ses pensées s'éloignaient peu à peu, jusqu'à ce qu'il puisse sourire en voyant ses cheveux changer lentement de couleur.

Ce n'était jamais un bonheur total qui s'installait en lui, jamais il n'oubliait ce qui l'attendait hors de ces murs et sa tante lui montrait clairement qu'elle ne lui faisait pas confiance, mais c'était bien plus que ce qu'il avait pu obtenir par lui-même. Il ne considérait plus le Manoir comme son refuge depuis longtemps. Son père hantait la maison, bien pâle copie de l'homme qu'il avait été, occupant l'endroit comme un fantôme mélancolique dans ses meilleurs jours, et sa mère, plus protectrice que jamais, étouffait Draco de sermons rassurants, d'attentions exagérées et semblait décidée à ne pas le lâcher d'une semelle. Ses faux-semblants débordaient d'elle en vagues terrifiantes qui faisaient suffoquer Draco à chaque instant passé à ses côtés.

Sa chambre du Manoir avait été un sanctuaire, l'antre du développement de sa personnalité, l'endroit où il cachait ses secrets et ses questionnements. C'était à présent une forteresse où il tentait d'échapper au monde, à ses parents, et à lui-même. Il ne pouvait plus y passer plus de quelques minutes sans avoir la sensation de se noyer dans ses propres émotions.

Derrière lui, il entendit Andromeda quitter la pièce. Il tourna la tête avec surprise, regardant la porte se refermer. Il resta quelques secondes immobile, sans comprendre. C'était la première fois qu'elle le laissait seul avec Edward. Elle n'avait aucun souci à se faire, même s'il comprenait sa méfiance. C'était assez insultant de croire qu'il puisse vouloir faire du mal à un enfant, mais sa tante avait perdu son mari, sa fille et son gendre en quelques mois. Il ne pouvait pas lui en vouloir de veiller sur son petit-fils comme si le monde entier en voulait à sa vie. S'il avait été à la place de sa tante, il n'aurait laissé personne passer le seuil de sa maison.

Il retourna son attention vers son cousin, dont la fine chevelure était passée à un châtain légèrement mauve. La couleur n'était jamais totalement uniforme, comme si chaque cheveu était soumis à la magie de son cousin de façon indépendante. Edward n'avait que quelques mois, mais il était déjà évident qu'il serait un incroyable métamorphomage.

Des pas rapides se firent entendre dans les escaliers, et Draco sentit une boule d'angoisse monter dans sa gorge. Il déglutit et tourna la tête à temps pour voir Potter entrer dans la pièce, la colère ne cachant pas son regard inquiet.

« Qu'est-ce que tu fais là ? » Lui demanda-t-il d'une voix basse mais dure. Draco le quitta du regard, préférant observer le visage endormi d'Edward, cherchant à grappiller quelques indispensables secondes. Quelque chose en lui lui souffla avec horreur que c'était peut-être la dernière fois qu'il le voyait, maintenant que Potter savait qu'il lui rendait visite. La douleur fut telle qu'il dut prendre une grande inspiration pour effacer la sensation de ses côtes écrasant son cœur.

« Malfoy. » Insista Potter en s'approchant. Draco le regarda à nouveau, sa main sur les cheveux d'Edward arrêtant ses caresses sans pour autant cesser de le toucher.

« Je rends juste visite à mon cousin. » Réussit-il à dire sans que sa voix ne trahisse l'angoisse qui tambourinait en lui. Potter plissa les yeux derrière ses affreuses lunettes, fouillant son visage avec énervement. Draco remarqua qu'il avait le poing crispé autour de sa baguette. Cette constatation lui fit encore plus mal que la méfiance qui transpirait de Potter.

Ce dernier détourna le regard, ses yeux se posant sur le bébé qui dormait profondément dans son berceau. Draco serra les dents pour s'empêcher de supplier Potter de le laisser voir Edward, de lui avouer à quel point il en avait besoin. Ce n'était pas vraiment par fierté. Il n'avait surtout pas envie de lui donner le bâton pour se faire battre.

Il pouvait sentir la présence d'Andromeda à l'entrée de la pièce, ses yeux sombres fixés sur son profil. Il remarqua que Potter avait une longue coupure qui partait de sous le col de son T-shirt jusqu'à sous sa mâchoire. L'entraînement des Aurors avait commencé depuis le premier août, marquant le début de trois années de préparation intensive avant que les recrues ne puissent rejoindre officiellement les rangs du Ministère. La Gazette du Sorcier éditait une page spéciale sur le sujet par semaine, ses journalistes tentant de grappiller la moindre information, la moindre rumeur sur l'entraînement que suivaient Potter et ses amis. Malgré l'angoisse que cela provoquait chez lui, Draco ne pouvait pas s'empêcher de les lire. Il avait donc appris que Weasley et Londubat avaient réussi à se blesser mutuellement lors d'un duel, et que Potter semblait peu enclin à attaquer ses pairs pour s'entraîner, décevant ses instructeurs.

Son ancien rival avait une expression hésitante. Son attitude menaçante diminuait progressivement alors que ses yeux fixaient les mains de Draco sur Edward. Il tenait toujours fermement sa baguette, mais sa réflexion était visible sur son visage expressif. Draco repoussa une bouffée d'espoir, refusant de la laisser lui faire croire que Potter pouvait lui donner une chance.

« Ça fait longtemps que tu viens ? » Demanda le Survivant sans le regarder.

« Depuis le mois de Juin. » Répondit Draco à voix basse pour ne pas réveiller son cousin. Cela faisait donc presque trois mois qu'il passait quelques instants par semaine avec lui.

Potter tourna alors les yeux dans sa direction, cherchant à nouveau quelque chose dans l'expression de son visage. Draco se força à le détendre, mais les barrières dans son esprit s'élevèrent d'elles-mêmes pour protéger ses pensées.

« Pourquoi ? »

Draco déglutit sans pouvoir s'en empêcher. La réponse à cette question était à la fois très simple et terriblement complexe. Il ne pouvait pas y répondre honnêtement sans confier des choses à Potter, et ce n'était définitivement pas la personne avec laquelle il voulait partager le poids qu'il avait dans le cœur et la tête.

« Parce que c'est mon cousin. » Répondit-il alors simplement.

Potter étrécit à nouveau les yeux mais sa posture ne se fit pas plus méfiante. Depuis le deux mai, depuis sa victoire, il avait grandi, gagnant les centimètres qui lui avaient manqué pour atteindre une taille standard pour un garçon de dix-huit ans. Ses épaules s'étaient élargies, et il avait l'air bien moins famélique et nerveux que ce que Draco avait pu voir pendant la bataille de Poudlard. Il aurait été intimidant même sans sa baguette à la main.

« Si tu lui fais du mal, Malfoy, je te tue. » Murmura finalement Potter, et Draco sentit un étrange mélange de soulagement et de terreur s'enfoncer dans son estomac. Son regard devait se vouloir glacial, mais il pouvait y lire la fragilité et la peur de quelqu'un qui ne pouvait plus voir personne souffrir, qui ne pouvait plus voir personne mourir.

Draco savait que Potter était magiquement et physiquement capable de mettre sa menace à exécution, mais il doutait qu'il puisse psychologiquement le faire. Ce n'était pas un tueur. C'était un homme qui avait sauvé son ennemi des flammes malgré ses attaques précédentes.

Il hocha néanmoins lentement la tête. Il ne comptait de toute façon jamais donner le moindre prétexte supplémentaire à Potter de lui en vouloir. Pas pour se protéger lui-même, mais parce qu'il ne pourrait jamais faire le moindre mal à Edward.

Septembre 1998

Le quai 9 ¾ était bondé, et Draco remit en question toutes les raisons qui l'avaient amené à retourner à Poudlard pour finir sa scolarité. Son regard fouilla frénétiquement la foule, cherchant un visage connu et amical pour fuir la panique qui s'insinuait en lui. Blaise apparut entre deux Sorciers, poussant son chariot lui-même et se dirigeant vers lui. Draco ne retint même pas son soupir de soulagement.

Son ami lui signifia du menton qu'ils feraient mieux de s'éloigner du mur, et ils marchèrent côte à côte en silence le long du train, évitant le regard des autres. Ils atteignirent rapidement le niveau des voitures traditionnellement occupées par les Serpentards, et usèrent de leur magie pour transporter leurs bagages dans le train avant de s'installer dans un petit compartiment désert.

« Toujours sûr de toi ? » Demanda Blaise avec un petit sourire crispé.

« Non. » Avoua Draco avec une expression similaire.

« Moi non plus. » Admit son ami avant de soupirer. « Cette année va être horrible. »

Ils en étaient déjà conscients lorsqu'ils avaient discuté du fait de retourner à Poudlard pour effectuer une vraie Septième Année. Mais contrairement aux élèves du côté des vainqueurs, ils ne pouvaient pas se permettre d'abandonner leurs études et de se lancer dans la vie sans avoir passé leurs ASPICs. Ils savaient qu'ils allaient avoir du mal à trouver un emploi plus tard, il leur fallait donc mettre toutes les chances de leur côté.

« Il paraît que Granger revient aussi. » Informa Draco en regardant les élèves et leurs parents s'affairer sur le quai. Il avait refusé que sa mère et son père l'accompagnent. Il était déjà lui-même repérable dans la foule, la présence de ses parents aurait été de trop.

« Ouais, j'ai entendu ça... » Souffla Blaise sur la banquette d'en face. « Je doute que Daphné nous rejoigne. » Ajouta-t-il.

« Vu sa dernière lettre, c'est peu probable. » Grogna Draco. La jeune fille, qui n'avait jamais vraiment été son amie, du moins pas autant que Pansy, s'était rapprochée d'eux pendant l'été grâce à sa volonté d'elle-aussi retourner à Poudlard. Mais plus les semaines passaient, plus sa résolution avait faibli, atteignant son point le plus bas lorsqu'elle avait reçu une proposition pour travailler pour Madame Guipure. Dans sa dernière correspondance avec Draco, elle avait semblé croire qu'elle n'obtiendrait jamais meilleure position.

Goyle et Pansy avaient fui la déchéance de leur famille dès que la Justice Magique les avaient relâchés, le premier en Norvège et la seconde en Autriche. Draco n'avait plus de contact avec eux depuis leur départ le mois dernier.

« Dire qu'on va se retrouver avec des gamins ... » Ajouta Blaise, fouillant dans son sac de cours pour en sortir un livre.

Draco ne releva pas. C'était à vrai dire le cadet de ses soucis. Tout ce qui l'intéressait, c'était de savoir comment il allait pouvoir survivre à une dernière année à Poudlard avec le maximum légal de matières à passer pour ses ASPICs avec un temps de visites à Edward réduit au minimum.

Il posa la tête contre le dossier de sa banquette, le regard tourné vers la fenêtre, et ne bougea presque pas du voyage.

Octobre 1998

Retourner à Poudlard fut en fait un retour sur les lieux de son crime. La vue du château le rendit malade, et même le confort des cachots, où il partageait une chambre avec Blaise, ne fut pas suffisant pour faire disparaître les doigts glacés de la culpabilité, de la honte et de l'angoisse autour de son cœur.

Les premières semaines de cours ne furent pas académiquement difficiles, mais Draco étouffait sous la masse de devoirs qu'il avait à faire. Il partageait son temps libre entre son dortoir et la bibliothèque, réduisant son interaction avec les autres au minimum, ne faisant que traverser la salle commune de Serpentard sans s'arrêter. Il n'avait pas le courage de faire semblant, il n'avait pas l'énergie de donner l'impression qu'il allait bien et qu'il se fichait de ce qu'on pensait de lui. Il avait envie de se terrer dans son trou, et de n'en sortir que pour voir Edward et profiter du regard innocent et heureux qu'il posait sur lui pour se sentir moins haï.

Blaise était moins renfermé. Sa réputation n'était pas aussi tachée que celle de Draco, et ses parents ne s'étaient pas humiliés comme les siens. Il se fit des amis parmi les autres Septième-Années, et arrêta rapidement d'essayer d'entraîner Draco avec lui. Il n'était pas là pour lier des amitiés factices. Il était à Poudlard pour finir sa scolarité et obtenir les meilleures notes possibles. Seuls des ASPICs parfaits pourraient lui permettre de trouver du travail. Des gamins insouciants ne lui seraient d'aucune aide.

La première fois qu'il avait croisé Granger, sa propre terreur l'avait irrité. Il n'avait pas peur d'elle, il avait peur de ce qu'elle représentait. Son propre échec, sa place perdue, l'humiliation de la défaite. Draco se reprit en pleine figure tout ce qu'il avait fait, tout ce qu'il avait dit, et tout ce qu'elle avait supporté pour être à cet endroit à cet instant-là. Il s'était senti misérable, insignifiant, pathétique au point de faillir tourner les talons et s'enfuir. Granger avait simplement hoché brièvement la tête en croisant son regard puis l'avait ignoré.

Ils avaient partagé de nombreux cours sans s'adresser la parole. Blaise faisait comme si elle n'existait pas, Draco évitait de regarder dans sa direction, et tous les trois se laissèrent tranquilles, un accord tacite émergeant entre eux de ne pas remuer le couteau dans la plaie. Gryffondors et Serpentards n'avaient jamais été aussi distants depuis que Draco était à Poudlard.

Car le mur qui séparait les deux maisons n'existait pas qu'entre Draco, Blaise et Granger. Tous les autres élèves semblaient mettre un point d'honneur à ne pas tenter de faire renaître la vieille rivalité. Même Ginny Weasley se tenait à carreaux, ne donnant même pas l'impression de reconnaître Draco dans les couloirs. C'était aussi étrange que c'en était angoissant, surnaturel. Tout le monde marchait sur des œufs dans un château portant encore les cicatrices de la guerre.

Le premier week-end de sortie à Pré-au-Lard, Draco transplana à peine sorti du périmètre de protection de Poudlard. Il apparut devant le jardin de sa tante, vacillant sous la pluie. Quelque chose n'allait pas chez lui. Il avait le cœur constamment pris dans un étau, sa respiration était difficile. Il avait les mains tremblantes, un mal de tête persistant, et rien ne semblait réussir à l'apaiser. Ni les quelques heures qu'il avait passées à voler dans le terrain de Quidditch désert, ni celles qu'il avait perdu à lire des romans d'aventure empruntés à la bibliothèque. Rien ne lui faisait oublier qu'il ne se sentait pas à sa place, rien n'effaçait son compulsif besoin de s'enfuir.

Andromeda lui ouvrit la porte d'entrée, levant un regard inhabituellement soucieux vers lui. Il réussit à la saluer de quelques mots étouffés, lui demandant l'autorisation de voir Edward, et elle le laissa entrer rapidement. Il accepta le linge qu'elle lui tendit pour qu'il essuie son visage humide et le guida dans le salon, où son cousin, allongé sur le dos sur le tapis, remuait bras et jambes comme une tortue renversée, Potter assis en tailleur à côté de lui en train de lui chatouiller les pieds.

Le rire du Survivant cessa lorsqu'il le vit entrer, et son visage souriant se ferma peu à peu dans une expression neutre. Sans être très sûr de la raison, Draco se sentit sur le point de pleurer. Il déglutit.

« Salut Malfoy. » Fit Potter, ramenant ses mains sur ses chevilles croisées.

« Potter. » Répondit-il, la voix rauque.

S'il n'avait pas eu autant besoin de voir son cousin, il aurait quitté la maison en courant pour échapper à son regard scrutateur. Il le vit se pencher vers Edward pour lui embrasser le front, le bébé fermant le poing sur ses lunettes. Elles glissèrent du nez de Potter alors qu'il se redressait, et il les retira avec un sourire. Son visage nu laissa à Draco la possibilité de voir les cernes qu'il avait sous les yeux.

Le Survivant regarda dans la direction d'Andromeda, qui se tenait à côté de Draco, tordant une main dans l'autre avec malaise, et lui sourit avec un peu de difficulté.

« Je repasserai cet après-midi, si ça vous va ? »

« Bien sûr Harry. » Répondit la tante de Draco.

Potter récupéra ses lunettes en ouvrant doucement la main d'Edward qui émit un son peiné et l'embrassa encore une fois avant de se lever. Il quitta la maison sans un mot de plus, et Draco retrouva son cousin pour la première fois depuis qu'il était retourné à Poudlard.

Il passa quelques heures avec lui, plus longtemps que toutes ses précédentes visites réunies, et sa tante n'eut pas l'air de s'en offusquer. Edward avait grandi et son comportement avait changé. Il babillait quelques syllabes, remuait beaucoup, et tentait d'attraper tout ce qui se trouvait à sa portée. Il souriait souvent et regardait la bouche de Draco lorsqu'il lui parlait, puis fixait ses yeux comme s'il essayait de lire en lui.

L'étau qui étouffait Draco lâcha peu à peu son étreinte. La nervosité qui courrait dans ses veines diminua, son corps se fit lourd et relaxé dans le canapé, et il fut touché de voir Andromeda lui proposer du thé alors qu'Edward exprimait son envie de retourner jouer sur le tapis.

Il se leva en le portant puis le posa assis par terre, et son cousin s'empressa de se pencher en avant pour attraper une peluche qu'il secoua dans tous les sens en répétant les mêmes syllabes.

Draco s'assit à côté d'Andromeda, les deux tasses sur le plateau devant elle étant clairement une invitation, et il la laissa le servir avant de la remercier. Penser au fait qu'un geste aussi simple puisse le toucher lui fit du mal, et il serra ses deux mains autour de la tasse, incapable de dire un mot. Quelque chose ne devait vraiment pas tourner rond chez lui pour qu'il en arrive à ce point.

« Comment se passent tes cours à Poudlard ? » Demanda alors sa tante, et il lui jeta un coup d'œil avant d'observer le liquide ambré qui fumait entre ses mains.

« Ça va. » Répondit-il simplement. « J'ai beaucoup de devoirs mais c'est … Intéressant. » Ajouta-t-il au lieu de dire que la quantité de travail qu'il avait à faire l'épuisait tellement qu'il arrivait enfin à s'endormir sans penser aux flammes de la Salle sur Demande, aux cris de Crabbe, à la terreur qu'il avait ressenti à chaque fois qu'il s'était retrouvé dans la même pièce que Voldemort, au désastre qu'était sa vie. Au fait qu'il n'avait plus rien d'autre qu'une maison hantée, des parents qui n'étaient plus que l'ombre d'eux-mêmes, et que son seul réconfort était de pouvoir rendre visite à son cousin.

Andromeda porta son thé à ses lèvres, sirotant le liquide brûlant, puis posa sa tasse sur un genou, un doigt autour de la hanse. Elle tourna la tête pour le regarder et Draco, comme toujours, eut du mal à ignorer sa ressemblance avec Bellatrix, ses épais cheveux châtains et ondulés, son regard sombre et sa peau pâle.

« Tout le monde va avoir besoin de temps pour s'en remettre, Draco. » Dit-elle, et il écarquilla légèrement les yeux. « Toi, moi, Harry, ses amis. Tout le monde. Mais ça viendra. » Ajouta-t-elle calmement. La confiance qu'il réussit à lire au fond de ses yeux créa des larmes dans les siens, et il détourna le regard en déglutissant.

Plus tard, lorsque la tasse entre ses mains fut vide, Edward frappa plusieurs fois le tapis du plat de sa main en regardant dans sa direction et répéta « Da » à plusieurs reprises. Draco imagina qu'il l'appelait et il quitta son immobilité pour le prendre contre lui.

La bibliothèque était vide. Le soleil s'était déjà couché, plongeant la pièce dans une atmosphère sombre et angoissante. Draco savait qu'il devrait bientôt ranger ses affaires mais il n'avait pas envie de retourner dans son dortoir. Lorsqu'il avait tenté de le faire quelques heures plus tôt, la cravate de Blaise entourait la poignée de la porte. Il n'était pas idiot, il savait ce que ça signifiait, et il n'avait aucune envie de voir son ami dans une position compromettante.

Il était en colère après Blaise de le priver de son refuge pour des frivolités, mais il lui en voulait encore plus d'être capable de penser à autre chose qu'à l'horreur de leur situation. Et surtout, d'avoir trouvé quelqu'un qui accepte de passer du temps avec lui malgré son implication dans la guerre. Furieux, Draco avait traversé la salle commune dans l'autre sens et était retourné dans la bibliothèque, reprenant sa place à une table sous une fenêtre.

La pluie battait les carreaux et Madame Pince semblait s'amuser à éteindre peu à peu toutes les lumières pour le forcer à battre en retraite, mais Draco s'acharna sur son devoir d'Étude des Runes. Il ne lui restait plus grand chose à traduire, et s'il pouvait le terminer maintenant, il n'aurait plus qu'à se doucher avant d'aller s'écrouler dans son lit. En espérant que Blaise ait terminé ses affaires.

« Monsieur Malfoy. » Grinça la bibliothécaire, et il leva rapidement les yeux pour voir qu'elle se tenait juste devant sa table. « Il est vingt heures. » Dit-elle avec une expression irritée.

Draco baissa les yeux et ferma ses livres un à un avant de les ranger dans son sac, ses parchemins, sa plume et son encrier par-dessus. Il se leva de sa chaise et quitta la bibliothèque sans un mot.

Il marcha aussi lentement que possible jusqu'aux donjons. Il ne fit que passer dans la Salle Commune, où d'autres Serpentards étaient dispersés en groupes pour jouer ou discuter. Certains travaillaient sur les bureaux du fond, mais il n'avait pas envie de les rejoindre. Il longea le couloir des garçons pour atteindre son dortoir et constata que la cravate n'était plus pendue à la poignée.

« Blaise ? » Appela-t-il, rapprochant son visage de la porte.

« Ouais ? » Répondit aussitôt la voix de son ami. Draco fronça les sourcils avec ennui et appuya sur la poignée pour ouvrir la porte. Le garçon était en pyjama sur son lit, allongé sur le ventre et visiblement en train de faire ses devoirs.

« Tu es resté longtemps à la bibliothèque. » Remarqua-t-il sans le regarder.

« A cause de qui ... » Gronda Draco en entrant dans la pièce. Il ferma la porte derrière lui et alla poser son sac sur son bureau, sortant ses affaires.

Blaise rit un peu et lui jeta un coup d'œil goguenard.

« Désolé pour ça. »

Draco renifla avec dédain et l'ignora. Il retira ses chaussures puis sa robe, et desserra sa cravate en remettant son sac par terre. Il s'assit et ouvrit le livre dont il aurait besoin pour terminer son devoir.

« Tu ne vas pas me demander qui c'était ? »

« Non. » Répondit-il aussitôt en ouvrant son encrier.

« Harper. »

Draco se retourna brutalement sur sa chaise.

« Quoi ? »

Blaise éclata de rire, son visage se cachant contre le livre posé sur son oreiller. Draco fronça les sourcils et souffla avec agacement, comprenant que son ami s'était foutu de lui en prononçant le nom d'un élève de leur classe, l'actuel attrapeur de Serpentard.

« Tu aurais vu ta tête ! » Rigola Blaise de plus belle.

Draco ne répondit pas et se réinstalla correctement, attrapant presque rageusement sa plume.

« C'était Farley. » Poursuivit son ami.

« Je m'en fous, Blaise. » Lâcha Draco, ses yeux scannant les dernières phrases runiques qu'il devait traduire. Le texte parlait d'un combat entre un sorcier du moyen-âge et le dragon qui avait détruit son village, s'étirant comme une fable pleine de mises en garde contre la vengeance.

Son ami cessa de rire et le silence s'étira jusqu'à ce qu'il l'entende souffler.

« Tu es devenu tellement chiant ... » Murmura Blaise.

Malgré son pincement au cœur, il l'ignora et termina sa traduction.

Être dans la Grande Salle était toujours une épreuve pour Draco, qui réduisait la durée de ses repas au minimum. Personne ne lui adressait la parole, les élèves l'entourant se contentant de discuter avec Blaise qui s'y donnait à cœur joie, et on laissait Draco relativement tranquille, mais il n'était pas à l'aise. Il se sentait trop exposé, vulnérable malgré son dos au mur et la parfaite vue qu'il avait sur l'ensemble de la pièce. Il se dépêchait donc de remplir son estomac pour pouvoir fuir vers la bibliothèque ou son dortoir.

La table de Gryffondor était la plus éloignée de la sienne, mais en voyant un nombre important d'élèves se tordre le cou pour regarder vers le bout de la salle, Serpentards, Poufsouffles et Serdaigles confondus, Draco suivit leur regard avec curiosité pour voir Granger et Weasley se disputer à table.

C'était à vrai dire surtout Weasley qui semblait s'énerver, le corps tendu et penché sur la table, pointant un doigt accusateur vers Granger qui était trop loin pour que Draco puisse voir son expression. Il se désintéressa de l'affaire et ne se demanda même pas pourquoi la meilleur amie et la petite amie de Potter réglaient leurs comptes dans la Grande Salle.

« Ça doit être à propos de Potter. » Remarqua Blaise avec un air songeur en se réinstallant correctement.

« Ou bien Granger ne veut pas laisser Weasley tricher sur elle cet après-midi. » Proposa Harper avec un ricanement.

Le nœud dans l'estomac de Draco se serra douloureusement à l'évocation de l'examen de Métamorphoses dans quelques heures.

« Vous pensez que ce qu'il y a dans la Gazette est vrai ? Potter a vraiment largué Weasley ? » Demanda la sœur de Daphné, dont il ne retenait jamais le prénom, en s'agrippant au bord de la table. Draco se demanda s'il ne se terrait pas un peu trop dans son coin pour qu'il ait réussi à ignorer cette rumeur jusque-là.

« J'ai toujours trouvé ça bizarre, de toute façon. » Commenta Farley, la fameuse Farley. « J'étais persuadée que Potter finirait par sortir avec Granger. »

« Moi j'ai toujours cru que Potter était aussi asexué que Draco. » Sourit Blaise dans sa direction. Il le foudroya du regard, incapable de répondre puisqu'il avait la bouche pleine de brocolis. Il n'était pas asexué, il avait simplement trop de choses en tête.

« Ils disaient aussi dans la Gazette que Potter s'était blessé pendant un raid. » Nota Harper, oubliant qu'il se trouvait à une table pleine d'enfants de Mangemorts potentiellement visés par des descentes des Aurors.

« Ouais, ils disent qu'il a failli perdre un bras ! »

« N'importe quoi... » Souffla Farley. « Comme s'ils allaient laisser leur précieux petit Potter être blessé. »

Draco rassembla les derniers morceaux de pomme de terre dans son assiette et les amena à sa bouche sans avoir parlé une seule fois. A l'autre bout de la Grande Salle, Weasley se leva puis quitta la pièce d'un pas furieux.

Novembre 1998

Le week-end suivant Halloween, Draco retourna chez sa tante pour passer du temps avec Edward. Cette fois-là, Potter ne s'y trouvait pas.

Son cousin avait encore grandi et rampa sur le tapis jusqu'à pouvoir s'agripper à la jambe de Draco pour s'asseoir puis se mettre debout avec un énorme sourire. Son autre poing était fermé autour d'un cube de bois qui s'enfonçait douloureusement dans le tibia de Draco, mais ce dernier n'y porta aucune importance. Jamais personne ne l'avait regardé comme Edward le faisait. Plein d'une joie simple et innocente, ses cheveux bruns passant lentement au blond alors qu'il le reconnaissait. Draco s'accroupit devant lui, caressant doucement sa joue rebondie, laissant l'angoisse et la peine s'échapper pour remplir son cœur de toute l'affection qu'il avait pour lui. Il lui sourit aussi largement, son visage protestant contre ce mouvement inhabituel, et il l'attrapa sous les aisselles pour le porter en se redressant, le tenant contre lui.

« Bonjour Edward. » Le salua-t-il en posant ses lèvres sur son crâne.

« Da ! » Acquiesça son cousin, donnant un coup de tête dans le menton de Draco qui grimaça. Il entendit Andromeda rire à côté de lui, et il échangea un sourire avec elle.

La matinée passa rapidement. Draco joua avec Edward pendant plusieurs heures pendant que sa tante s'affairait dans la maison, profitant que quelqu'un garde son petit-fils pour faire tout ce qu'elle n'avait pas pu faire avant. Son cousin était énergique et généreux, lui offrant jouet après jouet jusqu'à ce que Draco ait les bras pleins. Lorsqu'il dut les laisser tomber, Edward eut un étrange rire bref, comme un petit aboiement, et ses yeux ambrés prirent une teinte bleutée alors qu'il plongeait les mains en avant pour récupérer une peluche représentant un loup. Il lui tira doucement une oreille en regardant Draco avec une expression songeuse, puis la lui tendit.

Draco l'accepta, et se permit d'utiliser la magie pour animer les autres jouets qui tournèrent alors autour de son cousin, le faisant pousser des petits cris d'excitation en tendant les mains dans toutes les directions pour les attraper. Le jeu ne dura pas longtemps. Son cousin eut soudainement l'air très mal à l'aise et Draco lui rendit sa peluche pour le calmer, rompant le sort. Edward la refusa et fondit en larmes.

« Qu'est-ce qui se passe ? » Demanda tranquillement Andromeda en entrant dans la pièce. Draco, paniqué, quitta sa position à genoux sur le sol pour se relever en s'aidant du canapé, et lui envoya un regard coupable.

« Je ne sais pas, j'ai utilisé la magie pour faire bouger ses jouets, ça a eu l'air de l'amuser, mais ... » Dit-il rapidement.

Sa tante l'ignora et marcha jusqu'à Edward avant de se pencher pour l'attraper avec une grimace.

« Il a juste besoin d'être changé, ne t'en fais pas. » Le rassura-t-elle avec un petit sourire avant de lui tendre le bébé.

Il la regarda avec hésitation puis secoua la tête.

« Je ne sais pas le faire. »

Andromeda l'invita à le suivre à l'étage pour lui montrer comment se débrouiller seul la prochaine fois, et c'est avec un peu d'appréhension et de joie à l'idée qu'elle lui fasse assez confiance pour qu'il prenne soin de son cousin comme cela qu'il resta debout dans la chambre à la regarder faire.

C'était finalement assez simple. Elle n'utilisa que ses mains, pas la magie, pour le déshabiller partiellement avant de le débarrasser de sa couche et de le laver. Edward babillait, attrapant ses pieds, et Andromeda lui répondait les mêmes mots incompréhensibles comme s'ils avaient une discussion secrète. Draco n'aimait pas faire ce genre de choses. Il ne parlait pas beaucoup à son cousin, il s'exprimait par des gestes ou des phrases simples, conscient qu'il ne le comprenait qu'à peine et qu'il ne saurait pas lui répondre autrement qu'avec quelques syllabes répétées et des mouvements désordonnés.

Andromeda remit une couche propre à son petit-fils, lui embrassa le ventre et le rhabilla doucement.

Quelques minutes plus tard, Draco donna à manger à Edward pour la première fois, amusé de le voir se régaler de sa purée de légumes et ouvrir grand la bouche pour avoir droit à une autre cuillerée. Lorsqu'il commença à geindre en détournant le visage, Andromeda lui conseilla d'arrêter et tendit de quoi boire à son petit-fils, qui agita le petit biberon, le tapa contre la petite table de sa chaise haute alors que ses cheveux prenaient une étrange couleur saumon.

« Il ne sait pas encore boire tout seul mais il aime bien essayer. » Commenta Andromeda alors que Draco observait son cousin téter le biberon sans réel succès. Il tendit la main pour soulever le biberon d'un doigt, permettant à l'eau d'atteindre la tétine, et Edward but goulûment avec les yeux écarquillés et verts. La combinaison de couleur de ses cheveux et de ses pupilles était affreuse.

Lorsque son cousin fut couché pour une sieste, Andromeda proposa à Draco de rester pour déjeuner, et ils se mirent à table pour discuter, parlant principalement de sa Septième Année. Il restait évasif, laissant son état d'esprit de côté pour se concentrer sur la teneur de ses cours, jusqu'à ce qu'une question le prenne au dépourvu.

« Pour quel genre d'emploi aurais-tu besoin d'autant de matières aux ASPICs ? »

« Et bien ... » Hésita Draco, qui s'était jusque-là concentré sur un but à la fois. D'abord finir Poudlard, et ensuite trouver du travail ou des études supérieures. « Je ne sais pas encore ce que j'aimerais ou pourrais faire, mais je me dis que ça me laisse des portes ouvertes. » Expliqua-t-il.

« Hmm... » Émit pensivement sa tante. « C'est vrai que ce que tu as choisi te laisse beaucoup de choix de carrières. Tu pourrais tout autant devenir Médicomage que Briseur de Sorts, voire même Auror. »

Draco eut un rire amer en se disant que personne n'aurait envie d'être soigné par lui, qu'on ne voudrait jamais de lui pour attraper des mages noirs, et qu'on ne le solliciterait jamais comme Briseur de Sorts, mais il ne le dit pas à voix haute. Ils restèrent silencieux un moment, savourant leur repas sans parler, jusqu'à ce que la porte d'entrée s'ouvre et que Potter entre dans la cuisine. Il resta un instant interdit sous l'encadrement de la porte, les yeux fixés sur Draco qui tenait sa fourchette juste devant sa bouche.

Potter avait les trais tirés et ses lunettes n'étaient plus suffisantes pour cacher ses cernes. Il portait son uniforme d'Auror, le col ouvert malgré le froid de Novembre qui régnait dehors, et ses cheveux étaient étrangement repoussés en arrière, découvrant sa cicatrice, comme s'il avait passés de nombreuses fois ses mains dedans.

« Heu... Bonjour. » Dit-il lentement. « Est-ce qu'il dort encore ? » Demanda-t-il ensuite sans leur laisser le temps de répondre à son salut.

« Oui, mais tu peux monter le voir, si tu veux. » Sourit Andromeda. Potter hocha la tête et disparut aussitôt dans le couloir. Ils l'entendirent monter les escaliers, et le soupir de sa tante ne passa pas inaperçu aux oreilles de Draco.

« Je vais y aller. » Décida-t-il, reposant sa fourchette. Il s'était senti à l'aise jusqu'ici, mais la présence de Potter lui avait rappelé qu'il avait beau être dans sa famille, il n'était pas exactement à sa place.

« Non, reste, Draco. » Demanda sa tante d'une voix ferme. « Harry le voit presque tous les jours, tu peux bien passer un samedi avec lui une fois de temps en temps. » Sourit-elle.

Il y répondit un peu difficilement, tentant d'ignorer à quel point il aimerait pouvoir faire comme Potter et passer du temps avec Edward dès qu'il en avait envie.

Potter mit une heure à redescendre, tenant un Edward somnolant contre lui. Ses yeux vairons, l'un bleu et l'autre vert, passèrent au gris lorsqu'il vit Draco et il remua faiblement un bras dans sa direction.

« Tu veux voir Draco, mon cœur ? » Traduisit Andromeda, assise à côté de lui sur le canapé du salon. Edward prononça quelques syllabes incohérentes, une main agrippée à la robe d'Auror de Potter. Ce dernier resta planté au milieu de la pièce, l'air hésitant, avant de marcher vers Draco et de lui tendre son cousin.

Edward tendit les bras vers lui et Draco le prit contre lui, une affection et une émotion familière s'emparant de lui alors que le petit garçon posait la tête sur sa clavicule. Il embrassa ses cheveux bruns, et lorsqu'il releva la tête, Potter était parti.

L'obscurité dans son dortoir était totale et la respiration de Blaise était profonde et égale de l'autre côté de la pièce. Draco n'arrivait pas à dormir et avait cessé de croire qu'il y arriverait avant que le soleil ne se lève. Il resta étendu sur le côté dans son lit, les yeux ouverts, une main sous l'oreiller et l'autre sur le matelas, à essayer de trouver ce qui pouvait bien l'angoisser au point qu'il soit incapable de fermer l'œil.

Son examen théorique de Sortilèges s'était bien passé, il avait relu ses notes après l'épreuve pour en être certain, ses devoirs étaient faits, relus et dans son sac de cours, et il avait étudié à l'avance la potion qu'il allait devoir effectuer le lendemain. Il se dit qu'il avait peut-être raté le bon moment pour s'endormir, vu l'heure à laquelle il s'était couché. Il lui était déjà arrivé de devoir attendre deux heures avant de pouvoir s'endormir, juste parce qu'il n'avait pas écouté son corps et avait ignoré ses propres bâillements au profit des parchemins qu'il devait remplir.

Il imagina son bureau, tentant de se souvenir de ce qu'il avait pu laisser dessus qui titille ainsi son inconscient. Il trouva alors la raison de son agitation. Il n'avait pas répondu à la lettre de sa mère.

Draco lui écrivait habituellement une fois toutes les unes à deux semaines, mais il avait laissé cette dernière réponse en suspens, se laissant le temps de ravaler sa colère pour ne pas lui avouer à quel point il se fichait de l'état de son père. Mais il avait fait ce qu'il faisait toujours lorsque quelque chose le touchait. Il le cachait au fond de son esprit, tellement loin qu'il l'oubliait, tellement loin que son inconscient pouvait en faire ce qu'il voulait et finissait par lui envoyer des signaux de détresse qu'il ne savait pas interpréter.

Voilà qui expliquait l'angoisse supplémentaire qui lui avait tordu le ventre toute la semaine. Son père faisait des siennes, reprenant ses anciens discours, oubliant à quel point il était passé près de finir sa vie à Azkaban. Sans son opportuniste revirement de dernière minute, peut-être même aurait-il subit le baiser d'un Détraqueur. Sa mère arrivait à le contenir, mais avait vivement exprimé son inquiétude auprès de Draco, chose qu'elle ne faisait auparavant jamais. Avant la guerre, elle avait toujours été d'humeur égale. Certes fermée et dédaigneuse en public, elle était calme et impassible en privé, ne laissant jamais rien l'atteindre. Et puis Voldemort était revenu.

Il ne savait pas quoi lui dire, sinon la supplier de ne pas laisser son père gâcher ce qu'il essayait de faire : Retrouver un peu de dignité, terminer sa scolarité sans vague, de façon exemplaire, pour qu'on ne puisse pas lui reprocher un quelconque manque d'intelligence en plus de son comportement pendant la guerre. Il trouvait que ce n'était pas demander grand-chose que de souhaiter que son père se tienne à carreaux, qu'il lui laisse une chance d'enfin faire ses preuves sans tout détruire par ses opinions, sa voix trop forte et ses ambitions.

Le sommeil le trouva alors qu'il tentait de formuler une réponse à la lettre.

Le mois de Novembre s'écoula, morne, humide et froid, et Draco n'attendait que le prochain week-end de sortie à Pré-au-lard pour respirer. Blaise et son habilité à faire oublier aux gens qu'il avait été du mauvais côté de la guerre l'irritait, mais il ne pouvait rien faire d'autre que serrer les dents lorsqu'il le voyait faire rire des Serdaigles ou hurler des choses obscènes pendant les matchs de Quidditch. Gryffondor écrasa Poufsouffle et des rumeurs coururent sur le fait qu'une équipe professionnelle avait contacté Weasley pour un poste à la fin de ses études.

Draco se dirigeait vers la bibliothèque lorsqu'il entendit la voix forte de cette dernière argumenter contre celle, plus mesurée, de Granger. Il ralentit le pas malgré lui, tendant l'oreille, et s'arrêta avant une intersection en entendant le prénom de Potter être prononcé.

« Je pense juste que Harry veut qu'on le laisse tranquille, il a besoin de temps. » Dit doucement Granger.

« C'est facile à dire quand on est la seule personne à qui il parle ! » Railla Weasley.

« Ginny ... » Souffla Granger. « Écoute, je ne dis pas ça méchamment, mais je pense que tu le harcèles. Laisse-le venir vers toi - »

« Je le harcèle ?! » S'offusqua Weasley. « Je lui envoie des lettres, Hermione, ce n'est pas comme si j'allais frapper à sa porte tous les jours ! »

« Ça va lui passer ! Après tout ce qu'il a vécu, tu pourrais comprendre qu'il ait besoin de - »

« Il ne parle à personne, même pas à Ron, son entraînement chez les Aurors est un désastre, il s'enferme et ne voit jamais qui que ce soit, et je ne devrais pas m'inquiéter plus que ça ? »

« Ce n'est pas ce que je dis Ginny ! » La voix de Granger commençait à trahir sa frustration. « Je te demande juste de comprendre sa situation. Il se sent mal et ce ne sont pas tes trois lettres par jour qui l'aident ! »

« Je ne lui envoie pas trois lettres par jour ! » Se défendit Weasley, l'air outrée.

« Tu sais bien ce que je veux dire. Il préfère régler ses problèmes tout seul, et plus on le dérange, plus il se renferme. Il a toujours été comme ça, et je n'arrive pas à croire que tu ne le comprennes pas ! »

« Qu'est-ce que ça veut dire, ça ? » Demanda dangereusement Weasley.

« Que ça explique pourquoi vous n'êtes plus ensemble. » Répondit vertement Granger, semblant finalement lâcher ce qu'elle avait sur le cœur. Quelque chose claqua, et à l'exclamation surprise de Granger, Draco grimaça en comprenant que Weasley venait de la gifler. « Si tu le connaissais vraiment, tu ne réagirais pas comme ça ! » Poursuivit la meilleure amie de Potter.

En entendant des pas se rapprocher, Draco se terra dans un renfoncement, à moitié caché derrière une statue.

« Je suis sérieuse Ginny, fiche-lui la paix, tu ne fais qu'aggraver les choses ! » Continua Granger.

Weasley passa devant Draco d'une démarche furieuse, les poings serrés le long de son corps et le visage rouge de colère. Dans le couloir suivant, Granger soupira assez fort pour qu'il l'entende, puis s'éloigna dans l'autre direction.

Le matin du dernier week-end de Novembre, un large hibou déposa une note à côté de l'assiette de Draco au petit déjeuner. Il ouvrit rapidement le parchemin plié en quatre, puis leva les yeux vers la table de Gryffondor, fronçant les sourcils dans la direction de Granger qui hocha doucement la tête dans sa direction. Potter voulait le voir avant qu'il n'apparaisse chez Andromeda, sur la route de Pré-au-lard. Et il avait besoin que sa meilleure amie fasse passer le message ?

Draco plongea le morceau de parchemin dans sa poche et termina son jus de fruit avant de se lever. Il quitta la Grande Salle sans saluer les Serpentards qui mangeaient habituellement autour de lui, et retourna à son dortoir pour avancer dans ses devoirs. S'il voulait passer un maximum de temps avec Edward, il allait devoir finir sa dissertation sur les enchantements de protection et au moins commencer celle sur les potions de régénération sanguine.

Blaise le trouva à son bureau dans leur chambre presque une heure plus tard, et regarda par-dessus son épaule avec curiosité.

« Où est-ce que tu passes tes samedis ? » Demanda-t-il pour la centième fois depuis le début de l'année.

« Ça ne te regarde pas. » Répondait invariablement Draco, s'acharnant à décrire les processus d'accélération de la régénération du sang en fonction du groupe sanguin du patient.

« Hmm ... » Émit pensivement Blaise, marchant derrière lui pour s'arrêter de l'autre côté de sa chaise. « Petite amie secrète ? »

« Blaise, je suis en train de travailler, fiche-moi la paix. »

Son ami abandonna, soufflant un soupir agacé, et alla s'étaler sur son lit avec un grognement. Il ne se releva que lorsqu'il fut l'heure pour eux de quitter les donjons et de sortir du château pour rejoindre Pré-au-lard. Il ne pleuvait pas mais l'air était humide et glacial, frigorifiant Draco jusqu'aux os. Il cacha son menton dans son écharpe, plongea les mains dans les poches de son manteau et il se déconnecta rapidement des bavardages des autres Serpentards qui marchaient derrière lui.

Lorsqu'il reconnut Potter derrière les hautes grilles qui séparaient Poudlard du reste du monde, Draco souhaita soudainement être le seul à le voir pour que personne ne se pose de questions. Ce fut peine perdue. Blaise le salua d'un geste de la main comme s'ils étaient de vieilles connaissances.

« Salut Potter ! »

« Zabini. »

L'apprenti Auror ne portait pas son uniforme. Il était emmitouflé dans un épais manteau noir qui s'arrêtait juste au niveau du haut de son jean trop large et en mauvais état. Il portait son écharpe Gryffondor comme s'il était toujours élève à Poudlard, et avait les mains dans les poches de son blouson. Draco ne doutait pas qu'il soit en train de fermement tenir sa baguette.

« On attend sa copine ? » Tenta Blaise, et Draco résista à l'envie de cacher son visage plus profondément dans son écharpe. Potter haussa un sourcil dubitatif, le visage fermé, puis tourna les yeux vers Draco qui soupira.

« Oh... » Souffla doucement Blaise. « Quoi ?! » S'exclama-t-il ensuite. Les autres Serpentards étaient déjà loin et ils n'étaient plus que trois devant les grilles, ce qui était un soulagement.

« Quoi ? » Répéta Potter d'une voix rauque.

« Blaise, vas-y. » Demanda Draco. « Potter, tu voulais me parler ? »

« Vous sortez ensemble ? » Interrogea Blaise d'une voix légèrement aiguë.

« Quoi ?! N'importe quoi ! » S'exclama Potter avec une expression ahurie, qui étrangement, donna à Draco envie de rire. Il l'aurait fait si Blaise ne venait pas de dire la plus grosse stupidité du siècle. Son ami lui envoya un regard interrogateur et légèrement paniqué, et Draco secoua la tête avec consternation dans sa direction.

« Hm … Je vous laisse alors ... » Dit-il d'une voix suspicieuse, son regard passant de Potter à Draco avec les sourcils froncés avant de s'éloigner. Draco le vit tourner la tête plusieurs fois dans leur direction, mais l'ignora.

« Qu'est-ce qu'il y a ? » Demanda-t-il plutôt à Potter.

« Andromeda est malade. » Dit-il de but en blanc avec une expression constipée.

« Oh … C'est grave ? »

« Pas que je sache. » Répondit Potter en haussant une épaule, détournant le regard.

« Et comment va Edward ? » Interrogea Draco avec inquiétude.

« Qui ça ? » Souffla Potter, un sourcil à nouveau haussé, relevant les yeux vers lui.

« Heu … Ton filleul ? » Répondit lentement Draco avec surprise.

« Teddy ? » S'étonna Potter en écarquillant légèrement les yeux derrière ses lunettes.

« C'est comme ça que tu l'appelles ? »

« Pourquoi tu l'appelles Edward ? » Contra Potter, ignorant sa question dont la réponse était de toute façon évidente.

« Parce que c'est son prénom ... » Proposa Draco, contenant un soupir. « Comment va Teddy ? » Répéta-t-il alors avec un surnom adapté à la compréhension de Potter.

« Bien, mais je vais avoir besoin d'aide pour le surveiller cet après-midi, et comme tu venais de toute façon... »

« Pas de problème. » Réagit aussitôt Draco, refusant que quelqu'un d'autre s'en charge au risque de ne pas pouvoir voir son cousin.

« Je voulais juste te prévenir. »

« D'accord. » Acquiesça Draco, hochant brièvement la tête.

« D'accord. » Répéta Potter, baissant les yeux avec un froncement de sourcils, remuant un pied. Il était clairement mal à l'aise.

« On se retrouve là-bas ? » Essaya Draco pour débloquer la situation, puisque leur conversation était clairement tombée dans une impasse.

Potter releva les yeux vers lui, hocha la tête et disparut. Lorsque Draco transplana devant l'entrée du jardin de sa tante, il était déjà en train de longer le chemin de gravier vers la maison, et il lui emboîta le pas. Potter lui tint la porte sans le regarder, et Draco le remercia d'une voix étouffée par son écharpe.

Teddy, puisqu'apparemment tout le monde l'appelait ainsi sauf Draco, s'endormit contre lui après plusieurs minutes d'un comportement irrité qui l'avait poussé à refuser tous ses jouets et à s'accrocher à lui avec des plaintes fatiguées.

Draco le laissa baver sur son torse, secrètement ravi que son cousin l'apprécie comme oreiller, et il l'ajusta pour qu'il soit plus à l'aise, mettant son dos en appui contre son bras et ses petites jambes étendues en travers d'une de ses cuisses, contre sa hanche. Draco perdait ainsi l'usage de son bras droit, mais il put utiliser le gauche pour toucher ses cheveux bleutés et passer la main sur son avant-bras. Le corps d'Edward était chaud et détendu contre lui, la main lâchement serrée dans son pull.

Potter était à l'étage avec Andromeda, qui était forcée de rester allongée à cause de douloureuses courbatures. Draco ne les avait pas sus assez proches pour que l'apprenti Auror s'occupe d'elle lorsqu'elle était malade, mais en y réfléchissant, cela avait du sens. Sa tante n'avait plus personne d'autre que son petit-fils, une sœur avec laquelle elle ne s'entendait pas, et un neveu qu'elle connaissait à peine. Potter était sans doute la seule personne à pouvoir remplir facilement cette mission.

Il l'entendit descendre les escaliers et marcher le long du couloir jusqu'à atteindre la porte du salon, et Draco tourna les yeux vers lui. Potter s'était encore développé, prenant en muscles et en épaules, mais n'avait pas perdu son air vaguement malade et ses cernes. Il avait les traits tirés et ses mains étaient légèrement tremblantes le long de ses cuisses. Draco connaissait ces symptômes. Il avait les mêmes.

« Je dois sortir une minute. » Dit-il doucement, réussissant à avoir l'air fermé et dur tout en essayant de ne pas réveiller Teddy.

« D'accord. » Répondit Draco.

Potter sembla s'apprêter à se tourner pour poursuivre sa route dans le couloir, mais il lança un regard à Draco, les sourcils légèrement froncés et les poings serrés.

« Potter, je ne vais pas lui faire de mal. » Souffla Draco, son cœur se serrant une nouvelle fois à l'idée qu'on puisse l'en croire capable.

Potter continua de l'observer, puis hocha plusieurs fois la tête, les lèvres pincées, avant de sortir de la maison sans un mot.

Draco s'endormit assis dans le canapé en songeant que Potter était devenu tout aussi loquasse que lui-même.

Lorsqu'il se réveilla, Potter était déjà revenu. Draco pouvait l'entendre s'affairer dans la cuisine. Il ouvrit doucement les yeux en remettant sa tête droite, et retroussa le nez en sentant l'odeur qui se dégageait de son cousin.

« Salazar... » S'étrangla-t-il, avant de souffler par la bouche, battant des paupières. Il pouvait presque sentir ses yeux piquer. Son cousin n'avait pas bougé, il avait juste glissé son pouce dans sa bouche et dormait avec les sourcils légèrement haussés, le front posé sur les côtes de Draco. Il le fit basculer jusqu'à ce qu'à pouvoir le tenir plus fermement contre son torse et se leva doucement. Ses jambes endormies vacillèrent un peu, mais il retrouva rapidement son équilibre et sortit du salon.

Il se demanda un instant s'il devait prévenir Potter qu'il allait à l'étage, mais la réponse lui parut immédiatement évidente. S'il retournait dans le salon pour voir que son filleul n'y était plus, il allait sans aucun doute paniquer. Draco passa donc à côté de la cuisine pour voir Potter de dos, la tête penchée au-dessus du plan de travail, faisant Merlin sait quoi.

« Potter ? » Appela-t-il doucement. La tête de Teddy glissa un peu sur le côté, et il l'arrêta de la main qui ne le soutenait pas, la coinçant contre son menton.

L'apprenti Auror se retourna un peu brutalement, le corps tendu de surprise comme une licorne prise dans le faisceau lumineux d'une baguette, et il lui fallut une bonne seconde pour détendre ses épaules et se tourner complètement vers lui.

« Je vais juste le changer, je reviens. » Prévint-il.

« Oh, d'accord. » Répondit Potter, comme s'il s'était attendu à autre chose. Draco étrécit un peu les yeux, puis se détourna de lui pour atteindre les escaliers.

Edward se réveilla doucement pendant qu'il le changeait avec des gestes lents et mal assurés. L'exercice était à la fois horrible et agréable. Il trouvait très émouvant d'être l'une des personnes qui pouvaient prendre ainsi soin de Teddy, qu'on lui fasse assez confiance pour le laisser effectuer une tâche aussi intime et indispensable. C'était dans ce genre d'instants qu'il se rendait compte à quel point son cousin était vulnérable et dépendant des adultes qui l'entouraient, et il était incroyablement fier d'en faire partie.

Suçant toujours son pouce, Edward attrapa un pied de son autre main et observa son cousin s'occuper de lui avec des yeux verts voilés par la fatigue. Draco lui sourit doucement, oubliant Poudlard, oubliant son père, oubliant la guerre. Il était juste celui qui prenait soin d'Edward à ce moment-là, l'une des personnes les plus importantes de son petit monde, et s'il pouvait être juste cela pour le reste de sa vie, il en serait parfaitement heureux.

Il s'y prit à deux fois pour lui faire enfiler un linge propre dans le bon sens, hésitant sur la façon de faire des nœuds qui ne gênent pas Teddy. Il se mordit la lèvre inférieure en tirant un peu sur la couche au niveau de la taille pour voir si elle était bien attachée. Le regard de son cousin était posé quelque part derrière lui, et il tourna la tête pour voir Potter dans l'encadrement de la porte ouverte.

Son sang ne fit qu'un tour et il sentit ses yeux s'écarquiller de surprise. Il ne l'avait pas entendu arriver, sans doute trop concentré, et il ne s'attendait pas à voir quelqu'un aussi près derrière lui.

« Je voulais juste voir si tu avais besoin d'aide. » Se justifia Potter en détournant le regard.

« Ça va, merci. » Répondit Draco en retournant son attention vers Edward pour passer ses jambes potelées dans le bas de son pyjama.

« Je redescends, alors. » Entendit-il derrière lui, et les pas de Potter s'éloignèrent.

Draco échangea un sourire avec Teddy qui avait retiré son pouce de sa bouche, et il lui embrassa le ventre comme Andromeda l'avait fait lorsqu'il l'avait vue le changer. Son cousin émit un petit son ravi, et il le prit contre lui pour le ramener au rez-de-chaussée.

Il s'avéra que Potter s'était occupé de faire à manger pour son filleul, et Draco le regarda le nourrir dans la cuisine, sans savoir quoi faire de lui-même. Il aurait voulu être celui qui tendait la cuillère à Edward, sachant qu'il ne le voyait que quelques heures par mois, mais Potter était déjà prêt quand il était descendu et il n'avait pas osé argumenter.

Il avait l'air d'avoir l'habitude de faire manger Teddy. Lui et son filleul semblaient coordonnés, même si l'attention du petit garçon déviait parfois, quittant Potter du regard pour lever les yeux vers Draco. Il ouvrait tout de même la bouche lorsque la cuillère approchait. Ses cheveux prenaient un ton châtain clair, et lorsque Draco vit son cousin observer pensivement la table de la cuisine, il comprit qu'il s'inspirait de la couleur du bois. Il se demanda s'il était conscient de ce qu'il faisait, s'il essayait de se fondre dans son environnement, ou si sa magie reflétait juste son intérêt passager pour quelque chose.

« Tu es bien calme, Teddy ... » Dit doucement Potter avec un sourire aux lèvres, attirant l'attention de son filleul qui battit lentement des paupières avec la cuillère dans la bouche, ses yeux reprenant le même vert que les siens. « Je n'ai pas encore de purée dans les cheveux, c'est un peu inquiétant. » Ajouta-t-il, amusé, et Draco se demanda si Potter n'avait pas oublié qu'il était dans la même pièce.

Il le vit tendre sa main libre pour poser le dos de ses doigts sur le front d'Edward, qui ouvrit la bouche en attendant la suite de son repas.

« Il a de la fièvre ? » Demanda Draco, un éclair d'inquiétude pinçant son cœur.

« Non. » Répondit Potter en retirant sa main, n'ayant même pas l'air surpris d'entendre sa voix. « Peut-être qu'il se rend juste compte que quelque chose n'est pas comme d'habitude. »

« Ça ne serait pas plutôt une raison pour lui d'être plus agité ? Anxieux ? » Proposa Draco en regardant Potter racler la fin du bol qu'il avait préparé pour donner une dernière bouchée à Teddy.

« Peut-être … Mais on ne réagit pas tous de la même façon. » Dit-il gravement, utilisant la cuillère autour des lèvres de son filleul pour récupérer la purée qui s'y était déposée. Edward rouvrit grand la bouche. « Tu peux me donner ce plat ? » Demanda ensuite Potter, tournant les yeux vers le plan de travail.

Draco suivit son regard et décroisa les bras, marchant vers le récipient de verre dans lequel se trouvait le reste de ce que Potter avait préparé, puis le lui tendit.

« Merci. »

« Il a plus faim que d'habitude ? » Demanda Draco en tirant une chaise, s'installant à table pour voir Potter et Teddy de profil. Il remarqua alors que l'apprenti Auror avait une coupure en train de cicatriser sous sa mâchoire.

« C'est assez variable... »

Draco se tut, songeant à la discussion qu'il avait entendue entre Granger et Weasley. L'entraînement de Potter était selon elles un désastre, et il se demanda si les deux blessures qu'il avait pu voir depuis le mois d'août n'étaient que la partie visible de l'iceberg. La gazette avait fait état d'une blessure au bras, mais Draco avait vu Potter peu après la parution de l'article, et il n'avait pas eu l'air gêné dans ses mouvements. Mais cela pouvait simplement signifier qu'il prenait des potions anti-douleurs.

« Qui va s'occuper de lui la semaine prochaine ? » Demanda-t-il finalement. Si Andromeda était toujours souffrante, lui ne pourrait pas quitter Poudlard pour l'aider, et Potter devait sans doute retourner à l'académie des Aurors. Il l'avait d'ailleurs déjà vu en uniforme un samedi, ce qui signifiait que son entraînement ne s'arrêtait pas vraiment le week-end.

« Moi. » Répondit Potter en tendant une autre cuillère à Teddy.

« Comment ? »

« J'ai demandé un congé. » Expliqua-t-il.

« Tu peux faire ça ? » S'étonna Draco.

« Je leur ai dit que Teddy était malade. » Le petit garçon tendit la main pour attraper la cuillère et Potter le laissa la prendre. Il la tapa sur la planche qui lui servait de table puis tenta de l'approcher de sa bouche grande ouverte, sans réel succès.

Draco vit Potter sourire discrètement, tendant à nouveau la main pour caresser une joue miraculeusement propre de Teddy. S'il était un de ses gardiens légaux, il était logique qu'on le laisse prendre quelques jours pour s'occuper de lui malgré ses études. Et puis, il était Harry Potter. Le Ministère devait avoir du mal à lui refuser quoi que ce soit.

« Est-ce qu'il y a quelque chose à apporter à Andromeda pour déjeuner ? » Demanda ensuite Draco. Potter remonta ses lunettes et tourna la tête dans sa direction, mais regarda derrière lui vers le plan de travail.

« Heu, je n'ai pas terminé de préparer son repas. » Dit-il avant de se réintéresser à Edward, qui prononça quelques syllabes en tapant à nouveau sa tablette avec la cuillère. Potter la lui reprit doucement pour continuer de le nourrir.

« Je peux le faire. » Proposa Draco.

Potter lui envoya un regard dubitatif pendant que Teddy fermait sa bouche autour de la cuillère.

« Parce que tu sais cuisiner ? » Demanda-t-il, clairement certain de la réponse qu'il allait obtenir.

« Non... » Admit Draco avec un soupir résigné.

Potter tourna la tête vers Edward avec un sourire tordu. Son filleul refusa la bouchée suivante, regardant sur le côté avec la bouche fermée, et le plat de verre fut posé sur la table, échangé contre le biberon d'eau dans la main de Potter, qui le tendit à Teddy.

Draco vit avec satisfaction que le petit garçon levait le récipient à deux-mains, même si ce n'était pas encore assez haut pour qu'il puisse boire.

« Plus haut, Teddy. » Tenta Potter, mais son filleul ne sembla pas comprendre voire entendre. Il lui inclina alors le biberon, le maintenant en position pour qu'il avale de l'eau et non de l'air. « Tu pourras lui apporter son déjeuner, si tu veux. » Fit-il en reprenant leur discussion sur Andromeda.

« Je veux bien, merci. » Répondit Draco. Il n'avait pas encore vu sa tante de la journée, n'osant pas la déranger tant qu'elle se reposait, et il voulait profiter du déjeuner pour voir comment elle se sentait. « Est-ce qu'elle a vu un Médicomage? »

« Elle était elle-même Médicomage. » Nota Potter sans quitter Teddy des yeux.

« Je sais. » Souffla Draco. « Mais tu connais l'expression … Les Fabricants de baguettes travaillent avec leurs mains. »

Potter ne répondit pas, mais il le vit lentement froncer les sourcils en réfléchissant, puis tourner la tête vers lui.

« Les cordonniers sont les plus mal chaussés ? » Demanda-t-il étrangement. Draco le fixa en essayant de comprendre ce qu'il voulait dire, puis se frotta le menton.

« Heu … Je suppose que cette expression fonctionne aussi. C'est la version Moldue ? » Supposa-t-il.

« Oui. » Dit simplement Potter en récupérant le biberon pour le poser sur la table, Teddy n'en voulant plus. « Tu peux t'occuper de lui ? Je vais finir de cuisiner. »

« D'accord. » Répondit Draco en se levant. Ils se croisèrent alors que chacun rejoignait l'autre côté de la cuisine, et Draco utilisa une serviette en tissu pour essuyer la bouche de son cousin, qui lui sourit en levant légèrement les bras.

« Da. » Lui dit-il, clignant de ses yeux verts, ses cheveux virant au blanc dans une exagération de la couleur de ceux de Draco qui rit un peu.

« Tu es un peu jeune pour avoir les cheveux blancs... » L'informa-t-il en l'attrapant sous les aisselles pour le sortir de sa chaise. Teddy souffla par la bouche, ses lèvres s'agitant dans un drôle de bruit presque moqueur, comme le renâclement d'un cheval. Ses mains s'accrochèrent à son pull et il mit son nez dans son cou. Draco le serra contre lui, posant sa joue sur ses cheveux, les bruits de la cuisine se faisant distants à ses oreilles.

« Il te fait beaucoup de câlins. » Entendit-il Potter dire, et il rouvrit les yeux qu'il ne se souvenait pas avoir fermés pour regarder dans sa direction, mais il lui tournait le dos.

Il ne répondit pas, mais au fond de lui, il se dit qu'Edward ressentait peut-être à quel point il en avait besoin.

Draco réussit à monter les escaliers sans trop faire trembler le plateau qu'il portait, mais dut le poser sur un meuble pour frapper à la porte de la chambre de sa tante. Il l'entendit lui répondre sans néanmoins comprendre ses quelques mots, et il ouvrit la porte pour regarder à l'intérieur. Andromeda était à moitié assise dans son lit, un livre entre les mains. Les rideaux étaient tirés mais quelques bougies illuminaient suffisamment la pièce pour qu'elle puisse lire confortablement.

« Je vous apporte à manger. » L'informa-t-il avec un peu d'embarras. Il ne s'était jamais occupé d'une personne malade et il se sentait bien loin d'être dans son élément.

« Oh, c'est gentil, mais j'aurais pu descendre ... » Réagit sa tante, fermant son livre sur ses cuisses. Il lui sourit puis ouvrit plus grand la porte afin d'avoir la place de passer avec le plateau. Il entra dans la pièce et elle prit sa baguette pour débarrasser sa table de chevet, un bougeoir et une pile de livres se déplaçant jusqu'à une commode.

Draco posa le plateau sur la petite table, grimaçant en voyant le verre d'eau vaciller.

« Autant vous éviter des déplacements inutiles si vous avez mal ... » Remarqua-t-il, restant debout à côté du lit sans vraiment savoir quoi faire de lui-même, une nouvelle fois.

« Merci Draco. »

« C'est Po- Harry qui a cuisiné. » Précisa-t-il, ne pensant pas vraiment mériter des remerciements. Andromeda sourit doucement. Elle avait l'air légèrement fatiguée, mais son teint ne semblait pas malade.

« Est-ce que tu peux ouvrir les rideaux ? » Demanda-t-elle.

« Bien sûr. » Il s'exécuta, faisant le tour du lit pour illuminer la pièce autant que possible. Les bougies s'éteignirent et il s'installa au bord du lit lorsque sa tante tapota les draps pour qu'il s'asseye.

« Comment vous vous sentez ? » Demanda-t-il en la regardant conjurer une petite table à partir d'une chaise, qu'elle fit léviter jusqu'à ce qu'elle se pose au-dessus de ses jambes. Il l'aida à y installer le plateau pour qu'elle puisse manger confortablement.

« Ce sont juste quelques courbatures, rien de grave. » Le rassura-t-elle. « Mais effectivement, tant que je peux éviter de bouger ... » Elle sourit sans terminer sa phrase. « Comment ça se passe ? »

« Hum, Edward est assez calme, ça se passe bien. » Répondit-il. « J'ai réussi à le changer tout seul. » Ajouta-t-il, se sentant immédiatement idiot d'avoir ressenti le besoin de se vanter d'une chose aussi simple.

Sa tante rit doucement en prenant ses couverts pour couper quelques longs haricots verts.

« C'est très bien, mais je parlais de la collaboration entre Harry et toi. » Précisa-t-elle.

« Oh, heu ... » Hésita-t-il. « Ça va. »

S'il y réfléchissait, c'était même un euphémisme, sachant que c'était la première fois qu'il avait une discussion avec Potter sans que l'un se sente obligé d'insulter ou d'agresser l'autre. Pour être tout à fait honnête, c'était la première fois qu'il arrivait à parler à Potter sans avoir envie de lui mettre son poing dans la figure. La fin de la guerre, et en particulier le fait qu'il le sauve des flammes, semblait l'avoir guéri de ce genre de pulsions.

« Tant mieux. » Sourit Andromeda, son expression laissant apparaître un certain soulagement. Quelque chose lui disait qu'elle s'inquiétait plus pour Potter que pour lui, si les quelques soupirs qu'il l'avait surprise en train de lâcher lorsque Potter débarquait et la dispute entre Granger et Weasley étaient des indices.

Quelque chose ne tournait pas rond chez Potter non plus. Mais quand est-ce que quelque chose avait déjà tourné rond chez Potter ?

« Et Poudlard ? » Demanda Andromeda après une seconde bouchée.

Draco se laissa alors entraîner dans ses familiers mensonges, lui assurant que tout allait bien, qu'il était content de ses études et que la charge de travail n'était pas aussi importante qu'il y paraissait. Si sa tante vit à travers son masque, elle ne dit rien. C'était une Black. Elle devait se souvenir à quel point les apparences étaient importantes.

Lorsque Draco redescendit avec le plateau, Potter était dans le salon avec Teddy. Il entra dans la cuisine pour déposer la vaisselle près de l'évier, remarquant au passage que la table était mise pour qu'ils puissent déjeuner à leur tour. Une étrange panique s'insinua en lui à l'idée de manger avec Potter. Il ne savait pas quoi lui dire, et un repas était bien souvent un moment où les gens se sentaient forcés de parler. C'était peut-être un peu trop leur demander que d'avoir plusieurs discussions civiles en une seule journée.

Il était d'ailleurs surpris que Potter n'ait pas mangé pendant qu'il était avec Andromeda. Ça aurait été le moment rêvé pour le faire, et ainsi l'éviter autant que possible.

Le jeune homme le coupa dans sa réflexion en entrant dans la pièce, remettant Edward dans sa chaise haute. Celui-ci fit la moue en serrant les doigts sur la tablette et Draco n'avait pas besoin d'être un habitué des bébés pour savoir qu'il n'allait pas accepter d'y rester bien longtemps.

Il observa Potter faire le tour de la cuisine pour récupérer ce qu'il avait préparé sur le plan de travail, et il dut se décaler pour ne pas le gêner dans ses mouvements, finissant par agripper le dossier d'une chaise sans savoir s'il devait ou pouvait l'aider. Potter lui tendit un saladier, et Draco le prit automatiquement. Il le garda un instant en main, observant les feuilles vertes de la salade qui brillaient légèrement à cause de l'assaisonnement avant de poser le plat à table. Dire qu'il était mal à l'aise aurait été un euphémisme.

Potter termina de tout installer à table, et s'assit à côté de Teddy qui émettait des petits sons plaintifs en le fixant, agitant un bras vers lui. Draco prit place en bout de table, le coin de celle-ci entre Potter et lui.

« Sers-toi. » Lui ordonna presque le Survivant, et son ton provoqua un haussement de sourcils chez Draco. « Teddy ... » Souffla-t-il plus doucement en direction de son filleul. « Calme-toi, ça ne durera pas longtemps. »

Visiblement, Edward s'en fichait, et émit une plainte plus aiguë pendant que Draco se servait en légumes. Le plat de viande était trop loin pour qu'il l'atteigne.

« Peut-être que tu devrais lui donner quelque chose pour jouer ? » Proposa-t-il à Potter, qui tourna les yeux vers lui en approchant le saladier de son assiette. Il sembla réfléchir un instant, puis prit la baguette qu'il avait posée sur la table et tourna à moitié le corps vers le salon.

« Accio Livre de l'Arbre. » Prononça-t-il, tendant la main qui ne tenait pas sa baguette pour réceptionner l'objet qui arriva à toute vitesse. Il le posa ouvert sur la tablette, et Edward s'intéressa immédiatement aux images mouvantes qui représentaient tous les animaux vivant autour et dans l'arbre.

Le silence s'installa entre eux, entrecoupé des babillements de Teddy qui essayait d'attraper les oiseaux qui s'envolaient sur les images et du bruit de leurs couverts. Draco n'était pas certain de savoir ce qu'il était en train de manger, mais c'était une viande en sauce dont le goût n'était pas désagréable. Il se demanda distraitement pourquoi Potter savait cuisiner, mais ce n'était pas le genre de questions qu'il était prêt à poser à voix haute.

« Pourquoi est-ce que tu avais besoin de moi, aujourd'hui ? » Demanda-t-il à la place. Potter semblait capable de se débrouiller seul avec Teddy, et apporter un plateau à Andromeda n'était pas d'une complexité insurmontable.

« Hm. » Commença Potter, qui semblait étonné par sa question. « Je ne pouvais pas laisser Teddy tout seul pendant que je faisais des courses. »

« Oh... Certes. » Admit Draco, qui avait oublié que Potter était sorti pendant sa sieste sur le canapé du salon. « Tu aurais pu l'emmener, remarque. »

« Pas chez les moldus. » Répondit Potter. « Même si je cache ses cheveux, je ne peux rien faire pour ses yeux. » Expliqua-t-il.

Draco grimaça légèrement en imaginant Teddy passer par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel devant des moldus horrifiés.

« Effectivement. » Raisonna-t-il. « Et … Pour les prochains jours ? Comment tu vas faire ? »

« J'ai prévu de quoi tenir un siège. » Répondit Potter, le coin de sa bouche se soulevant dans un minuscule sourire. Cela, autant que sa réponse, fit rire Draco qui pinça les lèvres pour ne pas lui laisser croire qu'il se fichait de lui.

« D'accord. » Dit-il simplement.

Ils continuèrent à manger en silence, Potter tournant parfois les pages du livre magique d'Edward pour l'empêcher de s'ennuyer. Draco pensa à l'étrangeté de la situation, au fait que deux gamins comme eux semblaient avoir le même besoin de s'occuper d'un bébé pour échapper quelques instants à leur vie. Parce qu'il le voyait bien, ce besoin qui tenaillait Potter, sa précipitation pour aller voir Teddy dès qu'il entrait dans la maison, le temps qu'il passait à simplement le regarder dormir. Il le voyait parce qu'il ressentait la même chose. Il connaissait cette sensation que tout pouvait s'effacer, tout pouvait s'effondrer autour de lui tant qu'il était avec son cousin, tant qu'il pouvait prendre soin de lui et s'assurer de son bien-être. Il centrait son propre univers en Teddy, et Potter avait fait exactement la même chose. Ça devait être d'autant plus important pour lui qui n'avait plus de famille de sang.

« Tu pourras me tenir au courant, pour Andromeda ? » Demanda-t-il avec hésitation, levant les yeux vers Potter qui lui envoya un regard interrogateur. « Si je lui demande, elle me dira qu'elle va bien même si c'est faux. » Expliqua-t-il. Il connaissait les sœurs Black. Il n'y avait qu'au bord du gouffre qu'elles se plaignaient de ce qui les touchaient réellement.

Sa réflexion le fit penser à sa mère et à ses lettres. Elle n'avait pas reparlé du comportement de son père, et Draco ne savait pas s'il devait en être soulagé ou s'en inquiéter.

« Ok. » Finit par répondre Potter. « Je te le ferai savoir par Hermione. Je n'ai qu'un seul hibou. »

« Pas de problème. » Dit Draco, comprenant finalement pourquoi il était passé par elle pour le retrouver devant la grille de Poudlard. Il avait sans doute eu d'autres choses à dire à sa meilleure amie.

« Comment … Comment est-ce qu'elle s'en sort, à Poudlard ? » Demanda alors Potter, et Draco ne put contenir une moue sceptique. Il avait du mal à croire qu'il lui demande comment allait sa meilleure amie, avec laquelle il ne s'entendait clairement pas.

« Heu, aucune idée, désolé ... » S'excusa-t-il. A part sa dispute avec Weasley, il ne savait rien de ce qui pouvait se passer dans sa vie. Il ne s'intéressait ni à elle ni à personne d'autre. Il pouvait à peine dire comment Blaise se sentait.

Potter haussa les épaules.

« Est-ce que ta mère et Andromeda se reparlent ? » Demanda-t-il ensuite, et Draco se demanda si la réponse l'intéressait vraiment, ou s'il essayait de faire, étrangement, la conversation.

« Pas que je sache. Mais j'en doute. » Répondit-il.

« Ah … Et ta mère ne dit rien, du fait que tu viennes ici ? » Interrogea Potter, la mine légèrement étonnée.

« Elle ne le sait pas. » Avoua Draco en baissant les yeux sur son assiette, pliant une feuille de salade en piquant plusieurs fois dedans de sa fourchette avant de l'amener à sa bouche. Potter resta silencieux, et Draco le regarda à nouveau pour voir qu'il avait froncé les sourcils, cherchant visiblement à lire quelque chose dans son expression.

« Pourquoi pas ? »

Draco mâcha sa salade en essayant de trouver une réponse. Il n'y avait jamais réellement réfléchi. Il n'avait simplement pas eu envie de le lui dire.

« Je ne sais pas vraiment. » Avoua-t-il finalement. Peut-être avait-il eu envie d'avoir quelque chose pour lui, juste pour lui, quelque chose qui ne soit pas poussé, autorisé par ses parents. Il ne voulait plus que sa vie dépende de la leur.

Potter n'insista pas, et ils terminèrent leur déjeuner en silence.

A suivre : Draco passe des vacances de Noël extrêmement mitigées et apprend enfin à se rebeller.

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